La jurisprudence peine encore à trouver un équilibre satisfaisant entre les devoirs respectifs de l’arbitre et des parties s’agissant de la mise en lumière des circonstances susceptibles d’affecter l’indépendance et l’impartialité de ce dernier. Statuant sur le devoir de révélation qui incombe à l’arbitre et l’ « obligation de curiosité » (E. Loquin, obs. sous Civ. 1re, 15 juin 2017, RTD com. 2017. 842 image) qui est celle des parties, l’arrêt rendu le 3 octobre 2019 par la Cour de cassation illustre à nouveau certaines des difficultés qui se présentent en la matière.

Dans cette affaire, une procédure d’arbitrage a été introduite en février 2013 par la société de droit qatari Saad Buzwair Automotive Co (SBA) contre la société de droit émirati Audi Volkswagen Middle East Fze (AVME) au sujet d’accords de distribution. La sentence arbitrale, rendue le 16 mars 2016, a donné raison à AVME.

C’est cette sentence, rendue à Paris, qui a fait l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 1520-2°, du code de procédure civile. SBA a fait valoir que le tribunal aurait été irrégulièrement composé, l’un des arbitres ayant omis de révéler certains liens existant entre son cabinet d’avocats et des sociétés appartenant au groupe du défendeur, faits qu’elle aurait découverts postérieurement à la reddition de la sentence.

Les circonstances invoquées étaient essentiellement de deux ordres. Tout d’abord, il apparaissait dans l’édition 2010/2011 de l’annulaire allemand des avocats que le cabinet de l’arbitre concerné avait représenté une banque du groupe Volkswagen, auquel appartenait le défendeur à l’arbitrage. Ensuite, l’édition 2015/2016 de cet annuaire mentionnait que le même cabinet avait représenté la société Porsche, elle aussi une entité du groupe Volkswagen, dans le cadre d’un litige en cours.

Pour faire droit à cette demande et annuler la sentence, la cour d’appel a opéré un tri parmi ces éléments (Paris, 27 mars 2018, n° 16/09386, Rev. arb. 2019. 522, note L.-C. Delanoy, 1re esp. ; D. 2018. 2448, obs. T. Clay image ; Gaz. Pal. 24 juill. 2018, p. 19, obs. D. Bensaude). D’un côté, elle a estimé que le requérant ne pouvait fonder sa demande d’annulation sur la circonstance de la représentation par le cabinet d’une entité du groupe Volkswagen ayant fait l’objet d’une « publication avant le début de l’arbitrage dans un annuaire professionnel connu de tous les cabinets d’avocats d’affaires allemands » (nous soulignons). C’est donc l’exception de notoriété qui lui a permis de considérer que cette circonstance ne pouvait fonder l’annulation de la sentence. En revanche, elle a estimé que la mission de représentation en cours d’arbitrage d’une société du groupe du défendeur par le cabinet de l’arbitre, circonstance non révélée par ce dernier, fondait quant à elle l’annulation. S’agissant de cette seconde circonstance, la publication de l’information dans une édition postérieure du même annuaire et donc son caractère potentiellement notoire n’ont été d’aucun secours, dès lors que, selon la cour d’appel, « il ne saurait être raisonnablement exigé, ni que les parties se livrent à un dépouillement systématique des sources susceptibles de mentionner le nom de l’arbitre et des personnes qui lui sont liées, ni qu’elles poursuivent leurs recherches après le début de l’instance arbitrale ». Cette information non révélée a été jugée de nature à susciter un doute raisonnable dans l’esprit des parties quant à l’indépendance et à l’impartialité de l’arbitre, justifiant l’annulation de la sentence.
La cour d’appel a donc posé une limite aux obligations d’investigation des parties, distinguant selon que l’information publique était accessible avant le début de l’arbitrage ou postérieurement à celui-ci.

Cette approche a été contestée par le pourvoi selon lequel l’obligation de révélation de l’arbitre ne concerne pas les faits notoires ou aisément accessibles « ni avant d’accepter sa mission, ni ensuite en cours d’arbitrage ». Par ailleurs, le demandeur au pourvoi a contesté la méthode en vertu de laquelle la cour d’appel avait estimé qu’il existait en l’espèce un doute raisonnable quant à l’impartialité de l’arbitre.

Sur ces deux points, la Cour de cassation a approuvé la solution retenue par la cour d’appel de Paris.

Quant à la question de l’appréciation de l’existence d’un doute raisonnable, la Cour de cassation estime que la cour d’appel a légalement justifié sa décision en évoquant l’importance, aux yeux du cabinet de l’arbitre, de l’affaire qui n’avait pas été révélée, importance dont l’appréciation relevait de son pouvoir souverain.

Quant au caractère notoire des informations qui n’avaient pas été révélées par l’arbitre, la Cour de cassation rejette également le pourvoi, estimant que « si l’existence d’un contrat exécuté en 2010 par le cabinet auquel appartient l’un des arbitres pour une société du groupe de l’une des parties doit être regardée comme notoire du fait de sa publication avant le début de l’arbitrage dans un annuaire professionnel connu de tous les cabinets d’avocats d’affaires allemands, en revanche, les parties ne sont pas tenues de poursuivre leurs recherches après le début des opérations d’arbitrage ; il incombe à l’arbitre d’informer les parties de toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité survenant après l’acceptation de sa mission ».

Cette affaire est ainsi l’occasion de revenir brièvement sur les contours du devoir de révélation de l’arbitre et, corrélativement, sur les devoirs qui incombent aux parties. Plus précisément, deux points retiennent l’attention, à savoir, d’une part, la nature des circonstances susceptibles de soulever un doute raisonnable quant à l’indépendance ou à l’impartialité de l’arbitre et, d’autre part, les limites de l’exception de notoriété.

Nature des circonstances susceptibles de soulever un doute raisonnable quant à l’indépendance ou à l’impartialité de l’arbitre. La question des liens que le cabinet auquel appartient l’arbitre entretient avec des entités du même groupe de l’une parties à l’arbitrage se pose fréquemment en pratique (v. not., dans d’autres circonstances, Civ. 1re, 27 janv. 2016, Fibre Excellence, n° 15-12.363, affaire dans laquelle l’un des arbitres était en pourparlers avec le cabinet qui conseillait l’une des parties à l’arbitrage en vue de son intégration au sein de ce dernier ; Paris, 10 mars 2011, Tecso c/ Neoelectra Group, n° 09/28537). Nombreux en effet sont les arbitres qui exercent de façon habituelle une activité de conseil au sein de cabinets d’avocats de taille relativement importante, augmentant le risque de conflits d’intérêts indirects. Une telle situation n’est pas toujours facile à appréhender du fait du nombre d’intermédiaires entre les parties à l’arbitrage et l’arbitre en cause. D’une part, le rapport d’affaire visé lie non pas l’arbitre directement, mais le cabinet au sein duquel celui-ci exerce son activité – à divers titres – et d’autre part, ce cabinet n’est pas directement lié à l’une des parties à l’arbitrage, mais à l’une des sociétés du groupe de l’une de ces parties. Il n’en reste pas moins que la situation est susceptible d’attirer légitimement l’attention de l’autre partie. Si de tels liens ne sont pas nécessairement la source d’une réelle partialité ou d’un manque d’indépendance de la part de l’arbitre, ni même nécessairement susceptibles de faire naître un doute raisonnable quant aux qualités exigées de l’arbitre, leur existence doit interpeller quant à l’image qu’ils pourraient projeter (dans le sens d’une appréciation au cas par cas, v. IBA Guidelines on Conflict of Interest in International Arbitration 2014, General Standard 6).

En la matière, la prudence est de mise, même si tous ces liens ne se valent pas. Pour apprécier l’existence d’une obligation de révélation des liens entre un arbitre et le cabinet de l’une des parties ou d’une société du même groupe, la jurisprudence a recours a plusieurs éléments, en particulier, la nature (Paris, 13 nov. 2012, SA Fairplus Holding c/ société JMB Corporation, n° 11/11153) ou la fréquence des relations d’intérêts (Paris, 9 sept. 2010, Cts Allaire c/ SAS SGS Holding France, n° 09/16182), leur proximité dans le temps avec l’arbitrage ou encore leur importance financière (Paris, 13 nov. 2012, préc.). De telles circonstances sont susceptibles d’être soumises à révélation, dès lors à tout le moins qu’elles présentent une certaine importance et/ou une certaine proximité temporelle avec l’arbitrage en cours.

Pour autant, la jurisprudence n’est pas parfaitement claire et n’exige pas systématiquement un véritable courant d’affaires (sur la caractérisation d’un courant d’affaires entre un groupe de sociétés et un arbitre fréquemment désigné par celui-ci, v. Civ. 1re, 20 oct. 2010, M. Marcel Batard et autre c/ société Prodim et autre, Bull. civ. I, n° 962 ; Paris, 23 juin 2015, Établissement public économique et autre c/ SARL CTI Group Inc. et autres, n° 13/09748), laissant une grande part de casuistique et donc d’incertitudes. A titre d’exemple, dans un arrêt du 10 mars 2011, la cour d’appel de Paris a jugé que devait être révélée la circonstance que l’un des arbitres ait entretenu des liens avec un cabinet d’avocats – ayant été of counsel du cabinet pendant une dizaine d’années, plusieurs années préalablement à l’arbitrage, et ayant ensuite indiqué avoir été depuis consulté deux ou trois fois par ce même cabinet – dès lors que le conseil de l’une des parties était au temps de l’arbitrage collaborateur de ce cabinet (Paris, 10 mars 2011, n° 09/28537).

Dans l’affaire commentée, l’un des éléments pris en considération est l’importance que le cabinet de l’arbitre accordait à sa relation avec la société du groupe du défendeur. La cour d’appel a relevé que le cabinet d’avocats auquel appartenait l’arbitre avait communiqué sur sa représentation de la société Porsche au point de l’inclure dans son « top 5 des affaires les plus importantes d’un point de vue juridique ou pour le développement du cabinet » et que « cette publication par laquelle les cabinets d’affaires mettent en valeur les affaires les plus flatteuses qu’ils ont eu à traiter et les clients les plus convoités qui les ont mandatés est un élément de communication important qui ne saurait être laissé au hasard ». La prise en compte de ces éléments a été contestée sans succès par le pourvoi, la Cour de cassation estimant que les énonciations par lesquelles la cour d’appel a relevé que la mission de représentation de la société Porsche « revêtait une incontestable importance aux yeux » du cabinet procédaient de son pouvoir souverain d’appréciation, et qu’elles lui permettaient de « légalement justifier sa décision sur l’existence d’un doute raisonnable ».

L’apport de l’arrêt n’est pas absolument décisif sur ce point, l’importance de l’affaire n’apparaissant que comme l’un des indices susceptibles de motiver l’existence d’un doute raisonnable. Dans ce sens, la cour d’appel a également relevé « au surplus » l’existence d’une mission de 2010 confiée par la même société Porsche au cabinet de l’arbitre, « mission certes de faible importance, mais non déclarée par l’arbitre et non rendue publique par le cabinet ».

Par ailleurs, outre l’importance de la mission, on relèvera qu’elle était également concomitante à l’arbitrage. Cette proximité temporelle pèse également dans la balance. Rappelons à titre d’exemple que le fait pour le cabinet de l’arbitre d’effectuer une mission pour l’une des parties ou pour une société du même groupe est considéré comme relevant de la liste Orange des IBA Guidelines, c’est-à-dire des circonstances soumises à l’obligation de révélation, même en l’absence de relation commerciale significative entre le cabinet et cette société (si un tel courant d’affaires est caractérisé, les IBA Guidelines considèrent alors que la circonstance tombe dans la « Waivable Red List »). L’appréciation de la cour d’appel ne surprend donc pas.

L’arbitre aurait dû révéler ces faits de façon à permettre aux parties de présenter, le cas échéant, une demande de récusation. L’obligation de révélation présente ainsi une « vertu préventive » (C. Seraglini et J. Orstcheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., LGDJ, 2019, n° 745) puisqu’à défaut d’une réaction dans les délais, les parties seront réputées avoir renoncé à se prévaloir du grief et ne pourront plus demander l’annulation de la sentence sur ce fondement.

À cet égard, la lecture du pourvoi permet indirectement d’apprécier la portée d’une telle renonciation, qui ne semble couvrir que la circonstance révélée, à l’exception de circonstances similaires ou comparables.

En effet, à suivre le pourvoi, l’arbitre aurait révélé avoir déjà été nommé en qualité d’arbitre par une société du groupe Volkswagen, ce qui n’avait pas occasionné de réaction ou de réticence de la part du requérant. Selon le demandeur au pourvoi, cette circonstance aurait dû être prise en compte par la cour d’appel pour apprécier si les nouvelles circonstances en cause créaient un doute raisonnable quant à l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre. La Cour de cassation a écarté cet argument au motif de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Sur le fond, il semble justifié de ne pas donner suite à une telle argumentation. Si l’on comprend l’idée qui consiste à tenter de faire usage du caractère subjectif de la notion de doute raisonnable et d’en proposer une interprétation au regard de l’attitude de la partie à laquelle ce doute s’applique, il n’en reste pas moins que poussé l’extrême, le procédé pourrait revenir, de fait, à faire jouer très largement la renonciation de l’article 1466 du code de procédure civile. Or, si la renonciation peut être tacite, il serait préjudiciable aux droits des parties d’admettre qu’elle puisse être équivoque.

Du reste, en l’espèce, il était difficile de prétendre que les liens révélés - à savoir le fait pour l’arbitre d’avoir été désigné comme arbitre dans un autre litige par une société du groupe de l’une des parties - soient semblables à ceux qui ont été découverts par la suite - à savoir le fait de représenter une société de ce même groupe dans un litige, ne serait-ce que parce que, dans le premier cas, l’arbitre agit en toute indépendance et autonomie vis-à-vis de la partie qui l’a désigné.

Contours de l’exception de notoriété. C’est assez naturellement que la cour d’appel – confirmée en cela par la Cour de cassation – a pu estimer que ces faits étaient susceptibles de faire naître un doute raisonnable quant à l’indépendance ou l’impartialité de l’arbitre. La question restait de savoir s’ils n’étaient pas suffisamment notoires ou facilement accessibles pour qu’il appartienne aux parties d’en prendre connaissance, dispensant ainsi l’arbitre d’avoir à les révéler.

Le devoir de révélation de l’arbitre est contrebalancé, par l’obligation des parties de se renseigner, de façon à éviter des manœuvres dilatoires. Pèse donc sur les parties un « devoir minimum d’investigation » (C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, op. cit., n° 746). Cette exception de notoriété est désormais classique (Paris, 13 mars 2008, n° 06/12878, Paris, 13 mars 2008, n° 06/12878, D. 2008. 3111, obs. T. Clay image ; v. égal., Paris, 10 mars 2011, Tecso c/ Neoelectra, n° 09/28537, Rev. arb. 2011. 737, obs. D. Cohen ; Cah. arb., 2011. 787, note M. Henry ; LPA 2011, n° 225-226, p. 14, note P. Pinsolle ; Gaz. Pal. 15-17 mai 2011. 19, obs. D. Bensaude ; 10 mars 2011, n° 09/28537, D. 2011. 3023, obs. T. Clay image ; RTD com. 2012. 518, obs. E. Loquin image ; 13 nov. 2012, SA Fairplus Holding c/ société JMB Corporation, n° 11/11153 ; 28 mai 2013, n° 11/17672, Catering International, Gaz. Pal. 27-28 sept. 2013. 18, obs. D. Bensaude ; 28 mai 2013, n° 11/17672, D. 2013. 2936, obs. T. Clay image ; 2 juill. 2013, n° 11/23234, La Valaisanne Holding, Rev. arb. 2013. 1033, note M. Henry ; JCP 2013. 1391, § 5, obs. J. Ortscheidt ; D. 2013. 2936, obs. T. Clay image ; RTD com. 2014. 318, obs. E. Loquin image ; Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 14-20.532, D. 2016. 2589, obs. T. Clay image ; RTD com. 2016. 699, obs. E. Loquin image ; Cah. arb. 2016. 633, note V. Chantebout). Néanmoins, l’arrêt commenté est une nouvelle occasion de constater les difficultés qui président à sa mise en œuvre, qu’il s’agisse de son contenu ou de ses effets, quant aux obligations respectives des parties et des arbitres.

Certains auteurs ont clairement manifesté leur hostilité à l’égard de l’exception de notoriété (v. not., J. Jourdan-Marques, Chronique d’arbitrage, Dalloz actualité, 29 oct. 2019). En opportunité, on sera moins sévère en ce que, sur le principe, l’exception de notoriété participe d’un assainissement des recours contre les sentences.

Nous rejoignons cependant ceux qui s’émeuvent de l’absence de clarté de ce critère (en ce sens, v. T. Clay, Tecnimont, saison 5 : La dissolution de l’obligation de révélation dans le devoir de réaction, note sous Paris, 12 avr. 2016, n° 14/884, Société J&P Avax c/ société Tecnimont, Cah. arb. 2016. 447, n° 11). La notoriété s’entend de ce qui est « connu d’un grand nombre de personnes » (Larousse, v° Notoriété). S’agissant de faits pouvant affecter l’image de l’indépendance ou de l’impartialité de l’arbitre, la jurisprudence va plus loin et nous enseigne qu’est assimilée à l’information notoire l’information aisément accessible (v. not., Civ. 1re, 15 juin 2017, République de Guinée Equatoriale c/ société Orange Middle East and Africa, n° 16-17.108, Bull. civ. I, n° 746 ; D. 2017. 1306 image ; ibid. 2559, obs. T. Clay image ; RTD com. 2017. 842, obs. E. Loquin image), notamment sur internet (Paris, 14 mars 2017, n° 15/19525, Rev. arb. 2017. 1213, note B. Zadjela ; Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 14-20.532, D. 2016. 2589, obs. T. Clay image ; RTD com. 2016. 699, obs. E. Loquin image ; Cah. arb. 2016. 633, note V. Chantebout ; Civ. 1re, 19 déc. 2018, Sté J&P Avax c/ Sté Tecnimont, et les arrêts précédents). La question se pose néanmoins au regard des faits de l’espèce : l’information était-elle réellement aisément accessible, dès lors qu’elle figure dans une publication très spécialisée et géographiquement limitée ? L’on rappellera, à l’instar de la cour d’appel, qu’il « ne saurait être exigé […] que les parties se livrent à un dépouillement systématique des sources susceptibles de mentionner le nom de l’arbitre et des personnes qui lui sont liées ».

Elle a néanmoins ajouté que les informations qu’elle qualifie de notoires étaient telles « que les parties ne pouvaient manquer de consulter avant le début de l’arbitrage ». C’est parce qu’il était connu de « tous les cabinets d’avocats d’affaires allemands » que l’annuaire paraît constituer une source incontournable. On peut ne pas être totalement convaincu (v. not. Paris, 27 mars 2018, n° 17/08354, D. 2018. 2448, obs. T. Clay image). À cet égard, il est intéressant de relever que l’arbitre avait indiqué ne pas avoir eu connaissance de la représentation de la banque du groupe Volkswagen par son cabinet. Or, si l’on sait que l’argument tiré de l’ignorance par l’arbitre est insuffisant à exonérer celui-ci (la question avait déjà été soulevée dans l’affaire Tecnimont, à la fois par le pourvoi et par un commentateur. V., T. Clay, Tecnimont, saison 5 : La dissolution de l’obligation de révélation dans le devoir de réaction, préc. V. égal. J. Jourdan-Marques, Dalloz actualité, 29 janv. 2019), il peut sembler paradoxal d’affirmer à la fois que l’information est notoire et inconnue de l’arbitre lui-même.

La Cour de cassation adopte une position plus nuancée s’agissant de l’information publiée non plus avant, mais en cours d’arbitrage, estimant que les parties n’ont pas l’obligation de poursuivre leurs investigations postérieurement au début de l’arbitrage. Après l’acceptation de sa mission, c’est sur l’arbitre seulement que pèse l’obligation de révélation. À cet égard, la lettre de l’article 1456 du Code de procédure civile est claire. Il appartient à l’arbitre de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité « avant d’accepter sa mission » ainsi que « toute circonstance de même nature qui pourrait naître après l’acceptation de sa mission » et ce, « sans délai » (V. égal. Paris, 17 févr. 2005, Rev. arb. 2005. 709, note M. Henry (3e esp.) ; 12 févr. 2009, Rev. arb. 2009. 186, note T. Clay).

Du côté des parties en revanche, l’obligation de mener des investigations sur l’existence d’éventuels conflits d’intérêts cesse « après le début de l’instance arbitrale » (V. déjà, Paris, 14 oct. 2014, n° 13/13459, Rev. arb. 2015. 151, note M. Henry ; D. 2014. 2541, obs. T. Clay image ; Cah. arb. 2014. 795, note D. Cohen. V. égal. Civ. 1re, 16 déc. 2015, n° 14-26.279, D. 2016. 2589, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2016. 536, note M. Henry ; Gaz. Pal. 2016, n° 26, p. 27, obs. D. Bensaude ; Cah. arb. 2016. 653, note D. Cohen).

Le pourvoi faisait cependant valoir une forme de continuité entre les éditions 2010/2011 et 2015/2016 de l’annuaire professionnel faisant état des liens entre le cabinet de l’arbitre et le groupe du défendeur. Selon le pourvoi, si les informations contenues dans l’édition la plus ancienne étaient notoires, il en allait nécessairement de même des informations contenues dans une édition ultérieure. L’argument n’est pas sans rappeler la solution retenue dans le dernier acte de l’affaire Tecnimont (Civ. 1re, 19 déc. 2018, Dalloz actualité, 1er févr. 2019, obs. C. Debourg ; JCP E 2019. 1177, note A. Constant ; Procédures 2019. Étude 8, note L. Weiller). Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait adopté la position de la cour d’appel selon laquelle les informations « ne faisaient que compléter celles dont elle disposait avant le dépôt de sa requête » et « n’étaient pas de nature à aggraver de manière significative ses doutes sur l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre ». Dans l’affaire commentée, il est permis de se demander si la publication 2015/2016 se présentait comme une information nouvelle de nature à provoquer une aggravation significative au sens de l’arrêt Tecnimont ou si elle s’inscrivait dans la continuité d’informations notoires avant le début de l’arbitrage qu’elles ne font que compléter. Il nous a déjà été donné l’occasion de relever que la ligne n’est pas clairement tracée dès lors que tout lien supplémentaire ou l’augmentation du flux d’affaires est de nature, par effet d’accumulation, à aggraver les doutes des parties, quand bien même certains liens entre l’une des parties et l’arbitre étaient déjà établis (C. Debourg, obs. sous Civ. 1re, 19 déc. 2018, préc.). En l’espèce, on peut se demander si le fait que la source de l’information soit la même, malgré le fait qu’il s’agisse de publications d’années différentes, et que l’attention des parties ait été attirée sur la possibilité que le cabinet représente des sociétés du groupe, n’est pas une circonstance qui aurait dû pousser la partie requérante à enquêter davantage. La Cour de cassation ne le voit pas de cet œil et retient simplement que la partie n’était pas tenue de poursuivre ses recherches. Corrélativement, le poids de la révélation pèse donc sur l’arbitre qui doit donc être appelé à la prudence.