Suite à son adoption définitive le 29 juin 2021 par l’Assemblée nationale, certaines dispositions de la nouvelle loi de bioéthique, relatives en particulier à la recherche sur l’embryon, ont été soumises au Conseil constitutionnel le 2 juillet 2021. Par une décision n° 2021-821 DC du 29 juillet 2021, le Conseil a validé les dispositions critiquées. La loi n° 2021-1017 relative à la bioéthique a donc été promulguée le 2 août 2021 et publiée au Journal officiel le 3 août. Présentation d’ensemble de cette quatrième mouture des lois de bioéthique.

L’interdiction réaffirmée de la GPA

Le premier titre du texte a sans doute été le plus débattu, le plus médiatisé aussi. Sous son intitulé « Élargir l’accès aux technologies disponibles sans s’affranchir de nos principes éthiques », sont regroupées les questions relatives à l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation, à ses incidences sur la filiation, au don de gamètes et à l’accès aux origines, ainsi que le renforcement de l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA). En effet, complétant l’article 47 du code civil, l’article 7 de la loi vient briser la dernière jurisprudence de la Cour de cassation qui autorisait la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA réalisée à l’étranger dès lors que les faits déclarés dans l’acte étaient conformes au droit étranger. Désormais, la réalité de la filiation déclarée dans l’acte doit être appréciée au regard de la loi française, qui interdit les conventions de mère porteuse (C. civ., art. 16-7) et qui, hormis les exceptions qu’elle détermine, attache la filiation maternelle à l’accouchement et ne permet pas, en dehors de l’adoption, l’établissement d’une double filiation paternelle.

Ouverture de l’AMP et filiation

Quant à l’assistance médicale à la procréation (AMP), le choix final du législateur aura donc été de l’ouvrir à « tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée » (v. art. 1er de la loi ; CSP, art. L. 2141-2), sans qu’aucune différence de traitement ne puisse intervenir en considération du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs qui seront donc pris en charge par ordre d’arrivée. L’insémination post-mortem reste, quant à elle, interdite, au moins sur le territoire français (le Conseil d’État autorisant, depuis l’arrêt Gomez de 2016, le transfert des gamètes à l’étranger en cas d’atteinte disproportionnée aux droits de la requérante, CE 31 mai 2016, n° 396848, Lebon avec les concl. image ; AJDA 2016. 1092 image ; ibid. 1398 image, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet image ; D. 2016. 1470, obs. M.-C. de Montecler image ; ibid. 1472, note H. Fulchiron image ; ibid. 1477, note B. Haftel image ; ibid. 2017. 729, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 781, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; ibid. 935, obs. RÉGINE image ; ibid. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2016. 439, obs. C. Siffrein-Blanc image ; ibid. 360, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RFDA 2016. 740, concl. A. Bretonneau image ; ibid. 754, note P. Delvolvé image ; RTD civ. 2016. 578, obs. P. Deumier image ; ibid. 600, obs. J. Hauser image ; ibid. 802, obs. J.-P. Marguénaud image ; ibid. 834, obs. J. Hauser image ; RTD eur. 2017. 319, obs. D. Ritleng image). Les textes du code de la santé publique encadrant l’AMP sont réécrits pour prendre en compte l’ouverture et ajouter aux dispositions existantes une information sur les modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don. Quant aux incidences de cette ouverture sur le droit de la filiation, elles sont détaillées dans le code civil (v. art. 6 de la loi, C. civ., art. 342-9 s.). À cet égard, et comme en 2013, le législateur fait le choix d’adjoindre au titre préliminaire du code civil « de la publication, des effets et de l’application des lois en général », des dispositions relatives à l’état des personnes. L’article 6-1 est rectifié et surtout un article 6-2 est créé, réaffirmant que tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs et que la filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents. Cette disposition unique reprend et se substitue aux articles 310 et 358 qui l’affirmaient jusque-là dans des termes très proches au sein des titres du code civil dédiés à la filiation. Parmi les différentes options envisagées, le législateur a finalement choisi de sécuriser la filiation de l’enfant issu d’une AMP avec tiers donneur au sein d’un couple de femmes par une reconnaissance conjointe. Schématiquement, tout couple ou toute femme non mariée qui souhaite bénéficier d’une AMP doit y consentir préalablement devant notaire. Ici, c’est donc globalement la procédure existante de l’article 311-20 du code civil qui se trouve étendue aux nouveaux bénéficiaires de l’AMP. Mais, alors que pour les couples de personnes de sexe différent et la femme non mariée la filiation devra ensuite être établie par les moyens de droit commun, pour les couples de femmes, c’est au moment de ce consentement que devra également être établie une reconnaissance conjointe de l’enfant (C. civ., art. 342-1). Pour la femme qui accouche, sa filiation à l’égard de l’enfant est établie par l’effet de la loi. L’autre femme du couple doit présenter à l’officier d’état civil l’acte notarié de reconnaissance conjointe afin qu’il soit porté en marge de l’acte de naissance de l’enfant et établisse ainsi sa filiation. Cette reconnaissance au formalisme particulier semble motivée par le souci qu’aucune double filiation maternelle ne puisse être établie en dehors du cadre légal de l’AMP (hors adoption bien sûr). Les sanctions attachées au non établissement de la filiation et les interdictions de contestation de la filiation sont par ailleurs identiques à celles trouvant à s’appliquer aux couples de personnes de sexe différent.

Droit d’accès aux origines

Du côté des enfants, le législateur s’est montré sensible aux demandes d’accès aux origines (v. art. 5 de la loi ; CSP, art. L. 2143-2 s.). Il organise donc un système d’information qu’il met à la libre disposition des enfants issus de dons une fois devenus majeurs. Le don est conditionné au fait que les donneurs consentent à ce que leur identité et un certain nombre de données non identifiantes soient recueillies et conservées (âge, caractéristiques physiques, situation familiale, etc.). Ces données seront centralisées par l’Agence de Biomédecine avec les données relatives aux enfants issus des dons. Ces enfants, une fois majeurs, peuvent s’adresser à une nouvelle commission (commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur) pour obtenir soit l’identité du donneur, soit les données non identifiantes collectées, soit les deux. L’entrée en vigueur de ce système est fixée au 1er jour du 13e mois après la promulgation de la loi. À compter de cette date, les nouveaux dons seront soumis à la nouvelle procédure, mais les dons réalisés sous l’ancien dispositif pourront continuer à être utilisés. Cette situation transitoire se prolongera jusqu’à l’adoption d’un décret interdisant la réalisation d’une AMP avec les gamètes ou les embryons de donneurs n’ayant pas consenti à la communication de leurs informations personnelles. Pendant toute cette période transitoire et jusqu’à l’avant-veille de ce décret, les anciens donneurs pourront donner leur consentement au nouveau dispositif. La veille du décret, il sera mis fin à la conservation des gamètes et des embryons dont les auteurs n’ont pas consenti au nouveau dispositif. Pour les enfants nés d’un don réalisé sous l’ancien dispositif, la nouvelle commission va prendre contact avec le ou les donneurs et solliciter leur consentement à la communication des données non identifiantes et de leur identité. Cette commission vient s’ajouter au Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) jusque-là seul compétent en la matière.

Autoconservation, don de gamètes et d’embryon

La levée de l’anonymat ainsi permise avait soulevé des interrogations quant au risque d’aggraver la pénurie des dons. Pourtant, ce n’est qu’à la marge que la nouvelle loi prévoit des dispositifs de nature à favoriser les dons (v. art. 3 de la loi ; CSP, art. L. 2141-12 et CSS, art. L. 160-8). Ainsi, la loi permet à toute personne, sous réserve d’une condition d’âge, de recourir à l’autoconservation de gamètes. Les frais de cette autoconservation sont à la charge de la personne et ne peuvent être assumés par un employeur ou une personne vis-à-vis de laquelle le bénéficiaire est en situation de dépendance économique, afin d’éviter des pressions en vue de retarder un projet parental. Tous les ans, la personne est sollicitée pour savoir si elle souhaite poursuivre la conservation de ses gamètes ou en faire don en vue d’une AMP ou d’une recherche scientifique. Un dispositif similaire est prévu pour les embryons, ceux-ci ne pouvant toutefois être conservés plus de cinq ans en principe (v. art. 22 de la loi ; CSP, art. L. 2141-4). Lorsque les gamètes conservés sont des spermatozoïdes, la personne est informée de ce qu’elle peut, à tout moment, faire don d’une partie du stock conservé à des fins d’AMP. Néanmoins, si la personne ne se prononce pas sur le sort qui doit être réservé à ses gamètes pendant une durée de dix ans, il sera, par défaut, mis fin à leur conservation à l’exclusion donc d’une réutilisation à des fins d’AMP ou de recherche scientifique. Un dispositif proche est retenu pour les hypothèses où la conservation des gamètes est justifiée par une prise en charge médicale susceptible d’altérer la fertilité, les bénéficiaires pouvant être des majeurs ou des mineurs et les frais étant pris en charge par la solidarité nationale (v. art. 31 de la loi ; CSP, art. L. 2141-1). Comme précédemment, les bénéficiaires sont interrogés chaque année sur le sort de leurs gamètes et, à défaut de réponse de leur part pendant dix ans (à compter de leur majorité), il est mis fin à la conservation.

Autres dons

Le législateur se montre plus innovant sur les autres dons. Il vient en effet favoriser et faciliter le don croisé entre vivants en faisant passer le nombre maximal de paires de donneurs et de receveurs consécutifs de deux à six et en ouvrant la possibilité d’intégrer à une procédure de dons croisés le recours à un organe prélevé sur une personne décédée (v. art. 8 de la loi ; CSP, art. L. 1231-1 s.). Au titre des prélèvements post-mortem, seuls les prélèvements sur les mineurs restent soumis à un régime dérogatoire, les majeurs sous tutelle étant désormais soumis au droit commun (consentement présumé). Se pose alors la question de la prise en compte de l’éventuel refus de prélèvement manifesté du vivant de la personne. Un majeur sous tutelle peut-il utilement s’inscrire sur le registre national automatisé des refus par exemple ? Au-delà des organes, la possibilité de prélever un mineur ou un majeur protégé pour une greffe de cellules hématopoïétiques est étendue aux parents du mineur ou du majeur protégé, sous réserve d’une représentation juridique ad hoc le cas échéant, pour éviter une situation de conflit d’intérêt (v. art. 10 de la loi ; CSP, art. L. 1241-3 s.). Enfin, pour clore sur les dons, le législateur introduit dans le code de santé publique le don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche jusque-là évoqué par l’article R. 2213-13 du code général des collectivités territoriales, sans en changer a priori fondamentalement les contours (v. art. 13 de la loi ; CSP, art. L. 1261-1). Des précisions devraient néanmoins être apportées par des décrets à venir en Conseil d’Etat. À noter que la transplantation de microbiote, soumise aux principes de consentement du donneur et d’anonymat du don sauf lorsqu’elle est intra-familiale, intègre le code de la santé publique à l’article L. 513-11-4, dans un nouveau chapitre relatif au recueil de selles d’origine humaine destinées à une utilisation thérapeutique (v. art. 35 de la loi ; CSP, art. L. 513-11-1 s.).

Génétique

La réforme fait également la part belle à la génétique, tant dans son versant médical que dans son versant recherche scientifique. Elle marque d’ailleurs l’entrée dans la partie législative du code d’une définition de l’examen des caractéristiques génétiques qui est en réalité double puisque sont distingués l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles (héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal) et l’examen des caractéristiques génétiques somatiques (dont le caractère hérité ou transmissible est en première intention inconnu ; v. art. 34 de la loi ; CSP, art. L. 1130-1 s.). Sur le versant médical ce sont l’accessibilité et la circulation de l’information génétique qui sont favorisées. L’article 14 permet ainsi la levée du secret médical à l’encontre d’une personne décédée pour les informations « nécessaires à la prise en charge d’une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques » (CSP, art. L. 1110-4). Plus encore, sauf opposition expresse de la personne de son vivant, il autorise la réalisation d’un test génétique post mortem lorsqu’il y va de l’intérêt médical d’un membre de la famille du de cujus (CSP, art. L.1130-3). Le consentement d’un seul des membres de la famille suffit pour la réalisation de l’examen. L’article 15 (CSP, art. L. 1131-1 s.) quant à lui traite de la circulation de l’information. En particulier, il bilatéralise la procédure d’information en présence d’une AMP afin que celle-ci profite tant aux enfants issus du don qu’aux donneurs (v. art. 25 de la loi ; CSP, art. L. 2131-1 VI bis). Il met en place une procédure comparable pour l’adoption. Il précise enfin certaines hypothèses de l’information médicale à caractère familial : lorsque la personne testée est l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation, lorsqu’elle est hors d’état d’exprimer sa volonté ou lorsqu’elle est décédée. Le législateur précise également le sort des données incidentes ou fortuites, c’est-à-dire des informations génétiques découvertes à l’occasion d’un test sans avoir été spécialement recherchées. Ces informations peuvent être communiquées à la personne sauf opposition de sa part, que le test soit réalisé dans le cadre du soin (v. C. civ., art. 16, 16-10, II, 4°) ou à des fins de recherche scientifique (v. art. 24 de la loi ; CSP, art. L. 1130-5). Ces informations incidentes sont également envisagées dans le cadre de la « médecine fœtale », anciennement diagnostic prénatal (v. art. 25 de la loi ; CSP, art. L. 2131-1, VI). À noter enfin que le dépistage néonatal recourant à des examens de biologie médicale constitue un programme de santé national, y compris en présence de tests génétiques pour lesquels les modalités notamment d’information devront être adaptées. Un décret en Conseil d’État est donc attendu sur ce point.

Recherche sur l’embryon

En matière de recherche scientifique, la loi nouvelle revient sur le cadre juridique de la recherche sur l’embryon et sur les cellules souches qu’elle favorise et divise schématiquement en deux : la recherche sur l’embryon est soumise à autorisation quand la recherche sur les cellules souches, embryonnaires ou pluripotentes induites humaines, n’est soumise qu’à déclaration. Surtout, et c’était l’objet de la saisine du Conseil constitutionnel, le législateur autorise expressément la recherche sur l’embryon sans visée médicale dès lors qu’elle a pour but d’améliorer la connaissance de la biologie humaine et les recherches en matière d’édition du génome sur l’embryon humain. Les conditions, contrôles et sanctions afférents à chacune de ces recherches sont précisés (v. art. 20, 21 et 23 de la loi ; CSP, art. L. 2141-3-1 et L. 2151-5 s.).

Interruption de grossesse

Concernant l’interruption volontaire de grossesse, la loi nouvelle n’intervient que sur les dispositions relatives à l’interruption pour motif médical. Elle introduit la possibilité de procéder à une réduction embryonnaire dans le délai légal de douze semaines de grossesse, si une telle réduction permet de réduire les risques pour la santé de la femme ou des embryons (art. 28 de la loi ; CSP, art. L. 2213-1). Elle reproduit dans l’IVG pour motif médical les dispositions existantes en matière d’IVG dans le délai de douze semaines pour les femmes mineures (v. art. 29 de la loi ; CSP, art. L. 2213-2 s.).

Intersexualité

Enfin, une avancée attendue, quoi que moins médiatisée que l’AMP, résidait dans la prise en compte des enfants présentant une variation du développement génital. Un nouvel article L. 2131-6 vient préciser la prise en charge notamment en termes d’informations et de délais de réflexion. L’article 57 est également modifié pour permettre de dissocier la déclaration de naissance et la déclaration du sexe à l’état civil, mais les délais restent très courts, la mention du sexe ne pouvant être reportée plus de trois mois après la déclaration de naissance. La réécriture de l’article 99 devra faciliter la rectification ultérieure de l’indication du sexe (v. art. 30 de la loi ; CSP, art. L. 2131-6 et C. civ., art. 57).