Enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin dernier, la proposition de loi visant à réformer l’adoption vient d’être adoptée en première lecture ce vendredi 4 décembre, dans un contexte parlementaire relativement apaisé, jurant avec les protestations acérées émises par une partie de la doctrine (M.-C. Le Boursicot, Une proposition de loi visant à réformer l’adoption… déconcertante et même inquiétante, RJPF 2020-11 ; P. Salvage-Gerest et al., Réforme de l’adoption : une « petite loi » indigne (Adresse urgente à Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs), Forum Famille Dalloz, 17 déc. 2020).

Ce texte succède, pour mémoire, au rapport Limon-Imbert rendu public en octobre 2019 (M. Limon et C. Imbert, Vers une éthique de l’adoption. Donner une famille à un enfant, oct. 2019) et accueilli froidement par l’École et le Palais (P. Salvage-Gerest, Le rapport Limon-Imbert, un coup d’épée dans l’eau, AJ fam. 2020. 350 image). Pour autant, l’essentiel des recommandations formulées dans ce rapport sont reprises dans la proposition de loi, dont l’ambition est clairement affichée dès l’exposé des motifs, à savoir renforcer et sécuriser le recours à l’adoption « comme un outil de protection de l’enfance » (Proposition de loi visant à réformer l’adoption, Ass. nat., 30 juin 2020, p. 4), même si l’on rappellera accessoirement que l’adoption n’est pas réservée aux mineurs (v. infra, art. 4, pour l’adoption plénière), et que près de 88 % des adoptions simples concernaient même, en 2018, des majeurs (Z. Belmokhtar, Les adoptions simples et plénières en 2018, ministère de la Justice, sept. 2020, p. 43)… Quoi qu’il en soit, la proposition de loi s’articule autour de trois axes successifs : faciliter et sécuriser l’adoption conformément à l’intérêt de l’enfant (encore lui !) (titre I), renforcer le statut de pupille de l’État et améliorer le fonctionnement des conseils de famille (titre II), et perfectionner, enfin, plusieurs dispositions relatives au statut de l’enfant (toujours lui) (titre III).

Or, à l’issue de son passage en Commission des lois puis à l’Assemblée nationale, la proposition de loi apparaît, à l’analyse, assez peu modifiée, même si certains points pourront appeler l’attention sur le plan civil (la présente étude limitera l’essentiel de son propos aux dispositions modifiées du code civil, soit au titre 1 de la proposition de loi sous examen).

Réécriture de l’article 364, alinéa 1er, du code civil

Laissé intact par la commission des lois et par la chambre basse, l’article 1er de la proposition de loi étudiée envisage de réécrire l’article 364, alinéa 1er, du code civil, dans le dessein d’insister sur l’originalité de l’adoption simple vis-à-vis de l’adoption plénière. En l’état, cet article énonce en effet que « l’adopté reste dans sa famille d’origine et y conserve tous ses droits, notamment ses droits héréditaires ». Aussi, l’affirmation de l’établissement d’un nouveau lien de filiation envers l’adoptant demeure-t-elle absente de ce texte. C’est pourquoi l’article 1er de la proposition de loi lui substitue une nouvelle rédaction ainsi formulée : « L’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine. L’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine ». Selon ses auteurs, cette réécriture refléterait « mieux la réalité juridique de l’adoption simple, puisqu’elle a pour effet de créer une nouvelle filiation qui s’ajoute à la filiation d’origine, et non pas seulement de maintenir la filiation d’origine comme le sous-entend la formulation actuelle de l’article 364. Elle permet par ailleurs, en soulignant que l’enfant « bénéficie » d’un double lien de filiation, de mettre en valeur cette spécificité de l’adoption simple, [en supprimant] la mention spécifique à ses droits héréditaires, [pouvant] laisser penser que le maintien des droits dans la famille se limiterait aux droits héréditaires de l’adopté ou que ces derniers seraient plus importants que les droits extrapatrimoniaux » (M. Limon, Rapport visant à réformer l’adoption [n° 3161], Ass. nat., 23 nov. 2020, p. 14). À l’évidence, cette réécriture du texte pourra être approuvée, en raison de sa clarté assurément préférable à l’actuelle version de l’article 364, alinéa 1er, même si l’on observera avec une auteure que l’établissement d’un double lien de filiation ne vaudra « que si la filiation de naissance [de l’enfant] est établie, ce qui n’est pas toujours le cas » (M.-C. Le Boursicot, art. préc.). Il n’en demeure pas moins que la finalité adjonctive de l’adoption simple en ressortira mieux affirmée, par opposition à la finalité substitutive de l’adoption plénière, clairement exposée, pour sa part, à l’article 356, alinéa 1er, du code civil.

Ouverture de l’adoption aux partenaires et aux concubins

Constituant la disposition phare de la proposition de loi sous examen, l’article 2 signe l’ouverture de l’adoption aux partenaires et aux concubins, rompant avec plusieurs siècles d’exclusivisme matrimonial. À cette fin, quinze articles du code civil sont un à un réécrits pour tenir compte de cette petite révolution (C. civ., art. 343, 343-1, 343-2, 345-1, 346, 348-5, 353-1, 356, 357, 360, 363, 365, 366 et 370-3) et mettre fin, selon le rapport parlementaire, « à la différence de traitement face à l’adoption entre les couples mariés [et] les couples non mariés – qu’ils soient de même sexe ou de sexe différent » (M. Limon, rapport préc., p. 19). À cette occasion, la juxtaposition des règles du mariage et du Pacs se poursuit encore, le premier devenant défendu entre « l’adoptant et le conjoint ou le partenaire [de] l’adopté » (C. civ., art. 366 à venir), même si l’on pourra regretter l’absence de prohibition réciproque du Pacs entre ces mêmes individus, dans la mesure où l’interdiction de l’un (le mariage) aurait dû justifier l’interdiction de l’autre (le Pacs).

En outre, certaines des nouvelles dispositions de cet article 2 libéralisent aussi l’accès à l’adoption, ou plus précisément les conditions à remplir par l’ensemble des adoptants : mariés, pacsés, concubins ou même célibataires. Les articles 343 et 343-1 à venir envisagent ainsi de réduire le délai minimum de communauté de vie (et non d’union) entre les adoptants d’un même couple de deux à un an, ou encore d’abaisser l’âge minimum des adoptants de 28 à 26 ans. On pourra d’ailleurs discuter, sur ce point, la réécriture de l’article 343 par l’amendement n° 268, dans la mesure où celui-ci substitue malencontreusement aux termes « époux » celui de « couple marié », au motif que le premier ne serait plus « pertinent au regard de l’évolution de la société[,] un couple marié [pouvant] être constitué d’un homme et d’une femme, de deux hommes ou de deux femmes ». Or, si l’on admettra volontiers la véracité de l’affirmation, l’on observera toutefois qu’il aurait fallu, pour parachever ce pseudo-esprit de rigueur, modifier la mention relative aux « concubins » présente dans le même texte (!), et modifier au passage l’ensemble des dispositions du code civil et des autres codes recourant au terme générique d’« époux ». Espérons donc ici un retour à la version originelle du texte et, à dire vrai, à la raison. À l’inverse, et au risque de distribuer les bons et les mauvais points, l’on saluera assurément l’amendement n° 280 proposant de remplacer, à l’article 365, du code civil, la mention des « père » et « mère » de l’enfant par celle plus exacte « de l’un des parents », dans la mesure où l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes même sexe fêtera bientôt ses sept ans et qu’à la différence de l’article 343, la référence à la dualité des sexes ne pouvait se maintenir ici sans inexactitude (cette référence est d’ailleurs également effacée de l’article 348, alinéa 1er, du code civil par l’article 7 de la proposition de loi).

De surcroît, un dernier regret et une ultime difficulté pourraient successivement être relevés relativement à ce deuxième article de la proposition de loi. Quant au regret, il concernera l’article 353-1 du code civil, malencontreusement réécrit, là encore, par un amendement superfétatoire (n° 509). À ce jour, l’alinéa 1er du texte dispose en effet que, « dans le cas d’adoption d’un pupille de l’État, d’un enfant remis à un organisme autorisé pour l’adoption ou d’un enfant étranger qui n’est pas l’enfant du conjoint de l’adoptant, le tribunal vérifie, avant de prononcer l’adoption, que le ou les requérants ont obtenu l’agrément pour adopter ou en étaient dispensés ». Or, préférant une périphrase censée « simplifier la rédaction de l’article 353-1, en renvoyant à l’ensemble des cas où l’agrément est requis », le texte à venir énonce désormais que, « dans tous les cas où l’agrément est requis, le tribunal vérifie avant de prononcer l’adoption que le ou les requérants ont obtenu cet agrément ou en ont été dispensés ». La modification ôterait donc du code civil toute référence aux différentes hypothèses nécessitant un agrément, en imposant au lecteur de se reporter, péniblement, à l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF). La simplification présumée serait donc bien incertaine et justifierait là aussi un retour à la version originelle du texte. Quant à la difficulté, celle-ci concernera différemment l’article 370-3 du code civil, prenant acte sur le plan du droit international privé de l’ouverture de l’adoption aux partenaires et aux concubins. Le texte à venir posera en effet, à l’issue de la réforme, les principes suivants : « Les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par un couple, à la loi qui régit les effets de leur mariage, de leur partenariat enregistré ou de leur concubinage […] ». Or, si l’application du texte ne posera guère problème aux époux, la règle demeurant pour eux inchangée, ni même aux partenaires, l’article 515-7-1 du code civil trouvant ici à s’appliquer, sa transposition aux concubins pourra s’avérer plus délicate. Comment conviendra-t-il en effet de déterminer, en ce cas, « la loi qui régit les effets de leur concubinage », alors même que le concubinage n’est pas une union civile et n’est pas « régi » par la loi, tout du moins dans la plupart des États du monde ? Sur ce point, la lettre de l’article 370-3 appellera le débat et, n’en doutons pas, de passionnantes discussions !

Adoption par un célibataire

Introduit par la Commission des lois, l’article 2 bis de la proposition de loi n’appelle pas à d’amples développements. Très simplement, celui-ci prévoit que, « dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la [loi], le gouvernement [remettra] au Parlement un rapport faisant un état des lieux de l’adoption par toute personne célibataire âgée de plus de 26 ans ». Tout au plus pourra-t-on relever qu’une telle précaution n’aurait peut-être pas été utile si la proposition de loi sous examen n’avait pas fait l’objet d’une procédure accélérée, et avait été précédée, comme cela eut été préférable, par une étude d’impact. Mais c’est ici ouvrir un autre débat…

Écart d’âge entre l’adoptant et l’adopté (supprimé)

Plus étonnante est en revanche la suppression (partielle) par l’amendement n° 57 de la condition d’écart d’âge entre les adoptants et l’enfant adopté, préconisée par le rapport Limon-Imbert (recommandation n° 13) et repris par l’article 3 de la proposition de loi initiale. À l’origine, la proposition de loi prévoyait en effet d’insérer, après l’alinéa 1er de l’article 344 du code civil, cette nouvelle condition ainsi formulée : « L’écart d’âge entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’ils se proposent d’adopter ne doit pas excéder quarante-cinq ans. Toutefois, cette règle n’est pas applicable à l’adoption des enfants du conjoint, du partenaire de pacte civil de solidarité ou du concubin ». Or, considérée comme un frein potentiel à « l’adoption en général et à celle des enfants aux besoins spécifiques en particulier » (amendement n° 57), cette condition d’âge a finalement été supprimée des dispositions à venir du code civil… pour réapparaître dans le CASF à l’article L. 225-1, alinéa 2, conditionnant la délivrance de l’agrément à « une différence d’âge maximale de cinquante ans entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’ils se proposent d’adopter », sauf « justes motifs » (proposition de loi, art. 10, amendement n° 543 et sous-amendement n° 569). Aussi, et par un surprenant jeu de vases communicants, la disposition déchue du code civil est donc promue dans le CASF comme une nouvelle condition de délivrance de l’agrément, limitant le domaine de cette condition aux seules adoptions réclamant ce sésame. Dès lors, l’on ne comprendra plus véritablement le sens même de la suppression de la condition de l’article 344 du code civil, dans la mesure où, précisément, les « enfants aux besoins spécifiques » sont généralement ceux adoptés en dehors du cercle familial… Il n’en demeure pas moins que cette proposition devrait pour une fois faire consensus (P. Salvage-Gerest et al., art. préc., n° 15), malgré cette étonnante justification.

Adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans

Présenté par le rapport parlementaire comme une mesure de faveur envers « l’adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans », l’article 4 de la proposition de loi amendée porte en lui une profonde refonte de l’article 345 du code civil, via l’insertion de nouvelles exceptions au principe de limitation de cette adoption aux seuls mineurs de moins de 15 ans (M. Limon, rapport préc., p. 23). Tout d’abord, le texte prévoit l’allongement du délai durant lequel l’adoption plénière peut être sollicitée à titre dérogatoire, en le portant des 20 aux 21 ans de l’adopté (amendement n° 536). En cela, la proposition de loi offre donc un an de répit supplémentaire aux enfants susceptibles de faire l’objet d’une adoption plénière « de rattrapage ». Ensuite, et par une regrettable rédaction par renvois, le texte dresse la liste des enfants susceptibles de profiter de cette dérogation légale, en ajoutant la possibilité d’adopter en la forme plénière l’enfant du conjoint jusqu’à ses 21 ans, le pupille ou l’enfant déclaré délaissé jusqu’au même âge, outre la possibilité pour le tribunal judiciaire de prononcer une adoption plénière en dehors de ces situations, « en cas de motif grave », ouvrant ici un pertinent point d’appréciation aux magistrats. Aussi l’article 4 de la proposition de loi témoigne-t-il bien d’un mouvement de faveur envers l’adoption plénière, à l’heure où, pourtant, certains la pensaient condamnée.

Placement en vue de l’adoption

D’apparence discrète et rescapé de son passage en Commission et devant l’Assemblée nationale, l’article 5 de la proposition de loi n’en recèle pas moins d’importantes adaptations. En premier lieu, ce texte modifie la lettre de l’article 351 du code civil sur deux points terminologiques. D’une part, en énonçant que le placement en vue de l’adoption n’est plus « réalisé » par la remise de l’enfant aux futurs adoptants mais qu’il « débute » par cette remise, cette modification – bienvenue (contra M.-C. Le Boursicot, art. préc.) – étant destinée à éclaircir le processus du placement et à réduire « les incertitudes quant à la date du début de [cette] période » (M. Limon, rapport préc., p. 28). Et, d’autre part, en corrigeant la référence aux enfants déclarés « abandonnés » pour y substituer, très justement, celle des enfants déclarés « délaissés », et ce « afin de tirer [toutes] les conséquences du remplacement, par la loi [du 14 mars 2016], de la déclaration judiciaire d’abandon par la déclaration judiciaire de délaissement parental » (ibid., p. 29) (correction également opérée, notons-le, par l’article 13 de la proposition de loi s’agissant de C. civ., art. 347, 3°). En deuxième lieu, et l’innovation est plus importante, le même article 351 se voit enrichi d’un alinéa 2 octroyant aux futurs adoptants le pouvoir de « réaliser les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant », et ce dans le dessein de sécuriser et « de clarifier le type d’actes que les futurs parents peuvent accomplir pendant le placement » (ibid., p. 28), ce dont, là encore, l’on pourra se réjouir. En revanche et en dernier lieu, l’article 5 de la proposition de loi surprendra un peu plus par l’élargissement du processus de placement au profit de l’adoption simple qu’il porte (C. civ., art. 361 à venir), sans pour autant renvoyer à l’article 352 relatif aux effets de ce placement vis-à-vis de la famille d’origine et sans se justifier sur le tout (P. Salvage-Gerest et al., art. préc., n° 5). Or, dans un contexte où, comme nous l’avons dit, 88 % des adoptions simples sont prononcées en faveur de majeurs, la proposition peinera ici à convaincre en son principe comme en sa portée.

Interdiction de l’adoption plénière conduisant à une confusion de générations

Fortement refondu par deux amendements distincts (nos 540 et 571), l’article 6 de la proposition de loi sous examen prévoit désormais d’insérer dans le code civil un nouvel article 343-3, aux termes duquel « toute adoption plénière conduisant à une confusion des générations [serait] prohibée ». À l’origine, le texte initial était à la fois plus large et plus précis, en prévoyant que « l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs [était] prohibée ». Plus large, car le texte n’était pas limité à l’adoption plénière ; mais aussi plus précis dans la mesure où, en lieu et place d’une formule assez absconse (celle de « confusion des générations », très « contrôle de proportionnalité compatible »), le texte limitait la prohibition à la seule ligne directe et à celle collatérale au deuxième degré. Or, si la seconde modification pourra tout de même être approuvée, cette marge d’appréciation judiciaire apparaissant particulièrement bienvenue, la première pourra l’être un peu moins, en ce sens où, si la finalité de l’adoption plénière diffère certes de celle de l’adoption simple, peut-être ne justifiait-elle pas, sur ce point, une telle différence de traitement (l’amendement n° 571 évoque d’ailleurs à cet égard une étrange « mesure de coordination »…).

Consentement des parents à l’adoption de leur enfant

L’article 7 de la proposition de loi réordonne, moyennant deux amendements successifs et un troisième de coordination (nos 76, 512 et 511), les dispositions du code civil et du CASF relatives aux qualités exigées du consentement des parents à l’adoption de leur enfant, que l’adoption soit interne ou internationale. Concrètement, le texte fait en effet remonter à l’article 348-3 du code civil les qualités du consentement à l’adoption jusqu’alors énoncées à l’article 370-5, en posant au premier de ces textes que « le consentement à l’adoption doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ». C’est dire que l’article 7 amendé transposerait donc à l’adoption interne les exigences jusqu’alors imposées à l’adoption internationale, en les précisant un peu plus, et ce afin de mettre en commun « la définition du consentement à l’adoption pour toutes les adoptions », aux dires de la promotrice de ce texte (amendement n° 512). Or, si l’on pourra certainement saluer ici l’effort de construction d’un droit commun de l’adoption, l’on pourra néanmoins regretter, sur la forme, l’incise relative à « l’adoption plénière » contenue dans cette disposition d’ores et déjà située… dans un chapitre relatif à l’adoption plénière (P. Salvage-Gerest et al., art. préc., n° 11) ! Ou comment illustrer les dangers des amendements de dernière minute, proposés à la hâte et sans recul suffisant.

Adoption du mineur âgé de plus de 13 ans ou du majeur protégé hors d’état de donner son consentement

Exempt de tout amendement parlementaire, l’article 8 de la proposition de loi poursuit en prévoyant de compléter l’article 348-6 du code civil d’un nouvel alinéa permettant au tribunal judiciaire, « lorsque le mineur âgé de plus de 13 ans ou le majeur protégé est hors d’état de consentir personnellement à son adoption, [de] passer outre l’absence de consentement, après avoir recueilli l’avis du représentant légal ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’adopté ». Saluée par certains (M.-C. Le Boursicot, art. préc.) mais contestée par d’autres (P. Salvage-Gerest et al., art. préc., n° 12), la portée de cette nouvelle disposition demeure toutefois incertaine. Faudra-t-il en effet en déduire, en présence d’un mineur, que « l’avis  » du représentant légal se substituera seulement au consentement de l’enfant ? Ou faudra-t-il considérer qu’il se substituera, plus largement, à ces deux consentements ? En ce dernier cas, la portée du texte serait tout autre, même si la lecture du rapport parlementaire pourrait bien faire pencher la balance, fort heureusement, dans le sens de la première interprétation (M. Limon, rapport préc., p. 37), dont on souhaiterait peut-être confirmation lors du passage de la proposition de loi au Sénat.

Consentement de l’enfant à son changement de nom et prénom

De façon tout à fait opportune, l’article 9 de la proposition de loi se propose ensuite « d’harmoniser les conditions d’âge relatives aux changements de nom et de prénom [de l’enfant adopté] entre les procédures de droit commun [des] articles 60 et 311-23 du code civil, et celles propres à l’adoption » (ibid., p. 42). Pour ce faire, le dernier alinéa de l’article 357 se verrait complété par l’exigence d’un consentement de l’enfant adopté de plus de 13 ans à son changement de prénom en cas d’adoption plénière, tandis que l’article 363 rendrait la pareille pour son changement de nom en cas d’adoption simple. L’harmonisation serait donc limitée, puisque l’enfant adopté en la forme plénière ne pourrait toujours pas – et naturellement pourrait-on dire – s’opposer à son changement de nom, consubstantiel aux effets mêmes de cette forme d’adoption. C’est pourquoi cette proposition convaincra par sa rationalité et sa juste mesure (contra P. Salvage-Gerest et al., art. préc., n° 13).

Rétroactivité de la loi en cas de PMA réalisée à l’étranger

L’article 9 bis de la proposition de loi persuadera en revanche un peu moins le lecteur. Dans le dessein d’anticiper l’ouverture de la PMA aux couples de femmes (M. Limon, rapport préc., p. 42 s) (désormais hypothétique, tant celle-ci ne semble plus être dans les priorités politiciennes – et non politiques – de la majorité), ce nouvel article introduit par la Commission des lois envisage d’insérer un dispositif transitoire relativement discutable. Selon le texte, il deviendrait en effet acquis que, « lorsqu’un enfant né avant l’entrée en vigueur de la présente loi est issu d’une PMA réalisée à l’étranger dans les conditions prévues par la loi étrangère et dans le cadre d’un projet parental commun de deux femmes, mais que la mère désignée dans l’acte de naissance de l’enfant s’oppose sans motif légitime à l’établissement du lien de filiation à l’égard de l’autre femme, celle-ci peut, dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, demander l’adoption de l’enfant […] ». Ce texte ambitionnerait donc de résoudre l’hypothèse du refus de la mère de l’enfant de faire établir le lien filiation de celui-ci envers la co-mère, hypothèse certes rare mais non inexistante (rappr. Civ. 1re, 23 oct. 2013, n° 12-20.560, D. 2014. 1171, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire image ; AJ fam. 2013. 705, obs. G. Vial image ; RTD civ. 2014. 106, obs. J. Hauser image ; 13 juill. 2017, n° 16-24.084, D. 2017. 1528 image ; ibid. 2018. 528, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 641, obs. M. Douchy-Oudot image ; AJ fam. 2017. 478, obs. M. Saulier image ; 6 nov. 2019, n° 19-15.198, Dalloz actualité, 21 nov. 2019, obs. L. Gareil-Sutter ; D. 2019. 2182 image ; AJ fam. 2019. 648, obs. M. Saulier image). Toutefois, l’utilité même du dispositif pourrait sembler superfétatoire au regard de la nouvelle jurisprudence inaugurée en décembre 2019 par la Cour de cassation en matière de transcription des actes d’état civil étrangers en présence de PMA pratiquées à l’étranger (Civ. 1re, 18 déc. 2019, nos 18-14.751 et 18-50.007, Dalloz actualité, 20 déc. 2019, art. T. Coustet ; D. 2020. 426 image, note S. Paricard image ; ibid. 506, obs. M. Douchy-Oudot image ; ibid. 1696, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire image ; AJ fam. 2020. 133, obs. J. Houssier image ; ibid. 9, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2020. 81, obs. A.-M. Leroyer image ; 18 mars. 2020, n° 18-15.368, Dalloz actualité, 11 mai 2020, obs. F. Mélin ; D. 2020. 822 image ; AJ fam. 2020. 311, obs. J. Houssier image). La transcription de ces actes étant désormais de droit en l’absence d’irrégularité et de fraude, le texte ne concernera effectivement que les situations où la co-mère ne sera pas mentionnée dans l’acte de naissance de l’enfant et sera contrainte de recourir à l’adoption. Mais, même en ce cas, le procédé consistant à anticiper l’adoption d’une loi pourra en lui-même prêter à discussion, de surcroît en présence d’un vote désormais bien incertain de la loi concernée (v. égal., en ce sens, P. Salvage-Gerest et al., art. préc., n° 6)…

Autres modifications

Au-delà de ces différentes reprises du code civil, la proposition de loi ambitionne enfin de revoir en profondeur les règles de délivrance des agréments (art. 10) et surtout de refondre le statut des pupilles de l’État (art. 11 à 18), avec plus ou moins de réussite à en croire les auteurs s’étant d’ores et déjà prononcés sur ce point (M.-C. Le Boursicot, art. préc. ; P. Salvage-Gerest et al., art. préc., nos 14 s.). Mais avec plus de quarante amendements à leur actif, on laissera ici le soin à nos successeurs d’étudier, dans le détail, les suites de ces articles amendés en dernière minute !