C’est peu dire que le décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019 qui paraît ce jour au Journal officiel (JORF n° 0294, 19 déc. 2019, texte n° 2) survient dans un contexte que chacun sait particulier. En à peine trois ans, le droit du divorce a été profondément réformé : quelques mois seulement après la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 qui a déjudiciarisé le divorce par consentement mutuel, la loi n° 2019-222 du 23 juin 2019 a opéré une réforme tout aussi ambitieuse à propos du divorce contentieux et de la séparation de corps (J. Casey, Réforme de la procédure des divorces contentieux, simplifier pour mieux juger, vraiment, AJ fam. 2019. 239 image ; E. Chaillié, La séparation de corps, AJ fam. 2019. 318 image ; D. Sadi, Du divorce à grande vitesse : brèves observations à propos de la loi du 23 mars 2019, D. 2019. 1779 image ; J. Boisson, La loi de programmation et de réforme de la justice : le parachèvement de la loi J21 en matière de séparation du couple, JCP N 2019. 1160 ; J.-R. Binet, Divorce et séparation de corps, Dr. fam. 2019. Doss. 10). Si certaines dispositions étaient d’application immédiate (au lendemain de la publication de la loi au JORF), on se souvient aussi que pour celles ayant trait au divorce contentieux (L. 23 mars 2019, art. 22 et 23), le législateur a différé leur entrée en application, laissant au gouvernement le soin d’en préciser la date par décret en Conseil d’État, en fixant toutefois un butoir, comme l’y oblige la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const. 29 déc. 1986, n° 86-224 DC), lequel fut arrêté au 1er septembre 2020 (L. 23 mars 2019, art. 109, VII). Depuis, l’on attendait impatiemment de savoir à quel moment précis le pouvoir réglementaire amorcerait l’entrée en application de ces nouvelles mesures. Dans le courant du mois de novembre 2019, le projet de décret de réforme du divorce – en même temps que celui relatif à la réforme de la procédure civile – a été transmis au Conseil d’État (v. Dalloz actualité, 16 nov. 2019, obs. L. Dargent) dans une version prévoyant une entrée en application au 1er janvier 2020 (v. Dalloz actualité, 15 nov. 2019, interview de J.-F. de Montgolfier, par L. Dargent). Les juridictions et les professionnels se sont légitimement inquiétés d’un lancement au 1er janvier 2020 de ces réformes d’ampleur, notamment s’agissant de l’assignation avec « prise de date ». On a craint, non sans bonnes raisons, qu’une entrée trop brutale désorganise les juridictions (déjà bien en peine, v. en dernier lieu Dalloz actualité, 18 oct. 2019, art. T. Coustet), et ce d’autant plus que l’outil informatique, indispensable à l’information des parties sur la date de la première audience, n’a pas encore été déployé et que les décrets d’application se font ici toujours désirer. C’est ainsi que les magistrats et les avocats ont attiré l’attention de la Chancellerie sur les difficultés d’une entrée en application trop hâtive de certaines mesures. Sensibles aux arguments de l’Union syndicale des magistrats et du Conseil national des barreaux, la ministre de la justice a consenti à un report, au 1er septembre 2020, de la réforme du divorce et des dispositions du projet de décret portant réforme de la procédure civile qui généralisent l’assignation avec « prise de date » (v. Dalloz actualité, 27 nov. 2019, art. T. Coustet). Ainsi, par rapport à la version initiale présentée au Conseil d’État, le décret commenté prévoit aujourd’hui que les dispositions intéressant le divorce (i.e. les art. 1 à 7) entrent en application au 1er septembre 2020 (décr. n° 2019-1380, art. 15) mais la vigilance reste de mise car toutes les autres – notamment celles relatives à la séparation de corps (i.e. art. 8 à 14) – prennent effet au lendemain de sa publication, soit à compter du 20 décembre 2019. En effet, les dix-sept articles du décret n’intéressent pas seulement le divorce avec intervention judiciaire, ils tendent aussi à tirer les conséquences des modifications adoptées dans la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 en matière de séparation de corps et de divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire.

Le divorce avec intervention judiciaire

En matière de divorce contentieux, le décret prend en compte la disparition de la requête initiale et de l’audience sur tentative de conciliation et il modifie les pouvoirs du juge de la mise en état afin que la procédure pour les audiences sur les mesures provisoires soit en partie orale. En outre, le décret tire les conséquences des innovations affectant le divorce accepté et le divorce pour altération définitive du lien conjugal, avant de procéder à un certain nombre de mesures de coordination.

L’unification procédurale du divorce contentieux

Acte unique d’introduction d’instance

Le décret modifie certains articles du code de procédure civile afin de prendre en compte la suppression de la requête initiale et de la phase de non-conciliation (décr. n° 2019-1380, art. 1). L’article 22 de la loi de programmation vise en effet à unifier le régime procédural du divorce contentieux. La procédure en deux temps s’efface, pour voir apparaître un seul acte de saisine. Ainsi, les mots « requête initiale » et « ordonnance de non-conciliation » disparaissent et laissent place à la simple « demande en divorce » (art. 2 et 4). En particulier, le premier paragraphe de la sous-section 3 de la section II – elle aussi désormais intitulée « le divorce et la séparation de corps judiciaires » (art. 3) – du chapitre V relatif à la procédure en matière familiale, prend le titre suivant : « la demande et l’instance en divorce », en lieu et place de « la requête initiale » (art. 5, 1°). Ce paragraphe est en outre intégralement remanié : les articles 1106 à 1109 connaissent une nouvelle rédaction et les articles 1110 à 1114 relatifs à la tentative de conciliation sont abrogés (art. 5, 2° et 3°). Le paragraphe 4 (« les mesures provisoires ») devient le paragraphe 2 (art. 5, 6°) et toute la numérotation des paragraphes suivants rétrograde d’autant, le 5 devenant le 3, le 6 le 4, et ainsi de suite (art. 5, 11° et 14°). L’article 1106 prévoit que « l’instance est formée, instruite et jugée selon la procédure écrite ordinaire applicable devant le tribunal judiciaire ». Il est donc renvoyé aux règles de droit commun de la procédure civile (adde, décr. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, réformant la procédure civile, JO 12 déc.). Il faut dès lors se référer à l’article 252 du code civil dans sa nouvelle rédaction qui impose, comme auparavant, dans l’acte introductif d’instance, une proposition de règlements des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ; mais également la mention des dispositions relatives à la médiation familiale ; à la procédure participative ; à l’homologation des accords sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et les conséquences du divorce (décr. n° 2019-1380, art. 5, 4°).

Assignation avec « prise de date »

À terme, la réforme du divorce ambitionne ainsi de consacrer un unique acte d’introduction d’instance avec « prise de date ». De ce point de vue, le nouvel article 1107 du code de procédure civile requiert particulièrement l’attention : la conséquence directe de cette nouvelle procédure est que la demande en divorce est formée par assignation ou par requête remise ou adressée conjointement par les parties au greffe. Cependant, cette assignation ou cette requête conjointe doit contenir « les lieu, jour et heure de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires » (al. 1er). De cet élément à forte dimension pratique qu’est la date de l’audience dépend la validité de l’assignation ou de la requête, puisqu’elle doit y figurer « à peine de nullité ». On comprend que l’objectif est d’accélérer la procédure et de permettre une meilleure anticipation pour le justiciable mais on peut s’interroger sur la mise en œuvre concrète de ce dispositif. L’alinéa 2 ajoute ainsi que « cette date est communiquée par la juridiction au demandeur par tout moyen selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux ». Cela implique une inéluctable et délicate réorganisation des greffes que les magistrats, greffiers et avocats ont évidemment pointée au soutien d’un report de l’entrée en vigueur du décret. En effet, un outil numérique a été largement évoqué mais il ne devrait apparaître que d’ici septembre 2020. On mesure d’autant plus l’opportunité du report consenti par la Chancellerie même s’il reste à espérer que, le moment venu, cet outil soit prêt à fonctionner. Dans l’hypothèse inverse, les avocats devront obtenir cette date par tout autre moyen (c’est-à-dire concrètement par téléphone ou courriel) auprès des greffes qui devront donc s’organiser en conséquence.

Motif du divorce

S’agissant du fondement de la demande, il faut encore rappeler que la loi du 23 mars 2019 entend laisser une option au demandeur en lui permettant de motiver sa demande lorsque celle-ci sera fondée sur un divorce accepté ou sur un divorce pour altération définitive du lien conjugal et qu’à défaut, le motif pourra être choisi en cours de procédure, en étant précisé dans les premières conclusions au fond (l’art. 1116 est d’ailleurs remanié pour en tenir compte, v. décr. n° 2019-1380, art. 5, 5°). En revanche, la loi nouvelle fait interdiction à l’acte introductif d’instance d’indiquer, ab initio, que la demande en divorce est fondée sur l’article 242 du code civil : en cas de divorce pour faute, le demandeur doit nécessairement attendre les premières conclusions au fond (la règle s’infère de la nouvelle rédaction de l’art. 251 C. civ.). Il s’agit de ménager un temps de réflexion pour cette forme de divorce, certainement la plus contentieuse de toutes, dans un souci de pacification de la procédure. L’article 1107 en tire les conséquences procédurales en affirmant l’irrecevabilité de l’acte introductif d’instance fondé sur la faute : « À peine d’irrecevabilité, l’acte introductif d’instance n’indique ni le fondement juridique de la demande en divorce lorsqu’il relève de l’article 242 du code civil ni les faits à l’origine de celle-ci ».

L’organisation de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires devant le juge de la mise en état

Saisine du juge

Le nouvel article 1108 du code de procédure civile prévoit que le juge aux affaires familiales est saisi, « à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’acte introductif d’instance ». L’alinéa 6 énonce l’obligation pour le défendeur de « constituer avocat dans le délai de quinze jours à compter de l’assignation ». La procédure est ensuite rythmée par des délais fixés par l’article 1108.

Concernant la remise au greffe d’une copie de l’acte introductif d’instance, l’alinéa 2 se concentre sur la situation dans laquelle la communication de la date d’audience par la juridiction est faite par voie électronique, situation qui a vocation à devenir la norme. La remise au greffe doit ainsi être faite dans le délai de deux mois à compter de la communication de cette date par voie électronique. Si ce délai ne semble pas s’appliquer lorsque la communication a été effectuée par d’autres moyens (courrier, courriel ou téléphone notamment), il est ensuite précisé que « la copie de l’acte introductif d’instance doit être remise au plus tard quinze jours avant la date d’audience lorsque, d’une part, la date d’audience est communiquée par la juridiction selon d’autres modalités que celles prévues à l’article 748-1 et, d’autre part, lorsque la date d’audience est fixée moins de deux mois après la communication de cette date par la juridiction selon les modalités prévues à l’article 748-1 ». En somme, si la date d’audience a été communiquée par voie électronique, la remise de la copie de l’acte introductif d’instance doit intervenir dans les deux mois suivant cette communication. Cependant, si, par bonheur, la date d’audience obtenue est antérieure à la date d’échéance de ce délai de deux mois, la copie de l’acte introductif d’instance doit être remise au plus tard quinze jours avant la date d’audience (par ex., si la communication de la date est faite le 1er mars et que la date d’audience est fixée au 15 avril – donc moins de deux mois plus tard –, la remise devra être faite avant le 1er avril). Il en est de même si la communication n’a pas été effectuée par voie électronique.

La procédure est cadencée et la sanction en cas de non-respect de ces délais est claire : « La remise doit avoir lieu dans les délais prévus aux alinéas précédents sous peine de caducité de l’acte introductif d’instance constatée d’office par ordonnance du juge aux affaires familiales ou, à défaut, à la requête d’une partie ». C’est d’ailleurs à cet instant que le juge aux affaires familiales devient le juge de la mise en état. L’alinéa 3 de l’article 1108 dispose en effet qu’il exerce les fonctions de juge de la mise en état à compter « du dépôt de la requête formée conjointement par les parties, de la constitution du défendeur ou à défaut, à l’expiration du délai qui lui est imparti pour constituer avocat ». La nouvelle terminologie peut alors se déployer : il s’agit désormais d’une « audience d’orientation et sur mesures provisoires ».

Audience d’orientation et sur mesures provisoires

L’article 1117 du code de procédure civile qui ne comportait qu’un seul alinéa relatif à la prise en compte des accords conclus entre les époux est réécrit (décr. n° 2019-1380, art. 5, 7°). Il comporte désormais sept alinéas. Les demandes de mesures provisoires peuvent figurer dans l’acte introductif d’instance. À peine d’irrecevabilité, le juge de la mise en l’état est saisi de ces demandes qui doivent alors se trouver dans une partie distincte des demandes au fond (al. 1er). Présentes dès l’acte de saisine, les mesures provisoires ainsi formulées permettront une meilleure préparation de l’audience, en particulier pour le défendeur.

Si une partie renonce à demander des mesures provisoires, elle doit l’indiquer au juge avant l’audience d’orientation ou lors de celle-ci (al. 2). Cependant, les parties pourront toujours formuler une première demande de mesures provisoires jusqu’à la clôture des débats devant le juge de la mise en état. Il sera alors saisi dans les conditions de l’article 789 du code de procédure civile relatif à la saisine du juge de la mise en état, dans sa nouvelle rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.

Dès lors qu’une mesure provisoire est sollicitée par au moins l’une des parties, le juge de la mise en état statue (al. 3) et, le cas échéant, précise la date d’effet des mesures provisoires (al. 7). Les accords conclus par les époux seront pris en considération par le juge (al. 6). Les parties comparaissent assistées par leur avocat mais elles peuvent aussi être représentées (al. 4). Leur présence n’est plus obligatoire même si elle est fortement recommandée. Le juge peut en outre ordonner leur comparution (S. Maitre, La future procédure de divorce et son impact sur les mesures provisoire, AJ fam. 2019. 238 image).

Mais ce qui est présenté comme une innovation procédurale majeure est certainement l’oralité. Les parties pourront en effet « présenter oralement des prétentions et des moyens à leur soutien », l’article renvoyant ensuite aux dispositions propres à la procédure orale du premier alinéa de l’article 446-1 du code de procédure civile (al. 5). L’oralité de la procédure vise à permettre aux parties de s’exprimer afin de faire émerger certains accords, voire en cherchant à concilier les époux (v. l’interview de J.-F. Montgolfier, préc.). On voit que l’esprit de conciliation n’est pas absent de cette nouvelle procédure, même si le vocable est bien sûr supprimé. Cette audience d’orientation et sur mesures provisoires aura somme toute la même finalité pratique que l’audience de conciliation, dont on sait qu’elle tendait bien plus à régler les mesures provisoires qu’à concilier les époux. La différence essentielle se trouve dans le rythme imposé, provoquant une certaine contraction de la procédure, ce qui est bien l’objectif poursuivi.

Si aucune demande de mesure provisoire n’est effectuée (rare en pratique), cette audience se limitera à l’orientation de la procédure, notamment par la fixation d’un calendrier. Précisons que les parties pourront choisir une mise en état conventionnelle par la procédure participative régie par le projet de décret réformant la procédure civile (décr. n° 2019-1333, art. 12 s.).

Procédure spécifique en cas d’urgence

Il faut encore signaler qu’une voie « spéciale » ou « accélérée » est prévue à l’article 1109 pour embrasser certaines situations d’urgence. Ce texte prévoit, par dérogation aux articles 1107 et 1108 du code de procédure civile, que le juge saisi par requête peut autoriser l’un des époux à assigner l’autre à une audience d’orientation et sur mesures provisoires fixée « à bref délai » (al. 1er). Les délais s’accélèrent alors : la remise au greffe d’une copie de l’assignation et la constitution d’avocat du défendeur doivent intervenir au plus tard la veille de l’audience et si cette prescription n’est pas observée « la caducité est constatée d’office par ordonnance du juge aux affaires familiales » (al. 2). Néanmoins, cette accélération doit tenir compte des droits de la défense et l’alinéa 3 précise que « le jour de l’audience, le juge de la mise en état s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que l’autre partie ait pu préparer sa défense ». Si le juge ne fait pas droit à la requête en urgence, le demandeur se tourne vers la voie « ordinaire », à savoir le nouvel article 1107 du code de procédure civile.

Les innovations affectant certains divorces contentieux

Divorce accepté

L’article 1123 du code de procédure civile ouvrant le paragraphe 6 intitulé « dispositions particulières au divorce accepté » est refondu (décr. n° 2019-1380, art. 5, 12°). Si les époux peuvent accepter le principe de la rupture du mariage à tout moment de la procédure, les modalités de cette acceptation sont repensées. Elles intègrent le nouveau format en prévoyant la possibilité de constater cette acceptation lors de « toute audience sur les mesures provisoires », auquel cas elle sera constatée dans un « procès-verbal dressé par le juge et signé par les époux et leurs avocats respectifs ». De surcroît, la forme de l’acceptation diffère en fonction du moment auquel elle intervient :

• si le principe de la rupture du mariage est accepté avant la demande en divorce, la nouvelle voie s’inscrit dans le déploiement de l’acte sous signature privée contresigné par avocat, prévue par le nouvel article 233, alinéa 2, du code civil qui a donné lieu à la création d’un article 1123-1 du code de procédure civile (décr. n° 2019-1380, art. 5, XIII). Les alinéas 3 et 4 de l’article 1123, prévoyant l’acceptation par une déclaration de chaque époux, signée de sa main, sont ainsi supprimés. L’article 1123-1 prévoit donc que l’acceptation peut « aussi résulter d’un acte sous signature privée des parties et contresigné par avocats dans les six mois précédant la demande en divorce ou pendant la procédure ». L’article 233, alinéa 2, précisait déjà que cet acte pouvait être conclu avant l’introduction de l’instance. Cependant, l’article 1123-1 impose que cet acte soit annexé à la requête introductive d’instance formée conjointement par les parties dans le cas où l’acte contresigné par avocat contenant cette acceptation est établi avant la demande en divorce. Notons que, dans ce cas, il doit avoir été passé dans les six mois précédant ladite demande ;

• si le principe de la rupture du mariage est accepté par les époux en cours de procédure (C. civ., art. 233, al. 3), deux formes sont désormais possibles : la déclaration d’acceptation et l’acte sous signature privée contresigné par avocat. En effet, le cinquième alinéa fait réapparaître la déclaration d’acceptation de chaque époux « signée de sa main » qui doit être annexée aux conclusions lorsque la demande est formée en cours d’instance. Il intègre surtout la nouvelle forme d’acceptation par acte sous signature privée des parties contresigné par avocats, qui sera dans ce cas transmis au juge de la mise en état.

Toujours est-il que, quelle que soit sa forme, l’acceptation doit contenir la mention selon laquelle « l’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel » (C. pr. civ., art. 1123, al. 4 nouv., et art. 1123-1, al. 3).

Divorce pour altération définitive du lien conjugal

Outre celles affectant le divorce accepté, le décret tient aussi compte des innovations législatives en matière de divorce pour altération définitive du lien conjugal. À ce titre, le délai d’un an désormais prévu par le nouvel article 238 du code civil est intégré à l’article 1126 du code de procédure civile (décr. n° 2019-1380, art. 5, 15°). Le paragraphe (dorénavant numéroté § 5) connaît l’insertion d’un nouvel article 1126-1 (décr. n° 2019-1380, art. 5, 16°) qui prévoit que, si le divorce est fondé sur l’altération définitive du lien conjugal sans que (comme cela est possible) ce motif soit invoqué dans l’acte introductif d’instance, la décision statuant sur le principe du divorce ne peut intervenir avant l’expiration du délai d’un an. On sait que ce délai est en principe apprécié lors de la demande en divorce, puisqu’il doit être écoulé à cette date (C. civ., art. 238, al. 1er). Mais, lorsque la demande n’indique pas le fondement, le délai s’apprécie à la date du prononcé du divorce (C. civ., art. 238, al. 2). C’est cette seconde situation qu’envisage le nouvel article 1126-1 du code de procédure civile. En pratique, cela signifie concrètement que, si le motif n’est pas précisé dans la demande, le délai pourra s’écouler pendant la procédure. Toutefois, ce délai d’un an n’est pas requis lorsqu’il s’agit d’une demande reconventionnelle, l’article 1126-1 réservant le cas du dernier alinéa de l’article 238 du code civil.

Les diverses mesures de coordination

Protection des victimes de violence

Le décret modifie l’article 1136-13 du code de procédure civile relatif à la procédure aux fins de mesures de protection des victimes de violence (décr. n° 2019-1380, art. 6). En effet, l’ordonnance de protection peut porter sur la résidence séparée des époux et la jouissance du logement (C. civ., art. 515-11, 3°), de même qu’elle peut se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, ou encore sur la contribution aux charges du mariage et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Dès lors que, dans le cadre de la procédure de divorce, des mesures provisoires entrant dans le champ des 3° et 5° de l’article 515-11 telles que précitées sont prononcées par le juge de la mise en état, elles priment sur celles contenues dans l’ordonnance de protection. Ainsi, « les mesures concernées de l’ordonnance de protection cessent de produire leurs effets à compter de la notification de l’ordonnance portant sur les mesures provisoires du divorce » (C. pr. civ., art. 1136-13, al. 1er, in fine). Ces dispositions de cohérence existaient déjà ; l’article 6 du décret visant simplement à prendre en compte la nouvelle terminologie.

Aide juridictionnelle

Toujours au titre des mesures de coordination, le décret prévoit aussi la suppression du deuxième alinéa de l’article 54 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, en ce qu’il porte sur la caducité de la décision d’admission à l’aide juridictionnelle lorsque l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois à compter du prononcé de l’ordonnance de non-conciliation (décr. n° 2019-1380, art. 7).

Le divorce et la séparation de corps sans intervention judiciaire

La loi du 23 mars 2019 a comblé ce qui fut qualifié par la garde des Sceaux « d’un oubli », confessant que ces dispositions « auraient dû figurer d’emblée dans la loi de modernisation de la justice » du 28 novembre 2016 (JO Sénat, 10 oct. 2018, p. 13520). Souhaitant corriger cette omission, le législateur a ouvert un cas de séparation de corps par consentement mutuel sans intervention judiciaire et, du même coup, a mis fin au débat qui fit jour en doctrine (J. Boisson, Le divorce sans juge : vers un détournement du divorce et de la séparation de corps aux fins de changement de régime matrimonial, Dr. & patr. 2016, n° 264, p. 20) jusqu’à ce que la Chancellerie se prononce sur le sujet (circ. 26 janv. 2017, BOMJ n° 2017-06, 30 juin 2017, JCP N 2017, n° 06-07, act. 252). Désormais, l’article 296 du code civil prévoit que la séparation de corps peut, à l’instar du divorce, être « prononcée » par le juge ou « constatée » par une convention sous signature privée déposée au rang des minutes d’un notaire. La loi nouvelle a ainsi calqué la séparation de corps sur le divorce (C. civ., art. 298) en créant, en sus des séparations de corps judiciaires, une séparation de corps par consentement mutuel déjudiciarisée. Il restait à en tirer les conséquences et à prendre pleinement en compte la séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire. Tel est l’objet du deuxième chapitre du décret (art. 8 à 14) qui étend à ce nouveau dispositif les textes créés ou modifiés pour le divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire au moyen d’un renvoi législatif, qui confirme la possibilité de recourir, pour ces actes, à la signature électronique et qui prévoit différentes mesures de coordination. Toutes ces dispositions sont d’application immédiate.

L’élargissement des textes applicables au divorce

Séparation de corps « sans juge »

Prenant acte de la déjudiciarisation opérée par la loi du 23 mars 2019, le décret étend à la séparation de corps tous les textes créés ou modifiés pour le divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire. Cet élargissement est clairement affirmé par l’introduction, dans le code de procédure civile, d’un nouvel article 1148-3 qui opère au moyen d’un renvoi : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux séparations de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire » (décr. n° 2019-1380, art. 8, 5°). Ceci impliquait une retouche dans le plan du code de procédure civile et c’est ainsi que, pour intégrer la séparation de corps, le chapitre V bis du titre Ier du livre III se pare désormais d’un nouvel intitulé : « Le divorce et la séparation de corps par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire » (décr. n° 2019-1380, art. 8, 3°).

Ce faisant, la séparation de corps « sans juge » obéit à compter du 20 décembre 2019 aux mêmes règles que le divorce « sans juge » : information de l’enfant mineur prenant la forme d’un formulaire (C. pr. civ., art. 1144) ; mentions obligatoires de la convention de séparation de corps (nom du notaire ou désignation de la personne morale titulaire de l’office, modalités de recouvrement et de révision de la pension alimentaire lorsqu’elle prend la forme de rente viagère, répartition des frais en cas de bénéfice par l’un des époux de l’aide juridictionnelle, etc.) ; signature en trois exemplaires (C. pr. civ., art. 1145) ; transmission de la convention dans un délai de sept jours pour dépôt à intervenir dans un délai de quinze jours (C. pr. civ., art. 1146) ; mention en marge des actes de naissance et de mariage (C. pr. civ., art. 1447) ; production par le notaire d’une attestation de dépôt (C. pr. civ., art. 1148), etc.

Cela étant, cette « greffe » est parfois imparfaite et peut même susciter quelques confusions. Pour ne prendre qu’un exemple, et contrairement à ce qu’inviterait une lecture littérale de l’article 1148-3 combiné avec l’article 1144-3, la convention de séparation de corps n’a évidemment pas à préciser la valeur des biens ou droits attribués à titre de prestation compensatoire ; si tel est le cas pour le divorce, la mesure est ici sans objet puisque la séparation de corps n’entraîne jamais l’attribution d’une prestation compensatoire (comment en effet compenser la disparité que la rupture crée dans les conditions de vie, là où le lien matrimonial n’est précisément pas rompu et où le devoir de secours entre époux est maintenu ?). C’est donc une application précautionneuse et adaptée à la singularité de la séparation de corps qu’il faut faire des textes du code de procédure civile relatifs au divorce par acte d’avocat déposé auprès d’un notaire. En revanche, s’il est une assimilation à laquelle on peut procéder sans réserve, c’est bien celle relative au recours à l’acte électronique.

Le recours à la signature électronique

Forme électronique

La loi du 23 mars 2019 a modifié l’article 1175 du code civil pour que la convention de divorce ou de séparation de corps soit reçue en la forme électronique, alors que le législateur continue de dénier cette faculté aux autres actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des successions. Le décret tire la conséquence de cette importante innovation : l’article 1145 du code de procédure civile est amendé pour viser le cas de la convention « par signature électronique » donnant ainsi sa pleine efficacité à la mesure (décr. n° 2019-1380, art. 8, 4°). La convention de divorce par consentement mutuel, comme la séparation de corps de cette nature, peut être établie et conservée électroniquement conformément aux prescriptions des articles 1366 et 1367 du code civil.

Présence des parties

Il faut aussi noter, toujours à propos de l’article 1145 du code de procédure civile, un ajout qui règle définitivement un point pratique essentiel : la lettre nouvelle de ce texte précise dorénavant que l’acte doit être signé « ensemble » par les époux et leurs avocats « réunis à cet effet » (décr. n° 2019-1380, art. 8, 4°). C’est une précision importante qui ne doit pas passer inaperçue. On se souvient en effet qu’au lendemain de la loi J21 du 18 novembre 2016, cette question avait donné lieu à des discussions, même si, majoritairement – à l’appui d’une circulaire ministérielle –, il fut retenu que « la convention doit être signée par les époux et leurs avocats ensemble, ce qui signifie une mise en présence physique des signataires au moment de la signature. En pratique, un rendez-vous commun aux deux époux et aux deux avocats devra être organisé en vue de la signature de la convention » (circ. 26 janv. 2017, préc., fiche 5, spéc. p. 17). La réécriture de l’article 1175 du code civil par la loi du 23 mars 2019 a très nettement semblé confirmer cette lecture en évoquant des conventions « contresignées par avocat en présence des parties ». Si bien que le Conseil national des barreaux a récemment complété l’article 7.2 du règlement intérieur national (RIN) de sa profession pour préciser que la convention « est signée, en présence physique et simultanément, par les parties et les avocats rédacteurs désignés à la convention sans substitution ni délégation possible » (CNB, décis., 28 mars 2019, n° JUSC1908797S, JO 30 avr., texte n° 5, AJ fam. 2019. 322, obs. L. Junod-Fanget image ; Dr. fam. 2019. Comm. 150, obs. B. Zouania). Le décret commenté entérine cette solution et lève définitivement toute hésitation, même si on peut s’interroger sur le bien-fondé de l’impossibilité de prévoir une signature « à distance » à une époque du tout numérique placée sous l’égide de la libre circulation des personnes. Surtout, on pressent combien il sera assez difficile pour le notaire de vérifier, à l’occasion de son contrôle formel, que cette solennité a parfaitement été observée.

Les ultimes mesures de coordination

Conversion en divorce

Au titre de quelques ultimes mesures de coordination, le décret met en conformité l’article 1132 du code de procédure civile avec le second alinéa de l’article 307 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019. Souvenons-nous que la retouche de ce texte, qui était déjà supposé n’être qu’une mesure de coordination, apporta en réalité d’importantes conséquences puisqu’il est désormais affirmé « qu’en cas de séparation de corps par consentement mutuel, la conversion en divorce ne peut intervenir que par consentement mutuel ». Pour harmoniser les solutions, le décret modifie l’article 1132 du code de procédure civile pour retenir la rédaction suivante : « En cas de séparation de corps par consentement mutuel et lorsqu’un mineur demande son audition par le juge, la requête aux fins de conversion en divorce par consentement mutuel fondée sur l’article 230 du code civil contient, à peine d’irrecevabilité, les mentions requises par l’article 1090, l’indication de la décision qui a prononcé la séparation de corps, et est accompagnée d’une convention sur les conséquences du divorce » (l’italique souligne les ajouts). Il s’agit seulement de traduire dans le code de procédure civile la règle du code civil selon laquelle la conversion d’une séparation de corps par consentement mutuel en divorce est « tubulaire » (et non en « Y ») puisqu’elle ne peut se faire qu’au profit du divorce par consentement mutuel (C. civ., art. 307, al. 2) à l’exclusion des autres fondements (v. Rép. civ., v° Séparation de corps, n° 62, par N. Dissaux, A. Breton, J. Bouton et E. Fortis).

Varia

Plus à la marge, mais toujours au titre des mesures de coordination, d’autres dispositions – qu’on ne fera que signaler – sont modifiées pour intégrer les mots « ou de séparation de corps » après ceux relatifs au divorce : ainsi de l’article 509-3 du code de procédure civile (décr. n° 2019-1380, art. 8, 1°), de l’alinéa 2 du décret n° 91-152 du 7 février 1991 relatif aux attributions notariales des agents diplomatiques et consulaires (art. 9), de l’article 4-1 du décret n° 65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central d’état civil au ministère des affaires étrangères (art. 10), de l’article R. 351-12 du code de la construction et de l’habitation (art. 11), des articles R. 213-2 et R. 213-9-1 du code des procédures civiles d’exécution (art. 12), de l’article R. 5423-4 du code du travail (art. 13), et du quatrième alinéa de l’article D. 744-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (art. 14).

Conclusion

Le décret commenté, malgré son aspect technique qui n’en facilite naturellement pas la lecture, mérite toute l’attention car il sert une réforme importante qui porte l’ambition d’une désunion pacifiée et accélérée. Si certaines mesures sont d’application immédiate (au lendemain de la publication du décret, soit au 20 décembre 2019), les principales innovations – celles qui demanderont aux magistrats, aux greffiers, aux avocats et aux notaires un temps légitime d’adaptation – seront différées au 1er septembre 2020. Espérons à présent que ce délai suffise pour accueillir avec sérénité ces innovations qui résultent de réformes d’ampleur qui ont été difficiles et longues à assimiler en pratique. Si les praticiens ne sont pas fermés à des évolutions, ils attendent aussi de la clarté et de la cohérence dans l’action législative et réglementaire.