À la suite du prononcé de la liquidation judiciaire d’une société débitrice le 30 mai 2017, une société créancière déclare au passif de la procédure collective de la débitrice une créance de 8 423,34 € résultant d’une ordonnance de référé condamnant cette dernière à lui payer notamment une provision au titre du solde du prix de travaux qu’elle avait réalisés à son profit sur un véhicule à livrer.
Le juge-commissaire ayant admis la créance, la société créancière soutient, en instance d’appel, que la créance fait l’objet d’une contestation sérieuse résultant de malfaçons et d’inexécutions rendant impossible l’usage du véhicule.
La Cour d’appel de Grenoble renvoie les parties à mieux se pourvoir, en invitant la société débitrice à saisir la juridiction du fond compétente pour connaître de sa demande indemnitaire dans le délai d’un mois à compter de la réception de l’avis délivré à cette fin. La société créancière forme un pourvoi fondé sur deux moyens, qui conduisent la haute juridiction à préciser les conditions d’admission des créances au passif de la procédure collective du débiteur.
La Cour de cassation rejette le premier moyen en retenant qu’il résulte des motifs de l’arrêt d’appel que la contestation, fondée sur l’exécution défectueuse de la prestation et ne constituant pas une demande indemnitaire visant à opérer compensation, avait une incidence directe sur le principe et le montant de la créance déclarée, de sorte que la cour d’appel avait déduit à bon droit que la contestation ne relevait pas des pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire, et qu’il y avait lieu d’inviter la société débitrice à saisir la juridiction compétente de la contestation et de surseoir à statuer sur l’admission de la créance.
Le second moyen entraîne cependant une cassation partielle au visa des articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce, les juges du fond ayant retenu que la contestation relative à l’exécution défectueuse du contrat ne relevait pas des pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire, alors que la société débitrice ne faisait valoir aucune contestation contre les condamnations prononcées par l’ordonnance du premier président au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile, ni au sujet des frais d’huissier de justice réclamés.
L’arrêt examiné, rendu en formation de section, reprend une solution déjà rendue sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014, tout en apportant sa pierre au travail de délimitation des pouvoirs du juge-commissaire en matière de contestation de créances.
Confirmation de la solution retenue sous le droit antérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014
Dans le cadre de la vérification du passif du débiteur placé en procédure collective, les créanciers doivent déclarer leurs créances auprès du mandataire judiciaire, lequel formulera des propositions d’admission ou de rejet, qu’il transmettra au juge-commissaire (C. com., art. L. 622-24 et R. 624-1 s.). La question des pouvoirs du juge-commissaire se pose en présence d’une contestation de la créance. Si la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, le juge-commissaire a seul qualité pour trancher la contestation. Mais si elle porte sur le fond, le juge-commissaire dispose de trois options : au vu des propositions du mandataire judiciaire, il peut décider de l’admission de la créance, de son rejet, ou constater soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence (C. com., art. L. 624-2). C’est donc à ce dernier qu’échoit l’importante mission de déterminer le passif définitif du débiteur. Or, la délimitation des pouvoirs du juge-commissaire en présence d’une contestation de la créance soulève un contentieux important.
Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014, la Cour de cassation retenait que le juge-commissaire devait rechercher si les contestations soulevées étaient sérieuses, et susceptibles d’exercer une influence sur l’existence ou le montant de la créance, auquel cas il n’avait pas le pouvoir de statuer sur la demande d’admission de la créance sans surseoir à statuer et renvoyer l’examen de la contestation devant le juge du fond (v. par ex., Com. 2 nov. 2016, n° 15-10.317, RDBF mars 2017....