Dans le prolongement de l’arrêt du 11 septembre étendant la réparation du préjudice d’anxiété à d’autres substances nocives que l’amiante, plusieurs décisions du même jour viennent préciser les modalités et les contours de l’indemnisation des victimes.
Le défaut de consultation annuelle du comité d’entreprise (actuel comité social et économique) sur les décisions de l’employeur portant sur l’aménagement du temps de travail ou la durée du travail, exigée au titre des missions de cet organe n’a pas pour effet d’entraîner l’inopposabilité de l’accord de modulation à l’ensemble des salariés de la société.
La quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévu par la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule faire obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail. En l’espèce, la Cour de cassation approuve la cour d’appel de ne pas s’être fondée exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées et accomplies par la salariée et d’avoir constaté que l’employeur justifiait des heures effectivement réalisées.
Les juges ont estimé que la réparation à hauteur de deux mois prévus par le barème offre une indemnisation « adéquate et appropriée » à la situation du salarié.
L’article L. 1451-1 du code du travail ne faisant pas de distinction entre une rupture du contrat de travail par prise d’acte du salarié aux torts de l’employeur et une rupture résultant d’une démission dont il est demandé la requalification, la saisine directe du bureau de jugement d’une demande en requalification en prise d’acte de rupture d’une démission sans réserve est possible et interrompt le délai de prescription de l’action.
N’est pas valable, faute de précisions, la clause d’exclusion visant les dommages résultant d’une méconnaissance intentionnelle, délibérée ou inexcusable des règles de l’art et normes techniques applicables dans le secteur d’activité de l’assuré.
Une série de décrets (nos 2019-912, 2019-913, 2019-914, 2019-965) et ordonnance (n° 2019-964) pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 tirent les conséquences de la création du tribunal judiciaire. Revue de détails sur les questions de compétence.
Le Conseil d’État précise à quelles conditions le bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA) ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à pension continue de percevoir son allocation.
Le délai de prescription de douze mois prévu par l’article L. 1235-7 du code du travail pour exercer l’action fondée sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l’emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l’absence ou de l’insuffisance d’un tel plan court à compter de la notification du licenciement. Il importe peu à cet égard, que la demande d’indemnisation soit formée consécutivement à l’exercice par un autre salarié d’une action devant le juge administratif en contestation du caractère majoritaire de l’accord collectif portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Le GRECCO a émis six propositions sur des dispositions du décret « documents dématérialisés » du 23 mai 2019 et du décret « fonctionnement des copropriétés » du 27 juin 2019.
La Cour de justice de l’Union européenne se livre à une appréciation d’un certain nombre de clauses au regard de la directive du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.
Dans un arrêt du 18 septembre 2019, la Cour de justice se penche utilement sur la détermination du règlement européen applicable à une action visant à constater l’existence d’une créance invoquée suite à l’ouverte d’une procédure collective. Elle fournit également des précisions sur les modalités d’une déclaration de créance dans une procédure d’insolvabilité.
Le décret du 14 mai 1991, modifié par celui du 13 septembre 2000 rend les normes parasismiques applicables aux modifications importantes des structures des bâtiments existants.
Le ministère de la Justice vient de publier un rapport remis en juillet qui analyse l’évolution des affaires prud’homales entre 2004 et 2018. Ce rapport, écrit par la DACS en collaboration avec la chercheure Évelyne Serverin, montre la forte baisse des recours aux prud’hommes ainsi que la complexification des litiges. Il note aussi une forte inégalité de la contestation des licenciements en fonction du sexe, de l’âge ou de la profession.
Un décret du 3 octobre 2019 supprime l’obligation pour le candidat locataire ou sa caution personne physique de fournir une pièce justificative d’identité en cours de validité comportant la signature du titulaire.
L’action en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs est distincte de celle en suppression des clauses illicites ou abusives.
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le 26 septembre 2019 deux arrêts nous invitant à revenir sur la notion d’intérêt collectif des consommateurs (v. à ce sujet, J. Calais-Auloy et H. Temple, Droit de la consommation, 9e éd., Dalloz, 2015, n° 669, le définissant comme l’« intérêt qui se trouve à mi-chemin entre les intérêts individuels de quelques consommateurs et l’intérêt général de tous les citoyens ». V. égal., J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 2e éd., 2019, Dalloz, coll. « Cours », n° 292 : « L’intérêt collectif des consommateurs est donc au droit de la consommation ce que l’intérêt général est au droit pénal ou encore ce que l’intérêt collectif de la profession est au droit du travail »).
En l’espèce, l’association Union fédérale des consommateurs - Que Choisir (l’UFC) a assigné la société Direct énergie (premier arrêt) ainsi que la société GDF Suez, devenue Engie (second arrêt) en suppression de clauses illicites ou abusives contenues dans ses conditions générales de vente d’électricité et de gaz en vigueur au 1er janvier 2013. En cours d’instance, les sociétés ont émis de nouvelles conditions générales de vente. La question se posait donc de savoir si l’action exercée par l’UFC était toujours recevable.
Les juges du fond (Paris, 9 nov. 2017 et Versailles, 16 nov. 2017) ayant déclaré cette action irrecevable, l’association se pourvut en cassation, invoquant plusieurs arguments.
En premier lieu, la Cour régulatrice considère qu’ayant relevé que la société avait substitué aux clauses contenues dans les contrats conclus sous l’empire des conditions générales litigieuses, de nouvelles clauses notifiées à l’ensemble des clients concernés « de sorte qu’il ne subsistait aucun contrat en cours susceptible de contenir les anciennes clauses litigieuses, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande de suppression portant sur ces clauses était irrecevable ». Cela est parfaitement justifié, le code de la consommation, en ses articles L. 621-2 (dans le cadre d’une action civile) et L. 621-8 (dans le cadre d’une action en cessation d’agissements illicites) permettant aux associations de défense des consommateurs de demander au juge de déclarer qu’une clause est réputée non écrite dans tout contrat proposé ou destiné au consommateur ou dans tout contrat en cours d’exécution.
Pour que ces dispositions aient vocation à s’appliquer, il faut donc qu’un contrat soit en cours ou bien qu’il ait vocation à être proposé aux consommateurs (v. par ex., Civ. 1re, 3 févr. 2011, n° 08-14.402, D. 2011. 1659, obs. X. Delpech , note G. Chantepie ; ibid. 2012. 840, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; JA 2011, n° 435, p. 11, obs. X.D. ; RTD civ. 2011. 350, obs. B. Fages ; RTD com. 2011. 404, obs. B. Bouloc , concernant une action en cessation d’agissements illicites : « l’action préventive en suppression de clauses abusives ouverte aux associations agréées de défense des consommateurs a vocation à s’appliquer aux modèles types de contrats destinés aux consommateurs et rédigés par des professionnels en vue d’une utilisation généralisée »). Il était donc logique que l’action soit...
L’action en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs est distincte de celle en suppression des clauses illicites ou abusives.
L’affectation des sommes sur lesquelles portaient les saisies conservatoires sur un compte spécialement ouvert par la banque à cet effet était une simple opération comptable destinée à les isoler dans l’attente du sort qui leur serait réservé, sans incidence sur les droits des parties, de sorte qu’en l’absence de conversion des saisies conservatoires avant l’ouverture de la procédure collective, ces sommes étaient réputées figurer sur le compte nanti au jour du jugement ayant mis la société en liquidation judiciaire.
Le Comité de suivi de la loi Orientation et réussite des étudiants (loi ORE du 8 mars 2018) a remis, le 7 octobre, son rapport à Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
La sécurité sociale va replonger dans le rouge.
La sécurité sociale va replonger dans le rouge.
En cas d’inscription par un arrêté préfectoral d’un bien immobilier dans une zone prescrite par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, entre la date de signature de la promesse synallagmatique de vente et la réitération par acte authentique, le vendeur de l’immeuble est tenu de compléter le dossier de diagnostic technique, produit à la date du compromis, en fournissant une mise à jour de l’état des risques existants à la date de la réitération par acte authentique.
L’arrêt rapporté livre d’intéressants rappels en matière d’infractions au code de l’urbanisme.
Le droit de l’Union européenne s’oppose à une réglementation nationale qui, en ce qui concerne un contrat portant sur un service financier conclu à distance entre un professionnel et un consommateur, n’exclut pas le droit de rétractation de ce consommateur dans le cas où ce contrat a été exécuté intégralement par les deux parties à la demande expresse du consommateur, avant que ce dernier n’exerce son droit de rétractation.
L’application du règlement (CE), Bruxelles II bis, n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, et l’application du règlement (CE) n° 4/2009 du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, soulèvent parfois des problèmes d’articulation.
Ce n’est pas surprenant compte tenu du fait que la matière des obligations alimentaires a certes un caractère patrimonial mais est directement en lien avec les relations de famille (v. S. Armellini, B. Barel et U. Giacomelli, La famiglia nel diritto internazionale, Guiffrè, 2019, p. 271). Le règlement du 18 décembre 2008 fait d’ailleurs lui-même le lien entre les règles de compétence qu’il édicte et celles issues d’autres matières. Ainsi, son article 3 énonce que sont compétentes pour statuer en matière d’obligations alimentaires dans les États membres : a) la juridiction du lieu où le défendeur a sa résidence habituelle, ou b) la juridiction du lieu où le créancier a sa résidence habituelle, ou c) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à l’état des personnes lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties, ou d) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à la responsabilité parentale lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la...
Par un arrêt du 5 septembre 2019, la Cour de justice se penche sur la détermination de la juridiction compétente en matière d’obligation alimentaire à l’égard de l’enfant d’un couple, lorsque la juridiction initialement saisie s’est déclarée compétente à propos du divorce mais incompétente en ce qui concerne la responsabilité parentale.
Les ministres passent et les notes de service illégales du ministère de l’Éducation nationale restent… Le Conseil d’État censure une nouvelle fois une circulaire sur le mouvement national des enseignants du secondaire.
La décision des ministres de l’Économie et des finances sélectionnant l’acquéreur des parts de l’État dans le capital du concessionnaire de l’aéroport Toulouse-Blagnac est légale, a jugé le Conseil d’État.
Voilà un bel arrêt, d’une grande richesse, qui se situe au confluent de trois disciplines, droit des sociétés, droit civil et droit pénal. Il aurait même mérité, à notre avis, mieux que l’estampille « F-P+B ». Les faits méritent d’être exposés. Un individu a été déclaré coupable de complicité d’abus de biens sociaux commis au préjudice de la société SLEA. Il a logiquement été condamné à payer à cette dernière une certaine somme à titre de dommages-intérêts. Mais soutenant avoir agi au nom et pour le compte d’une autre société, la société Coprim dont elle était le dirigeant, l’intéressé a alors assigné la société Coprim en remboursement des sommes versées à la société SLEA. Sa demande est rejetée par la cour d’appel de Versailles. La solution est confirmée par la Cour de cassation qui rejette son pourvoi.
Son premier argument n’a pas, à juste titre, convaincu la Haute juridiction. Pour lui, il agissait en vertu d’un mandat de droit commun. Le dirigeant est le mandataire de la société dont il est l’organe ; or, en jugeant que les relations entre une société en nom collectif et son gérant ne résultaient pas d’un contrat de mandat au sens de l’article 1984 du code civil, la cour d’appel a violé ce texte. Si l’on va au bout du raisonnement, il faut se référer à l’article 1998 du code civil, qui prévoit que le mandant – ici la société – est engagé par les actes passés en son nom et pour son compte. Ce raisonnement ne convainc pas la Cour de cassation : bien que le dirigeant social soit doté d’un pouvoir de représentation de la société qu’il administre, ses pouvoirs obéissent au système du pouvoir légal et ne sont pas régis par le droit du mandat. L’attendu mérite d’être reproduit en dépit de la formule quelque peu redondante qu’il emploie : « le dirigeant social d’une société (sic) détient un pouvoir de représentation de la société, d’origine légale, l’arrêt retient, à bon droit, que les dispositions spécifiques du code civil régissant le mandat n’ont pas vocation à s’appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant ».
Le dirigeant ajoute que la cour d’appel a constaté que le contrat litigieux avait été souscrit par lui en sa qualité de représentant légal de la société Coprim, dans l’exercice de ses fonctions, au nom et pour le compte de celle-ci, qui en avait tiré avantage. C’est à tort, selon lui, qu’elle a jugé que ce contrat constitue un acte personnel du dirigeant dont il devait en assumer seul les conséquences. Là encore, l’argument n’emporte pas la conviction de la Haute juridiction. Elle affirme que la cour d’appel, ayant relevé que le dirigeant « avait été définitivement jugé coupable de complicité d’abus de biens sociaux au préjudice de la SLEA, retenu que cette faute impliquait un usage illicite des biens de la société qu’il dirigeait, consistant à rémunérer des commissions occultes avec le patrimoine de celle-ci, et énoncé que la faute pénale intentionnelle du dirigeant est par essence détachable des fonctions, peu important qu’elle ait été commise dans le cadre de celles-ci, ce dont elle a déduit [qu’il] ne pouvait se retourner contre la société […] Coprim pour lui faire supporter in fine les conséquences de cette faute qui est un acte personnel du dirigeant, que ce soit vis-à-vis des tiers ou de la société au nom de laquelle il a cru devoir agir ». La solution n’est pas nouvelle en jurisprudence. Toute faute pénale n’est pas une faute détachable des fonctions de dirigeants, mais seulement si elle est intentionnelle (Com. 28 sept. 2010, FS-P+B+R+I, n° 09-66.255, Dalloz actualité, 1er oct. 2010, obs. A. Lienhard ; D. 2010. 2617, chron. R. Salomon ; ibid. 2011. 2758, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau ; RDI 2010. 565, obs. D. Noguéro ; Rev. sociétés 2011. 97, note B. Dondero ; RTD civ. 2010. 785, obs. P. Jourdain ), ce qui est le cas de certains délits, comme ici l’abus de biens sociaux, et bien entendu du crime, que ces infractions aient été punies en qualité d’auteur principal ou de complice. Et en cas de faute détachable, c’est le dirigeant qui doit en supporter les conséquences financières. La société qu’il dirige n’est pas engagée ; il ne peut en aucun cas se retourner contre elle pour obtenir le remboursement des dommages-intérêts auxquels il a été condamné. Comme l’affirme la Cour de cassation, « la dette de réparation du préjudice causé par [la faute pénale intentionnelle du dirigeant social] est une dette propre ».
On sait, d’ailleurs, depuis la jurisprudence Carignon, que, en cas d’abus de biens sociaux, la société dans le cadre de laquelle a été commis cette infraction n’en tire jamais avantage. L’acte accompli par les dirigeants avec les fonds sociaux est nécessairement contraire à l’intérêt social, même s’il vise, par exemple, à décrocher des marchés publics. En effet, selon la chambre criminelle, « quel que soit l’avantage à court terme qu’elle peut procurer, l’utilisation des fonds sociaux ayant pour seul objet de commettre un délit tel que la corruption est contraire à l’intérêt social en ce qu’elle expose la personne morale au risque anormal de sanctions pénales ou fiscales contre elle-même et ses dirigeants et porte atteinte à son crédit et à sa réputation » (Crim. 27 oct. 1997, n° 96-83.698, D. 1997. 251 ; Rev. sociétés 1997. 869, note B. Bouloc ; RSC 1998. 336, obs. J.-F. Renucci ; RTD com. 1998. 428, obs. B. Bouloc ). Pourquoi la société devrait-elle rembourser une somme d’argent dont elle n’a pas tiré profit ?
La faute pénale intentionnelle du dirigeant est par essence détachable des fonctions, peu important qu’elle ait été commise dans le cadre de celles-ci, ce dont il faut déduire que le dirigeant condamné ne pouvait se retourner contre la société pour lui faire supporter in fine les conséquences de cette faute.
La faute pénale intentionnelle du dirigeant est par essence détachable des fonctions, peu important qu’elle ait été commise dans le cadre de celles-ci, ce dont il faut déduire que le dirigeant condamné ne pouvait se retourner contre la société pour lui faire supporter in fine les conséquences de cette faute.
La nullité des actes de procédure est une question de procédure au carrefour d’intérêts divergents qu’il convient de concilier pour garantir la bonne marche du procès.
D’un côté, tout le monde peut convenir qu’une bonne justice ne peut se satisfaire d’un formalisme excessif et rigoriste qui aurait pour effet de nuire à la progression de l’instance. La forme doit servir le fond, non l’entraver. C’est ce qui explique que le code de procédure civile impose certaines conditions à la nullité pour vice de forme. Parmi celles-ci, deux sont essentielles : pas de nullité sans texte et sans grief (C. pr. civ., art. 114).
De l’autre, le formalisme est une impérieuse nécessité. D’abord parce qu’il concourt à l’efficacité de la procédure. Il leur indique précisément la marche à suivre pour faire « vite et bien » (N. Cayrol, Procédure civile, 2e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2019, n° 685, p. 334) : tel acte doit être rédigé de telle façon et être transmis dans tel délai pour son effet. Ensuite parce qu’il est un gage d’égalité et de liberté en ce qu’il les soumet à la même discipline procédurale. Ce faisant, il les met à l’abri « des caprices et des manœuvres déloyales de l’adversaire ou de l’arbitraire du juge » (N. Cayrol, op. cit., n° 688, p. 336).
En l’occurrence, c’est l’attitude du demandeur qui posait difficulté.
La mère d’un enfant né en Suède avait quitté ce pays pour la France. Le père avait saisi les autorités suédoises à l’effet d’obtenir le retour de l’enfant en Suède en application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.
Par requête, la mère a demandé au juge aux affaires familiales de fixer les modalités d’exercice de l’autorité parentale à l’égard de l’enfant commun. Le procureur de la République l’a assignée aux fins de voir ordonner le retour immédiat de l’enfant au domicile du père en Suède.
Infirmant une première décision, une cour d’appel a accueilli cette demande. Statuant sur la requête déposée par la mère devant le juge aux affaires familiales, elle avait estimé que le juge français était incompétent.
La mère avait formé un pourvoi en cassation dont le père contestait la recevabilité au motif que, dans sa déclaration de pourvoi, la mère de l’enfant avait déclaré être domiciliée en France à une adresse à laquelle l’huissier de justice ne l’a pas trouvée. Il arguait que cette irrégularité lui avait causé un grief en faisant obstacle à l’exécution de l’arrêt qui a ordonné le retour immédiat de l’enfant en Suède.
La Cour de cassation lui donne raison. Au visa de l’article 975 du code de procédure civile, elle commence par observer que l’absence ou l’inexactitude de la mention relative au domicile du demandeur en cassation exigée par le texte précité constitue une irrégularité de forme susceptible d’entraîner la nullité de la déclaration de pourvoi s’il est justifié que cette irrégularité cause un grief au défendeur. Or, il résultait d’un procès-verbal de recherches infructueuses que la mère avait déclaré être domiciliée à une adresse qui n’était pas la sienne, de sorte que le père justifiait bien du grief que lui causait cette irrégularité, laquelle avait nuit à l’exécution de la décision de retour. Il s’en suivait que la déclaration de pourvoi était nulle et que celui-ci n’était pas recevable.
Comme tout acte de procédure, la déclaration de pourvoi obéit à un formalisme strict. Aux termes de l’article 975 du code de procédure civile, elle doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires permettant, notamment, l’identification des plaideurs ou de leurs représentants. Sur ce point, la doctrine a déjà pu mettre en exergue une forme de « libéralisme » de la Cour de cassation qui transparaît de la souplesse avec laquelle elle conçoit ces exigences. En particulier, en ce qui concerne l’indication de l’adresse du demandeur, la jurisprudence l’a déjà montré. Une erreur ou une lacune dans les mentions obligatoires reste parfois sans influence sur la validité de la déclaration et, donc, sur la recevabilité du pourvoi. Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle admis la recevabilité du pourvoi formé au nom d’une société, alors que toute la procédure devant les juridictions de fond s’était déroulée au nom d’une personne physique qui exploitait cette firme, parce que cette erreur matérielle se trouvait réparée par les mémoires qui ne laissaient aucun doute sur l’identité du demandeur (Civ. 1re, 21 janv. 1981, Bull. civ. I, no 24 ; V. aussi, Civ. 2e, 6 mai 2004, no 02-17.797, Bull. civ. II, no 207 ; RTD civ. 2004. 766, obs. P. Théry ). Dans le même ordre d’idée, elle a admis qu’une erreur formelle du demandeur pouvait être corrigée hors du délai de pourvoi par une déclaration rectificative (Com. 12 févr. 1985, n° 83-14.282, Bull. civ. IV, no 53).
En ce qui concerne plus spécifiquement l’adresse du demandeur, l’article 975 exige que la déclaration de pourvoi indique précisément son domicile. Le libéralisme de la Cour de cassation s’est traduit par une volonté de sauver l’acte introductif dés lors que les circonstances du litige démontrait qu’aucun grief véritable ne résultait d’une inexactitude de cette mention. Ainsi, par exemple, il a été jugé qu’un pourvoi demeure valide lorsqu’il a été formé par le demandeur sous une adresse qui n’était plus la sienne mais que l’élection de domicile chez son avocat à la Cour de cassation empêchait de contester la recevabilité du recours (Civ. 1re, 17 mai 1982, n° 81-11.744, Bull. civ. I, no 182).
Le libéralisme a cependant des limites qui se trouvent au demeurant posées par l’exigence d’un grief. Si celle-ci nuance et relativise les exigences de forme, elle est aussi ce qui justifie que la sanction soit effectivement prononcée. La haute juridiction a déjà précisé que ce grief peut résulter d’une difficulté dans l’exécution d’une décision de justice. Elle considère que l’absence ou l’inexactitude de la mention du domicile fait grief au défendeur si elle nuit à l’exécution de la décision attaquée (Com. 15 juin 2011, no 09-14.953, Bull. civ. IV, no 97 ; D. 2011. 1771, obs. V. Avena-Robardet ; Civ. 2e, 7 juin 2012, no 11-30.272). Certains auteurs n’ont pas manqué de souligner que cette solution s’inscrit dans le sillage d’un arrêt rendu en 2001 s’agissant de la déclaration d’appel (Dalloz actualité, 30 juin 2011, obs. V. Avena-Robardet) selon lequel l’absence ou l’inexactitude de la mention du domicile dans l’acte d’appel est aussi de nature à faire grief s’il est justifié qu’elle nuit à l’exécution du jugement déféré à la cour d’appel (Civ. 2e, 14 juin 2001, n° 99-16.582, Bull. civ. II, n° 117 ; D. 2001. 3075 , note D. Cholet ; ibid. 2714, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2001. 664, obs. R. Perrot ; V. égal. Civ. 2e, 21 nov. 2002, n° 01-00.935, Bull. civ. II, n° 262 ; Soc. 30 juin 2004, n° 02-42.032, Dalloz jurisprudence). La position retenue marquait une évolution importante en ce que la Cour de cassation avait par cet arrêt « (bouleversé) les idées reçues en ne fermant plus les yeux sur ce genre de défectuosité » (R. Perrot, RTD civ. 2001. 664, obs. ss. Civ. 2e, 14 juin 2001, 3 arrêts, arrêt n° 1188, Perrin c/ Les Assurances du crédit Namur ). « À dire vrai, ce n’est pas un tremblement de terre » (R. Perrot, ibid.). La solution est parfaitement conforme au régime général de la nullité des actes de procédure et, en particulier, aux dispositions de l’article 114 du code de procédure civile.
Il ne faudrait pourtant pas minimiser l’intérêt de l’arrêt rapporté qui se prononce de façon très claire sur une application de cette solution à la déclaration de pourvoi, ce que certains auteurs avaient appelé de leurs vœux (D. Cholet, note ss. Civ. 2e, 14 juin 2001, préc.) et que la Cour de cassation avait déjà retenue (Civ. 2e, 7 juin 2012, n° 11-30.212, Procédures 2012. Comm. 240). Il permet ainsi de rappeler que les mentions relatives au demandeur dans l’acte introductif ne vise pas simplement à en permettre l’identification. « L’éventualité d’une exécution est aussi en ligne de mire » (R. Perrot, RTD civ. 2001. 664, préc.). La Cour de cassation suggère ainsi aux juges du fond d’avoir une vision ouverte du grief qu’est susceptible de causer l’irrégularité, lequel grief relève de leur appréciation souveraine (V. par ex., Civ. 2e, 21 oct. 1982, n° 81-13.543, Bull. civ. II, no 129 ; D. 1983. IR 139, obs. Julien). Surtout, ce grief peut résulter d’une difficulté dans l’exécution de la décision. La solution est particulièrement bienvenue dans la mesure où, en plus de préserver le droit (fondamental) à l’exécution du créancier, elle combat les velléités frauduleuses ou déloyales des parties qui chercherait à dissimuler certaines informations pour paralyser, de fait, l’exécution de la décision rendue (en ce sens, v. D. Cholet, note ss. Civ. 2e, 14 juin 2001, préc. ; v. aussi, Rép. pr. civ., v° Pourvoi en cassation, par J. et L. Boré, 2019, n° 677). On retrouve ici la vertu protectrice du formalisme.
En l’occurrence, la justification du grief ne posait guère de difficulté compte tenu de la particularité des faits litigieux, l’enjeu de l’exécution étant le retour d’un enfant auprès de son père. Or, l’inexactitude des mentions relatives à l’adresse de la mère rendait impossible l’exécution de la décision ordonnant le retour de l’enfant. On notera cependant, comme le souligne très justement un auteur (v. D. Cholet, JCP 2019, n° 40, p. 970, obs. ss. Civ. 1re, 20 sept. 2019, n° 18-20.222, D. 2019. 1845 ), qu’en l’espèce, les difficultés d’exécution ne concernait pas la décision introduite par l’acte vicié – ici le pourvoi- mais une décision précédente ayant ordonné le retour de l’enfant . La difficulté ne semblait cependant pas dirimante dès lors que le grief est apprécié librement par les juges du fond et que rien n’impose qu’il soit lié à la décision rendue à l’issue de la procédure introduite par l’acte vicié. Le grief est une notion de fait, qui renvoie, non à une acte, mais à la situation du plaideur.
L’absence ou l’inexactitude de la mention relative au domicile du demandeur en cassation constitue une irrégularité de forme susceptible d’entraîner la nullité de la déclaration de pourvoi s’il est justifié que cette irrégularité nuit à l’exécution d’une décision de justice.
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Le règlement (UE) Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale prévoit des principes relatifs à la reconnaissance et à l’exécution dans un État membre des décisions prononcées dans les autres États de l’Union.
En matière de reconnaissance, l’article 36 dispose que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. L’article 37 ajoute que la partie qui entend invoquer, dans un État membre, une décision rendue dans un autre État membre produit : a) une copie de la décision réunissant les conditions nécessaires pour en établir l’authenticité ; et le certificat délivré conformément à l’article 53.
En matière d’exécution, l’article 39 énonce qu’une décision rendue dans un État membre et qui est exécutoire dans cet État membre jouit de la force exécutoire dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire. L’article 42, paragraphe 1, pose qu’aux fins de l’exécution, le demandeur communique à l’autorité compétente chargée de l’exécution : a) une copie de la décision...
La juridiction d’origine saisie de la demande de délivrance du certificat prévu par l’article 53 du règlement Bruxelles I bis, en ce qui concerne une décision définitive, ne doit pas vérifier d’office si les règles de compétence propres aux contrats conclus avec des consommateurs ont été méconnues, afin d’informer le consommateur de la violation éventuellement constatée.
Les régions, qui ont en charge le fonctionnement et l’équipement des écoles et instituts de formation de certaines professions de santé, doivent financer l’activité de formation continue incombant légalement à ces écoles et instituts. Le Conseil d’État précise l’incidence de cette obligation sur la subvention d’équilibre versée par les régions à ces établissements.
Sont soumis à la taxe générale sur les activités polluantes, lorsqu’ils sont livrés pour la première fois sur le marché intérieur, les matériaux d’extraction généralement destinés aux travaux publics, au bâtiment et au génie civil, à l’exclusion, notamment, du calcaire industriel, lequel s’entend du calcaire destiné à être utilisé pour les seules industries du ciment, de la chaux, de la sidérurgie, des charges minérales ou à enrichir les terres agricoles. Ce dont il faut déduire que sont visés les matériaux d’extraction dont l’utilisation la plus courante relève de ces activités, peu important qu’il ne s’agisse pas d’une utilisation exclusive.
La réglementation nationale sur l’abattage rituel qui n’impose pas l’étourdissement préalable des animaux ne méconnaît ni le droit européen ni l’interdiction d’exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques.
L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation permet de revenir sur la distinction entre les clauses illicites et les clauses abusives.
L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 26 septembre 2019 fait apparaître une distinction insuffisamment mise en lumière entre les clauses illicites et les clauses abusives (V. à ce sujet, J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 2e éd., 2019, Dalloz, coll. « Cours », n° 98 ; v. égal. C.-L. Péglion-Zika, La notion de clause abusive. Étude de droit de la consommation, préf. L. Leveneur, LGDJ, coll. « Bibl. dr. privé », 2018, nos 176 s., plaidant contre le cumul des deux notions). En l’espèce, l’association Union fédérale des consommateurs - Que Choisir (l’UFC) a assigné la société GDF Suez, devenue Engie, en suppression de clauses illicites ou abusives contenues dans ses conditions générales de vente de gaz naturel de décembre 2011 et septembre 2013. En cours d’instance, la société a émis de nouvelles conditions générales de vente en juin 2014, octobre 2015 et janvier 2016. Déboutée de ses prétentions par un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 16 novembre 2017, l’association de défense des consommateurs se pourvut en cassation.
Sur l’ensemble des moyens du pourvoi, seuls certains retiendront notre attention. La Cour de cassation considère tout d’abord, au titre du premier moyen, que la demande de suppression portant sur ces clauses était irrecevable, mais elle admet l’action en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, celle-ci étant « distincte de celle en suppression des clauses illicites ou abusives » (V. égal. en ce sens, Civ. 1re, 26 sept. 2019, n° 18-10.890. Pour un commentaire de ces solutions, v. Dalloz actualité, 10 oc. 2019, obs. J.-D. Pellier).
Mais ce sont essentiellement les troisième et cinquième moyens qui permettent de mesurer la différence entre une clause illicite et une clause abusive. S’agissant du troisième, il nous apprend que l’article 3.3 des conditions générales de vente de juin 2014 prévoyait que « Le délai prévisionnel de fourniture est convenu entre le Fournisseur et le Client, dans le respect des contraintes imposées par le Distributeur. Il figure dans le catalogue des prestations du distributeur ». Les juges du fond avaient rejeté la demande de suppression de cette clause ainsi que les demandes indemnitaires de l’UFC en retenant que si le délai prévisionnel de fourniture de l’énergie n’y est pas mentionné, une telle information figure dans les conditions particulières du contrat. L’arrêt est censuré au visa de l’article L. 121-87, 8°, devenu L. 224-3, 8°, du code de la consommation : après avoir rappelé « qu’il résulte de ce texte que l’offre de fourniture d’électricité ou de gaz naturel doit préciser, dans des termes clairs et compréhensibles, le délai prévisionnel de fourniture de l’énergie », la cour en conclut « qu’en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse ne permettait pas au consommateur de connaître, avant la conclusion du contrat, le délai prévisionnel de fourniture de l’énergie, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». Il s’agit bien là d’une clause illicite en ce qu’elle est directement contraire à ce que prévoit désormais l’article L. 224-3, 8°, du code de la consommation.
Quant au cinquième moyen, il fait état d’une clause, contenue dans les conditions générales de vente de juin 2014, qui stipulait qu’« À défaut de paiement intégral dans le délai prévu, les sommes dues sont majorées sans mise en demeure de pénalités égales aux sommes restant dues multipliées par le nombre de jours de retard, que multiplie 1,5 fois la valeur journalière du taux de l’intérêt légal en vigueur ». Pour valider cette clause et rejeter en conséquence les demandes indemnitaires de l’UFC, l’arrêt de la cour d’appel de Versailles avait retenu que le défaut de réciprocité de la pénalité infligée au consommateur en cas de retard de paiement ne crée aucun déséquilibre significatif à son détriment, dès lors que la société n’a pas la maîtrise du réseau de distribution, qu’elle subit d’importantes contraintes techniques et que la pénalité infligée au client apparaît modérée.
Là encore, la décision est cassée, mais cette fois-ci au visa des articles L. 132-1 et R. 132-1, 5°, devenus L. 212-1 et R. 212-1, 5°, du code de la consommation : « Qu’en statuant ainsi, alors que la pénalité encourue par le consommateur en cas de retard de paiement ne s’accompagnait d’aucune pénalité réciproque en cas de manquement de la société à son obligation principale de fourniture d’énergie, peu important son défaut de maîtrise du réseau de distribution, l’ampleur de ses contraintes techniques et la modicité de la pénalité infligée au consommateur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». La solution est parfaitement justifiée au regard de l’article R. 212-1, 5°, du code de la consommation, présumant irréfragablement abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de « contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service » (il s’agit d’une clause dite noire). Elle illustre la tendance du droit de la consommation à condamner les clauses ne prévoyant pas une réciprocité dans les droits respectifs des professionnels et des consommateurs (V. à ce sujet, C.-L. Péglion-Zika, op. cit., nos 396 s.).
La distinction entre les clauses illicites et abusives ainsi mise en lumière n’est pas seulement d’ordre pédagogique, elle présente également un intérêt d’ordre procédural : l’article R. 632-1 du code de la consommation dispose en effet que « Le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat » (l’al. 1er de ce texte est issu de la loi n° 2008-3 du 3 janv. 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs et l’al. 2 a été ajouté par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation afin de consacrer la jurisprudence européenne. V. CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08, Sté Pannon GSM Zrt c/ Mme Erzsébet Sustikné Gyorfi, D. 2009. 2312 , note G. Poissonnier ; ibid. 2010. 169, obs. N. Fricero ; ibid. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2009. 684, obs. P. Remy-Corlay ; RTD com. 2009. 794, obs. D. Legeais . V. déjà CJCE 26 oct. 2006, aff. C-168/05, Mme Mostaza Claro c/ Centro Movil Milenium SL, D. 2006. 2910, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 3026, obs. T. Clay ; ibid. 2007. 2562, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; RTD civ. 2007. 113, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 633, obs. P. Théry ). Aussi surprenant que cela puisse paraître, le juge est donc tenu de soulever le caractère abusif d’une clause, mais pas l’illicéité, à propos de laquelle il ne jouit que d’une simple faculté.
Cela étant dit, cette distinction doit être relativisée à un double titre : sur le plan substantiel, les clauses noires, en ce qu’elles sont irréfragablement présumées abusives (tel était le cas en l’occurrence), ne laissent au juge aucune marge de manœuvre si bien qu’il est possible de se demander pourquoi elles ne sont pas tout simplement déclarées contraires à la loi, donc illicites (V. en ce sens, J.-D. Pellier, op. cit., n° 102). Sur le plan procédural, on peut tout d’abord observer que les associations de défense des consommateurs peuvent agir en suppression non seulement des clauses abusives, mais également des clauses illicites (C. consom., art. L. 621-8. Comp. art. L. 621-2, visant, en matière d’action civile, une « clause illicite ») et il en va de même pour l’action de la DGCCRF (C. consom., art. L. 524-1, visant une clause « illicite, interdite ou abusive »). Ensuite, la Cour de justice de l’Union européenne estime que le juge national doit relever d’office toutes les dispositions protectrices du consommateur. Elle a en effet consacré une telle obligation en matière de garantie de conformité (CJUE 4 juin 2015, aff. C-497/13, D. 2016. 617, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ) et de crédit à la consommation (CJUE 21 avr. 2016, aff. C-377/14, D. 2016. 1744 , note H. Aubry ; ibid. 2017. 539, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ).
Ainsi, comme l’affirme le professeur Carole Aubert de Vincelles, « il faut donc en conclure que désormais, quel que soit le domaine de protection des consommateurs, l’effectivité de celle-ci justifie que le juge national soit tenu d’apprécier d’office le respect des exigences découlant des normes de l’Union en matière de droit de la consommation » (C. Aubert de Vincelles, La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de droit de la consommation in Picod Y. (dir.), Le droit européen de la consommation, 2018, Mare et Martin, p. 35, n° 21).
Il faudrait donc que le législateur se décide à consacrer l’obligation de soulever d’office les dispositions protectrices des consommateurs. Que la clause soit illicite ou abusive n’aurait donc plus d’incidence procédurale.
L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation permet de revenir sur la distinction entre les clauses illicites et les clauses abusives.
Le 8 octobre 2019, le député Guillaume Vuilletet a remis au Premier ministre et au ministre chargé de la Ville et du Logement un rapport intitulé « Simplifier les polices de l’habitat indigne - Promouvoir l’habitabilité durable pour tous ».
Il appartient à l’employeur de faire la preuve des effectifs de l’entreprise qu’il allègue pour opposer à une organisation syndicale un seuil d’effectif inférieur à celui permettant la désignation d’un représentant syndical. Les salariés à temps partiel, sont, en application de l’article L. 1111-2, 3°, du code du travail, pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail et il appartient au juge en cas de contestation de vérifier que la prise en compte de ces heures correspond à la durée du travail mensuelle effectivement accomplie par les salariés à temps partiel
L’éventuel manquement de l’établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la faculté, qu’il tient de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.
Un décret exemptant de toute évaluation environnementale certains projets de déboisement, situés dans des zones agricoles, qui y étaient précédemment soumis au terme d’un examen au cas par cas ne méconnaît pas automatiquement le principe de non-régression de la protection de l’environnement, si une évaluation environnementale a été effectuée au stade du document d’urbanisme classant en zones agricoles les terrains concernés.
Au visa d’une règle générale, l’article 16 du code de procédure civile et de deux règles spéciales, les articles 338-12 et 1222 du code de procédure civile, la Cour de cassation censure les juges du fond pour violation du principe du contradictoire. Cette censure est parfaitement justifiée car elle sanctionne de mauvaises pratiques judiciaires.
Dans la première espèce, il s’agissait d’une procédure visant à statuer sur la résidence d’un enfant né d’un couple qui s’était séparé. Alors que l’on était en cours de délibéré, le juge aux affaires familiales se voit adresser le compte rendu de l’audition de l’enfant qui avait eu lieu après la clôture des débats. Dans ses motifs, le juge aux affaires familiales se fonde notamment sur ce compte rendu pour rendre sa décision. La cassation était certaine tant la violation du principe du contradictoire est flagrante.
Dans la seconde espèce, il s’agissait d’une procédure concernant la tutelle d’une femme dont la fille demandait à être désignée comme subrogée tuteur. Déboutée de sa demande, elle fait valoir dans son pourvoi en cassation qu’elle n’avait pas été avisée de son droit de prendre connaissance du dossier avant l’audience et notamment des pièces présentées à la juridiction par le tuteur dont elle demandait justement le remplacement. Là encore, la cassation était certaine puisque le plaideur a été privé de son droit de prendre connaissance des pièces à partir desquelles le juge des tutelles a pris sa décision.
On peut être étonné de constater que certaines cours d’appel n’hésitent pas à valider des atteintes manifestes au principe du contradictoire commises par les premiers juges obligeant ainsi les plaideurs faisant preuve d’opiniâtreté à aller plaider jusque devant la Cour de cassation. En général, les cassations portent sur le moyen d’office soulevé par le juge sans que les parties aient été préalablement invitées à présenter leurs observations. Ici, il s’agit d’une violation de l’alinéa 2 de l’article 16 du code de procédure civile : « Il (le juge) ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement ».
Dans les deux espèces, il s’agit de pièces essentielles concernant le contentieux familial : le compte rendu d’audition du mineur concernant la fixation de sa résidence habituelle après la séparation de ses parents et les pièces du dossier produites par le tuteur judiciairement désigné dont la gestion était contestée. Dans ces deux cas, cela n’a pas choqué les juges d’appel qu’un juge aux affaires familiales et qu’un juge des tutelles se dispensent d’assurer le respect du contradictoire.
Dans la première espèce, c’est l’organisation des débats qui pose question. Comment se fait-il que l’audition de l’enfant, élément essentiel dans ce type de procédure, ait lieu après les débats pendant la phase des délibérés ? Dans la seconde espèce, la requérante n’a pas été informée par le greffe qu’elle pouvait prendre connaissance du dossier. Dans les deux cas, la violation du contradictoire est tellement évidente que seule la précipitation à vouloir expédier certaines procédures peut expliquer ces incongruités procédurales.
C’est la philosophie du « à quoi bon » suivie par certains juges qui estiment que le respect du contradictoire est une perte de temps et que son application purement formelle n’est pas de nature à modifier une décision qui est déjà prise. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a eu l’occasion de censurer un arrêt d’appel qui avait déclaré irrecevables des conclusions prises pour modifier ses fondements juridiques à la suite d’un moyen soulevé d’office au motif que l’ordonnance de clôture s’y opposait (Civ. 1re, 10 oct. 2018, n° 16-16.548 et n° 16-16.870, D. 2018. 2022 ; JCP 2018. Chron. Droit judiciaire privé, n° 6, obs. L. Veyr). Cette pratique judiciaire n’est pas réservée aux juridictions françaises comme on a pu le voir de la part du juge fédéral suisse (CEDH 22 janv. 2019, Rivera Vazquez et Calleja Delsordo c/ Suisse, req. n° 65048/13, Dalloz actualité, 7 févr. 2010, obs. A. Bolze).
On ne rappellera jamais assez que le contradictoire n’est pas seulement une règle de procédure fondamentale. C’est le procès lui-même (M.-A. Frison-Roche, Généralité sur le principe du contradictoire, thèse Paris II 1988). Le litige naît d’une contradiction sur les faits et par conséquent sur la règle de droit applicable. Cette contradiction est tranchée par une discussion au cours de laquelle chaque partie contredit son adversaire sur les éléments de preuve à l’appui des prétentions respectives et sur les règles de droit applicables. Ce sont les éléments du débat. Autrement dit, c’est le champ de ces éléments qui fixe celui de la contradiction. Face à cette contradiction qui engendre un litige juridique, le juge est appelé à trancher celle-ci par application de la règle de droit après examen des faits. Seul et seulement ce qui a été débattu peut servir à fonder la décision du juge. D’ailleurs, où sinon le juge irait puiser les éléments dont il a besoin pour prendre sa décision ? Les règles de procédure lient de manière indéfectible la phase de discussion entre les parties qui précède et justifie la décision qui sera rendue par le juge. Et c’est la qualité de la discussion qui garantit la qualité de la décision. C’est pour cette raison que le juge ne peut pas fonder sa décision sur des éléments qui n’ont pas été débattus contradictoirement, que ce soit pour modifier d’office le fondement juridique d’une prétention ou priver une partie de son droit de prendre connaissance des éléments du dossier sur lequel le juge est appelé à statuer.
La Cour de cassation précise le mode du bon emploi du contradictoire. Dans la première espèce, il est rappelé que le juge a la possibilité de rouvrir les débats ou, a minima, de solliciter les observations des parties en les autorisant à déposer une note de délibéré. Dans la première espèce, la mère de l’enfant était allée plus loin car elle avait déposé des conclusions pour demander le rabat de la clôture et la réouverture des débats. Elle avait aussi produit de nouvelles pièces à l’appui de ses demandes. La cour d’appel avait sèchement rejeté ces demandes au motif qu’une cause grave n’était pas caractérisée et qu’aucune autorisation n’avait été donné de conclure après la fin des débats. S’agissant du procès-verbal de l’audition de l’enfant, l’article 338-12 du code de procédure civile précise lui-même in fine qu’il est soumis au respect du contradictoire. S’agissant de la protection juridique des majeurs, il incombe au greffe de mentionner en caractères très apparents dans les convocations que le requérant a la faculté de consulter le dossier. Il est vrai cependant que cette formalité n’est pas précisée par l’article 1222 du code de procédure civile.
La Cour de cassation le fait à la place du législateur en indiquant qu’il ne résultait pas des énonciations de l’arrêt, ni des pièces de la procédure que la requérante avait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de prendre connaissance du dossier. Dans une espèce récente, la Cour de cassation a encore montré sa volonté de préserver intégralement le principe du contradictoire. Ainsi, même lorsque des conclusions d’intimé sont irrecevables comme tardives par application de l’article 909 du code de procédure civile, l’audition de l’enfant qui conduit le juge à rouvrir les débats impose d’entendre l’intimé sur ce point (Civ. 2e, 16 mai 2019, n° 18-10.825, D. 2019. 1112 ; Procédures 2019. Comm. 193 obs. M. Douchy-Oudot). Autrement dit, le contradictoire est plus fort que le respect drastique des délais d’appel. Enfin, cette jurisprudence révèle une faiblesse dans les procédures familiales sans représentation obligatoire par un avocat. Elle révèle aussi une incohérence de la loi qui impose un avocat seulement en cas de divorce. Cette différence avec les couples non mariés concernant la garde habituelle de l’enfant est difficile à justifier. Si l’on souligne ce point, c’est que dans les deux espèces, il y a fort à parier que la procédure n’aurait pas déraillé si un avocat avait été mandaté.
Il résulte des articles 16 et 338-12 du code de procédure civile que le juge ne peut pas statuer sur la résidence de l’enfant en se fondant sur son audition organisée après la clôture des débats sans inviter les parties à présenter leurs observations en cours de délibéré ou ordonner la réouverture de débats. Il résulte des articles 16 et 1222 du code de procédure civile qu’en matière de protection juridique des majeurs le dossier peut être consulté par le requérant et que ce dernier doit être avisé qu’il peut exercer cette faculté.
Le Conseil constitutionnel étend à l’enseignement supérieur public le principe de gratuité. Ce principe n’empêche pas, selon lui, que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte des capacités financières des étudiants.
Le contentieux des décisions exigées par l’installation des éoliennes relève en premier et dernier ressort de la compétence des cours administratives d’appel. Le Conseil d’État vient d’étendre logiquement cette compétence aux mesures de police qui en sont la conséquence directe.
La caution peut valablement demander au créancier réparation du préjudice personnel et distinct qu’elle impute à une faute de celui-ci commise dans ses rapports avec le débiteur principal.
Le bailleur, qui agit devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’est pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du code de commerce.
Les députés ont adopté en première lecture, le 15 octobre, le projet de loi relatif à la bioéthique.
Le projet de loi Bioéthique concrétise les mesures phares voulues dans ce texte par le gouvernement. En premier lieu, l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes qui, en l’état du droit, est uniquement accessible aux couples hétérosexuels sur indication médicale. Dans le même temps, l’Assemblée a voté le droit d’accès aux origines. Le projet de loi permet à un enfant né de PMA avec tiers donneur d’accéder à un certain nombre de données non identifiantes le concernant, et, s’il le souhaite, à l’identité de celui-ci. Tout donneur devra manifester son consentement exprès à la communication à l’éventuel enfant de ses données non identifiantes et de son identité avant de procéder au don. En parallèle, la PMA post-mortem – c’est-à-dire l’utilisation des gamètes d’un conjoint décédé – a été refusée de justesse par l’Assemblée nationale. Les conditions du don de gamètes sont assouplies. Actuellement, il est autorisé uniquement de couple à couple et nécessite l’assentiment du conjoint. Cette condition est supprimée par le projet de loi, qui instaure la possibilité d’un choix individuel en matière de don de gamètes.
Le projet de loi continue de conditionner le recours aux tests génétiques à une finalité soit médicale, soit scientifique. Un amendement qui visait à rendre possible la réalisation de tests génétiques « récréatifs », une pratique prohibée en France, a été retiré.
A été retoquée par les députés la possibilité d’étendre le diagnostic pré-implantatoire à la trisomie 21. Ils ont également supprimé la possibilité, offerte aux parents, mais très rarement utilisée, de recourir à un « bébé médicament » pour tenter de guérir un frère ou une sœur malade.
Les députés ont adopté en première lecture, le 15 octobre, le projet de loi relatif à la bioéthique.
L’article 820 du code civil qui permet à l’indivisaire de demander au tribunal de surseoir au partage pendant deux ans ne saurait être applicable à la licitation de biens indivis résultant d’une décision judiciaire de partage irrévocable. En effet, la licitation n’étant qu’une modalité de la liquidation, elle n’entre pas dans le périmètre du texte.
par Mélanie Jaoulle 16 octobre 2019
Civ. 1re, 3 oct. 2019, FS-P+B+I, n° 18-21.200
Hériter n’est pas toujours un bienfait et il arrive bien souvent que la succession devienne le cimetière des liens d’adelphité, ces derniers ne survivant pas au décès du dernier parent. Dans cette affaire, une femme décède en 2002 laissant pour lui succéder un fils et une fille. Six ans après le décès de leur mère, soit en 2008, un jugement confirmé par la suite par un arrêt du 27 octobre 2009, a notamment ordonné le partage de la succession. Suite à cela, un jugement du 26 juin 2013 – confirmé par un arrêt du 27 janvier 2015 – a ordonné la licitation de deux immeubles dépendant de l’indivision successorale à la barre du tribunal, sur des mises à prix d’un certain montant. Malheureusement pour les héritiers, la situation ne touchait pas à sa fin. En effet, par deux jugements de 2016 et 2017, le juge de l’exécution a constaté la carence d’enchères pour chacun des biens en question. Le fils a alors assigné sa sœur afin de voir ordonner une nouvelle vente sur licitation sur des mises à prix d’un montant inférieur aux précédentes mais cette dernière a demandé reconventionnellement qu’il soit sursis à la licitation pour une durée de deux ans. En première instance (TGI Foix, 7 juin 2017, n° 17/00329), le juge a ordonné qu’il soit sursis pour une période de deux ans à la procédure de vente sur licitation en se fondant sur les...
L’article 820 du code civil qui permet à l’indivisaire de demander au tribunal de surseoir au partage pendant deux ans ne saurait être applicable à la licitation de biens indivis résultant d’une décision judiciaire de partage irrévocable. En effet, la licitation n’étant qu’une modalité de la liquidation, elle n’entre pas dans le périmètre du texte.
Le décret n° 2019-992 du 26 septembre 2019 tire principalement les conséquences réglementaires des modifications apportées par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, aux procédures de saisie-attribution, d’expulsion et de saisie conservatoire de créances.
La procédure simplifiée de recouvrement des petites créances
La procédure simplifiée de recouvrement des petites créances est née de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et permet à un huissier de justice ayant reçu l’accord du créancier et du débiteur sur le montant et les modalités du paiement d’une créance ne dépassant pas 4 000 € en principal et intérêts, de délivrer sans autre formalité un titre exécutoire. Elle est initiée par une invitation faite au débiteur de participer à la procédure qui, à l’origine, ne pouvait être formalisée que par l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’article 14 de la loi du 23 mars 2019 est venu modifier l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution, en permettant l’engagement de la procédure par voie dématérialisée.
Le décret du 26 septembre 2019 adapte en ce sens la partie réglementaire du code et fixe la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions au 1er janvier 2020. À compter de cette date, il sera loisible à l’huissier de justice chargé de mettre en œuvre une procédure simplifiée de recouvrement de petites créances, d’inviter le débiteur à participer aux négociations par l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou d’un message par voie électronique.
La procédure de saisie-attribution
L’article 15 de la loi du 23 mars 2019 a inséré un article L. 211-1-1 dans la partie législative du code des procédures civiles d’exécution, lequel oblige les huissiers de justice, à compter du 1er janvier 2021, à transmettre leurs actes de saisie-attribution de manière dématérialisée (et non plus sur format papier), lorsqu’ils sont régularisés entre les mains d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts.
Le décret présentement commenté n’apporte, sur ce point, aucune modification substantielle si ce n’est qu’il simplifie la formulation de l’article R. 211-4 relative à l’obligation déclarative du tiers saisi, lorsque l’acte de saisie-attribution lui est signifié par voie électronique, formulation qui se retrouve à l’identique dans les nouvelles dispositions relatives à la procédure de saisie conservatoire de créances (V. infra).
La procédure d’expulsion
Le code des procédures civiles d’exécution prévoit des dispositions spécifiques lorsque l’huissier de justice chargé des opérations d’expulsion trouve, sur place, des meubles. L’article L. 433-1 lui permet, en effet, de les faire transporter dans un lieu désigné par la personne expulsée et à ses frais. Mais si cette dernière n’est pas présente ou qu’elle n’apporte aucune précision en ce sens, l’huissier de justice doit, dans l’acte d’expulsion, dresser inventaire de ces meubles et préciser s’ils paraissent ou non avoir une valeur marchande. Il peut alors choisir, soit de les laisser sur place, soit de les entreposer en un autre lieu approprié. Dans tous les cas, sommation est faite à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un certain délai, faute de quoi il sera décidé de leur sort. C’est sur ce point que l’article 14 de la loi 23 mars 2019 est venu apporter une modification majeure, en supprimant le passage obligatoire devant le juge de l’exécution pour qu’il soit statué sur le sort des meubles non retirés dans le délai prévu.
Le décret du 26 septembre 2019, pris pour l’application de ces dispositions, augmente tout d’abord le délai imparti à la personne expulsée pour retirer ses biens. Celle-ci dispose, comme il est dit à l’article R. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution, d’un délai de deux mois pour ce faire (et non plus un mois), à compter de la remise ou de la signification de l’acte d’expulsion.
Le décret ouvre, par ailleurs, la possibilité de contester l’absence de valeur marchande des biens. L’article R. 433-3 du code précise, dans sa nouvelle rédaction, que la contestation doit être portée devant le juge de l’exécution (celui du lieu de situation de l’immeuble), à peine d’irrecevabilité dans le délai d’un mois à compter de la remise ou de la signification du procès-verbal d’expulsion. Elle suspend, en outre, le délai de deux mois mentionné à l’article R. 433-2 au terme duquel les biens déclarés sans valeur marchande sont réputés abandonnés. Enfin, l’huissier de justice peut être entendu à l’audience sur cette contestation.
Le texte tire les conséquences de ces changements en modifiant les dispositions de l’article R. 433-1 du code des procédures civiles d’exécution, relatives aux mentions additionnelles que doit comporter le procès-verbal d’expulsion, lorsque des meubles ont été laissés sur place ou ont été entreposés dans un lieu choisi par l’huissier de justice.
Tous les actes d’expulsion établis à compter du 1er janvier 2020, peu important que la procédure ait été initiée avant cette date, devront donc contenir, en sus des mentions générales de l’article R. 432-1 du code (description des opérations, identification des personnes concourant à la mesure, désignation de la juridiction compétente pour connaître des contestations relatives aux opérations d’expulsion) :
un inventaire des biens, avec l’indication qu’ils paraissent avoir ou non une valeur marchande ; la mention du lieu et des conditions d’accès au local où ils ont été déposés ; une sommation, en caractères très apparents, d’avoir à les retirer dans le délai de deux mois non renouvelable à compter de la remise ou de la signification de l’acte, faute de quoi les biens qui n’auront pas été retirés seront vendus aux enchères publiques dans le cas où l’inventaire indique qu’ils paraissent avoir une valeur marchande ; dans le cas contraire, les biens seront réputés abandonnés, à l’exception des papiers et documents de nature personnelle qui seront placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l’huissier de justice ; la mention de la possibilité de contester l’absence de valeur marchande des biens, à peine d’irrecevabilité dans le délai d’un mois à compter de la remise ou de la signification de l’acte ; l’indication du juge de l’exécution territorialement compétent pour connaître de cette contestation ; la reproduction des dispositions des articles R. 121-6 à R. 121-10, R. 442-2 et R. 442-3.Pour en terminer avec l’expulsion, le décret met en conformité la partie réglementaire du code avec les modifications apportées, dans la partie législative, par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Les formulations « locaux d’habitation » ou « locaux affectés à l’habitation principale » sont remplacés par celle de « lieux habités ». Ces rectifications sont entrées en vigueur immédiatement.
La procédure de saisie conservatoire de créances
Comme en matière de saisie-attribution, la loi du 23 mars 2019 a rendu obligatoire, à compter du 1er janvier 2021, la transmission par voie électronique des actes de saisie conservatoire de créances régularisés entre les mains d’établissements habilités par la loi à tenir des comptes de dépôts. Elle a inséré, en ce sens, un article L. 523-1-1 dans la partie législative du code des procédures civiles d’exécution.
Le décret du 26 septembre 2019 est donc venu adapter la procédure de saisie conservatoire de créances à cette nouvelle exigence, en complétant tout d’abord les dispositions de l’article R. 523-3 du code, relatives aux mentions de l’acte de dénonciation de la saisie. Cet acte doit ainsi comporter, s’il a été signifié par voie électronique, une copie du procès-verbal de saisi et la reproduction des renseignements communiqués par le tiers saisi.
Le texte modifie également l’article R. 523-4 du code qui fixe l’étendue et les modalités de l’obligation déclarative du tiers saisi, en prévoyant l’hypothèse d’une transmission dématérialisée de la saisie : « Si l’acte de saisie est signifié par voie électronique, le tiers saisi est tenu de communiquer à l’huissier de justice, par la même voie, les renseignements et pièces justificatives mentionnés au premier alinéa. Cette communication doit être effectuée au plus tard le premier jour ouvré suivant la signification, sous réserve des dispositions prévues à l’article 748-7 du code de procédure civile ».
Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux actes de saisie conservatoire de créances signifiés aux tiers à compter du 1er janvier 2021.
Le 28 septembre 2019 a été publié, au Journal officiel, le décret n° 2019-992 du 26 septembre 2019, portant application des articles 14 et 15 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et relatif à la procédure d’expulsion ainsi qu’au traitement des situations de surendettement.
Au troisième trimestre 2019, l’indice de référence des loyers (IRL) tel que modifié par l’article 9 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 sur le pouvoir d’achat, s’élève à 129,99 soit une hausse de 1,20 % sur un an (Informations rapides de l’INSEE n° 2019-265, 15 oct. 2019).
La révision des seuils de ressources 2019/2020 en deçà desquels un bailleur ne peut imposer à son locataire un bail de sortie de la loi de 1948 est connue.
Rendez-vous lundi 4 novembre.
Est inopérante pour l’évaluation du préjudice subi par le bénéficiaire du DALO en raison de la carence fautive de l’État à assurer son relogement, la circonstance que les frais exposés par le demandeur en cas de relogement auraient été supérieurs à ceux qu’il a effectivement payés.
La clause de monnaie de compte fixe une prestation essentielle caractérisant le contrat et ne peut donc, étant claire et compréhensible, donner lieu à une appréciation de son caractère abusif.
« La mise en place d’un barème n’est pas en soi contraire aux textes visés », a retenu la cour d’appel sous la présidence de Pascale Martin.
En application des articles L. 611-3 et L. 611-15 du code de commerce, doit être respectée, en cas de désignation judiciaire d’un mandataire ad hoc, une obligation de confidentialité justifiée par la discrétion nécessaire sur la situation de l’entreprise concernée et sur les éventuelles négociations entre dirigeants, actionnaires, créanciers et garants de celle-ci, il résulte tant de ses fondements que de l’objectif même de la procédure que son caractère confidentiel s’attache non seulement à la requête mais également aux documents ayant trait à la procédure mise en œuvre et notamment à la cession envisagée, qui ne mettent pas en cause seulement la société mais également les créanciers et les repreneurs éventuels nécessairement impliqués dans cette procédure.
Il en résulte la cour d’appel, qui a constaté que les documents dont la communication était sollicitée par l’expert du comité de groupe avaient trait au mandat ad hoc qui avait été mis en œuvre par la société et que par ailleurs la société avait transmis à l’expert les informations comptables et financières et les informations sociales du groupe pour lui permettre de remplir sa mission dans le cadre de l’examen des comptes annuels a pu en déduire l’absence de trouble manifestement illicite.
En application des articles L. 611-3 et L. 611-15 du code de commerce, doit être respectée, en cas de désignation judiciaire d’un mandataire ad hoc, une obligation de confidentialité justifiée par la discrétion nécessaire sur la situation de l’entreprise concernée et sur les éventuelles négociations entre dirigeants, actionnaires, créanciers et garants de celle-ci, il résulte tant de ses fondements que de l’objectif même de la procédure que son caractère confidentiel s’attache non seulement à la requête mais également aux documents ayant trait à la procédure mise en œuvre et notamment à la cession envisagée, qui ne mettent pas en cause seulement la société mais également les créanciers et les repreneurs éventuels nécessairement impliqués dans cette procédure.
Il en résulte la cour d’appel, qui a constaté que les documents dont la communication était sollicitée par l’expert du comité de groupe avaient trait au mandat ad hoc qui avait été mis en œuvre par la société et que par ailleurs la société avait transmis à l’expert les informations comptables et financières et les informations sociales du groupe pour lui permettre de remplir sa mission dans le cadre de l’examen des comptes annuels a pu en déduire l’absence de trouble manifestement illicite.
La demande de consultation des salariés peut être notifiée par un syndicat au seul employeur. L’ensemble des salariés d’un établissement doivent être consultés et non pas les seuls salariés relevant du champ d’application de l’accord en question.
L’employeur, tenu de mener loyalement les négociations d’un accord préélectoral, doit mettre à disposition des organisations participant à la négociation les éléments d’information indispensables à celle-ci. Il doit, à la demande d’un syndicat, communiquer des éléments sur l’identité des salariés et leur niveau de classification, lorsque ces éléments sont nécessaires pour un contrôle réel de la répartition du personnel et des sièges dans les collèges.
Le paiement réalisé par un notaire ayant commis une erreur sur l’ordre des privilèges sans toutefois porter atteinte au principe de l’égalité des créanciers chirographaires n’ouvre pas droit à répétition, dès lors que les créanciers n’ont reçu que ce que leur devait le débiteur.
L’Autorité polynésienne de la concurrence vient de voir sa première décision de sanction suspendue par la cour d’appel de Paris en raison d’un risque sérieux d’annulation fondé notamment sur le défaut d’impartialité du collège.
À défaut d’avoir soumis au salarié une nouvelle convention de forfait en jours après le 1er avril 2016, date de l’entrée en vigueur de l’arrêté d’extension de l’avenant n° 22 du 16 décembre 2014 relatif aux cadres autonomes, l’employeur ne pouvait se prévaloir des dispositions de ce texte pour la période postérieure au 1er avril 2016. La cour d’appel en a exactement déduit que la convention de forfait en jours était nulle.
La qualité de non-professionnel d’une personne morale se déduit de l’absence de rapport direct entre l’objet de son activité et l’objet du contrat en cause. En revanche, l’activité professionnelle exercée par le représentant légal de la société est indifférente ; une société civile non-professionnelle ne perd pas sa qualité si son gérant est considéré pour sa part comme un professionnel.
Le Sénat a adopté le 6 novembre une proposition de loi visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH).
Le Sénat a adopté le 6 novembre une proposition de loi visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH).
La commission, composée de huit membres, sous la présidence de l’ancien garde des Sceaux en décembre dernier, a rendu ses conclusions. Ce document, intitulé Pour une réforme du pourvoi en cassation en matière civile, fait émerger quatre propositions.
Principalement, le texte prône le « renforcement de la procédure d’admission en instaurant un traitement différencié selon la nature des pourvois ». Concrètement, il s’agirait d’adopter un circuit accéléré pour les affaires « relevant de la fonction unificatrice et disciplinaire de la Cour de cassation », et inversement.
Cette solution « aurait l’avantage d’alléger au maximum la procédure d’admission pour permettre aux membres de la Cour de cassation de se concentrer sur les pourvois ayant une portée normative », retient la commission. L’option s’inspire ici de ce qui vaut pour le Conseil d’État, qui n’examine pas les pourvois « non fondés sur un moyen sérieux de cassation » (COJ, art. L. 136-1).
Ensuite, la commission invite à ne pas « isoler » cette procédure. Elle propose de solliciter de la commission des lois une évaluation de cette procédure renforcée d’admission et de traitement différencié des pourvois et débattre de ses conséquences.
Troisièmement, l’assemblée plénière serait une voie réservée aux seules affaires posant une question de principe.
Et enfin, elle appelle à réformer le statut du parquet général afin d’afficher son indépendance – qui existe déjà mais est mal comprise, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme.
La commission s’écarte ainsi de la proposition, formulée par Bertrand Louvel dès décembre 2014 de soumettre les pourvois à autorisation délivrée par chaque chambre en fonction de son intérêt pour le droit ou l’unification de la jurisprudence.
Le groupe de travail installé depuis avril dernier a rendu son rapport le 30 septembre dernier. Il propose de renforcer la procédure d’admission à l’image de ce qui existe devant le Conseil d’État.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation, promis à une large diffusion, condamne des pratiques procédurales autoritaires suivies par certains juges du fond. En l’espèce, une requête en divorce est déposée par le mari. Aux termes des dispositions des articles 251 du code civil et 1106 du code de procédure civile, cette requête initiale doit être muette à propos des raisons du divorce, ce qui était le cas en l’espèce. Cependant, dans la perspective de l’audience de tentative de conciliation obligatoire, le mari avait déposé des conclusions dans lesquelles il faisait état de très nombreux griefs à l’encontre de son épouse, lesquels avaient des liens plus ou moins directs avec les mesures provisoires sollicitées. L’épouse soulève alors l’irrecevabilité de ces écritures, ainsi que l’irrecevabilité de la requête initiale. Cette double irrecevabilité est accueillie par le juge aux affaires familiales dont l’ordonnance est confirmée par la cour d’appel. Selon les juges du fond, s’agissant d’une procédure orale, les conclusions doivent être assimilées à la requête et obéir aux mêmes principes. Dès lors que ces conclusions contiennent des griefs étrangers aux mesures provisoires, elles contreviennent aux exigences légales. La Cour de cassation n’est pas d’accord. D’une part, la teneur des conclusions ne pouvait affecter la régularité de la requête. D’autre part, l’interdiction de faire état, dans la requête en divorce, des motifs du divorce ne s’applique pas aux écritures déposées par les parties à l’appui de leurs observations orales lors de l’audience de conciliation. Selon les juges du droit, la solution adoptée par les juges du fond était donc doublement contraire à la loi.
Depuis la loi du 26 mai 2004 et son décret d’application du 29 octobre 2004, la procédure de divorce fait l’objet d’un tronc commun pour les divorces contentieux. Dans un objectif d’accélération de la procédure et de pacification de la séparation, le législateur a souhaité que la requête initiale ne contienne pas les griefs qui justifient la séparation. Par conséquent, la requête doit être neutre (A. Lienhard, La requête initiale unique. Première phase du tronc commun, AJ fam. 2004. 435 ). Il reste que cette volonté de pacification relève souvent de la quadrature du cercle en matière de contentieux familial. En effet, si la requête doit être purgée de tout grief, elle doit être complète et précise en ce qui concerne les mesures provisoires. Or les demandes des parties sur ces mesures provisoires sont parfois difficilement séparables des griefs ayant conduit l’un des époux à saisir le juge. Un mari toxicomane et alcoolique peut-il bénéficier du droit de garde des enfants ? Si l’on doit, dans la requête, présenter à part les motifs exposés au titre des mesures provisoires, il n’en demeure pas moins que, pour espérer les obtenir, certains praticiens n’hésitent pas à développer certains griefs dans leurs conclusions déposées en vue de l’audience de conciliation obligatoire. Dans ces écritures, ils sont amenés d’une manière ou d’une autre à faire état d’éléments de faits qui se présentent naturellement comme des infractions aux règles du mariage. Autrement dit, il arrive que, par le biais des moyens développés à l’appui des demandes formées au titre des mesures provisoires, certaines requêtes ou des conclusions subséquentes viennent à exposer plus ou moins volontairement des griefs laissant clairement apparaître les motifs du divorce. C’est ce glissement subreptice que refusent les juges du fond : la requête doit à tout prix rester neutre car, à ce stade, le juge ne doit pas entrer dans le débat de fond sur l’imputabilité du divorce.
Après l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004, la question s’était posée de savoir quelle était la sanction en cas de non-respect du principe de neutralité de la requête : nullité de forme, inexistence des mentions relatives aux griefs ou fin de non-recevoir ? Dans le silence de la loi et du décret, une circulaire d’application du ministère de la justice avait opté pour une méthode douce : si la requête contenait des indications qu’elle ne devait pas contenir, il ne fallait pas en tenir compte (n° CIV/16/04, § 2.1.1.1). Pourtant, dans une ordonnance du juge des affaires familiales du 22 novembre 2005, c’est la sanction la plus dure, à savoir celle de l’irrecevabilité, qui avait été choisie (TGI Bordeaux, 22 nov. 2005, RTD civ. 2006. 288, obs J. Hauser ). L’arrêt d’appel censuré par la Cour de cassation témoigne que cette interprétation très stricte est encore présente dans l’esprit de certains magistrats. Peut-on leur en vouloir ? En vérité, cela est difficile si l’on part du constat que la volonté des juges du fond est que l’objectif des textes, celui de prohiber toute motivation sur les causes du divorce, soit parfaitement assuré. Il n’en demeure pas moins que, vis-à-vis du justiciable, dont les intérêts sont en principe censés être défendus par les textes, la requête en divorce sans motif est un objet de perplexité, pour utiliser un euphémisme. L’avocat doit ainsi expliquer à son client qui demande le divorce que l’on ne peut pas raconter l’histoire du couple ni les préjudices subis, pas même à l’appui des mesures provisoires. Il faut se taire pour ne pas cristalliser une atmosphère contentieuse et agressive qui n’est pas de nature à favoriser la conciliation et l’orientation des époux vers un accord. Cet angélisme du législateur est loin des réalités sociales auxquelles sont confrontés les praticiens du divorce. En effet, pour satisfaire à la fois la volonté de leurs clients et respecter les exigences idéalistes de la loi, les avocats sont parfois conduits à contorsionner leurs écritures pour éviter l’irrecevabilité. De plus, le principe conduisant à purger la requête de tout grief ne fait que retarder le moment où, après l’audience de conciliation obligatoire, les époux se jetteront à la figure les pires reproches dans l’assignation en divorce et les conclusions en réponse. Au final, le législateur s’est aperçu que sa logique idéaliste qui passe par un sas de pacification entre les époux était une perte de temps. Il a donc été supprimé par la loi du 23 mars 2019.
La procédure est parfois bien mise à mal pour satisfaire des intérêts confus et contradictoires qui placent le juge et les avocats dans la difficulté. C’est bien le problème de la procédure de divorce qui est orale et partiellement écrite, ce qui engendre de nombreuses complications comme l’illustre l’arrêt commenté. Au fond, la position des juges du fond est rigoureusement conforme aux buts poursuivis par la loi. Sans que la lettre soit aussi explicite, le message peut être compris par certains juges comme une injonction, celle de briser la pratique de certains avocats qui perturbent le bon déroulement de la procédure et sa rapidité. Lors de la requête, rien ne doit transparaître des motifs de la demande en divorce. Les avocats doivent plier, même si cela défie un peu trop le sens commun. En rétablissant celui-ci, la Cour de cassation défend une autre idée de la bonne application de la loi. Pour les juges du droit, il ne faut pas sanctionner outre mesure une pratique qui consiste à déposer des conclusions en vue de l’audience de conciliation. D’autant que la base juridique de la sanction qui consiste à déclarer les conclusions irrecevables et la requête irrégulière est fragile. En effet, déclarer que l’irrecevabilité de conclusions entraîne rétroactivement l’irrégularité d’une requête conforme aux exigences légales reste un raisonnement très discutable. Enfin, aussi condamnable soit-elle, cette pratique est vouée à disparaître en raison de la réforme attendue de la procédure de divorce. Autrement dit, la Cour de cassation suit aussi, à sa façon, la bonne application de la loi. Il ne s’agit donc pas d’une jurisprudence contra legem puisque les positions des juges du fond et de la Cour de cassation peuvent toutes les deux se recommander d’être conformes aux textes. L’autre leçon que l’on peut tirer de l’arrêt est de vérifier le principe qu’il n’existe pas de jurisprudence claire sans texte clair. Si le juge doit appliquer la règle de droit, encore faut-il que son sens soit explicitement énoncé. Lorsque la loi exprime les idées peu lucides du législateur sur les réalités judiciaires et lorsque celui-ci est animé par des motifs électoralistes commodes et complaisants, les praticiens, magistrats et avocats, doivent en permanence s’adapter, ce qui ne facilite pas l’exercice de leur métier. C’est pourquoi on attend avec impatience les nouvelles dispositions qui s’appliqueront à la procédure de divorce, en espérant qu’elles seront plus adaptées aux réalités.
En application des articles 251 du code civil et 1106 du code de procédure civile, des conclusions déposées postérieurement à la requête en divorce ne peuvent en affecter la régularité, même si elles mentionnent des griefs étrangers aux demandes formulées au titre des mesures provisoires.
À la suite d’une opération chirurgicale, une patiente contracte dans une polyclinique un syndrome infectieux dont elle gardera un lourd handicap. Avant son décès, survenu cinq ans plus tard, son mari, son fils et elle-même assignent en responsabilité et en indemnisation le praticien, la polyclinique, son assureur et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Après le décès de la victime directe, les ayants droit demandent réparation de ses préjudices ainsi que de leurs préjudices par ricochet.
Les juges du fond retiennent le caractère certain et direct du lien de causalité entre l’infection nosocomiale et le décès de la patiente. Ils indemnisent, en outre, le préjudice moral de l’époux de la victime résultant de la vue de la déchéance de son épouse et de ses souffrances, ainsi que le préjudice tenant à la perte de la qualité de vie du fait de l’hospitalisation de celle-ci puis lors de son retour à domicile. Ils indemnisent aussi l’époux de son préjudice d’accompagnement de son épouse jusqu’à son décès. Les mêmes juges refusent, par ailleurs, de relever le caractère indemnitaire de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
L’ONIAM forme alors un pourvoi composé de deux moyens.
Dans le premier, le demandeur reproche aux juges du fond de ne pas avoir relevé le caractère indemnitaire de l’APA. Sur le fondement des articles L. 1142-1-1 du code de la santé publique et L. 232-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles, l’auteur du pourvoi remet en cause la qualification opérée par la cour d’appel en faisant valoir qu’elle contrarie le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
Dans le second moyen, l’ONIAM reproche aux juges du fond d’avoir violé le même principe en ayant accordé des indemnités différentes visant en fait la réparation de mêmes préjudices découlant, en l’occurrence, de l’accompagnement de la victime jusqu’à son décès.
Les arguments développés par l’auteur du pourvoi permettront une cassation partielle de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
L’arrêt a les honneurs de la Cour de cassation et contribuera sans doute à dissiper les incertitudes entourant la qualification de l’APA (v. Riom, 13 nov. 2018, n° 17/00920 ; Paris, 4 sept. 2014, n° 13/21806 dans le sens d’une indemnité déductible ; Versailles, 22 juin 2018, n° 16/08736 ; Chambéry, 17 mars 2011, n° 08/02565, qui qualifient l’APA en prestation d’assistance non déductible). Les juges du droit affirment clairement qu’elle revêt bien un caractère indemnitaire et qu’elle doit être déduite du montant de la réparation totale dû à la victime.
L’arrêt permettra aussi de mieux discerner les chefs de préjudice réparables par la distinction opérée ici entre le préjudice d’accompagnement et ceux résultant du bouleversement des conditions de vie de l’aidant causés par la maladie de la victime.
La qualification problématique de l’APA
Lorsqu’une personne contracte une infection nosocomiale dans un des établissements énumérés par la loi, elle peut demander réparation à l’ONIAM de l’intégralité de ses préjudices. En l’espèce, le principe de la réparation sur le fondement de l’article L. 1142-1-1 ne posait pas de problèmes. Dès lors, l’office a dû adresser à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l’avis, une offre d’indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis....
Revêtant un caractère indemnitaire, l’allocation personnalisée d’autonomie est déductible du montant total de la réparation dû à la victime. Les préjudices subis par l’aidant résultant du bouleversement dans ses conditions de vie sont déjà réparés lorsqu’une somme a été allouée sur le chef du préjudice d’accompagnement.
Un propriétaire a procédé à la division de son fonds en six parcelles et en a transféré la propriété à trois propriétaires différents. L’un d’eux a volontairement enclavé ses parcelles moyennant rémunération, en renonçant conventionnellement au bénéfice de la servitude légale de passage grevant les autres parcelles, que le propriétaire à l’origine de la division lui avait consentie.
Le propriétaire des parcelles enclavées les cède à un acquéreur, qui se heurte ainsi à l’impossibilité d’accéder à son domicile avec un véhicule automobile. Cela étant, ce dernier assigne les deux autres propriétaires des parcelles issues de la division, aux fins d’obtenir, à titre principal, un passage sur l’une des parcelles et, à titre subsidiaire, la désignation d’un expert chargé d’examiner la possibilité d’un éventuel passage par une autre parcelle.
L’affaire est portée une première fois devant la Cour de cassation (Civ. 3e, 17 nov. 2016, n° 15-23.140, Dalloz jurisprudence), qui casse l’arrêt ayant retenu que l’auteur du demandeur s’était volontairement enclavé, en renonçant conventionnellement à un droit de passage en voiture sur la parcelle voisine. Au visa de l’article 55 du code de procédure...
L’acquéreur d’une parcelle enclavée ne peut se voir refuser le bénéfice d’une servitude légale de passage au motif que son vendeur a renoncé au droit de passage qui lui avait été consenti. Une telle renonciation ne peut avoir qu’un effet relatif strict.
Le Conseil d’État valide le renforcement d’échange d’information entre les services organisant l’hébergement d’urgence et l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
L’acquéreur d’une parcelle enclavée ne peut se voir refuser le bénéfice d’une servitude légale de passage au motif que son vendeur a renoncé au droit de passage qui lui avait été consenti. Une telle renonciation ne peut avoir qu’un effet relatif strict.
Au prix d’un revirement de jurisprudence influencé par le droit européen, le Conseil d’État juge qu’une interdiction générale et absolue faite aux médecins de recourir à des procédés publicitaires est contraire à la libre prestation de services.
Le Conseil constitutionnel juge conformes, sous une réserve d’interprétation, les dispositions de la loi relative à l’énergie et au climat.
L’arrêté du 28 octobre 2019 fixant la liste limitative et les caractéristiques des travaux qui, dans le cadre d’une VEFA en secteur protégé, peuvent faire l’objet d’une réservation par l’acquéreur, marque l’entrée en application du mécanisme de la vente d’immeuble futur « prêt à finir » introduit par la loi Élan du 23 novembre 2018.
La renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à celle-ci.
Le liquidateur est investi d’un mandat légal de représentation du débiteur dessaisi pour l’exercice des droits et actions de ce dernier concernant son patrimoine, la cour d’appel en a exactement déduit que le notaire n’était pas fondé à opposer le secret professionnel pour refuser de lui communiquer la consistance des droits détenus par le débiteur en liquidation judiciaire dans la succession de son père.
L’obligation d’alternance entre les candidats des deux sexes en début de liste est proportionnée à l’objectif de parité recherché par la loi.
Cet arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 octobre 2019 porte sur l’interprétation du deuxième alinéa de l’article 922 du code civil. Ce texte vise l’hypothèse de la subrogation réelle dont il doit être tenu compte pour déterminer s’il y a ou non atteinte à la réserve héréditaire lorsque le bien donné a permis d’acquérir un nouveau bien. Selon ce texte, en cas de subrogation, il faut tenir compte de la valeur des « nouveaux biens » acquis au stade de la réunion fictive des donations. Quid alors lorsque l’objet de la donation initiale est une somme d’argent qui a permis l’acquisition non d’un nouveau bien en pleine propriété, mais de la nue-propriété d’un bien ?
Dans l’espèce que la Cour de cassation a eu à connaître, une mère a donné à son fils, par préciput et hors part, une somme d’argent qui a été employée pour acquérir la nue-propriété d’un immeuble. Dans le même temps, la donatrice a acquis l’usufruit du même immeuble. La donatrice décède en laissant pour lui succéder sa fille et son fils donataire, ainsi que son petit-fils, lui-même descendant du donataire, désigné légataire universel de la quotité disponible et légataire à titre particulier de ses parts sociales. Compte tenu des différentes libéralités réalisées, la fille de la de cujus a assigné son frère et son neveu en partage de la succession et réduction des libéralités excessives.
La cour d’appel de Riom rejette partiellement les demandes au titre de la réduction des libéralités. Elle considère, d’abord, que le testament peut recevoir pleine et entière application. C’est déjà considérer que le legs de la quotité disponible s’entend non de la quotité disponible à la date du décès telle que déterminée par application des articles 913 et suivants du code civil, mais de la quotité restante après l’imputation du legs à titre particulier des parts sociales. À défaut, les deux legs seraient nécessairement excessifs et réductibles. La cour d’appel considère, ensuite, que la donation de somme d’argent est réductible à la quotité disponible, mais dans la limite de son montant. Les juges du fond refusent, en effet, de faire application de la subrogation réelle au motif que le donataire n’a pas acquis un bien mais un droit réel sur un bien dont la donatrice était usufruitière et que l’on n’était pas en présence d’une donation déguisée de l’immeuble. À lire la décision de la Cour de cassation comme le moyen annexé à l’arrêt, les juges du fond ont estimé que la somme reçue par donation, bien qu’affectée à l’acquisition de la nue-propriété du bien, n’a pas servi à acquérir un bien.
De prime abord, notons que les juges du fond font complètement fi de l’ordre de réduction des libéralités posé par l’article 923 du code civil en ordonnant la réduction de la donation de somme d’argent et l’exécution pleine et entière des différents legs. Ce texte prévoit pourtant qu’« il n’y aura jamais lieu à réduire les donations entre vifs qu’après avoir épuisé la valeur de tous les biens compris dans les dispositions testamentaires ». L’arrêt d’appel n’est toutefois pas critiqué sur ce point.
Surtout, les juges du fond méconnaissent le jeu de la subrogation réelle. L’arrêt, critiqué sur ce point, est logiquement cassé au regard de la première branche du moyen unique et au visa de l’article 922 du code civil.
Dans un attendu liminaire, la Cour de cassation reprend le contenu ses deux premiers alinéas en précisant que « la subrogation prévue par ce texte inclut toutes les donations, y compris celles de sommes d’argent ». Là n’est pas tant la divergence avec la cour d’appel, à la différence des juges de première instance qui, à en croire le moyen annexé, ont considéré que l’intérêt d’une donation de somme d’argent était d’échapper au valorisme monétaire. La solution rendue sur ce point n’est pas nouvelle (Civ. 1re, 4 juin 2007, n° 06-14.473, Dalloz jurisprudence). Elle comble une lacune importante des textes puisque, bien que la subrogation soit prévue expressément en cas de donation d’une somme d’argent en matière de rapport (C. civ., art. 860-1), rien n’est dit pour la réduction. La haute juridiction suit ici les préconisations de la doctrine qui défend une application des règles par analogie (v. not. M. Grimaldi, Les successions, 7e éd, LexisNexis, 2017, n° 886).
Il faut s’en remettre au dernier attendu qui applique la règle posée à l’espèce en présence pour apprécier véritablement la divergence qui existe entre la cour d’appel et la Cour de cassation. Pour cette dernière, en effet, le donataire « avait employé la somme d’argent donnée par sa mère à l’acquisition de la nue-propriété d’un bien immobilier, ce dont il résultait que c’est la valeur de ce bien au jour de l’ouverture de la succession, d’après son état à l’époque de son acquisition, qui devait être réunie fictivement à la masse de calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible, en vue de déterminer une éventuelle réduction ».
Pour la haute juridiction, la subrogation réelle joue donc bien lorsque la somme d’argent reçue par donation a servi à acquérir la nue-propriété d’un immeuble et non la pleine propriété de celui-ci. Pour défendre cette position, les différentes branches du moyen unique du pourvoi, dont la première sur laquelle la cassation est réalisée, soutenaient que la subrogation réelle devait jouer dès lors que les fonds avaient été donnés « dans le but de permettre cette acquisition ». En ne reprenant pas cette condition psychologique conduisant à faire jouer aux mobiles juridiques ayant conduit à la donation un rôle qui n’est pas le leur, la Cour de cassation écarte implicitement cette condition.
Il reste à déterminer le montant dont il doit être tenu compte dans les opérations de liquidation. L’hésitation est permise entre la valeur de l’immeuble en pleine propriété ou la valeur de la nue-propriété de celui-ci. Sur cette question, l’arrêt n’est pas des plus explicites. La troisième branche du pourvoi invitait pourtant la Cour de cassation à se positionner en défendant que c’est la valeur de la pleine propriété qu’il convenait de retenir puisque l’usufruit s’était éteint à la mort de la de cujus.
La Cour de cassation reprenant scrupuleusement la lettre de l’article 922 du code civil se borne à préciser qu’il fallait réunir fictivement la valeur de l’immeuble au jour de l’ouverture de la succession d’après son état à l’époque de son acquisition. La décision est susceptible de plusieurs lectures.
Selon une première lecture, en visant la valeur de l’immeuble, la haute juridiction retiendrait implicitement – mais nécessairement – celle de la pleine propriété. Deux raisons au moins militent contre une telle interprétation. D’abord, si la Cour de cassation avait voulu retenir la solution défendue par la troisième branche du pourvoi, elle n’aurait pas cassé l’arrêt sur sa seule première branche mais aurait également visé celle-ci. Ensuite, en raison de sa généralité, l’attendu ne paraît pas distinguer, à la différence du pourvoi, selon que l’usufruit est éteint ou non au jour de l’ouverture de la succession (ce qui ne sera pas le cas dans la situation d’une réversion d’usufruit ou lorsque l’usufruit sera constitué au profit d’un tiers toujours en vie). Or il n’est possible de retenir la valeur de la pleine propriété que si celle-ci est véritablement reconstituée à la date du décès.
Selon une seconde lecture, en renvoyant à l’état du bien au jour de l’acquisition, la Cour de cassation viserait l’état de démembrement juridique de celui-ci. Dans ce cas, ce serait la valeur de la nue-propriété du bien qu’il conviendrait de réunir fictivement. Là encore, deux raisons au moins militent contre une telle approche. D’abord, la notion d’état du bien renvoie davantage à un état matériel que juridique. La règle permet surtout de déterminer qui, du donataire ou de la succession, profite ou souffre des plus ou moins-values affectant le bien entre son acquisition et l’ouverture de la succession. Or, à retenir qu’il peut s’agir d’un état de démembrement du bien, celui-ci avait disparu en l’espèce au jour de l’ouverture de la succession. Ce faisant, la plus-value consécutive à la reconstitution de la pleine propriété aurait pour origine un cas fortuit (le décès de l’usufruitier) et devrait donc profiter à la succession, d’où une prise en compte de la valeur de la pleine propriété. Ensuite, ce n’est pas la solution traditionnellement admise en cas de donation de la nue-propriété d’un bien avec réserve d’usufruit au profit du donateur. La Cour de cassation retient, en effet, que c’est la valeur de la pleine propriété dont il doit être tenu compte, qu’il s’agisse des règles de la réduction (Civ. 1re, 14 oct. 1981, n° 79-15.946, RTD civ. 1982. 641, obs. J. Patarin) ou du rapport (Civ. 1re, 5 févr. 1975, n° 72-12.624, D. 1975. 673, note R. Guimbellot ; JCP 1976. II. 18249, note M. Dagot ; 28 sept. 2011, n° 10-20.354, Dr. famille 2011. Comm. 172, obs. B. Beignier). On rétorquera peut-être que la situation n’est pas exactement la même. La différence n’est pourtant que de degré et non de nature. De surcroît, pour motiver deux de ses précédents arrêts, la Cour de cassation retient que « le bien donné [doit] être évalué à la date de la donation, mais compte tenu des droits que l’héritier gratifié possède sur ce bien au jour où il doit en être fait rapport » (Civ. 1re, 5 févr. 1975, préc.) ou « au jour où naîtra le droit à la réserve héréditaire (Civ. 1re, 14 oct. 1981, préc.). Par analogie, une même solution s’impose en cas de subrogation réelle, et ce d’autant plus qu’en l’espèce, au regard du montage réalisé, la de cujus avait souhaité que son fils devienne plein propriétaire d’un immeuble à son décès. On comprend alors la référence par les juges d’appel à une éventuelle donation déguisée de l’immeuble, qu’ils ont néanmoins écartée.
Enfin, on peut encore penser que la Cour de cassation botte en touche et ne se prononce pas sur ce point laissant à la cour d’appel de renvoi le soin d’esquisser sa propre jurisprudence. Que cette dernière statue dans un sens ou dans l’autre, il y a fort à parier que la Cour de cassation sera de nouveau saisie de la question tant la solution retenue aura son importance sur le sort des différentes libéralités réalisées par la de cujus. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, les hauts magistrats auraient pu faire l’économie d’une nouvelle navette en motivant leur décision plus clairement.
La Cour de cassation, dans un arrêt largement diffusé du 17 octobre 2019, considère que la subrogation réelle de l’article 922 du code civil joue en cas de donation de sommes d’argent ayant permis l’acquisition de la seule nue-propriété d’un bien, sans préciser cependant la valeur à retenir.
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