Le confinement a empêché vingt-sept auditeurs de justice, sur une promotion de trois cent cinquante, de passer le grand oral dont la note détermine le rang de sortie et le choix du premier poste. Crise ou pas, ces futurs magistrats doivent entrer en fonction le 1er septembre et la direction de l’ENM assure qu’elle fait tout pour qu’il n’y ait pas de décalage sur la prise de poste.
La direction de l’ENM envisage une reprise de l’épreuve dans les jours suivant le 11 mai, date fixée par le chef de l’État pour un possible déconfinement. « Nous travaillons à une reprise des épreuves après cette date et nous espérons qu’elles pourront se tenir entre fin mai et début juin », indique le directeur de l’ENM, Olivier Leurent. Trois jours de grand oral avec respect des mesures de distanciation sociales et des gestes barrières. « J’espère que les auditeurs pourront choisir leurs postes dans les huit premiers jours de juin », souligne Olivier Leurent.
Si les auditeurs de justice ne connaissent pas la liste des fonctions proposées – elle devrait être publiée d’ici la fin du mois d’avril –, ils ont pourtant commencé leur stage de préparation théorique aux premières fonctions. Ils l’effectuent dans un premier temps à distance avant de la terminer en juridiction. En raison des circonstances particulières, le stage devrait être réduit d’un mois.
En attendant, ils ont accès aux documents pédagogiques sur les fonctions qui les intéressent. La direction envisage de leur faire bénéficier de quinze jours de formation l’année prochaine pour compenser leur fin de parcours réduite.
Cette situation peu commune n’inquiète pas une auditrice ayant passé le grand oral. « Nous avons eu une formation très longue et très riche et nous avons été bien formés. Je pense que nous serons prêts à entrer en fonction le 1er septembre, en dépit d’une période de préparation aux premières fonctions raccourcies », estime la jeune femme.
« Il y a une ou deux fonctions qui m’intéressent particulièrement, donc je suis les séquences pédagogiques correspondantes. Je me projette dans chacune des fonctions qu’il nous est donné d’exercer et je suis prête à m’adapter à toutes les situations », conclut-elle.
L’ENM doit faire face à une autre difficulté, le début de scolarité des deux centre quatre-vingt-quatorze auditeurs de la promotion 2020. « Ceux-ci sont en stage “Avocat”, les cabinets ne les ont pas laissés tomber », constate le directeur de l’école. Le 8 juin, ils doivent entamer leur cycle de huit mois d’études à Bordeaux. Avec la pandémie, il n’est plus question de les y accueillir. Les salles sont trop exiguës pour que chacun puisse respecter les mesures de distanciation sociale. La direction et les équipes pédagogiques ont envisagé plusieurs options : location de salles à l’extérieur ; division de la promotion en trois groupes et alternance de télétravail et de cours à l’école. Mais avec le risque d’interrompre la scolarité si l’école se transforme en cluster.
La solution retenue, prise vendredi, est celle de l’enseignement à distance. « Si l’on fait la synthèse entre les risques sanitaires, d’une part, et la dégradation de la qualité pédagogique, d’autre part, la formation à distance l’emporte. C’est une réponse conjoncturelle et la meilleure à la situation actuelle. Mais, sur le moyen long terme, la scolarité doit se faire en présentiel », assure Olivier Leurent. Les cours à distance se dérouleraient du 8 juin à fin juillet avec une reprise des cours à Bordeaux début septembre.
Troisième difficulté, le concours d’accès prévu le 22 mai. Il a été reporté aux 7 et 11 septembre. Les épreuves d’admission se dérouleront à partir du 4 novembre. Ce qui renvoie à début mars l’arrivée des auditeurs. Un décret, validé par le Conseil d’État, réduisant la scolarité de trente et un à vingt-neuf mois de la promotion 2021, devrait être publié sous peu.
Le confinement a par ailleurs suspendu, pour une durée indéterminée, les cycles de formation continue (cinq jours obligatoires pour les magistrats). « Toutes les sessions annulées seront dupliquées l’année prochaine pour que les magistrats retrouvent les réponses à leur besoin de formation », assure Laetitia Dhervilly, sous-directrice de la formation continue à l’ENM. L’école propose plus de cinq cents modules de formation.
Si tous ne sont pas transposables en mode virtuel, l’école, moins d’un mois après le début du confinement, a souhaité déployer des formations en ligne via un logiciel interactif. La première session s’est déroulée les 15 et 17 avril, avec cinquante participants, sur le thème des violences conjugales. Animée par une vice-procureure et une psychologue, elle devrait être programmée à nouveau au regard du nombre de candidats qui s’étaient manifestés, plus de trois cent cinquante.
« On apprend et on progresse à chaque séquence », reconnaît Laetitia Dhervilly. « Nous avons la possibilité de proposer des séquences permettant une réelle interactivité entre les participants et les formateurs, comme celle sur les violences conjugales », souligne-t-elle avant de préciser que d’autres modules, pour cibler un plus large public, sont en cours de construction.
Le premier obstacle à ces formations en ligne reste la disponibilité des magistrats, mobilisés par les plans de continuation d’activité, et leur accès au numérique. « On doit être en capacité de trouver l’équilibre avec les enjeux des juridictions », poursuit-elle. D’ores et déjà, plusieurs nouvelles sessions de formations à distance sont prévues dans les semaines à venir.