Un arrêt, destiné à publication, rendu par la deuxième chambre civile le 17 mai 2023, vient rappeler une règle désormais classique, à savoir que si « Avec l’avis électronique de réception, tout est bon », en son absence, l’avocat doit s’inquiéter… ce qu’il aurait dû faire ici.
Appel par voie électronique d’un jugement prud’homal
Le jugement d’un conseil de prud’hommes fait l’objet d’un appel, le 9 mars 2021. Cet appel est déclaré irrecevable comme tardif : la cour d’appel juge qu’une déclaration d’appel contre un jugement notifié le 5 février 2021, qui avait été transmise par voie électronique le 23 février 2021, n’avait pas « donné lieu à l’ouverture d’une instance d’appel », aux motifs que cette déclaration « n’a pas fait l’objet d’un accusé de réception par la cour », ou encore que cette déclaration n’avait « pas été “reçue” par la cour, comme le montre l’absence d’accusé de réception et l’absence d’enregistrement dans le registre général de la cour ». C’est la déclaration d’appel du 9 mars 2021, tardive mais « reçue », qui donne lieu à l’instance d’appel.
Le perdant se pourvoit en cassation, par un moyen divisé en sept branches : les cinq dernières exposant des « griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation » (C. pr. civ., art. 1014). La première branche reproche une violation de son « obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, en l’espèce, cet avis de réception » et la seconde, une violation des « articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail, ensemble les articles 931 et 748-3 du code de procédure civile ».
Le pourvoi affirme en effet que le conseil de l’appelant avait produit, en pièce jointe d’une note en délibéré, « l’avis de réception reçu à la suite de l’envoi, le 23 février 2021, de la déclaration d’appel » (première branche) et que l’appel avait bien été formé dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement « dès lors que la déclaration du 23 février 2021 avait été envoyée électroniquement avant l’expiration du délai d’appel ».
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle d’abord in extenso la teneur de l’article 748-3, dans son dernier état, c’est-à-dire modifié par le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019, et répond aux deux branches :
d’une part, le message, adressé au greffe de la cour d’appel par l’avocat, « dont il n’établit pas la réception par la cour d’appel », n’est pas « un avis électronique attestant de cette réception conformément aux exigences de l’article 748-3 du code de procédure civile » ; d’autre part, la déclaration d’appel n’ayant pas eu de suite (elle « n’avait fait l’objet ni d’un accusé de réception par la cour d’appel ni d’un enregistrement dans son registre général et n’avait donc pas donné lieu à une instance d’appel »), l’appel était bien irrecevable.Application de l’article 748-3 du code de procédure civile
L’arrêt est assez court – ce qui n’est pas un reproche à l’heure où les arrêts s’allongent pour abriter une motivation « enrichie » – mais clair : l’article 748-3 (al. 1er) exige un avis électronique de réception « adressé par le destinataire » – ici, le greffe de la cour d’appel – et seul l’avis de réception remplit l’office que lui assigne l’article 748-3, à l’exclusion d’un « avis » d’envoi, que se procure à lui-même l’expéditeur, ici, l’avocat de l’appelant.
L’avis de réception est un précieux sésame, voire un talisman, qui protège les avocats lorsqu’ils ont effectué correctement les actes de la procédure dématérialisée. En fait, l’avis de réception, « équivalent fonctionnel », est généré automatiquement et – en principe – immédiatement (Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, 2021, n° 59 ; L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel,...