Le développement massif du cautionnement professionnel implique un accroissement sensible du contentieux relatif à la perte du recours après paiement de la caution. En effet, une société de financement qui se porte caution, et qui est généralement une filiale de la banque prêteuse, est souvent bien moins regardante avant de payer en cas de défaillance du débiteur qu’une caution non professionnelle, tandis qu’elle ne manque pas, immédiatement après paiement, d’exercer contre le débiteur son recours subrogatoire et/ou personnel. Telle est l’hypothèse qui a donné lieu à un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 25 mai 2022.
En l’espèce, une banque a consenti deux prêts immobiliers à des coemprunteurs solidaires, garantis par le cautionnement consenti par la Compagnie européenne des garanties et cautions. Alors que l’un des codébiteurs bénéficiait d’une suspension pendant un an de l’exécution de ses obligations, certaines échéances sont demeurées impayées, de sorte que la banque a mis en demeure le second codébiteur de payer avant de prononcer la déchéance du terme. Après avoir payé les sommes réclamées, la caution a assigné les emprunteurs en remboursement. La cour d’appel a alors déclaré l’action de la banque contre le codébiteur bénéficiant d’une suspension de l’exécution de ses obligations irrecevable aux motifs qu’aucune déchéance n’avait pu être prononcé à son encontre pendant la période de suspension et que « la caution, étant subrogée dans les droits de la banque, ne peut avoir plus de droits que cette dernière ». La caution a formé un pourvoi en cassation, soutenant qu’elle ne pouvait se voir opposer les exceptions dont le débiteur aurait disposé à l’égard du créancier dans le cadre de l’exercice de son recours personnel.
La question posée était alors celle de l’opposabilité, par le débiteur à la caution exerçant son recours après paiement, des exceptions – et plus particulièrement d’une absence de déchéance du terme – qu’il pourrait opposer au créancier.
La Cour de cassation a répondu par la négative et cassé l’arrêt attaqué en relevant que la caution exerçait son recours personnel et que, dans ce cadre, en application de l’article 2308, alinéa 2, du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, « si un débiteur peut faire valoir à sa caution qu’il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu’elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l’absence de déchéance du terme de sa dette, celle-ci n’étant pas une cause d’extinction de ses obligations ». Compte tenu également du principe selon lequel la caution a un recours en répétition pour le tout contre chacun des codébiteurs solidaires qu’elle a cautionnés (C. civ., art. 2307 ancien), la Cour de cassation en a déduit que « l’absence de déchéance du terme à l’égard de l’un des débiteurs solidaires ne prive pas la caution de son droit d’exercer à son encontre son recours personnel ».
Cette solution repose, d’abord, sur la spécificité du recours...