Sans surprise, l’instabilité du contexte économique et géopolitique actuel est particulièrement porteur pour l’arbitrage international, « qui a vocation à traiter cette pathologie », a rappelé Philippe Pinsolle, avocat associé de Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan, lors des Rencontres de l’arbitrage et du contentieux, organisées le 1er février 2024 à Paris par le cabinet de conseil Accuracy et Option Finance. « Cet environnement est globalement favorable et on assite effectivement à une explosion du nombre d’affaires. Mais il faut que nous ayons tous conscience du fait que l’arbitrage est une institution extrêmement fragile parce qu’elle repose sur un alignement de planètes, qui n’est pas toujours vérifié aujourd’hui. » La pratique est en effet soumise « à des pressions, à la fois internes et externes ».
Le risque de manquer d’arbitres de qualité en Europe continentale
Première difficulté : « aujourd’hui, on manque d’arbitres de qualité, parce qu’une génération qui a fait les beaux jours de l’arbitrage international ces vingt dernières années est en train de partir à la retraite », a poursuivi l’avocat. « La génération suivante ne s’est pas encore totalement projetée dans l’activité d’arbitre – on aime encore bien le conseil –, et il y a une génération qui vient qui s’est positionnée comme arbitre mais pas toujours avec l’expérience requise, ce qui fait que les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. Il y a un risque, en tout cas en Europe continentale, de manque d’arbitres de qualité et d’expérience dans les dix ans à venir. »
Cette difficulté liée au manque d’arbitres est par ailleurs aggravée par un autre phénomène. « Aujourd’hui, dans chaque affaire, il y a au minimum une demande de récusation ou une objection à la confirmation. (…) Non seulement on a peu d’arbitres, mais quand on en a, ils sont souvent obligés de faire des déclarations, et cela déclenche souvent des oppositions. Il revient alors aux institutions et aux juges d’appui de jouer leur rôle en étant fermes, en écartant certaines objections dilatoires. » Autant de pressions internes à la pratique de l’arbitrage international « pour lesquelles il y a certainement des solutions, mais dont il faut être conscient que le problème va se poser ».
« Le crépuscule de l’arbitrage de protection des investissements »
Les autres difficultés relèvent « de pressions externes, par l’effet conjugué de l’action politique de la Commission européenne et de l’action juridique la Cour de justice de l’Union européenne, qui sapent un certain nombre de fondements établis de l’arbitrage international », a-t-il expliqué. Ce qui, aujourd’hui, inquiète un certain...