À l’occasion d’un incident de communication de pièces soulevé devant le juge le mise en état, la Cour de cassation vient préciser le sens et la portée de la distinction entre pouvoir juridictionnel et compétence. Dans un procès opposant deux parties, il est argué que des pièces produites sont couvertes par le secret professionnel. L’incident est tranché par le juge de la mise en état qui estime l’exception fondée. Il rend donc une ordonnance en ce sens, laquelle fait l’objet d’un appel immédiat pour excès de pouvoir. La cour d’appel estime néanmoins cet appel irrecevable et son arrêt fait l’objet d’un pourvoi en cassation. Les juges du droit étaient saisis de deux questions. La première concernait la recevabilité du pourvoi dans la mesure où la cour d’appel avait déclaré l’appel irrecevable. Sur ce pourvoi incident, la Cour de cassation décide que le pouvoir est recevable puisqu’il invoque un excès de pouvoir. On sait que ce motif est une carte joker qui permet toujours de former un recours, à ses risques et périls (C. Charruault, L’excès de pouvoir du juge civil, Études offertes au Doyen Philippe Simler, Litec, Dalloz, p. 857).
Sur le fond, le pourvoi articulait un moyen plus complexe. De fait, la motivation de la cour d’appel pour fonder le rejet de l’appel était pour le moins alambiqué. Les juges du fond avaient considéré l’appel irrecevable car l’appelant ne rapportait pas la preuve que le juge de la mise en état avait commis un excès de pouvoir. Ils avaient ajouté que « (…) seule la compétence du juge de la mise en état ayant fait débat et non pas la demande dont il était saisi qui excéderait ses pouvoirs, et que le juge de la mise en état ne s’est pas attribué un pouvoir qu’il n’avait pas mais a éventuellement exercé une compétence qu’il n’avait pas (…) ». Mais, pouvoir ou compétence, les juges du fond avaient bien relevé une impossibilité pour le juge de la mise en état d’écarter des débats les pièces litigieuses. L’irrecevabilité de l’appel consacrait donc bien un excès de pouvoir du juge de la mise en état. La Cour de cassation censure donc la décision et, statuant au fond conformément à l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire, annule l’ordonnance, ce qui a pour conséquence de rendre irrecevable la demande d’incident de communication de pièce qui avait été...