Par Le Batonnier le mercredi 24 novembre 2021
Catégorie: Actualités juridiques

Beau fixe pour la procédure à jour fixe, quand la nullité s’impose sur la caducité

Le liquidateur judiciaire d’une société assigne une partie devant le juge de l’exécution afin que soit ordonnée la vente forcée d’un bien et fixée sa créance. La défenderesse est déboutée de sa contestation et le jugement d’orientation ordonne donc la vente forcée de l’immeuble. Le 3 mai 2019, la défenderesse relève appel du jugement d’orientation et est autorisée à assigner à jour fixe à l’audience du 6 novembre 2019. Selon arrêt du 28 novembre 2019, la cour d’appel de Paris déclare caduque la déclaration d’appel au motif que la copie de l’assignation qui lui avait été remise par voie électronique avant la date de l’audience était incomplète. Devant la Cour de cassation, la demanderesse au pourvoi arguait qu’en procédure à jour fixe, « seule l’absence de remise d’une copie de l’assignation au greffe de la cour d’appel par voie électronique avant la date fixée pour l’audience était sanctionnée par la caducité de la déclaration d’appel ». Au visa de l’article 922 du code de procédure civile, la deuxième chambre civile casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu et renvoie les parties devant la même cour autrement composée, après avoir estimé que, « selon ce texte, dans la procédure d’appel à jour fixe, la cour d’appel est saisie par la remise d’une copie de l’assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l’audience, faute de quoi la déclaration d’appel est caduque. Or, pour constater la caducité de l’appel, l’arrêt [d’appel] retient que [l’appelante] a remis au greffe avant la date de l’audience une copie incomplète de l’assignation à jour fixe délivrée le 29 mai 2019 en ce qu’elle ne comprend, outre la page mentionnant les modalités de sa signification à l’intimée, que les trois premières pages sur les sept que compte cet acte. Il ajoute que cette copie ne comprend notamment pas le dispositif de l’assignation. Il relève, en outre, que la copie remise au greffe de la cour d’appel étant incomplète, celle-ci n’est pas valablement saisie. En statuant ainsi, alors que l’assignation remise au greffe était affectée d’un vice de forme susceptible d’entraîner sa nullité sur la démonstration d’un grief par l’intimée, la cour d’appel, qui ne pouvait ainsi prononcer la caducité de la déclaration d’appel sans constater, le cas échéant, au préalable, la nullité de cet acte, a violé [l’article 922] ».

Climat tempéré par les règles de procédure civile

Les exigences de la procédure à jour fixe, qu’elle soit obligatoire comme en matière d’appel d’un jugement d’orientation conformément à l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution (« L’appel contre le jugement d’orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l’appelant ait à se prévaloir dans sa requête d’un péril ») ou facultative sur démonstration d’un péril par application de l’article 917 du code de procédure civile, ne doivent pas faire oublier les règles fondamentales de procédure civile. On observera déjà que la cour d’appel avait balayé l’argumentation de l’appelante selon laquelle la caducité était une sanction disproportionnée au regard du droit d’accès au juge prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, moyen repris au soutien du pourvoi mais auquel la Cour de cassation ne prêta pas d’égard. Car la question ne se trouvait pas là, mais bien du côté des règles élémentaires de procédure civile. Et lorsque la nullité de forme s’impose sur la caducité, la sanction est beaucoup plus tempérée car elle repose sur la démonstration, souvent difficile, d’un grief. Mais ce n’est pas chose habituelle.

Rigueur et frimas du jour fixe

Forte précipitation. Si la cour d’appel est partie bille en tête sur la caducité, sans passer par la case nullité, c’est peut-être qu’en procédure à jour fixe, on est désormais habitué à ce que les sanctions pleuvent. Et pas du côté des nullités de forme. En la matière, irrecevabilité et caducité se disputent la sanction. Sans désir d’exhaustivité, la liste pourrait donner le vertige.

Sur appel d’un jugement d’orientation, l’absence de dépôt d’une requête à jour fixe ou bien des conclusions sur le fond et des pièces dans le délai de huit jours conduit à l’irrecevabilité de l’appel (Civ. 2e, 19 mars 2015, nos 14-14.926 et 14-15.150, Dalloz actualité, 3 avr. 2015, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2015. 742

; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle

; RTD civ. 2015. 461, obs. N. Cayrol

; 7 avr. 2016, n° 15-11.042, Dalloz actualité, 6 mai 2016, obs. M. Kebir ; D. 2017. 1388, obs. A. Leborgne

). L’irrecevabilité est encourue aussi si les conclusions ne sont pas jointes à la requête (Civ. 2e, 7 avr. 2016, n° 15-11.042, préc.). Si l’appel contre le jugement d’orientation est, à peine d’irrecevabilité, formé selon la procédure à jour fixe, l’appel est aussi irrecevable si une copie de la requête n’est pas jointe à l’assignation (Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-21.833, Dalloz actualité, 10 oct. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 1920

; ibid. 2019. 1306, obs. A. Leborgne

). Et en cette matière, le lien d’indivisibilité qui existe entre tous les créanciers est tel qu’il oblige l’appelant à former son recours contre toutes les parties à l’instance à peine d’irrecevabilité de l’appel (Civ. 2e, 21 févr. 2019, n° 17-31.350, Dalloz actualité, 21 mars 2019, obs....

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