Il est assez fréquent qu’un connaissement émis à l’occasion d’un transport maritime international de marchandises stipule une clause attributive de juridiction. Si l’applicabilité de la clause ne soulève pas de difficulté majeure lorsque le litige s’élève entre le transporteur et le chargeur – sauf évidemment à apprécier la validité de la clause –, la situation est plus délicate lorsque des tiers à la relation initiale interviennent, spécialement parce que le connaissement étant un titre négociable, il a vocation à circuler. Dans cette hypothèse, il n’est pas certain que le tiers porteur du connaissement ait pu exprimer son consentement à la clause d’élection de for, ce qui pose alors la question de l’opposabilité de la clause à son égard.
Tel est en substance le contexte des trois affaires jointes ayant donné lieu à l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 25 avril 2024.
Dans chacune de ces affaires, les marchandises étant arrivées endommagées au port de destination, l’assureur subrogé dans les droits du tiers porteur du connaissement a assigné le transporteur devant les juridictions espagnoles du lieu de livraison. De son côté, le transporteur a contesté cette compétence et invoqué la clause attributive de juridiction qui figurait au verso du connaissement et qui désignait les juridictions britanniques.
Les juridictions espagnoles s’interrogeaient donc sur l’opposabilité de la clause à l’assureur subrogé, ce qui imposait au préalable de déterminer si le tiers porteur était lui-même tenu à la clause ou, en d’autres termes, si la clause lui était opposable.
C’est dans ces circonstances que les juridictions espagnoles ont posé plusieurs questions préjudicielles aux juges luxembourgeois, qui ont répondu en distinguant deux difficultés.
I. La première résultait de l’interprétation de l’article 25, § 1, du règlement Bruxelles I bis à la question de l’opposabilité d’une clause attributive de juridiction à un tiers. On sait que ce texte ne régit pas expressément les effets d’une telle clause à l’égard des tiers, et en particulier à l’égard de ceux qui deviennent ultérieurement parties au contrat, la disposition mentionnant seulement, en substance, que la validité au fond d’une clause attributive de juridiction est appréciée au regard du droit de l’État membre dont la juridiction a été désignée par la clause.
Or, dans ces circonstances, la juridiction de renvoi se demandait si l’article 25, § 1, du règlement Bruxelles I bis, devait être interprété en ce sens que l’opposabilité d’une clause attributive de juridiction au tiers porteur du connaissement dans lequel cette clause est insérée est régie par le droit de l’État membre dont la juridiction a été élue.
Sans réelle surprise, cette approche n’emporte pas l’adhésion de la Cour de justice qui, sous l’empire des textes antérieurs, avait déjà eu l’occasion de se prononcer...