« Pendant longtemps, la détermination de la portée de la cassation qui avait été prononcée a été une question particulièrement délicate. Certains arrêts de cassation ne précisaient pas, dans leur dispositif quelle était l’étendue de celle-ci ou les chefs de dispositif concernés. Et, lorsqu’ils le faisaient, la Cour de cassation refusait de s’en tenir à une conception purement formelle et jugeait parfois que l’annulation d’une décision, si généraux et absolus que soient les termes dans lesquels elle a été prononcée, était limitée à la portée du moyen qui lui avait servi de base et laissait subsister comme passées en force de chose jugée toutes les autres parties de la décision qui n’avaient pas été attaquées par le pourvoi » (Rép. pr. civ., v° Pourvoi en cassation, par J. et L. Boré, n° 903 ; v. égal. sur le sujet J. Voulet, L’étendue de la cassation matière civile, JCP 1997. I. 2877).
Bien que les règles soient plus claires depuis quelques années, juge du fond et juges du droit ne sont pas toujours d’accord sur la portée et l’étendue de la cassation, ce que montre l’arrêt du 17 juin 2021.
En l’espèce, le conducteur d’une motocyclette a été blessé, le 9 juin 2010, lors d’une collision avec un autre véhicule. Après expertise, l’assureur du conducteur de l’autre véhicule l’a assigné pour que son droit à indemnisation soit limité en raison de ses fautes. Le conducteur victime a sollicité l’indemnisation intégrale de son préjudice.
Un arrêt d’appel du 23 mai 2017 avait jugé que ce dernier avait commis une faute de nature à limiter son droit à indemnisation et avait fixé son préjudice total en fonction. Il a été cassé par un arrêt de cassation rendu le 13 septembre 2018 (Civ. 2e, 13 sept. 2018, n° 17-22.427).
Devant la cour d’appel de renvoi, la victime avait sollicité que son indemnisation soit fixée, pour tous ses postes de préjudice, à des sommes supérieures à celles retenues par le jugement. L’assureur du conducteur avait fait valoir que la cassation n’ayant porté que sur le poste de tierce personne temporaire, il n’y avait pas lieu de discuter à nouveau les autres postes.
La cour d’appel de renvoi, par un premier arrêt partiellement avant dire droit du 19 septembre 2019, a fixé le montant de l’indemnisation de la victime de ce seul chef, en ordonnant, s’agissant de la fixation du préjudice global de la victime et des demandes de condamnations, la réouverture des débats pour que les parties s’expliquent sur une erreur matérielle affectant l’arrêt du 23 mai 2017. La cour d’appel avait toutefois précisé, dans ses motifs, qu’il lui appartenait de ne juger que la demande relative à l’indemnisation du poste de préjudice d’assistance temporaire par une tierce personne, dès lors que tous les chefs de jugement supplémentaires avaient été définitivement jugés en l’absence de cassation, et énonçant, dans son dispositif, qu’elle statuait dans les limites de la cassation.
Par un second arrêt rendu le 30 juin 2020, la cour d’appel de renvoi a fixé le préjudice total de la victime ainsi que la part d’indemnité lui revenant, après imputation de la créance du tiers payeur et celle incombant à l’assureur, et condamné ce dernier à une certaine somme, sans examiner, dans ses motifs, l’ensemble des chefs de préjudice invoqués par la victime.
La victime a formé un pourvoi contre ces deux arrêts. Elle reprochait à la cour d’appel de renvoi...