Le 20 décembre 2017, la Cour de cassation a inauguré une construction jurisprudentielle dont nous savions que les trois avis ne constituaient que les premières pierres. Un arrêt publié du 14 octobre 2020 apporte une nouvelle pierre à l’édifice, mais sans l’achever. Si la Cour de cassation approuve le raisonnement des juges d’appel quant à la régularité de l’acte d’appel, elle rappelle néanmoins la sanction applicable lorsqu’il s’agit de discuter de la régularité d’un acte d’appel quant à la mention des chefs critiqués.
En l’espèce, un employeur fait appel d’une ordonnance de référé du conseil de prud’hommes l’ayant débouté de sa demande en instauration d’une nouvelle expertise.
Il rédige sa déclaration d’appel de cette manière : « Objet/portée de l’appel : appel total : en ce que l’ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL CDE pourrait avoir pour objectif d’éviter le paiement de l’indemnité de licenciement due à monsieur XY ».
Devant la cour d’appel, le salarié intimé soutient que « l’appel est irrecevable en application des dispositions de l’article 901, 4°, du code de procédure civile ».
La chambre sociale de la cour d’appel relève que l’acte d’appel vise la motivation du jugement, non un chef de décision, et déclare en conséquence l’appel irrecevable.
Les chefs du jugement ne sont pas les motifs du jugement
Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a pris avis auprès de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (C. pr. civ., art. 1015-1), « la déclaration d’appel ne peut être limitée que par la mention des chefs du dispositif du jugement attaqué ».
Elle ne précise toutefois pas ce que l’appelant aurait dû mentionner dans son acte d’appel.
L’employeur, appelant, avait été débouté de sa demande. Il est vraisemblable que le dispositif du jugement dont appel était rédigé de cette manière : « déboute la SARL CDE de toutes ses demandes », sans autres précisions.
Il peut être restrictif, et dangereux, de ne s’en tenir qu’au seul dispositif, surtout lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de faire appel d’un jugement de débouté.
En effet, il est douteux que l’appelant satisfasse aux dispositions de l’article 901, 4°, imposant de mentionner les chefs « expressément » critiqués s’il fait appel du jugement en ce qu’il a « débouté X de l’ensemble de ses demandes » (Procédures d’appel, Dalloz, coll. « Delmas express », n° 318).
Si l’on considère que la déclaration doit se suffire à elle-même pour apprécier la dévolution, alors cette mention est insuffisante pour satisfaire à l’exigence du texte, et se conformer à ce que devrait être l’objectif de la réforme.
L’intimé qui reçoit l’acte d’appel doit comprendre sur quoi porte l’appel, de manière à ce qu’il sache s’il est concerné par ce recours, et dans quelle mesure. Ainsi, si l’intimé constate que l’appel est limité à des chefs qui ne le concernent pas, il pourra s’abstenir de se faire représenter, et donc d’exposer des frais de procédure. Mais il ne s’agit pas pour l’appelant, au stade de la déclaration d’appel, de motiver son recours et de préciser en quoi il ne se satisfait pas du jugement qu’il entend contester. C’est l’objet des conclusions.
Mentionner les motifs du jugement, et a fortiori les motifs de l’appel, ne permet pas de satisfaire à l’exigence du texte. L’appelant doit mentionner ce qui a été jugé.
En l’espèce, le conseil de prud’hommes avait débouté l’employeur de sa demande en nouvelle expertise, estimant que la procédure mise en place par l’employeur pourrait avoir pour...