Par Le Batonnier le jeudi 11 mai 2023
Catégorie: Actualités juridiques

Conformité à la Constitution du régime de responsabilité des parents du fait de leurs enfants

Expressément prévue dès 1804 parmi les régimes de responsabilité du fait d’autrui (C. civ., art. 1384, al. 4, devenu art. 1242, al. 4), la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs, si elle n’a pas connu d’évolution textuelle majeure (le terme « autorité parentale » a seulement remplacé le « droit de garde » en 2002), a vu ses conditions de mise en œuvre progressivement modifiées par la jurisprudence dans l’objectif de faciliter l’indemnisation des victimes. Une telle évolution s’inscrit, plus largement, dans un mouvement d’objectivation de la responsabilité civile, favorisé par le développement du recours à l’assurance. La responsabilité des parents étant généralement couverte par un contrat d’assurance (une assurance de responsabilité civile étant automatiquement incluse dans l’assurance habitation), il s’agit en réalité avant tout de trouver un débiteur d’indemnisation, dont l’assurance pourra être mobilisée. « L’article 1242, alinéa 4, devient un texte de politique juridique, et non de responsabilité au véritable sens du terme : les parents répondent du fait de leur enfant, car il est jugé souhaitable (à tort ou à raison) qu’il en soit ainsi, et non pas en application d’un mécanisme juridique rigoureux… » (Rép. civ., v° Responsabilité du fait d’autrui, par J. Julien, n° 86).

Ceci explique pourquoi la jurisprudence a abandonné, depuis le célèbre arrêt Samda (Civ. 2e, 19 févr. 1997, n° 93-14.646, Société d’assurance moderne des agriculteurs c/ MACIF, D. 1997. 119

; RTD civ. 1997. 648, obs. J. Hauser

; ibid. 670, obs. P. Jourdain

), la conception matérielle de la garde, optant pour une conception juridique. La cohabitation visée par l’article 1242, alinéa 4 – selon lesquels les parents ne sont tenus que des dommages causés « par leurs enfants mineurs habitant avec eux » – « résulte [désormais] de la résidence habituelle de l’enfant au domicile des parents ou de l’un d’eux » (Civ. 2e, 20 janv. 2000, n° 98-14.479, Schott (Mme) c/ Parisot, D. 2000. 469

, obs. D. Mazeaud

; RTD civ. 2000. 340, obs. P. Jourdain

). La responsabilité des parents du fait de leurs enfants n’est plus, en effet, fondée sur l’existence d’une faute présumée d’éducation ou de surveillance, leur absence de faute n’ayant d’ailleurs plus aucun effet exonératoire (Civ. 2e, 19 févr. 1997, n° 94-21.111, Bertrand c/ Domingues, D. 1997. 265

, note P. Jourdain

; ibid. 279, chron. C. Radé

; ibid. 290, obs. D. Mazeaud

; ibid. 1998. 49, obs. C.-J. Berr

; RDSS 1997. 660, note A. Dorsner-Dolivet

; RTD civ. 1997. 648, obs. J. Hauser

; ibid. 668, obs. P. Jourdain

).

Il s’en suit qu’en cas de séparation des parents, seul celui s’étant vu confier la garde de l’enfant est responsable de plein droit des dommages causés par ce dernier, et ce même quand l’enfant est pourtant physiquement présent chez l’autre parent au moment du fait dommageable (Crim. 29 avr. 2014, n° 13-84.207, Dalloz actualité, 14 mai 2014, obs. A. Cayol ; D. 2014. 1620

, note L. Perdrix

; ibid. 2015. 124, obs. P. Brun et O. Gout

; AJ fam. 2014. 370, obs. A. Zelcevic-Duhamel

; RTD civ. 2014. 639, obs. J. Hauser

; Civ. 2e, 21 déc. 2006, n° 05-17.540 ; déjà, arrêt Samda, préc.). C’est cette interprétation jurisprudentielle de l’article 1242, alinéa 4, du code civil qui a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité, sur laquelle le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 21 avril 2023.

Les requérants reprochaient à cette disposition, telle qu’interprétée par la Cour de cassation, d’instituer une différence de traitement injustifiée, d’une part, entre les parents qui exercent pourtant conjointement l’autorité parentale et, d’autre part, entre les victimes qui n’ont pas la possibilité de rechercher la responsabilité de plein droit de l’autre parent (consid. 2). En outre, cette disposition serait contraire à l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de...

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