La formation disciplinaire du CSM, sous la présidence de Didier Guérin, n’a prononcé aucune sanction contre les trois hauts magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation. Jean-Guy Huglo, Laurence Pécaut-Rivolier et Jean-Yves Frouin étaient visés par une plainte des syndicats de salariés les accusant de conflit d’intérêts dans une affaire qu’ils ont jugée le 28 février 2018.
Lors de l’audience disciplinaire, plusieurs griefs, discutés à l’audience du 4 décembre (v. Dalloz actualité, 5 déc. 2019, art. T. Coustet), ont été examinés, à commencer par l’absence de déclaration d’intérêts préalable. Le Conseil l’écarte, « les trois magistrats ayant signalé à leur hiérarchie les activités rémunérées pour des filiales de [Wolters Kluwer France (WKF)] ».
Un conflit d’intérêts, mais pas de faute
Sur le fond, la décision donne raison aux syndicats de salariés du groupe qui reprochaient aux trois hauts magistrats de ne pas s’être déportés, au regard de l’obligation d’impartialité qui leur est imposée. Il s’agit d’ailleurs, selon les juges, d’un « devoir absolu ». Le CSM concède que « la participation régulière et rémunérée des trois magistrats aux journées d’étude organisées par [WKF], à destination d’un public qui y accédait en réglant des frais d’inscription, constituait un lien d’intérêt entre les trois magistrats et l’une des parties au pourvoi qu’ils jugeaient », de sorte que « l’existence de ce lien a pu créer un doute légitime dans l’esprit du justiciable sur l’impartialité des magistrats mis en cause ».
En revanche, le CSM n’en déduit aucune faute disciplinaire à leur égard. « Dans le cadre de ces interventions extérieures, les trois magistrats n’entretenaient aucune relation directe avec les dirigeants des deux sociétés, ils n’étaient pas choisis comme intervenants intuitu personæ mais en raison de leur statut et de leur position au sein de la Cour de cassation, n’étaient pas salariés de la société puisqu’ils disposaient d’une liberté totale d’intervention et n’avaient aucun lien de subordination avec les sociétés. Enfin, leur rémunération pour ces interventions était forfaitaire, d’un montant conforme aux usages et ne constituait pas pour eux une condition de leurs interventions », est-il observé.
« Le doute doit favoriser le déport »
La décision rejoint la position exprimée à l’audience par Peimane Ghaleh-Marzban, directeur des services judiciaires. Il n’y avait, selon lui, aucun « doute raisonnable sur l’impartialité des magistrats visés » même s’ils auraient dû faire valoir le « principe de précaution : le doute doit favoriser le déport ». Mais il s’agit tout au plus « d’un mauvais réflexe », qui ne justifie pas une « faute disciplinaire susceptible de sanction ».