Par Le Batonnier le vendredi 28 octobre 2022
Catégorie: Actualités juridiques

Effet dévolutif et portée de la cassation, la deuxième chambre civile siffle les arrêts de jeu

On sait depuis longtemps que le foot n’est plus tout à fait un jeu. Le club de football FC Lorient conclut avec la société Macron un contrat d’équipementier officiel et lui concède une licence exclusive de son logo sur certains articles. La société assigne le club de football pour non-respect de ses obligations et violation de l’exclusivité dont elle était titulaire devant le tribunal de grande instance de Lorient qui la déboute de ses demandes. Le jugement est partiellement réformé par la cour d’appel de Rennes le 7 novembre 2017. Selon arrêt du 7 mai 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt « mais seulement en ce qu’il condamne la société Football club Lorient Bretagne Sud à payer à la société Macron les sommes de 200 000 € à titre de clause pénale et de 21 000 € à titre de dommages-intérêts, statue sur l’article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens, l’arrêt rendu le 7 novembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ». Partie perdante en première instance, la société Macron saisit donc la cour de Rennes, autrement composée, désignée comme cour de renvoi. Par arrêt du 25 février 2020, la cour d’appel juge qu’elle n’est pas saisie en l’absence d’effet dévolutif d’une déclaration de saisine qui ne contient aucune critique des chefs de jugement. La société Macron forme un pourvoi et c’est cette fois la deuxième chambre civile qui, par arrêt du 29 septembre 2022, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt. Une nouvelle fois, les parties sont renvoyées devant la cour d’appel de Rennes autrement composée. La solution apportée par la Cour de cassation est la suivante :

« Vu les articles 624, 625, 901 et 1033 du code de procédure civile :
8. La portée de la cassation étant, selon les deux premiers de ces textes, déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce, l’obligation prévue au dernier de ceux-ci, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation, qui n’est pas une déclaration d’appel, les chefs de dispositif critiqués de la décision entreprise tels que mentionnés dans l’acte d’appel, ne peut avoir pour effet de limiter l’étendue de la saisine de la cour d’appel de renvoi.
9. Pour dire que la cour d’appel n’était pas saisie en l’absence d’effet dévolutif, l’arrêt énonce que l’obligation prévue par l’article 901, 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d’appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d’ambiguïté, encadre les conditions d’exercice du droit d’appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel.
10. Il ajoute que la déclaration de saisine de la cour de renvoi du 4 juillet 2019 ne contient aucune critique des chefs du jugement, aucune déclaration d’appel rectificative n’ayant été régularisée dans le délai imparti pour conclure au fond, de sorte que la cour n’est saisie d’aucune demande.
11. En statuant ainsi, alors qu’elle était saisie du litige lui étant dévolu par la déclaration d’appel et le dispositif de l’arrêt de cassation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Reprise de volée

Si la pédagogie est l’art de la répétition, on reconnaîtra cette vertu à la deuxième chambre civile qui, à coup de pied d’arrêts, publiés, rappelle inlassablement la distinction entre déclaration d’appel et déclaration de saisine comme les effets de la dévolution de l’appel et de la cassation. Ce nouvel arrêt a le mérite de condenser les deux, deux choses admises, que l’on croyait admises avant ce derby breton.

Première affirmation, et la solution le dit d’entrée, une déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel. Au-delà des mots, qui devraient alerter, c’est bien sûr le régime qui n’est pas le même puisque la déclaration d’appel est déjà intervenue. Or, seul est cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel (on disposera des dispositifs de cette double cassation aux vertus également pédagogiques pour s’en convaincre) et jamais l’acte d’appel. Les parties sont replacées en l’état du jugement (C. pr. civ., art. 625), donc d’une déclaration d’appel comme de conclusions et pièces précédemment échangées qui ne sont pas l’objet de la cassation. Aussi, conformément à l’alinéa 6 de l’article 1037-1 du code de procédure civile, les conclusions des parties notifiées lors de l’instance d’appel qui a donné lieu à cassation doivent être examinées par la cour de renvoi quand bien même le délai de deux mois pour conclure sur renvoi n’aurait pas été respecté. On ne compte plus les arrêts de la Cour de cassation sur ce point, on ne les citera donc pas.

Cette première spécificité devrait attirer l’attention : le renvoi après cassation n’est pas une transversale vers une nouvelle voie de recours. Lorsque les parties saisissent la cour de renvoi, elles ne font que poursuivre l’instance d’appel déjà introduite par la déclaration d’appel. Ce ne sont que les prolongations du match formalisées par l’article 631 du code de procédure civile : « Devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation ». Le moyen mnémonique pour l’imprimer, une fois pour toutes, touche, comme souvent, à la finance : on sait que l’on ne paye pas de timbre fiscal sur renvoi après cassation en représentation obligatoire. Pas par souci du...

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