« Sanctuariser des moyens pour la justice », améliorer « la qualité de vie au travail », les mots sont posés. Ils faisaient partie des grandes attentes après « 30 ans d’abandon politique, budgétaire et humain » de la justice, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, lors de son annonce du plan d’action pour l’institution, le jeudi 5 janvier. Un événement qui faisait suite au rapport Sauvé remis en juillet, à l’issue des États généraux de la Justice organisés d’octobre 2021 à avril 2022. La conférence de presse, d’abord prévue fin novembre, avait été reportée pour des questions d’« agenda », selon le ministère. En coulisses, on parlait plutôt de problèmes d’arbitrages avec la première ministre, Élisabeth Borne. La séance aura duré près de deux heures entre l’énumération des grands axes, les 60 mesures du quinquennat, et la réponse aux questions des journalistes.
Des moyens humains et financiers conséquents
« C’est sans doute la première fois qu’une réforme de la justice s’accompagne de moyens à la hauteur des enjeux », a affirmé le ministre de la Justice. Il a rappelé que le budget avait augmenté de 7,6 milliards d’euros en 2020 à 9,6 milliards d’euros en 2023 – contre 2 milliards d’euros sous la présidence de Nicolas Sarkozy et sous celle de François Hollande – et il a promis que cette enveloppe continuerait son envol jusqu’à atteindre « près de 11 milliards d’euros en 2027 », soit une hausse « de près de 60 % » entre les deux mandats de l’actuel président de la République.
Ces moyens permettront notamment « de revaloriser les agents du ministère », « poursuivre et finaliser le plan de 15 000 places de prison » ; « moderniser et agrandir les palais de justice » ; « numériser la justice » ; et « surtout, surtout, a insisté le garde des Sceaux, de recruter massivement pour renforcer les effectifs ». Il a acté la mise en place d’une loi de programmation qui entérinera le recrutement de 10 000 emplois supplémentaires d’ici 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, « outre la constitution d’équipes autour des magistrats », reprenant là une préconisation du rapport Sauvé. Concrètement, la prochaine promotion de l’École nationale de magistrature (ENM) sera « la plus importante de l’histoire de l’école » avec plus de 380 auditeurs de justice, et 470 à compter de 2024, soit une hausse de + 81 % du nombre d’élèves.
Ces premières annonces ont emporté l’adhésion des syndicats. L’Union syndicale des magistrats (USM) a fait part de son « sentiment d’être écoutée et entendue », dans un communiqué, précisant rester « vigilante » sur l’affectation des sommes. « Nous étions dubitatifs sur ces États généraux mais les chiffres et les moyens sont là », confirme Cécile Mamelin, la vice-présidente de l’organisation. Le syndicat de la magistrature (SM) a lui salué le déploiement de « moyens considérables » mais jugé « insuffisant » le nombre de recrutements de magistrats. Samra Lambert, la secrétaire nationale, a rappelé que les chefs de juridiction avaient estimé les besoins à « 5 000 magistrats ».
La reconnaissance de la souffrance au travail et des métiers
Critiqué ces dernières années pour minimiser la souffrance au travail des magistrats, Éric Dupond-Moretti a opéré ce jeudi matin un revirement. « Je ne fuis pas mes responsabilités, a-t-il répété à l’issue de la matinée. Nous sommes tous dans la même barque ». Dans son plan d’action, il a intégré le « référentiel de la charge de travail des magistrats » actuellement étudié par la direction des services judiciaires (DSJ), avec les...