Par Le Batonnier le mardi 4 juillet 2023
Catégorie: Actualités juridiques

Évaluation définitive d’une récompense ou d’une créance : pas d’autorité de chose jugée sans fixation de la jouissance divise

Res judicata pro veritate accipitur. S’il est vrai que l’autorité de chose jugée est tenue pour la vérité, encore faut-il déterminer le moment où une décision en est revêtue, ce qui n’est pas si simple lorsque le mécanisme de la dette de valeur entre en jeu.

Deux époux mariés sans contrat de mariage avaient divorcé en 2003 et s’étaient querellés à l’occasion de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux. Un premier jugement, devenu définitif, avait été rendu le 26 août 2011, statuant notamment sur le montant d’une récompense et d’une créance et rejetant tous les autres moyens et prétentions des parties, mais sans jamais fixer la date de jouissance divise entre les parties.

D’autres prétentions furent élevées par la suite, mais rejetées le 7 septembre 2021 par un arrêt de la Cour d’appel de Rennes en raison de l’autorité de chose jugée du jugement du 26 août 2011. Sur pourvoi, cette décision est cassée, la Cour de cassation estimant qu’aucune des trois prétentions ne se heurte à l’autorité de la chose jugée.

1/ La première de ces demandes nouvelles émanait de l’ex-époux qui sollicitait pour la première fois que lui soit reconnu une « récompense » (en réalité, une créance) pour avoir, sur ses deniers propres, remboursé par anticipation un emprunt souscrit indivisément avant le mariage par les parties. La Cour d’appel de Rennes avait rejeté sa prétention en se fondant sur l’autorité de chose jugée du jugement de 2011 qui avait « rejeté tous autres moyens et prétentions des parties ». Sauf que cette demande n’avait pas été présentée en 2011. Les juges du fond avaient certes statué sur une récompense, mais à propos d’un tout autre bien.

La Cour de cassation rappelle donc, au visa de l’article 1351, devenu 1355, du code civil et de l’article 480 du code de procédure civile, que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif » (§ 4). Elle en déduit au cas d’espèce que le jugement du 26 août 2011 ne pouvait se voir attacher l’autorité de la chose jugée à l’égard d’une demande sur laquelle il n’avait pas statué. Cassation est ainsi prononcée pour violation des textes visés (§ 6).

2/ La deuxième prétention n’était quant à elle pas totalement nouvelle : l’époux sollicitait une réévaluation de la récompense fixée à son profit en 2011 au titre du remboursement d’un solde de prêt ayant financé des travaux au profit de la communauté. Là encore, la revendication avait été balayée par la Cour d’appel de Rennes au nom de l’autorité de chose jugée du jugement de 2011.

Pourtant, l’arrêt d’appel est censuré au regard d’une argumentation pertinente soulevée par le demandeur au pourvoi que la Cour de cassation fait sienne et détaille rigoureusement. Après avoir visé les articles 829, 1469, alinéas 1er et 3, et 1351, devenu 1355, du code civil puis détaillé leur contenu sans en modifier la lettre (§ 8), elle énonce un attendu de principe irréprochable : « La décision qui se prononce sur une récompense calculée selon le profit subsistant sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l’autorité de chose jugée sur l’évaluation définitive de cette récompense » (§ 11). L’arrêt d’appel ne pouvait donc, sans violer les textes visés, retenir que le jugement de 2011 avait définitivement statué sur la valeur de cette récompense.

L’issue est parfaitement cohérente et implique de maîtriser la subtilité du mécanisme de la dette de valeur. Il arrive en effet qu’un droit à...

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