La Cour de cassation continue de préciser le régime juridique des soins psychiatriques sans consentement que nous avons déjà évoqué dernièrement dans ces colonnes (v. Civ. 1re, 4 déc. 2019, n° 18-50.073 ; 5 déc. 2019, n° 19-22.930 et n° 19-21.127, Dalloz actualité, 20 déc. 2019, obs. N. Peterka ; ibid., 9 janv. 2019, obs. C. Hélaine). Là encore, l’arrêt se place sur le terrain procédural en jouant notamment sur la distinction entre défense au fond et exception de procédure en préférant la première sur la seconde. On sait que cette qualification précise emporte des conséquences importantes parce qu’elle peut être présentée « en tout état de cause » ; ce qui n’est pas le cas de l’exception de procédure laquelle doit être invoquée in limine litis. À titre incident, rappelons également que le pourvoi dirigé contre le directeur de l’établissement est rejeté. Ce dernier reste avisé de la procédure mais il n’est pas partie à celle-ci. La Cour de cassation rejette donc logiquement le pourvoi en relevant d’office ce moyen sur le fondement de l’article 1015 du code de procédure civile. Ceci ne constitue certainement pas le point névralgique de la solution mais la précision reste utile pour la pratique. L’apport essentiel de l’arrêt réside dans la nullité tirée du certificat médical servant de fondement à la mesure.
Les faits sont, une nouvelle fois, très classiques dans le contentieux de l’hospitalisation forcée. En l’espèce, une personne placée en garde à vue le 1er août 2019 est examinée par un médecin psychiatre. Le rapport d’expertise décrit des troubles psychiatriques sévères qui sont susceptibles de porter atteinte de façon grave à l’ordre public (décompensation d’une structure sensitive, type paranoïa de Kretschmer). L’individu est donc admis en soins psychiatriques sans consentement. Accueilli dans un établissement de soins après l’arrêté d’admission, l’intéressé saisit le juge de la liberté et des détentions (JLD) aux fins de mainlevée de la mesure d’hospitalisation. Le préfet saisit également le JLD aux fins de continuation de cette mesure. Devant le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’individu admis en soins psychiatriques argue toutefois un moyen inédit en invoquant l’irrégularité du certificat médical. Celui-ci serait nul car dressé par un médecin de l’établissement d’accueil contrairement à ce que prévoit l’article L. 3213-1 du code de la santé publique. Le psychiatre doit, en effet, exercer dans un autre établissement. Le premier président déclare irrecevable le moyen car la nullité tirée du certificat serait une exception de procédure, laquelle devrait être donc invoquée in limine litis. C’est précisément sur ce point que la Cour de cassation prononce la cassation pour violation de la loi. Pour elle, la nullité du certificat médical ne peut être qu’une défense au fond invocable « en tout état de cause » et non une exception de procédure devant être soulevée in limine litis. Voici une solution intéressante tant du point de vue de la procédure civile que du droit des personnes.
Sous le prisme de la procédure civile, la distinction entre exception de procédure et défense au fond reste cruciale. Certes, les deux notions partagent une nature commune puisqu’il s’agit de moyens de défense. Mais il faut les « distinguer soigneusement » (S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, 34e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 283, n° 363) car leur régime diffère. La défense au fond présente une certaine singularité par rapport à l’exception de procédure ou, a fortiori, à la fin de non-recevoir, puisqu’elle « attaque de front » la prétention du demandeur (v. Rép. pr. civ., v° Défenses, exceptions, fins de non-recevoir, par I. Pétel-Teyssié, n° 10). Or, ici, tout le contentieux se cristallisait autour de la nullité du certificat médical, et c’est précisément sur ce point que le raisonnement de l’ordonnance du premier président de la cour d’appel est critiqué. En précisant que la nullité du certificat ne peut pas être une exception de procédure, la Cour de cassation rappelle ainsi le lien que ce document entretient avec la demande de placement dans l’établissement psychiatrique. Tout ceci peut laisser songeur tant le certificat médical partage des liens importants avec la procédure de placement. La confusion entre défense au fond et exception de procédure reste donc largement permise. Mais, sous l’angle de la procédure civile, la solution doit être accueillie avec bienveillance car elle permet de restituer l’exacte qualification des défenses au fond. Le certificat médical n’est pas un acte de procédure et c’est seulement les exceptions éponymes qui doivent être invoquées in limine litis. Il n’existe nulle particularité ici de la procédure judiciaire pour connaître des mesures de soins psychiatriques prononcées en application du code de la santé publique. Le code de procédure civile leur est applicable et ainsi la distinction entre exception de procédure et défense au fond doit être respectée. C’est au stade du droit des personnes que cette qualification revêt peut-être la conséquence la plus patente.
Du point de vue du droit des personnes, la solution continue de préciser le régime de l’hospitalisation sans consentement. Chemin faisant, la Cour de cassation s’inscrit dans une quête constante de l’équilibre entre droits de la personne placée et protection de l’ordre public.
L’article L. 3213-1 du code de la santé publique exige, certes, de dresser un certificat médical mais la condition d’extériorité doit être respectée. Le médecin psychiatre ne doit pas faire partie de l’établissement d’accueil où sera placé l’intéressé. Or ce dernier fonde précisément la nullité dudit certificat sur ce hiatus : le document nécessaire a bel et bien été dressé mais par un des médecins de l’hôpital psychiatrique dans lequel le placement intervient. Or la condition d’extériorité permet d’assurer l’absence d’arbitraire dans la procédure de placement sans consentement (sur ce point, v. Civ. 1re, 5 déc. 2019, n° 19-22.930, préc.). En préférant la qualification de défense au fond à celle d’exception de procédure, la haute juridiction invite à une défense plus aisée. On comprend alors une certaine souplesse dans les qualifications juridiques, notamment ici de procédure civile, pour rétablir le curseur entre les droits de l’intéressé et la protection de l’ordre public (sur ce point, v. M. Primevert, Le contrôle du juge sur les soins psychiatriques sans consentement, JCP G 2013. 625). Certes, la condition d’extériorité aurait pu être arguée directement devant le juge des libertés et de la détention mais la présentation du moyen devant le premier président de la cour d’appel ne doit pas être mise en défaut par son seul caractère inédit. La procédure civile sert ici les droits de l’individu sujet de la mesure qui doit pouvoir utiliser cette nullité. Solution heureuse et bienveillante, il faudra toutefois probablement éviter un dévoiement de ces moyens de défense, lesquels ne peuvent pas se résumer aux seules défenses au fond.