Contexte - À l’heure où vient de se terminer la consultation publique de la Chancellerie relative à l’avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés, l’actualité contentieuse offre à la Cour de cassation l’occasion de venir préciser certains régimes spéciaux de cautionnement en matière de marchés de travaux privés. Les apports jurisprudentiels en ce domaine traduisent le même objectif de protection des intervenants à la construction. Ainsi, dans le cadre de l’application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, la Cour de cassation a jugé que le cautionnement de l’entrepreneur au bénéfice du sous-traitant, condition de validité de l’acte, doit être établi dès la formation du sous-traité et ne peut dès lors, faire l’objet d’une condition suspensive (Civ. 3e, 21 janv. 2021, n° 19-22.219, Bull. civ. III, à paraître ; Dalloz actualité, 16 févr. 2021, obs. F. Garcia). Dans l’arrêt présenté, à la faveur de la garantie de paiement de l’entrepreneur relevant de l’application de l’article 1799-1 du code civil, la haute Cour fut amenée à s’interroger sur la mise sous condition du cautionnement solidaire que doit fournir le maître d’ouvrage pour le paiement des sommes dues à l’entrepreneur lorsqu’il ne recourt pas (ou partiellement) à un crédit spécifique et n’a pas présenté de garantie résultant d’une stipulation particulière.
En l’espèce, une SCI avait conclu un marché de travaux de chauffage avec un entrepreneur auprès duquel elle avait effectué des règlements mais n’avait pas fourni de cautionnement solidaire. Après avoir été condamnée sous astreinte par la cour d’appel de Paris statuant en référé, la SCI avait remis un cautionnement (pour un montant avoisinant les 115 000 €) au constructeur. Insatisfait du cautionnement remis en ce qu’il était assorti d’une condition (liée à la notification du décompte final par le maître d’ouvrage), l’entrepreneur a assigné la SCI en vue d’obtenir la liquidation de l’astreinte. N’ayant pas obtenu gain de cause en appel, il forma un pourvoi en cassation.
Au soutien de son recours, le locateur d’ouvrage dénonçait la condition contractuelle selon laquelle « la caution ne pourra être valablement mise en jeu si [la] procédure [de notification du décompte final par le maître d’ouvrage] n’a pas été respectée ». Cette stipulation avait ainsi pour effet d’exclure de la garantie de paiement de l’entrepreneur les sommes dues au cours de l’exécution du contrat et avant notification de ce décompte. Or, l’article 1799-1 du code civil impose au maître d’ouvrage de garantir « le paiement des sommes dues », ce qui devrait s’entendre d’un cautionnement général, portant sur toutes les sommes dues.
Invalidité du cautionnement conditionné
Approuvant les arguments du moyen, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond, au visa de l’article 1799-1 du code civil, rappelant son caractère d’ordre public avant d’en déduire que « le cautionnement, qui garantit le paiement des sommes dues en exécution du marché, ne doit être assorti d’aucune condition ayant pour effet d’en limiter la mise en œuvre ». Cette solution rejoint les dispositions du décret du 30 juillet 1999 pris pour l’application de l’article précité, prévoyant que « la caution est tenue sur les seules justifications présentées par...