Les mesures d’instruction préventives, ordonnées sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, génèrent un contentieux incessant en matière de concurrence déloyale. Il faut dire qu’il s’agit d’un outil commode pour y voir un peu plus clair, notamment lorsqu’un salarié quitte une société pour créer une société concurrente, comme c’était le cas dans l’affaire soumise à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui a donné lieu à un arrêt rendu le 24 avril 2022.
Cette affaire soulevait deux difficultés : l’une tenant à l’identification du juge de la rétractation, l’autre à l’étendue de la mesure d’instruction préventive.
L’identification du juge de la rétractation
Chacun sait que, lorsqu’il est fait droit à une requête, toute personne intéressée peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance afin qu’il la rétracte ou la modifie (C. pr. civ., art. 496). C’est donc le juge qui a rendu l’ordonnance lui-même qui doit être à nouveau saisi, même s’il importe peu que la personne physique statuant sur la demande de rétractation ne soit pas la même que celle qui a rendu la décision (Civ. 2e, 11 mars 2011, n° 09-66.338 P, Dalloz actualité, 31 mars 2008, obs. S. Lavric ; D. 2011. 265, obs. N. Fricero
On tient pratiquement pour acquis que le juge qui a rendu l’ordonnance, le juge des requêtes, est un juge distinct du juge ordinaire des référés, même si les textes qui définissent leurs pouvoirs respectifs sont assez laconiques (v. par ex. COJ, art. L. 213-2). On pourrait sans doute considérer que les référés et les requêtes constituent deux aspects d’une même juridiction provisoire assurée ordinairement par le président de la juridiction ; en somme, il y aurait une unique juridiction traversée par deux procédures principales (la procédure de référé et la procédure sur requête). Mais la tradition et la pratique se sont orientées dans une autre direction. La Cour de cassation ne remet pas en cause la tradition et elle indique, encore dans l’arrêt faisant l’objet du présent commentaire, que « seul le juge des requêtes qui a rendu l’ordonnance peut être saisi d’une demande de rétractation de celle-ci » (v. déjà Com. 2 déc. 2020, n° 18-25.197 NP), ce qui postule l’autonomie du juge des référés, que l’on qualifiera d’ordinaire, et du juge des requêtes ; en conséquence, lorsqu’un juge des référés est ordinairement saisi d’une demande, il doit déclarer irrecevable la demande incidente de rétractation d’une ordonnance sur requête qui serait formée devant lui (Civ. 2e, 19 mars 2020, n° 19-11.323 P, Dalloz actualité, 11 juin 2020, obs. G. Sansone ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero
Le tiers avait saisi le président du tribunal de commerce ayant rendu l’ordonnance sur requête d’une...