Les arrêts concernant les modalités procédurales de la détermination de la rémunération du conciliateur désigné dans le cadre de la procédure de conciliation du livre VI du code de commerce ne sont pas fréquents. Aussi, l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 14 décembre 2022, publié au Bulletin, mérite-t-il que l’on s’y intéresse. Les faits sont dépourvus d’originalité. Une procédure de conciliation est ouverte ; à l’issue de celle-ci, un accord est trouvé et homologué. La rémunération des deux conciliateurs désignés est fixée à la somme de 300 000 € par le président du tribunal (somme correspondant au plafond envisagé dans la convention d’honoraires conclue avec le débiteur) par ordonnance. Un recours devant le premier président de la cour d’appel est formé, le débiteur reprochant au juge taxateur d’avoir violé l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH) faute d’avoir organisé un débat contradictoire avant d’arrêter sa décision. Le premier président ne répond pas à ce moyen et rejette la demande d’annulation.
Un pourvoi en cassation est alors formé par le débiteur, qui se fonde notamment sur le moyen tiré du défaut de réponse aux conclusions sur ce point. La Cour de cassation n’accueille pas ce moyen de cassation, estimant que le premier président n’avait pas à répondre à un moyen inopérant. En effet, la Haute juridiction précise que la régularité de l’ordonnance par laquelle est arrêtée la rémunération du conciliateur, qui est une ordonnance rendue sur requête, n’est pas subordonnée à la tenue d’un débat contradictoire. Si la cassation est finalement prononcée, c’est au bénéfice d’un autre moyen de cassation tiré d’un autre défaut de réponse à conclusions (la société débitrice arguait que les diligences du conciliateur avaient été validées par une personne n’ayant pas le pouvoir pour la représenter).
La question de savoir si la fixation de la rémunération supposait la tenue d’un débat contradictoire (la seule qui retiendra notre attention) devant le président du tribunal impliquait de résoudre plusieurs problèmes auxquels la Cour de cassation apporte, plus ou moins explicitement, des solutions. Elle parvient à une réponse négative en qualifiant l’ordonnance considérée d’ordonnance rendue sur requête (§ 4), ce qui ne va pas sans susciter des interrogations.
On en prendra la mesure en reconstituant le fil du raisonnement.
1. Primo, il fallait interpréter les textes qui ne prévoient pas les modalités selon lesquelles le président du tribunal instruit et juge la demande de fixation de la rémunération.
- D’un côté, on pouvait considérer que le contradictoire n’était pas évincé par le seul fait qu’il ne soit pas fait référence à la tenue d’un débat. En effet, le principe demeure qu’« à moins qu’il n’en soit disposé autrement par le [livre VI du code de commerce,] les règles du code de procédure civile sont applicables dans les matières régies par le livre VI de la partie législative [dudit code] » (C. com., art. R. 662-1). Or, le code de procédure civile érige le contradictoire en principe directeur du procès (C. pr. civ., art. 14 à 16) : cette qualification a pour conséquence que ledit principe n’a pas à être rappelé dans chaque procédure pour trouver à s’appliquer ; comme tout principe directeur, il est général et « insuffle vocation à orienter l’interprète » (G. Cornu, Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes [fragments d’un état des questions], in Études offertes à Pierre Bellet, 1991, Litec, p. 83-100, spéc. p. 85).
- Mais d’un autre côté, l’attribution du pouvoir d’arrêter la rémunération au président du tribunal statuant par ordonnance pouvait laisser penser que la procédure était celle des ordonnances sur requête. C’est dans cette voie que s’engage la Cour de cassation en qualifiant la décision « d’ordonnance rendue sur requête ». Cette qualification ne s’imposait pas forcément. D’abord, les textes ne font pas référence à une requête. Surtout, la décision fixant la...