Par Le Batonnier le jeudi 29 juin 2023
Catégorie: Actualités juridiques

Les délais de distance à l’épreuve de l’obligation d’élection de domicile

Une société dont le siège social se situe en Allemagne (et disposant d’une succursale en France) demande à l’administration fiscale la restitution d’une partie d’une taxe qu’elle estime avoir indûment payée. L’administration rejette cette réclamation par une décision notifiée à la succursale française le 1er septembre 2015. En matière fiscale, l’article R*199-1 du Livre des procédures fiscales exige que l’action soit introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à compter de cette notification. Or, ce n’est que le 3 novembre 2015 que la société saisit le tribunal judiciaire de la contestation. La cour d’appel déclare l’assignation irrecevable comme tardive. Elle rejette ce faisant l’argument du contribuable qui s’abritait derrière les délais de distance de l’article 643 du code de procédure civile, aux motifs que ce dernier disposait d’une succursale en France. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel et juge que lesdits délais de distance devaient recevoir application, car « demeure à l’étranger, au sens de l’article 643 du code de procédure civile, une société dont le siège social est à l’étranger, même si elle exploite une succursale en France », l’obligation de faire élection de domicile en France imposée au contribuable réclamant (LPF, art. R*197-5) étant sans incidence. Il s’agit là d’un revirement de jurisprudence. L’arrêt présente ainsi l’intérêt de clarifier la notion de demeure à l’étranger au sens de l’article 643 du code de procédure civile. Il laisse toutefois dans l’ombre la question de la nature du délai susceptible d’être allongé au titre de la distance.

Notion de demeure à l’étranger

La première question qui se posait était celle de savoir si la société en cause demeurait à l’étranger au sens de l’article 643 du code de procédure civile. De manière nette, la Cour de cassation retient le critère du siège social, indépendamment de l’exploitation de succursales. Ainsi, la société, qui avait son siège en Allemagne, demeurait bien à l’étranger. Le principe ainsi posé est justifié. Il est légitime de faire coïncider le critère de la « demeure » avec le lieu du cœur de la vie économique et sociale de la société où les décisions se prennent. Une succursale, même si elle peut disposer d’une certaine autonomie, constitue un simple établissement, lequel n’est pas un centre décisionnel (v. déjà, sur le critère du « centre de décision », R. Perrot, RTD civ. 2001. 952

).

Il n’en reste pas moins vrai que la localisation de la demeure au siège social n’est pas systématique en procédure civile, d’où la précision que cette interprétation ne vaut qu’« au sens de l’article 643 du code de procédure civile ». De fait, en matière de compétence territoriale, l’article 42 du code de procédure civile renvoie également au lieu où « demeure » le défendeur, mais l’article 43 du code de procédure civile définit alors ce lieu comme celui où la personne morale « est établie ». De même, l’article 690 du code de procédure civile qui régit le lieu des notifications destinées à une personne morale retient le lieu de l’établissement de la personne. Comment expliquer cette dissonance dans la signification attribuée à la notion de «...

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