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La Cour de cassation était saisie de deux pourvois concernant la réparation de préjudices imputables au Mediator, médicament commercialisé par les laboratoires Servier en 1976 et retiré du marché en 2009.
Dans la première affaire, les ayants droit d’une personne traitée par la spécialité pharmaceutique à partir de 2000 et décédée en 2013 ont formé un pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier les ayant déboutés de leur demande indemnitaire au motif que l’insuffisance respiratoire sévère dont souffrait leur proche peut être considérée comme prédominante dans la survenue de son décès et que la cardiopathie valvulaire, bien qu’imputable au Mediator, ne présentait qu’un caractère secondaire, de sorte que le lien de causalité avec la prise du médicament n’était pas démontré (Montpellier, 22 juin 2022, n° 21/06777).
Dans la seconde affaire, une femme atteinte d’une valvulopathie survenue à la suite d’un traitement par Mediator de janvier 2006 à octobre 2009 s’est pourvue en cassation contre un arrêt de la Cour d’appel de Versailles ayant rejeté ses conclusions indemnitaires, au motif que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du médicament n’avait pas permis de déceler son caractère défectueux, peu importe que le laboratoire connaisse personnellement l’existence d’un défaut (Versailles, 27 janv. 2022, n° 20/02795).
Ces arrêts ont été annulés par deux décisions de la Cour de cassation du 6 décembre 2023.
Le rôle partiel de la prise du médicament dans la survenue du décès ne suffit pas à écarter le lien de causalité
L’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier a été rendu après une première cassation. La Haute juridiction judiciaire avait précédemment censuré, pour insuffisance de motivation, un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui, pour refuser de reconnaître un lien de causalité direct et certain, s’était fondé sur l’avis médical d’un sapiteur et sur le rapport d’un expert judiciaire, sans examiner, même sommairement, le rapport de la lanceuse d’alerte (le docteur Irène Frachon) que les appelants avaient pourtant versé aux débats et qui concluait que le décès était lié à la prise du médicament (Civ. 1re, 6 oct. 2021, n° 20-16.892).
Se fondant sur la théorie de la causalité adéquate, la cour de renvoi a estimé que parmi tous les facteurs possibles d’un dommage, seuls ceux qui en constituent la cause déterminante doivent être considérés comme des faits générateurs. Elle a souligné, en l’occurrence, que le docteur Irène Frachon avait elle-même conclu que s’il n’est pas possible d’attribuer la totalité de l’imputabilité du décès à l’insuffisance respiratoire, sans tenir compte de la participation cardiaque évidente à l’accélération du décès, il est incontestable que l’insuffisance respiratoire sévère a contribué au décès, rejoignant en cela les conclusions des autres experts.
Dans la mesure où la cardiopathie valvulaire, même si elle est imputable au Mediator, ne présente qu’un caractère secondaire, les juges du fond ont donc rejeté la demande indemnitaire des ayants droit, considérant que le lien de causalité avec la prise du médicament n’était pas démontré, dès lors que l’insuffisance respiratoire sévère dont souffrait la victime peut être regardée comme prédominante dans la survenue de son décès.
C’est ce raisonnement qui a été censuré par la Cour de cassation pour violation de la loi. Deux séries de dispositions ont été invoquées à ce titre : l’article 1245 du code civil, aux termes duquel le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime, et l’article...