Par Le Batonnier le mardi 20 juin 2023
Catégorie: Actualités juridiques

Mise en œuvre et conventionalité de l’article 932 du code de procédure civile

La procédure d’appel sans représentation obligatoire passe régulièrement au crible des exigences du droit au procès équitable. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a déjà montré qu’elle n’était pas insensible au sort du justiciable non représenté et, plus généralement, au sort du justiciable dont l’appel relève de la procédure sans représentation obligatoire. Son indulgence n’est néanmoins pas sans limites, ainsi que l’atteste le présent arrêt.

En l’espèce, deux justiciables relèvent appel d’ordonnances de taxe rendues par un bâtonnier les ayant condamnés à verser certaines sommes à un avocat. Leur déclaration d’appel est adressée au greffier en chef du tribunal d’instance. Celui-ci procède néanmoins à sa transmission spontanée par voie administrative au premier président de la cour d’appel compétent, étant précisé que les deux greffes – du tribunal et de la cour – sont domiciliés à la même adresse postale.

L’intimé soulève l’irrecevabilité de l’appel, tirée de l’article 932 du code de procédure civile, pertinent en procédure sans représentation obligatoire, laquelle est applicable à l’appel des ordonnances de taxe du bâtonnier, lequel appel relève de la compétence du premier président de la cour d’appel (ou de son délégataire) sur le fondement de l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

Aux termes dudit article 932, « l’appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour ». Le premier président rend une ordonnance prononçant l’irrecevabilité de l’appel.

Les appelants forment un pourvoi, faisant grief à l’ordonnance attaquée de déclarer leur appel irrecevable. Filandreux en la forme, le moyen est simple au fond : est invoquée la prohibition du formalisme excessif ; est réclamée une forme d’indulgence dans l’application de l’article 932 du code de procédure civile, voire la neutralisation pure et simple de ce dernier sur le fondement du droit au procès équitable. Les requérants ne manquent pas de rappeler que la procédure sans représentation obligatoire est applicable à l’appel des ordonnances de taxe du bâtonnier et qu’ils n’étaient concrètement ni représentés ni assistés pour régulariser leur recours. Après avoir souligné que les greffes de la cour et du tribunal se trouvent à la même adresse postale, ils ajoutent que, dans l’absolu, la déclaration d’appel est bien parvenue au premier président de la cour d’appel dans le délai d’appel, fût-ce sur une initiative du greffe de la juridiction de première instance ayant initialement reçu leur déclaration d’appel. Or n’est-ce pas ce qui importe au premier chef ?

Nenni, répond la deuxième chambre civile.

Elle indique, tout d’abord, qu’en application dudit article 932 « est irrecevable la déclaration d’appel faite au greffe de la juridiction ayant rendu la décision » (§ 4). C’est d’emblée un peu curieux en ce que le tribunal d’instance n’a pas rendu la décision querellée, mais on comprend l’idée.

La deuxième chambre civile procède, ensuite, au contrôle de conventionnalité sollicité par les requérants, au regard de l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble la prohibition du formalisme excessif ; ce qui lui donne l’occasion d’expliciter les raisons à l’origine de la charge procédurale en question et de sa sanction.

Trois motifs conduisent la Cour de cassation à juger que la charge procédurale imposée par l’article 932 n’est pas excessive et ne méconnaît donc pas les exigences du droit au procès équitable.

Premièrement, « la formalité, qui est énoncée clairement, peut être accomplie par une partie même non représentée par un avocat, qui doit faire toute diligence pour la défense de ses intérêts et se conformer aux exigences du texte. Elle n’a donc pas pour effet de priver les appelants de l’exercice de leur recours » (§ 6).

Deuxièmement, « cette exigence, dont la finalité est de...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :