Par Le Batonnier le vendredi 11 septembre 2020
Catégorie: Actualités juridiques

Notification de la déclaration d’appel entre avocats, [I]ter repetita[/I] placent

La cour de cassation fait sien le célèbre aphorisme d’Horace, plus la chose est répétée plus elle plait, et rejoint Alexandre Dumas, si bis plait, à plus forte raison ter…

Dans une procédure fixée à bref délai par application de l’article 905 du code de procédure civile, la cour d’appel de Toulouse retient le moyen de caducité de la déclaration d’appel faute pour l’appelant d’avoir notifié la déclaration d’appel à l’avocat de l’intimé préalablement constitué dans le délai de dix jours de réception de l’avis de fixation adressé par le greffe. Le demandeur au pourvoi invoquait la violation tant de l’article 905-1 du code de procédure civile que de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Au visa de ces articles, la deuxième chambre civile casse et annule l’arrêt de la cour d’appel et renvoie les parties devant la cour de Bordeaux en rappelant, et cela devient une habitude, que « l’obligation faite à l’appelant de notifier la déclaration d’appel à l’avocat que l’intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours, de la réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, n’est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d’appel ».

Bien que destiné à une nouvelle publication, cet arrêt n’est finalement qu’une redite de son précédent avis du 12 juillet 2018 et de son arrêt du 14 novembre 2019 rendus respectivement dans des procédures à bref délai et en circuit classique (Cass, civ, 2ème, avis du 12 juillet 2018 n°15010, Dalloz actualité, 12 sept. 2018 ; Cass, Civ. 2ème, 14 novembre 2019, n°18-22.167, Dalloz actualité, 4 déc. 2019, obs. R. Laffly).

C’est une redite alors redisons-le : qu’il s’agisse d’une procédure à bref délai imposant un délai de dix jours ou d’une procédure dite classique fixant un délai d’un mois à compter de l’avis du greffe pour notifier l’acte d’appel à l’avocat de l’intimé constitué, l’injonction visée par les textes n’est pas soumise à peine de caducité.

L’article 905-1, alinéa 1er, dispose : « Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat ».

Rappelons en effet qu’en raison de l’emploi combiné d’un point-virgule, censé séparer des propositions indépendantes dans une phrase, et de l’utilisation de l’adverbe cependant qui pouvait se rapporter à la sanction de caducité visée en début de phrase, les cours apparaissaient divisées. Pour certaines, la structure générale du texte faisait que l’absence de cette diligence devait entraîner la caducité à l’instar de la motivation de cet arrêt de la cour de Toulouse, pour d’autres la sanction ne concernait que le défaut de signification et non celui de notification entre avocats, pour d’autres enfin si la notification à l’avocat de l’intimé devait être accomplie à titre informatif, elle ne devait pas l’être nécessairement dans un délai précis. Et sur ce dernier point, la deuxième chambre estime d’ailleurs, par un arrêt du même jour mais non publié, qu’une cour d’appel ne peut retenir la caducité lorsque l’avocat notifie l’acte d’appel au-delà du délai imparti (Cass, Civ. 2ème, 2 juillet 2020, n°19-13.440).

Si ce nouvel arrêt, qui n’étonnera donc pas les praticiens, ne livre pas la raison d’une clémence apparente, c’est que le raisonnement avait déjà été donné dans son précédent avis. L’interprétation de la deuxième chambre civile s’explique en effet par le fait que, quand bien même l’avocat de l’appelant ne notifierait pas l’acte d’appel à son confrère déjà constitué, il y a bien eu une information préalable de l’intimé de cette déclaration d’appel puisqu’il reçoit du greffe la déclaration d’appel, par application de l’article 902 du code de procédure civile, l’informant de la nécessité de constituer avocat. Aussi, si l’acte de signification par voie d’huissier de justice assure une nouvelle remise de l’acte d’appel dans l’hypothèse seule où l’intimé n’a pas constitué avocat, l’objectif recherché, comme le dit la cour de cassation, est atteint dès lors que l’avocat de l’intimé s’est constitué dans le mois de la réception de l’avis du greffe. C’est dire que l’exigence de notification d’une déclaration d’appel par l’avocat de l’appelant à l’avocat de l’intimé qui, par définition puisqu’il se constitue, en a déjà connaissance, ne présente aucun intérêt. Il eut fallu en réalité prévoir non pas la notification de l’acte d’appel entre avocats, déjà en possession de l’avocat de l’intimé qui se constitue, mais plutôt celle de l’avis de fixation à bref délai qui précise notamment les dates de clôture et de plaidoirie et qui est souvent ignoré de l’intimé lorsqu’il n’a été adressé par le greffe qu’à l’avocat de l’appelant. Partant, la Cour de cassation vise l’atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge si cette notification, inutile donc, était assortie d’une sanction de caducité, ce d’autant plus que depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le nouvel article 911-1 du code de procédure civile dispose en son alinéa 3 que « la partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie ».