Original et osé !
Des salariés contestent leur licenciement par une compagnie aérienne. Déboutés par six jugements du conseil de prud’hommes le 11 septembre 2018, ils relèvent appel des décisions devant la cour d’appel de Paris et leur avocat notifie ses conclusions, par RPVA, à l’avocat de la société intimée les 26 décembre 2018 et 4 janvier 2019. Celui-ci se constitue seulement le 11 février 2019. Le conseiller de la mise en état rejette la demande de caducité formée par la société intimée qui défère à la cour d’appel les ordonnances de rejet, laquelle infirme les ordonnances et prononce la caducité des six déclarations d’appel. Les appelants forment des pourvois contre ces arrêts rendus sur déférés, joints en cassation. Leurs griefs étaient entièrement dirigés contre le greffe qui n’avait pas avisé l’avocat de l’appelant qu’il devait procéder par voie de signification de la déclaration d’appel à la société intimée qui n’avait pas constitué avocat et qui avait, de surcroît, mentionné sur divers actes de procédure le nom de l’avocat de première instance. Après avoir rappelé les dispositions des articles 911 et 960 du code de procédure civile, la deuxième chambre civile rejette le pourvoi en jugeant que : « Seule la notification entre avocats rend ainsi opposable à l’appelant la constitution d’un avocat par l’intimé, à l’exclusion de tout autre acte. Cette règle de procédure, qui impose que l’appelant soit uniquement et directement averti par le conseil de l’intimé de sa constitution, poursuit le but légitime de garantir la sécurité et l’efficacité de la procédure. Elle ne constitue pas une atteinte au droit à l’accès au juge d’appel dans sa substance même et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’accès au juge d’appel au regard du but poursuivi. L’appelant est, en effet, mis en mesure de respecter l’obligation de signifier ses conclusions à l’intimé lui-même ou de les notifier à l’avocat que cet intimé a constitué, dès lors qu’il ne doit procéder à cette dernière diligence que s’il a, préalablement à toute signification à l’intimé, été informé, par voie de notification entre avocats, de la constitution d’un avocat par l’intimé. »
Or, la Cour de cassation juge que, « ayant, d’une part, relevé que les appelants n’avaient notifié leurs conclusions dans le délai prévu par l’article 911 du code de procédure civile qu’à M. [K], avocat, alors que la société intimée ne l’avait alors pas constitué et que les appelants n’avaient pas reçu l’avis de constitution de leur adversaire, faisant ainsi ressortir, par cette considération, que les appelants n’avaient pu légitimement croire que la société intimée avait constitué un avocat, et, d’autre part, exactement retenu qu’il importait peu à cet égard que le greffe n’ait pas adressé aux appelants un avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel à l’intimée, conformément à l’article 902 du code de procédure civile, ou ait mentionné à tort sur un avis le nom d’un avocat constitué, c’est à bon droit, sans méconnaître les exigences du droit à un procès équitable, que la cour d’appel a constaté la caducité de la déclaration d’appel. »
Les avocats désespérés ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît
Une fois n’est pas coutume, c’était le greffe, et non le juge, qui se trouvait dans la ligne de mire des six demandeurs aux pourvois. Et les tirs, on le verra, étaient nourris. Car, si la Cour de cassation a déjà eu à connaître bien des reproches dirigés contre les juges d’appel au regard des exigences formelles de la notification des conclusions entre avocats, cette attaque en règle – en pleine paix, pourrait-on dire – apparaissait aussi téméraire qu’inhabituelle.
C’est déjà la première fois que la lecture du célèbre article 902 et de son alinéa 2 (« En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat dans un délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre...