Afin de ne pas retarder le processus de traitement des difficultés du débiteur, le droit des entreprises en difficulté restreint traditionnellement les voies de recours ouvertes contre les décisions prises dans le cadre de la procédure, au point que la jurisprudence a consacré des voies de recours contra legem, désignées « recours-nullité », afin de préserver un droit d’accès minimum au juge en cas d’excès de pouvoir (F. Pérochon, avec le concours de M. Laroche, F. Reille, T. Favario et A. Donnette, Entreprises en difficulté, 11e éd., LGDJ, n° 2218). Si les textes ont évolué et aménagent désormais plus largement les possibilités de recours contre les décisions du tribunal de la procédure, l’accès en demeure étroitement encadré, notamment s’agissant de la tierce-opposition.
Cette voie est expressément fermée par l’article L. 661-7 du code de commerce à l’encontre de certaines décisions (décisions relatives à la désignation et au remplacement des organes de la procédure, jugements statuant sur la durée de période d’observation, etc.). À l’inverse, d’autres textes énumèrent les hypothèses dans lesquelles elle peut être exercée. Les articles L. 661-1 et L. 661-2 disposent ainsi que les décisions statuant sur l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou encore sur l’extension de ces procédures sont susceptibles de tierce opposition, laquelle est également ouverte, aux termes de l’article L. 661-3, contre les décisions arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution du plan. Lorsque la voie est expressément ouverte, il reste encore à déterminer qui peut l’emprunter.
La question, qui était au cœur de cet arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2023, se pose notamment s’agissant des associés de la société débitrice.
Les faits de l’espèce
En l’espèce, une société par actions simplifiée (SAS), dont M. X. détenait 43 % du capital, est placée en redressement judiciaire le 17 mai 2017 avec désignation d’un administrateur ayant pour mission d’assurer l’administration de l’entreprise. Le 20 décembre 2017, un plan de redressement est arrêté, lequel prévoit notamment que l’un des actionnaires de la société (M. Y.) sera tenu d’exécuter le plan conformément à ses engagements écrits joints au plan et que l’administrateur sera maintenu en fonction aux fins de régulariser la procédure prévue aux articles L. 631-9-1 et L. 631-34-6 du code de commerce. Deux mois après l’adoption du plan, le président du tribunal désigne par ordonnance de référé un mandataire ad hoc avec pour mission de convoquer l’assemblée compétente de la société afin que celle-ci statue sur la décision à prendre conformément aux dispositions de l’article L. 225-248 du code de commerce (les capitaux propres de la société étant devenus inférieurs à la moitié du capital social), sur la réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital en numéraire en deux temps réservée à M. Y. et à un troisième actionnaire de la société. M. X. exerce une tierce-opposition afin de voir rétracter le jugement ayant arrêté le plan de redressement, puis forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes (Nîmes, 4e ch., 26 nov. 2020, n° 19/02354) ayant déclaré irrecevable sa tierce-opposition aux motifs qu’il était représenté par le représentant légal de la société, car il n’avait pas d’intérêt distinct de celui de la société dans le cadre du plan de redressement arrêté par le tribunal. Au soutien de son pourvoi, M. X. avance au contraire que le plan de redressement portait atteinte à sa qualité d’associé et au droit de vote qui y était attaché, de sorte qu’il invoquait bien un moyen propre lui ouvrant la voie de la tierce-opposition.
La solution de la Cour et les enseignements de la décision
La Cour de cassation casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes. Au visa de l’article 583 du code de procédure civile, dont la première phrase de l’alinéa 1er dispose qu’est « recevable à former tierce opposition toute personne qui y a un intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque », la Cour de cassation commence par rappeler que l’associé est, en principe, représenté dans les litiges opposant la société à des tiers, par le représentant légal de la société.
Cette solution – bien que critiquée (sur ces critiques, qui peuvent être discutées, v. O. Maraud, Les associés dans le droit des entreprises...