Lorsqu’un appel est instruit selon la procédure à bref délai, la fixation de l’affaire par le juge dispense-t-elle les parties d’accomplir des diligences afin d’éviter une péremption de l’instance ?
C’est à cette question, en apparence anodine, qu’a répondu la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 2 décembre 2021.
Les faits n’appellent pas de longs commentaires. Parce qu’il avait été interjeté appel d’un jugement rendu par le juge de l’exécution, l’appel avait été instruit selon la procédure à bref délai. Le 16 janvier 2017, l’appelant avait ainsi été avisé de la fixation de l’affaire à bref délai et il lui avait été enjoint de conclure et de respecter les délais prévus dans le calendrier de procédure, lequel comportait une date de clôture de l’instruction et une date pour l’audience de plaidoiries. Malgré cette injonction, l’appelant n’avait ni conclu ni communiqué ses pièces dans les délais impartis. Le président de la chambre saisie en avait tiré les conséquences en radiant l’affaire du rôle le 31 mars 2017. Puis le temps passa… jusqu’au 13 février 2019, date à laquelle les intimés ont demandé le rétablissement de l’affaire et formé un appel incident. L’appelant sortit alors de sa torpeur procédurale et, pour tenter de s’extraire du piège dans lequel il s’était mis, joua son va-tout en demandant à la juridiction du second degré de constater la péremption de l’instance…
La cour d’appel rejeta l’incident et, en élève scrupuleux, prit le soin de justifier sa décision en reproduisant mot pour mot les termes employés par la Cour de cassation dans un précédent arrêt : « le cours du délai est suspendu, en l’absence de possibilité pour les parties d’accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l’instance, à compter de la date de fixation de l’affaire pour être plaidée et que, lorsque l’affaire fait ultérieurement l’objet d’une radiation, un nouveau délai de deux ans commence à courir ». En somme, un nouveau délai de péremption avait commencé à courir le 31 mars 2017, si bien que le délai de péremption de l’instance n’était pas acquis lorsque les intimés ont, le 13 février 2019, sollicité le rétablissement de l’affaire et formé appel incident.
Saisie d’un recours, la Cour de cassation n’a cependant pas partagé cette manière de voir les choses. Certes, elle a bien admis, avec la cour d’appel, que « dans la procédure ordinaire suivie devant la cour d’appel, le cours du délai de péremption de l’instance est suspendu, en l’absence de possibilité pour les parties d’accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l’instance, à compter de la date de la fixation de l’affaire pour être plaidée ». Cependant, elle a décidé qu’il en allait autrement « lorsqu’en application de l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire est fixée à bref délai, les parties étant invitées à la mettre en état pour qu’elle soit jugée ». Le point de départ du délai de péremption pouvant toutefois encore donner lieu à discussion, la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Paris.
Certes, la Cour de cassation rappelle que le cours de la péremption est suspendu à compter de la fixation de la date d’audience des plaidoiries, mais la dérogation qu’elle apporte à ce principe pourrait contribuer à l’en vider d’une partie de sa substance…
Le principe : le délai de péremption est suspendu à compter de la fixation de la date d’audience des plaidoiries
En soulignant que dans le cadre d’une procédure d’appel ordinaire, le cours de la péremption est suspendu à compter de la fixation de l’audience des plaidoiries, en l’absence de possibilité pour les parties d’accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l’instance, la Cour de...