Dans une nouvelle décision du 19 janvier 2022, la chambre criminelle est venue apporter des précisions à plusieurs propos. D’une part, concernant la charge de la preuve d’une impossibilité de payer, qui est une cause de non-imputabilité de l’infraction d’abandon de famille, prévue par l’article 227-3 du code pénal. D’autre part, au visa de l’article 132-36 du code pénal, elle est venue rappeler qu’un sursis simple assortissant d’une peine d’emprisonnement ne peut être révoqué, fût-ce par décision spéciale, lors du prononcé d’une peine autre que la réclusion ou l’emprisonnement sans sursis, telle qu’une peine d’emprisonnement avec sursis probatoire.
En l’espèce, lors de la dissolution du mariage de deux époux, dont sont issus deux enfants, le juge aux affaires familiales avait fixé la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants du père à la somme mensuelle globale de 800 €. Après que la mère, son ex-épouse, a déposé plusieurs plaintes pour abandon de famille, par un jugement du 11 mars 2019, le tribunal correctionnel l’a reconnu coupable, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement, et a ordonné la révocation totale du sursis antérieurement accordé par le tribunal correctionnel, le 26 mars 2014. Le prévenu a interjeté appel de la décision dans toutes ses dispositions. Autrement dit, il contestait à la fois la déclaration de culpabilité et la révocation intégrale de la peine d’emprisonnement assortie du sursis simple qui avait été prononcée. Le 23 juin 2020, la cour d’appel de Douai a confirmé la déclaration de culpabilité et la révocation du sursis assortissant une peine d’emprisonnement antérieure, et l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis probatoire. Il a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
La caractérisation de l’abandon de famille
Le premier moyen critiquait l’arrêt en ce qu’il avait déclaré le prévenu coupable d’abandon de famille. Plus précisément, il soutenait que l’élément moral de cette incrimination n’était pas caractérisé. En effet, selon lui, la cour d’appel s’était bornée à constater « l’absence de justification sérieuse par le prévenu de son impécuniosité́ totale », alors qu’il « appartient au ministère public et à la partie civile de rapporter la preuve de la volonté du prévenu de ne pas honorer sa dette » (§ 7 de la présente décision). Il estimait alors que la cour d’appel avait « inversé la preuve et a méconnu les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme ». Subsidiairement, et sans toutefois le mentionner explicitement, il se prévalait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde de justice à son encontre par un jugement du 13 mai 2013 comme cause de non-imputabilité.
Classiquement, l’abandon de famille peut être défini comme « l’abstention de paiement portant sur une obligation pécuniaire familiale d’origine judiciaire » (v. not., Rép. pén., v° Abandon de famille, par A. Gouttenoire et M.-C. Guérin,...