Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile consacre le principe de l’exécution provisoire de plein droit des décisions de justice. Le chapitre IV du titre XV du livre I du code de procédure civile, qui conserve l’intitulé « Exécution provisoire », se voit dorénavant subdivisé en trois sections : la première est relative à l’exécution provisoire de droit, la deuxième à l’exécution provisoire facultative et la troisième prévoit des dispositions communes. Ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront, comme il est dit dans les dispositions liminaires, qu’aux décisions rendues sur les instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
Le principe de l’exécution provisoire de droit
Le principe est posé par l’article 514 nouveau du code de procédure civile, en ces termes : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
La première conséquence prévue par le texte est la suppression de toute référence au caractère exécutoire de plein droit de certaines décisions de justice, à commencer par l’ordonnance de référé. Le décret vient donc modifier les termes de l’article 489 du code de procédure civile, en supprimant purement et simplement le premier alinéa. Cet article ne comporte plus qu’un seul alinéa, ainsi rédigé : « En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution de l’ordonnance de référé aura lieu au seul vu de la minute ».
Les exceptions au principe de l’exécution provisoire de droit.
Tout en posant le principe de l’exécution de droit à titre provisoire des décisions rendues en première instance, l’article 514 réserve les cas où la loi ou le juge en décideraient autrement.
Les exceptions « légales »
Au titre des exceptions légales, le nouveau texte vient modifier certaines dispositions du code de procédure civile.
C’est ainsi qu’en matière d’état civil, ne sont pas exécutoire de droit à titre provisoire :
les décisions statuant sur la nationalité des personnes physiques (C. pr. civ., art. 1045),les décisions statuant sur les demandes de rectification et d’annulation des actes d’état civil (C. pr. civ., art. 1054-1),
les décisions statuant sur le choix du ou des prénoms en matière de déclaration de naissance (C. pr. civ., art. 1055-3, renvoyant à l’art. 57, al. 3),
les décisions statuant sur les demandes de changement de prénoms et de nom (C. pr. civ., art. 1055-3, renvoyant à l’article 60, al. 3),
les décisions statuant sur les demandes en modification de la mention du sexe et, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l’état civil (C. pr. civ., art. 1055-10).
Il en va de même des décisions statuant sur les demandes relatives à la déclaration d’absence d’une personne (C. pr. civ., art. 1067-1)
En matière familiale, il est dit que les décisions du juge aux affaires familiales qui mettent fin à l’instance ne sont pas, de droit, exécutoires à titre provisoire, à moins qu’il n’en soit disposé autrement. À ce titre, les mesures portant sur l’exercice de l’autorité parentale, la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et la contribution aux charges du mariage, ainsi que toutes les mesures prises en application de l’article 255 du code civil sont, par exception, exécutoires de droit à titre provisoire (C. pr. civ., art. 1074-1).
Ne bénéficient pas non plus de l’exécution de droit à titre provisoire les décisions statuant sur les demandes relatives à la filiation et aux subsides (C. pr. civ., art. 1149).
Il en va également des décisions statuant sur les demandes relatives à l’adoption (C. pr. civ., art. 1178-1).
Lorsque l’exécution provisoire n’est pas de droit, elle reste néanmoins facultative, à moins qu’elle ne soit interdite par la loi. Elle pourra, en effet, être ordonnée à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire. Le régime de l’exécution provisoire ordonnée est fixé, comme il a été vu plus haut, par la deuxième section, laquelle reprend en substance les anciennes dispositions du code (C. pr. civ., art. 515 à 517-4).
Les exceptions « judiciaires »
Le juge peut, même d’office, écarter en tout ou partie l’exécution provisoire de droit, s’il l’estime incompatible avec la nature de l’affaire. Sa décision doit être spécialement motivée. Il ne pourra néanmoins le faire, précise le texte, lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état (C. pr. civ., art. 514-1).
Lorsque l’exécution provisoire a été écartée, son rétablissement peut être demandé à l’occasion d’un appel, en cas d’urgence et à la double condition que ce rétablissement soit compatible avec la nature de l’affaire et qu’il ne risque pas d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande doit être portée devant le premier président ou, lorsqu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état (C. pr. civ., art. 514-4).
Par ailleurs, en cas d’appel, il peut être demandé au premier président l’arrêt de l’exécution provisoire de droit. Si cela était déjà possible avant l’entrée en vigueur du nouveau texte, les conditions ont évolué. La demande est tout d’abord subordonnée à l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation et au risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives. En outre, le texte limite la possibilité d’une telle demande lorsque la partie qui l’invoque a comparu en première instance et qu’elle n’a alors fait valoir aucune observation sur l’exécution provisoire. La demande ne sera alors recevable que si l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Enfin, l’exécution provisoire peut être arrêtée en cas d’opposition par le juge qui a rendu la décision, dans les mêmes conditions (C. pr. civ., art. 514-3).
Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, subordonner sa décision de rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit mais encore sa décision de rétablissement de l’exécution provisoire de droit à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations (C. pr. civ., art. 514-5). Le régime de ces garanties n’a pas été modifié, si ce n’est qu’il se retrouve aujourd’hui dans la section troisième intitulée « Dispositions communes ». Il en va de même de la consignation, permettant à la partie condamnée d’éviter que ne soit poursuivie l’exécution provisoire de la décision, et de la radiation du rôle sanctionnant, en cas d’appel, le défaut d’exécution ou le défaut de consignation, selon le cas.