En France, la difficulté de mettre en œuvre la responsabilité de l’État pour défectuosité du service public de la justice réside dans la preuve d’une carence suffisamment grave constitutive d’un véritable dysfonctionnement de la juridiction (COJ, art. L. 141-1).
C’est ce que nous rappelle l’arrêt de rejet rendu par la première chambre civile le 18 novembre 2020.
En l’espèce, à l’occasion d’une information judiciaire ouverte des chefs de diverses infractions commises au préjudice d’une entreprise de transport maritime de passagers, le juge d’instruction a, notamment, mis en examen le gérant de la société et procédé à la saisie de navires. Par ordonnance, confirmée en appel, il a refusé la restitution des navires et prescrit leur remise au service du Domaine en vue de leur aliénation. Le pourvoi en cassation formé par le gérant a été rejeté en 2007. Par un arrêt partiellement infirmatif rendu en 2011, la cour d’appel l’a condamné pour abus de confiance, abus de biens sociaux, faux, obtention indue de documents administratifs et extorsion de fonds, à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis, cinq ans d’interdiction de l’activité de transport maritime, a prononcé la confiscation de navires et a ordonné la restitution de cinq navires, dont quatre avaient été vendus entre temps par le service du Domaine. Le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt a une nouvelle fois été rejeté le 5 décembre 2012.
Invoquant un fonctionnement défectueux du service public de la justice résultant de la décision de saisir les navires, du défaut d’entretien et de gardiennage de ceux-ci ainsi que des ventes réalisées à un prix inférieur à la valeur réelle, le gérant a assigné l’Agent judiciaire de l’État en réparation de ses préjudices, sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire (COJ).
Par un jugement du 8 juin 2017, le tribunal de grande instance de Marseille a déclaré recevables ses demandes en indemnisation des préjudices liés à la saisie du navire Mistral II et a rejeté la demande d’annulation fondée sur le fonctionnement défectueux du service de la justice. Le 30 avril 2019, la cour d’appel a elle aussi rejeté les demandes et confirmé le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur sa recevabilité à agir relativement au bateau dénommé Mistral II et, statuant à nouveau de ce chef, l’a déclaré irrecevable en sa demande.
Le gérant de la société a formé un nouveau pourvoi en cassation, invitant la première chambre civile à se prononcer sur la présence d’une faute des juges du fond susceptible de traduire l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission qui lui incombe et, de fait, d’engager la responsabilité de l’État.
La Haute juridiction rejette le pourvoi en rappelant l’exigence d’une faute qualifiée ou d’un déni de justice pour engager la responsabilité de l’État pour défectuosité du service public de la justice. Elle confirme ensuite que la recherche de cette responsabilité ne peut pas constituer une voie de recours en plus de celles prévues par la loi. Elle reconnaît, toutefois, qu’il en va autrement dans le cas où la juridiction qui se prononce en dernier ressort a méconnu les dispositions du droit de l’Union européenne.
L’exigence d’une faute lourde
La Cour de cassation confirme que « la responsabilité de l’État en raison d’un dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ne peut être engagée que sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, à l’exclusion des dispositions de droit commun prévues par le...