Par Le Batonnier le lundi 29 janvier 2024
Catégorie: Actualités juridiques

« Simplification » de la procédure d’appel en matière civile - Épisode 2 : la procédure à bref délai

Il faut toujours se méfier d’un texte dit de simplification. Le titre cache souvent la forêt. Ce décret n’échappe pas à la règle et si le procédé n’était pas paru ironique, le terme de simplification eut mérité a minima de figurer entre guillemets. C’est un décret mieux rédigé que les précédents, mais toutes les sanctions demeurent en dépit des effets d’annonces. De nouvelles charges pèsent sur les avocats et des sanctions inédites pourraient d’ailleurs bien surgir à leur tour. On le sait, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

Points clés :

Le décret est applicable aux instances d’appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter du 1er septembre 2024. Il opère un partage entre procédure à bref délai et procédure avec mise en état. Il détache les compétences du juge de la mise en état et du conseiller de la mise en état en supprimant les renvois aux dispositions applicables devant le tribunal judiciaire pour consacrer les pouvoirs du conseiller de la mise en état et opère diverses coordinations dans le code des procédures civiles d’exécution, dans le code de commerce et dans de le code de la consommation. Il augmente à deux mois les délais pour conclure dans la procédure à bref délai et permet l’augmentation par le magistrat compétent de l’ensemble des délais pour conclure dans les procédures avec mise en état et à bref délai. Il définit les pouvoirs du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président dans la procédure à bref délai et clarifie ceux du conseiller de la mise en état, qui ne connaîtra plus généralement des fins de non-recevoir. Il crée une invitation systématique des parties à conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état en appel et aménage l’interruption des délais Magendie en cas d’injonction de rencontrer un médiateur. Il redéfinit le périmètre de l’effet dévolutif de l’appel en permettant sa modulation au moyen des premières conclusions déposées dans les délais Magendie. Il supprime l’exception liée à l’indivisibilité du litige s’agissant de l’indication des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d’appel. Il impose le visa de l’objet de l’appel dans la déclaration d’appel. Il impose de formuler une prétention à la réformation ou à l’annulation au dispositif des conclusions d’appel et de préciser, lorsque la réformation est requise, les chefs de jugement critiqués dans ce même dispositif. Il maintient les sanctions procédurales et impose de nouvelles charges aux avocats. Il modifie la numérotation d’une partie importante des articles propres à la procédure d’appel (v. la table de correspondances jointe).

La procédure à bref délai

S’agissant de la procédure à bref délai, la première innovation du décret « Appel » réside précisément dans la modification de l’article 902 du code de procédure civile, sur laquelle on ne revient pas (supra).

Venons-en à la procédure à bref délai à proprement parler.

L’article 904-1 devient l’article 905. Au fond, aucune modification substantielle n’intervient, hormis le fait que l’avis adressé aux avocats quant à l’orientation de l’affaire contiendra à présent une invitation à conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état et reproduira l’article 915-3, pris en ses premier et troisième alinéas (aux termes desquels les délais Magendie sont interrompus lorsqu’il est justifié de la conclusion d’une telle convention entre tous les avocats constitués).

L’article 905 devient l’article 906. Trois modifications sont à signaler, d’importance inégale.

Tout d’abord, le premier alinéa de l’article 906 précise désormais que, outre les cas précisés aux 1° à 6°, l’appel est à bref délai « lorsqu’une disposition spéciale le prévoit ». La précision est plutôt inutile au fond ; elle a pour seul mérite d’attirer l’attention des praticiens sur l’existence de cas d’appel à bref délai hors des prévisions de l’article 906 du code de procédure civile (v. not., C. pr. exéc., art. R. 121-20 et R. 311-7 ; C. com., art. R. 153-9, R. 661-6 et R. 823-5 ; C. consom., art. R. 623-4 ; v. l’art. 11 du décr. « Appel » qui procède au toilettage de ces dispositions).

Ensuite, un nouveau cas de bref délai de droit est créé et figure au 7° de l’article 906 : l’appel est à bref délai lorsqu’il est relatif à une ordonnance de protection.

Enfin, le dernier alinéa de l’article 905 est purement et simplement supprimé, qui opérait renvoi à certaines dispositions applicables devant le tribunal judiciaire. Cette suppression est dans la logique d’une autonomisation des textes relatifs à la procédure d’appel, en général, et relatifs à la mise en état, en particulier.

L’article 905-1 devient l’article 906-1. Plusieurs modifications d’importance sont à signaler ici.

Tout d’abord, le délai pour signifier la déclaration d’appel passe à vingt jours, au lieu de dix (C. pr. civ., art. 906, al. 1er). Cette augmentation est salutaire.

Ensuite, le libellé du premier alinéa de l’article 905-1 a été subtilement modifié.

À première vue, est purement formelle la modification, consistant à passer la dernière incise du premier alinéa de l’actuel article 905-1 dans un alinéa distinct, aux termes duquel « Si l’intimé constitue avocat avant la signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat. ». En réalité, il s’est agi de consacrer la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., avis, 12 juill. 2018, n° 18-70.008, Dalloz actualité, 12 sept. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 1558

; ibid. 2048, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle

; ibid. 2019. 555, obs. N. Fricero

; AJ fam. 2018. 570, obs. M. Jean

; Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-16.336, Dalloz actualité, 11 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 1472

) rejointe par le Conseil d’État (CE 13 nov. 2019, nos 412255, 412286,...

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