Règlement Bruxelles I [I]bis[/I] : précisions sur la définition du consommateur

Le règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale énonce, par ses articles 17 à 19, des règles de compétence protectrices du consommateur, qui est défini comme la personne qui conclut un contrat « pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ».

Il existe un certain contentieux relatif à la délimitation de cette définition. La Cour de justice a, par exemple, eu à connaître de la qualification d’un utilisateur d’un compte Facebook qui publie des ouvrages et qui obtient la cession de droits de consommateurs (CJUE 25 janv. 2018, aff. C-498/16, Dalloz actualité, 5 févr. 2018, obs. F. Mélin ; D. 2018. 2000 image, note F. Jault-Seseke et C. Zolynski image ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; ibid. 1033, obs. B. Fauvarque-Cosson et W. Maxwell image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2270, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny image ; ibid. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJ contrat 2018. 124 image, obs. V. Pironon image ; Dalloz IP/IT 2018. 371, obs. M. Combet image ; Rev. crit. DIP 2018. 595, note H. Muir Watt image ; CCC 2018. Comm. 59, obs. S. Berheim-Desvaux) ou d’une personne physique qui intervient sur un marché international des changes (CJUE 3 oct. 2019, aff. C-208/18, Dalloz actualité, 22 oct. 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 1943 image ; ibid. 2020. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; Rev. crit. DIP 2020. 300, note J. Chacornac image ; ibid. 2022. 47, chron. M. Ho-Dac image).

Dans l’affaire jugée le 9 mars 2023, la Cour de justice fournit de nouvelles précisions à ce sujet, à propos d’une vente d’un véhicule automobile conclue entre un acheteur personne physique, domicilié en Autriche, et un vendeur, personne morale de droit allemand. La particularité de l’espèce tenait, notamment, au fait que l’acheteur avait fait intervenir un concessionnaire automobile pour effectuer les recherches et contacter le vendeur, et que ce dernier avait rédigé un contrat mentionnant que l’acheteur était une société et qu’il s’agissait d’une opération entre professionnels, sans que ces mentions ne soient contestées par l’acheteur. Le concessionnaire s’était à nouveau manifesté, en demandant au vendeur s’il était possible de mentionner le montant de la TVA sur la facture déjà émise.

Par la suite, l’acheteur demanda la garantie du vendeur en faisant état de vices, et ce devant un juge autrichien dont la compétence fut discutée.

Dans ce cadre, la difficulté était de déterminer si...

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Pas de troisième abrogation pour les textes sur l’isolement et la contention… pour le moment !

Les praticiens du petit monde des soins psychiatriques sans consentement n’étaient guère sereins depuis la transmission par la première chambre civile de la Cour de cassation au Conseil constitutionnel de deux nouvelles questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) le 26 janvier 2023 (Civ. 1re, 26 janv. 2023, nos 22-40.019 et 22-40.021, Dalloz actualité, 31 janv. 2023, obs. C. Hélaine). Ces deux questions portaient, une fois n’est pas coutume sur l’isolement et la contention dont on connaît le parcours, si ce n’est chaotique, au moins tumultueux, ces dernières années (v., sur les décisions de 2020, Civ. 1re, QPC, 5 mars 2020, n° 19-40.039 QPC, Dalloz actualité, 15 avr. 2020, obs. C. Hélaine ; Cons. const., 19 juin 2020, n° 2020-844 QPC, Dalloz actualité, 16 juill. 2020, obs. D. Goetz ; AJDA 2020. 1265 ; D. 2020. 1559, et les obs. , note K. Sferlazzo-Boubli ; ibid. 2021. 1308, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; RTD civ. 2020. 853, obs. A.-M. Leroyer ; sur les décisions de 2021 : Civ. 1re, QPC, 1er avr. 2021, n° 21-40.001, Dalloz actualité, 15 avr. 2021, obs. C. Hélaine ; RTD civ. 2021. 380, obs. A.-M. Leroyer image ; Cons. const. 4 juin 2021, n° 2021-912/913/914 QPC, AJDA 2021. 1176 image ; D. 2021. 1324, et les obs. image, note K. Sferlazzo-Boubli image ; RTD civ. 2021. 619, obs. A.-M. Leroyer image). La mouture actuelle des textes régissant l’isolement et la contention en milieu psychiatrique sans consentement est, aujourd’hui, régie par la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 et par un décret d’application pris quelques mois plus tard le 23 mars 2022 (sur ces textes, v. Décr. n° 2022-419, 23 mars 2022, JO 25 mars, Dalloz actualité, 29 mars 2022, obs. C. Hélaine). La transmission des deux questions prioritaires de constitutionnalité par les décisions du 26 janvier 2023 pouvait donc, bien légitimement, inquiéter quant au maintien des dispositions légales issues de la réforme de 2022. Ces QPC portent sur l’absence d’information systématique du patient des voies de recours ouvertes dès le début de la mesure mais également de l’absence d’intervention systématique d’un avocat lors du contrôle de l’isolement et de la contention. Elles portent donc toutes les deux sur l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique dans sa nouvelle rédaction.

Voici le libellé des deux questions transmises en janvier dernier :

• Dans l’affaire n° 22-40.019 : « Les dispositions de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, en ce qu’elles ne prévoient pas d’obligation pour le directeur de l’établissement spécialisé en psychiatrie ou pour le médecin d’informer le patient soumis à une mesure d’isolement ou de contention – et ce dès le début de la mesure – de la voie de recours qui lui est ouverte contre cette décision médicale sur le fondement de l’article...

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QPC sur l’évacuation forcée de squatteurs : conformité à la Constitution

Le 20 janvier 2023, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, dite Asap.

Pour mémoire, les dispositions contestées prévoient que la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. En cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement.

La requérante reprochait à ces dispositions d’instituer une procédure administrative permettant l’expulsion de l’occupant d’un logement sans prévoir d’examen contradictoire de sa situation personnelle et familiale, ni de...

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Pourvoi contre l’ordonnance du juge des référés en matière précontractuelle et signature d’un marché privé

Une société de gestion d’habitations à loyer modéré (HLM), SIA Habitat, a publié un avis d’appel public à la concurrence au JOUE dans le cadre du renouvellement au 1er janvier 2021 d’un marché de vérification préventive et maintenance corrective des équipements de prévention et de sécurité incendie. L’attributaire du marché précédemment conclu, la société Sopro, a de nouveau présenté une offre. Par un courrier du 4 novembre 2020, la société SIA Habitat a informé la société Sopro que son offre n’a pas été retenue et que le marché a été attribué à la société Sorehal.

La société Sopro a saisi le tribunal judiciaire de Lille d’un référé précontractuel au motif que la société Sorehal aurait commis des actes de concurrence déloyale en débauchant ses salariés. La société Sopro a formé un pourvoi contre l’ordonnance du juge des référés rejetant sa demande.

L’intervention de la signature du marché après la contestation de l’ordonnance du juge judiciaire des référés en matière précontractuelle ne conduit pas à un non-lieu

En défense, la société SIA Habitat soutient que le pourvoi formé par la société Sopro à l’encontre de l’ordonnance du tribunal judiciaire de Lille a perdu son objet dès lors que le contrat litigieux a été signé à la suite du référé précontractuel.

Effectivement, l’article 5 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique prévoit qu’« En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des entités adjudicatrices des contrats de droit privé ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l’un de ces contrats et susceptibles d’être lésées par ce manquement peuvent saisir le...

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Droit de réponse : soumission de l’action en insertion forcée à la prescription trimestrielle

L’association UFC-Que Choisir (l’association), éditrice du magazine Que choisir argent, publia dans son numéro de juillet 2020 un article intitulé « Le (faux) monde enchanté d’Emrys », évoquant les programmes de fidélité proposés par cette société. Par lettre recommandée du 27 août 2020, celle-ci adressa au directeur de publication du magazine, une réponse qui ne fut pas publiée. Le 23 septembre suivant, la société assigna en référé l’association et le directeur de la publication aux fins d’insertion forcée sous astreinte de cette réponse. En appel, les défendeurs opposèrent la prescription de l’action et la cour (Toulouse, 24 nov. 2021, n° 21/01164) déclara effectivement l’action irrecevable car prescrite. Dans son pourvoi, la société défenderesse soulevait trois moyens : le premier contestait l’applicabilité de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 à l’action en insertion forcée ; le second prétendait que l’application, en l’espèce, de cette disposition avait porté une atteinte excessive au droit d’accès à un juge ainsi qu’au droit à un recours effectif ; le troisième soutenait que la cour d’appel aurait dû se prononcer sur l’éventuelle suspension de la prescription ainsi que l’attitude supposément déloyale des défendeurs. La Cour de cassation les repousse tous les trois et rejette le pourvoi. Ce faisant, elle confirme l’application de l’article 65 de la loi sur la presse et l’obligation qui en découle, pour le demandeur à l’action en insertion forcée, de veiller à l’interruption de la prescription dans le délai requis.

L’application de l’article 65 de la loi sur la presse à l’action en insertion forcée

Les deux premiers moyens entendaient contester la conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis ainsi que la conventionalité de la soumission de l’action en insertion forcée à la prescription trimestrielle posée par l’article 65 de la loi sur la liberté de la...

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De l’importance de ne pas étendre les cas de courtes prescriptions

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 7 avril 2023

Com. 29 mars 2023, F-B, n° 21-23.104

Certains arrêts rendus par la Cour de cassation peuvent étonner en ce qu’un pourvoi portant sur une question fort précise, et fort technique au demeurant, permet parfois de révéler une solution générale et d’opérer ainsi un rappel très utile. C’est exactement, en somme, l’un des enseignements que l’on peut tirer de l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 29 mars 2023.

Rappelons-en les faits rapidement. Une entreprise de fourniture de matériaux décide de conclure avec une société de télécommunications un contrat de fourniture de téléphonie fixe et d’accès à internet pour une durée de soixante-trois mois. En juin 2015, le cocontractant de la société de télécommunication interrompt le paiement des factures et conclut un nouveau contrat avec un opérateur différent avec portabilité de son numéro de téléphone. La société de télécommunications initiale adresse donc à son débiteur une mise en demeure le 12 octobre 2016 afin de lui solliciter le règlement de la somme de 14 508,14 € au titre de diverses factures de téléphonie et de indemnité de résiliation du contrat. La somme totale n’étant pas réglée, la société de télécommunications créancière de ces sommes fait signifier le 10 janvier 2017 à son cocontractant une ordonnance d’injonction de payer. L’entreprise de matériaux s’y oppose et soulève la prescription d’une année issue de l’article L. 34-2 du code des postes et des communications électroniques. En cause d’appel, les juges du fond retiennent que l’indemnité de résiliation est régie par la prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du code de commerce de sorte que la demande en paiement de l’indemnité n’était donc pas prescrite. L’entreprise de...

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Saisie-immobilière : les limites de l’autorité de chose jugée attachée au jugement d’orientation ou le retour de l’instabilité

Le contexte

La jurisprudence relative à l’autorité de chose jugée du jugement d’orientation s’engage-t-elle sur un territoire parsemé de sables mouvants ? En contemplation de décisions récente de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, la question peut se poser (Civ. 2e, 8 déc. 2022, n° 21-10.590).

Pourtant, l’autorité de chose jugée semblait sorite renforcée à la suite de plusieurs arrêts.

Ainsi, il avait été jugé qu’au visa des articles L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire et R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne pouvait, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation et qu’ainsi lorsqu’un jugement d’orientation avait été rendu à l’occasion d’une procédure de saisie immobilière engagée par un créancier, c’était à bon droit que la cour d’appel avait déduit, même saisie avant l’engagement de cette procédure, que le débiteur ne pouvait invoquer dans l’instance au fond les contestations, même nouvelles, se rapportant au titre exécutoire détenu par le créancier et qu’en conséquence les demandes de ce débiteur étaient irrecevables (Civ. 2e, 1er déc. 2016, n° 14-27.169, D. 2016. 2580 image ; ibid. 2017. 1388, obs. A. Leborgne image ; AJDI 2017. 216 image, obs. F. de La Vaissière image).

Quelques mois plus tard, il était précisé que faute d’avoir soulevé la prescription de la demande du créancier devant le juge de l’exécution le débiteur ne pouvait pas remettre en cause ce qui avait été définitivement jugé par cette juridiction, sans méconnaître l’autorité de chose jugée attachée au jugement d’orientation ayant validé la saisie immobilière (Civ. 2e, 23 févr. 2017, n° 16-13.440).

Mieux encore deux mois plus tard, il a été jugé que l’autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement d’orientation rendait irrecevables les contestations autres que celles se rapportant à des actes de la procédure postérieurs à l’audience d’orientation et celles, qui, nées postérieurement à celle-ci sont de nature à empêcher la poursuite de la saisie ; qu’il s’ensuivait que le jugement d’adjudication ne pouvait être annulé à la demande d’une partie à la procédure de saisie pour des motifs tirés des vices dont elle aurait été affectée ; qu’il...

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Des effets limités du paiement partiel des honoraires d’avocat

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 6 avril 2023

Civ. 2e, 30 mars 2023, F-B, n° 21-22.198

Parmi les nombreux arrêts rendus par la Cour de cassation à propos de la profession d’avocat la semaine du 27 mars 2023 (v. not. sur l’avocat agent sportif : Civ. 1re 29 mars 2023, n° 21-25.335, Dalloz actualité, 4 avr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 650 image), il faut citer une décision originale de la deuxième chambre civile croisant cette thématique avec le régime général de l’obligation et plus particulièrement avec le paiement partiel de la dette. Commençons par rappeler brièvement les faits ayant donné lieu au pourvoi. Deux personnes ont confié à un avocat la défense de leurs intérêts dans une procédure pénale en première instance comme en appel, sans pour autant signer la moindre convention d’honoraires. Le 28 mars 2017, l’avocat établit un décompte de frais et d’honoraires. Le 18 décembre suivant, ses deux clients se sont acquittés d’une partie de la somme réclamée, à hauteur de 3 000 €. Le 2 mai 2019, l’avocat saisit le bâtonnier de son ordre pour fixer ses honoraires. Les clients ont, postérieurement, formé un recours devant le premier président de la cour d’appel contre la décision rendue par le bâtonnier. L’avocat a émis, en cours d’instance d’appel, une seconde facture le 7 mai 2021 dont il demande le paiement. L’ordonnance du premier président de la cour d’appel saisie relève que si les deux clients ont procédé à un paiement partiel de 3 000 €, il n’est pas établi que l’honoraire dans son intégralité avait été accepté par les clients et qu’il devait donc être fixé selon la voie prévue par l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Les juges du fond figent alors la condamnation des deux clients à une somme totale de 13 912,30 €. Sur la facture établie en 2021, la demande du professionnel est déclarée irrecevable faute d’avoir été présentée devant le bâtonnier. L’avocat se pourvoit en cassation en estimant que le paiement partiel devait emporter reconnaissance pour le tout de l’honoraire mais également que sa demande au titre de la facture établie en 2021 ne pouvait qu’être l’accessoire de celle présentée en première instance.

C’est sur l’irrecevabilité de la demande liée à la facture de 2021 que la cassation intervient en raison d’une application assez cohérente des articles 565 et 566 du code de procédure...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 27 mars 2023

Sélection par Cédric Hélaine, docteur en droit, chargé d’enseignement à l’Université d’Aix-Marseille et Laurent Dargent, rédacteur en chef.

 

Avocats

Des effets limités du paiement partiel des honoraires d’avocat

Si le bâtonnier et le premier président apprécient souverainement, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l’honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d’une convention. Le paiement partiel d’une facture d’honoraires, après service rendu, ne vaut acceptation de l’honoraire qu’à hauteur de ce qui a été payé, à défaut de toute autre manifestation de la volonté d’accepter de payer le reliquat. (Civ. 2e, 30 mars 2023, n° 21-22.198, F-B).

Droit à un honoraire: portée d’une transaction en matière d’indemnisation

Il résulte de l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-690 du 6 août 2015 que ne constitue pas un acte irrévocable ouvrant droit à un honoraire de résultat une transaction qui, en matière d’indemnisation, réserve certains postes de préjudice et ne met ainsi pas fin au litige. (Civ. 2e, 30 mars 2023, n° 21-17.880, FS-B)

Contrats

Mandat : portée à l’égard des tiers du détournement de pouvoir du mandataire

Il résulte de l’article 1998 du code civil que même lorsque le mandataire détourne ses pouvoirs au détriment du mandant, les engagements pris par le mandataire à l’égard d’un tiers obligent le mandant, sauf si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer. (Civ. 1re, 29 mars 2023, n° 22-10.001, FS-B)

Personnes

Fin de vie et obstination déraisonnable

Il appartient au médecin en charge d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu’à l’issue d’une procédure collégiale, destinée à l’éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d’un arrêt du traitement et dans le respect des directives anticipées du patient ou, à défaut de telles directives, après consultation de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches, ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs. (CE, réf., 27 mars 2023, n° 472046)

Fin de vie : évaluation de la loi Claeys-Leonetti

La mission d’information sur l’évaluation de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie a rendu son rapport le 29 mars. En conclusion, les travaux de la mission montrent que le cadre juridique institué par la loi Claeys-Leonetti répond à la grande majorité des situations de fin de vie et que, dans la plupart des cas, les malades ne demandent plus à mourir lorsqu’ils sont pris en charge et accompagnés de manière adéquate.
Pour...

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Panorama rapide de l’actualité « santé » des semaines du 20 mars et du 27 mars 2023

Sélection par Karima Haroun, rédactrice spécialisée, Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, Éditions Législatives

Retrouvez toute l’actualité du droit de la santé, dans le Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, Éditions Législatives.

Données de santé et santé numérique

Dossier pharmaceutique

Un décret organise la création automatique du dossier pharmaceutique sauf opposition du bénéficiaire de l’assurance maladie concerné. Il définit le contenu du dossier pharmaceutique, la durée de conservation des informations qu’il comporte, les modalités de sa création et de sa clôture éventuelle, les modalités d’exercice des droits du bénéficiaire, notamment du droit de s’opposer à sa création et d’en demander la clôture. Il définit également les conditions d’utilisation du dossier pharmaceutique par les professionnels de santé. (Décr. n° 2023-251 du 3 avr. 2023, relatif au dossier pharmaceutique)

Télésurveillance médicale

Les modalités de prise en charge anticipée de certains dispositifs médicaux numériques et de certaines activités de télésurveillance médicale par l’assurance maladie sont fixées. Le taux de participation de l’assuré applicable aux frais relatifs à ces activités s’élève à 40 %.
La prise en charge anticipée ne peut en revanche être accordée dans les cas suivants :
- le dispositif médical numérique ou l’activité de télésurveillance médicale a déjà fait l’objet d’une prise en charge anticipée dans la ou les indications considérées, qu’elle soit en cours ou à son terme ;
- le dispositif médical numérique ou l’activité de télésurveillance médicale a déjà fait l’objet d’une décision portant refus de prise en charge anticipée ;
- le dispositif médical numérique fait l’objet d’une décision de suspension ou d’interdiction. (Décr. n° 2023-232 du 30 mars 2023 relatif à la prise en charge anticipée des dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique et des activités de télésurveillance médicale par l’assurance maladie au titre de l’article L. 162-1-23 du code de la sécurité sociale)

Personne et corps humain

Fin de vie et obstination déraisonnable

Il appartient au médecin en charge d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut...

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Pas de contribution aux charges du mariage par apport de fonds pour la construction d’un bien à usage familial ([I]bis[/I])

Nouvel épisode de la saga jurisprudentielle relative à la contribution aux charges du mariage ! La position de la Cour de cassation est précisée et réaffirmée, en cohérence avec les solutions antérieurement dégagées.

Les faits sont désormais classiques : deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens divorcèrent et l’un réclama à l’autre une créance en remboursement d’un investissement immobilier. Plus précisément, l’époux avait contribué à hauteur de 36 240,83 € pour la construction d’une maison sur une parcelle appartenant à l’épouse.

Pour réfuter tout droit à remboursement, l’épouse opposait au demandeur son obligation de contribuer aux charges du mariage. Convaincue par cet argument, la cour d’appel de Chambéry rejeta la demande en remboursement, motif pris que l’affaire concernait « le financement de la construction d’un bien personnel de l’épouse et non celui de la part indivise du conjoint, que le montant de la facture demeure relativement modeste et constitue une dépense ponctuelle, qu’il n’est pas établi de sur-contribution aux charges du mariage (…) et qu’il n’est pas contesté que [le demandeur] a bénéficié avec les enfants du couple d’un hébergement dans le bien immobilier considéré » (§ 5).

Le succombant forma alors un pourvoi en cassation. La question de pur droit ainsi posée était la suivante : l’apport en capital pour le financement d’une construction sur un terrain personnel participe-t-il de l’exécution de l’obligation de contribuer aux charges du mariage ?

Si elle semble familière, l’interrogation est inédite car la Cour de cassation ne s’était jusque-là prononcée que sur le cas de biens indivis. Il s’agissait donc pour elle de se demander s’il convenait ou non d’étendre sa jurisprudence aux biens faisant l’objet d’une propriété exclusive.

Sans surprise et en parfaite cohérence avec sa ligne jurisprudentielle, la première chambre civile accueille le pourvoi, casse la décision d’appel et, au visa de l’article 214 du code civil, énonce en attendu de principe que « sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, réalisé par un époux séparé de biens pour financer l’amélioration, par voie de construction, d’un bien personnel appartenant à l’autre et affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ». Dès lors, pour faire échec à la demande en remboursement, il aurait fallu démontrer l’existence d’une convention entre époux prévoyant que le mari exécuterait son obligation contributive sous la forme d’un apport en capital. Faute d’avoir caractérisé une telle convention, la cour d’appel de Chambéry n’a pas donné de base légale à sa décision.

Un tel positionnement était attendu et ne surprend guère. En effet, la Cour retient depuis quelques temps que l’apport en capital ne participe pas de l’exécution de l’obligation contributive, que ce soit pour l’acquisition d’un bien indivis (Civ. 1re, 3 oct. 2019, n° 18-20.828 P, Dalloz actualité, 22 oct. 2019, obs. M. Cottet ; D. 2020. 60 image, note B. Chaffois image ; ibid. 901, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau image ; ibid. 2206, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier image ; AJ fam. 2019. 604, obs. J. Casey image ; RTD civ. 2019. 913 et les obs. image ; 17 mars 2021, n° 19-21.463 P, abondamment commentés, Dalloz actualité, 31 mars 2021, obs. Q. Guiguet-Schielé ; D. 2021. 631 image ; ibid. 819, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau image ; ibid. 1784, chron. V. Champ, C. Dazzan, S. Robin-Raschel, S. Vitse, V. Le Gall, X. Serrier, J. Mouty-Tardieu, E. Buat-Ménard et A. Feydeau-Thieffry image ; ibid. 2022. 528, obs. M. Douchy-Oudot image ; AJDI 2021. 383 image ; AJ fam. 2021. 314, obs. J. Casey image ; et Civ. 1re, 9 févr. 2022, n° 20-14.272, inédit, RTD civ. 2022. 693, obs. I. Dauriac image) ou pour l’amélioration, par voie de construction, d’un tel bien (Civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-21.277 P, très commenté, Dalloz actualité, 28 juin 2022, obs. Q. Guiguet-Schielé ; D. 2022. 1151 image ; ibid. 2023. 523, obs. M. Douchy-Oudot image ; AJ fam. 2022. 445, obs. J. Casey image ; RTD civ. 2022. 954, obs. I. Dauriac image). Or, rien n’aurait justifié qu’une solution différente soit retenue dans l’hypothèse d’une propriété exclusive.

La présente décision n’en est pas moins importante, notamment car c’est la première fois que la Cour se positionne clairement sur l’hypothèse précise d’un financement, par des deniers personnels, d’une construction sur le terrain d’autrui. Le panorama jurisprudentiel est ainsi à la fois utilement complété et solidement réaffirmé. Qu’on se le dise : ce n’est pas demain...

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La fin de vie : le début de la fin pour la loi Claeys-Leonetti ?

L’évolution de la législation relative à la fin de vie en faveur d’une ouverture vers l’aide active à mourir n’est pas vraiment une surprise, au moins depuis que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a recommandé, dans un rapport rendu public le 10 avril 2018, la reconnaissance d’un droit à demander au médecin une sédation profonde et continue « explicitement létale », autrement dit la consécration d’une aide active médicale à la mort (Avis CESE, 10 avr. 2018, Fin de vie : la France à l’heure des choix). Surtout, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a lui-même rendu public, le 13 septembre 2022, un avis sur les questions éthiques relatives à la fin de vie par lequel, malgré des opinions dissidentes en son sein, il a émis plusieurs propositions tendant à ouvrir « une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir » incluant l’assistance médicale au suicide et l’euthanasie, du moins, dans un premier temps, pour des personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires, dont le pronostic vital serait engagé à moyen terme (Avis CCNE n° 139, 8 sept. 2022).

Un rapport parlementaire du 29 mars 2023...

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Bien vieillir : l’Assemblée intègre des dispositions sur les majeurs protégés

Le calendrier de la loi sur le bien vieillir a été bousculé. Attendue depuis plusieurs mois, l’étude du texte a finalement été précipitée, les députés n’attendant pas le rendu des travaux du conseil national de la refondation. Les travaux en commission ont été précipités, et le temps entre la commission et la séance a été très réduit. D’importants amendements gouvernementaux n’ont été présentés qu’en séance, comme celui visant à créer dans chaque département un « service public départemental de l’autonomie pour les personnes âgées, les personnes handicapées et les proches aidants ». De quoi agacer les députés, et compliquer l’adoption d’un texte, qui est pourtant plutôt consensuel.

Mais une part importante des députés, de l’opposition mais aussi de la majorité, regrette la faible ambition de la proposition de loi. Une des deux co-rapporteures pressenties, la députée Renaissance Monique Iborra a même refusé son poste, dénonçant « des réformes qui ne traiteront pas le fond mais seulement la forme [;] une adaptation de ce qui existe...

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Aval sur lettre de change irrégulière et requalification en cautionnement solidaire

Les embranchements entre l’aval et le cautionnement sont assez classiques quand on se rappelle que le premier est une variété du second en matière de droit bancaire (M. Mignot, J. Lasserre Capdeville, M. Storck, N. Eréséo et J.-P. Kovar, Droit bancaire, 3e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2021, p. 1132, n° 2344). Mais il arrive que l’effet de commerce garanti par l’aval soit irrégulier. Que faire alors de la garantie ainsi consentie ? C’est précisément cette piste qu’explore l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 avril 2023. Les faits sont assez classiques en la matière. Par acte du 19 février 2014, le gérant d’une société se porte avaliste d’une chaîne de lettres de change qui ont été tirées sur cette société au bénéfice de son fournisseur. Les lettres de change n’ont pas été réglées et la société de l’avaliste est placée en liquidation judiciaire. Le fournisseur, bénéficiaire des lettres de change, déclare donc sa créance et assigne en paiement l’avaliste en fondant son action à titre subsidiaire sur la qualité de caution de ce dernier. Ceci peut paraître curieux mais nous y reviendrons puisque les lettres de change étaient, en réalité, des lettres de change-relevé magnétique qui ne reposaient sur aucun titre soumis aux conditions de validité de l’article L. 511-1 du code de commerce. Les juges du fond requalifient, en appel, l’aval en cautionnement solidaire et condamnent la caution ainsi qualifiée à régler au fournisseur la somme de 156 708,85 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017.

Celui qui a donné initialement son aval se pourvoit en cassation. Il argue que la garantie qu’il a pu octroyer ne pouvait pas constituer, en...

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Transidentité et filiation : un premier positionnement de la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée le 4 avril 2023 sur un phénomène relativement nouveau : la parenté transgenre. Des lois aujourd’hui plus souples autorisent en effet le changement de sexe sans stérilisation préalable notamment sous l’impulsion de la Cour européenne. C’est ainsi que des personnes ont pu changer de sexe à l’état civil tout en conservant leur appareil reproducteur et peuvent dès lors procréer naturellement. C’est arrivé en France, où les conditions de changement de sexe ont été largement assouplies et démédicalisées par la loi du 18 novembre 2016, mais également en Allemagne, pays mis en cause devant la CEDH.

En l’espèce, le parent transgenre est déclaré né de sexe féminin. Il obtient le changement de sexe avec changement de prénom en 2011. Le 28 mars 2013, il accouche d’un garçon. Après avoir obtenu la reconnaissance de son appartenance au sexe masculin il avait en effet arrêté son traitement hormonal et était redevenu fertile. Son fils serait né à l’aide d’un don de sperme et le donneur aurait consenti à ne pas avoir le statut de père légal de l’enfant.

Le 30 mars 2013, le parent transgenre demande au service de l’état civil de l’inscrire comme père de l’enfant. Il ajoute que la case prévue pour consigner le nom de la mère doit rester libre, que l’enfant n’a pas de deuxième parent légal. L’officier de l’état civil émet des doutes quant à la question de savoir si le parent transgenre doit être inscrit en tant que père ou en tant que mère de l’enfant et soumet la demande au tribunal d’instance de Schöneberg.

Le 13 décembre 2013, le tribunal d’instance ordonne au service de l’état civil d’inscrire le parent transgenre en tant que mère de l’enfant. Cette décision est confirmée par la cour d’appel de Berlin et par la Cour fédérale de justice. Le parent transgenre et son fils saisissent la Cour constitutionnelle fédérale qui n’admet pas leur recours constitutionnel sans motiver sa décision. Alors même que, dans sa décision du 11 janvier 2011, déclarant contraire à la Constitution l’obligation de stérilisation permanente imposée aux personnes désirant changer de sexe, elle envisageait déjà cette situation et constatait que le rattachement d’un enfant à un père et une mère qui fût sans équivoque et qui correspondît aux circonstances biologiques était déjà prévu par la loi.

L’arrêt de la Cour fédérale allemande

Les motifs de la décision de la Cour fédérale sont essentiels et méritent d’être rappelés car ils ont eu une grande influence sur la décision de la CEDH.

La Cour fédérale rappela qu’aux termes de l’article 1591 du code civil (§ 35), la mère d’un enfant était la personne qui avait donné naissance à celui-ci. Elle indiqua que l’appartenance depuis 2011 au sexe masculin n’était pas déterminante pour l’attribution du statut juridique dès lors que l’article 11, première phrase, de la loi TSG (loi de 1980 relative au changement de sexe) disposait que la décision de reconnaître l’appartenance d’une personne transsexuelle à l’autre sexe n’avait pas d’incidence sur la relation juridique entre cette personne et ses enfants. La juridiction fédérale ajouta que, en faisant référence au droit en matière de filiation (Abstammungsrecht), la loi TSG visait à garantir d’une manière générale que le statut juridique de mère ou de père de l’enfant, défini biologiquement par l’accouchement ou la fécondation, ne fût susceptible d’aucune modification.

Elle admit que l’attribution d’un statut juridique de père ou de mère à l’égard d’un enfant né après la décision de changement de sexe pouvait porter atteinte à la reconnaissance de l’identité de genre d’un parent transsexuel. Elle estima cependant que le droit à la protection de la personnalité n’était garanti que dans la limite des lois dont faisaient partie les dispositions du code civil et de la loi TSG. La Cour fédérale de justice releva qu’à l’instar d’une large majorité des systèmes juridiques existant dans le monde, le droit allemand en matière de filiation reposait sur l’établissement d’un lien entre les fonctions procréatrices des parents et leur sexe, assignant le rôle de la personne qui accouche à une femme (la mère) et le rôle de la personne qui féconde à un homme (le père). D’après elle, la loi fondamentale n’impliquait pas une obligation de créer un droit de la filiation neutre au regard du sexe qui aurait pour effet de réduire la paternité et la maternité à des rôles purement sociaux et de supprimer ces deux statuts en tant que catégories juridiques. À cet égard, elle expliqua qu’en définitive le lien entre la fonction procréatrice et le sexe était indéniablement fondé sur le fait biologique.

La Cour fédérale de justice releva également qu’un rattachement différent était de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux de l’enfant. Elle observa, d’une part, que l’enfant avait le droit de connaître sa filiation biologique et, d’autre part, que le droit de l’enfant à recevoir soins et éducation de ses deux parents (art. 2, § 1 combiné avec l’art. 6, § 2, première phrase, de la loi fondamentale) pouvait être lésé si un enfant, d’abord rattaché juridiquement à un seul parent, n’avait pas la possibilité d’obtenir, sur le plan du statut juridique, le rattachement à l’autre parent.

La Cour fédérale de justice ajouta qu’il fallait aussi tenir compte de ce que le lien établi avec la fonction de procréation biologique créait pour l’enfant un rattachement stable, sur le plan juridique, à un père et à une mère. Elle estima que tel ne serait pas le cas si à l’état civil le lien était établi avec le sexe attribué au parent concerné, en raison de la possibilité, pas seulement théorique, d’annuler à l’état civil la reconnaissance du sexe auquel le parent se sentait appartenir. La haute juridiction observa à cet égard que, d’après les constats du tribunal d’instance, dix personnes avaient fait usage de cette possibilité entre 2011 et 2013, dans la seule ville de Berlin.

La Cour fédérale de justice releva en outre que le champ d’application du droit à la protection de la famille, au sens de l’article 6, § 1, de la loi fondamentale, n’était pas...

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Cautionnement réel et règles sur la proportionnalité de l’engagement

La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’autrui (anciennement dénommée cautionnement réel) peut se targuer d’être au cœur d’une jurisprudence assez stable depuis ces dernières années. La Cour de cassation a, en effet, disqualifié le concept de cautionnement réel en précisant qu’une telle sûreté ne pouvait qu’être une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’autrui, impliquant alors l’absence d’un engagement personnel. En pratique, ce type de sûreté continue à être très utilisé de sorte que l’on croise assez régulièrement des créanciers doublant leur cautionnement personnel d’une affectation hypothécaire d’un tiers, la sûreté réelle pour autrui venant alors en addition de la sûreté personnelle déjà consentie (v. par ex., Com. 2 juin 2021, n° 19-20.140 FS-P, Dalloz actualité, 10 juin 2021, obs. J.-D. Pellier ; D. 2021. 1076 image ; ibid. 1879, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers image). Aujourd’hui, nous nous intéressons à deux arrêts rendus par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 avril 2023 qui permettent d’opérer d’utiles précisions sur l’intersection entre la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’autrui et la proportionnalité du cautionnement. Précisons-le d’emblée : ces arrêts portent bien évidemment sur le droit ancien puisque les sûretés ont été conclues avant le 1er janvier 2022 et donc avant l’entrée en vigueur de l’article 2325 alinéa 2 nouveau du code civil issu de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021. Rappelons-en brièvement les faits pour en comprendre la portée.

Dans l’affaire n° 21-18.531, un établissement bancaire accorde le 7 juillet 2011 à un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) deux prêts, chacun étant garanti par diverses sûretés, à savoir le cautionnement de deux personnes physiques mais également par des affectations hypothécaires consenties par ces derniers sur des terrains leur appartenant. Voici que le GAEC débiteur est en redressement judiciaire puis en liquidation de sorte que la banque délivre aux garants un commandement de payer valant saisie immobilière. Ces derniers soulèvent que l’engagement est manifestement disproportionné à leurs biens et revenus. La cour d’appel refuse un tel raisonnement en considérant que l’article L. 341-4 du code de la consommation, alors en vigueur, ne peut pas s’appliquer en pareille situation. Les garants se pourvoient en cassation arguant que la sûreté réelle se doublant d’un cautionnement personnel, le texte pouvait s’appliquer ici.

Dans l’affaire n° 21-14.166, un établissement bancaire consent par acte notarié en date du 23 octobre 2006 une ouverture de crédit à une société. Pour garantir cette opération, l’acte comportait un cautionnement solidaire d’une personne physique mais également une affectation hypothécaire de celle-ci. Par acte du 27 mai 2014, le garant réel donne à titre gratuit à ses deux filles la nue-propriété de l’immeuble affecté à la dette de la société. La banque se confronte à des impayés de son débiteur de sorte qu’elle engage une procédure de saisie immobilière. Le garant invoque la nullité de la procédure en soulevant le bénéfice de discussion, le bénéfice de division et le...

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Entre apaisement et évitement : l’avis n° 142 du CCNE sur le consentement

Saisi le 4 juillet 2022 par la première ministre pour « conduire une réflexion approfondie sur la notion de consentement dans le cadre des examens gynécologiques et plus largement tous les examens qui touchent à l’intimité », le CCNE a rendu le 16 février 2023 un avis empreint d’un souci évident d’apaisement.

Rappelons, à toutes fins utiles, que la saisine par la Première ministre est intervenue dans un contexte de dénonciations, depuis plusieurs années, d’actes violents ou inappropriés subis en particulier par les femmes à l’occasion de leur suivi gynécologique et/ou obstétrical et la mise en examen d’un éminent médecin pour violences volontaires. L’interpellation des professionnels de santé en général sur l’importance des « violences gynécologiques et obstétricales » a permis, au-delà de la crispation première à l’encontre d’une terminologie entendue par les professionnels comme impliquant une intention de leur part de blesser les femmes dont ils assurent le suivi, d’amorcer une véritable réflexion sur l’état des pratiques. Différentes instances ont été amenées à rendre des avis ou établir des recommandations, à l’instar par exemple, de la charte de la consultation en gynécologie ou en obstétrique sur collège national des gynécologues et obstétriciens français. Comme en échos aux nombreux témoignages de femmes, elles ont généralement mis en exergue l’importance du consentement sans toutefois mener une analyse poussée de ses tenants et de ses aboutissants, analyse qui a donc été confiée au CCNE.

Pour ce faire, le CCNE procède en trois temps : il explicite d’abord « les spécificités et la complexité de la relation de soin lors de la réalisation d’examens intimes » avant de plonger dans « un nécessaire questionnement éthique », qui constitue en réalité le cœur de l’avis, pour enfin retenir certains « repères éthiques pour la préservation d’un cadre respectueux et sécurisant pour les patient(e) s et les soignant(e) s ».

Le CCNE laisse apparaître le délicat tissage d’une relation de confiance et de collaboration dans le cadre médical, délicat par nature et en raison du contexte actuel dans lequel les examens médicaux se réalisent. L’avis entend ainsi faire dialoguer les points de vue et se présente à cet égard comme une démarche de consensus. Mais pour ce faire, le CCNE élude de son champ d’analyse de nombreuses questions au cœur de l’actualité, évitant ainsi d’aborder des difficultés qui auront pourtant sans doute motivé sa saisine.

Place du consentement dans la...

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Saisie immobilière en cours à la date du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire : arrêt ou suspension de la procédure d’exécution ?

La portée de la règle de l’arrêt des voies d’exécution ne cesse d’interroger. En témoigne le présent arrêt qui pose la question délicate de l’incidence de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire sur une procédure civile d’exécution en cours, et plus précisément sur une procédure de saisie immobilière en l’absence d’adjudication définitive de l’immeuble avant le jugement d’ouverture (sur les difficultés d’articuler les règles du livre VI du code de commerce et celles de la saisie immobilière, v. P. Hoonakker, « La saisie immobilière et les procédures collectives », in P.-M. Le Corre [dir.], Mesures d’exécution et procédures collectives, Bruylant, 2012, p. 63 s.). Rappelons que l’article L. 622-21, II, du code de commerce, qui constitue l’assise textuelle du principe de l’arrêt des voies d’exécution en sauvegarde et en redressement judiciaire, prévoit que le jugement d’ouverture arrête toute procédure d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture. L’emploi du verbe « arrêter » n’est pas anodin si l’on établit une comparaison avec le I de cette disposition qui dispose que le jugement d’ouverture interrompt les actions en justice en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective.

L’analyse sémantique des termes choisis a une grande importance sur les droits du créancier antérieur dans le cadre de la procédure. En effet, alors que les actions en justice en cours interrompues peuvent faire l’objet d’une reprise à certaines conditions, les voies d’exécution entamées sont arrêtées du fait de l’ouverture de la procédure collective. C’est en ce sens que la Cour de cassation, statuant à propos d’une saisie immobilière en cours au jour de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde du saisi, a jugé que les procédures civiles d’exécution ne sont pas des instances en cours, de sorte que si une créance est contestée, la contestation devra impérativement être tranchée dans le cadre de la procédure de vérification du passif (Com. 27 sept. 2017, n° 16-17.285, RTD com. 2018. 469, obs. A. Martin-Serf image ; RPC mars 2018, comm. 69, note O. Staes ; LEDEN déc. 2017, n° 111c9, p. 4, note L. Camensuli-Feuillard ; Gaz. Pal. 16 janv. 2018, n° 2, p. 69, note D. Boustani). Ainsi une distinction doit-elle être établie entre les actions en justice qui peuvent être reprises et les procédures civiles d’exécution qui, elles, sont arrêtées et ne peuvent plus être poursuivies (v. déjà en ce sens, Com. 4 mai 2014, n° 13-17.216, RTD civ. 2014. 443, obs. R. Perrot image ; Gaz. Pal. 1er juill. 2014, n° 182, p. 28, note I. Rohart-Messager). Il en résulte que le jugement d’ouverture de la procédure collective conduit nécessairement à la mainlevée des saisies en cours ordonnée, au besoin d’office, par le...

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Un pas en avant vers l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH

Un parcours semé d’embûches

Une adhésion longuement attendue

L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme a fait l’objet de discussions dès la fin des années 1970. Cependant, les négociations en vue d’un accord d’adhésion se sont rapidement heurtées à l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le 28 mars 1996 (avis 2/94), constatant qu’en l’état du droit communautaire, la Communauté n’avait pas compétence pour conclure des accords dans le domaine des droits de l’homme.

La nouvelle impulsion donnée par le Traité de Lisbonne

L’adoption du Traité de Lisbonne (entré en vigueur le 1er déc. 2009) a constitué une étape majeure puisqu’il fait de l’adhésion une obligation (TUE, art. 6, 2), précisant qu’elle « ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités », et doit « refléter la nécessité de préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union » (Protocole n° 8). Le Traité de Lisbonne consacre, en outre, le renforcement de la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union, puisqu’il reconnaît à la Charte des droits fondamentaux la même valeur juridique que les traités (TUE, art. 6, § 1). S’agissant de la CEDH, l’adhésion est prévue par l’article 59, § 2 de la Convention, modifié par le Protocole n° 14.

L’Union européenne n’étant ni un État ni un membre du Conseil de l’Europe, et étant dotée d’un système juridique spécifique, l’adhésion nécessite la négociation, entre l’Union et les États membres du Conseil de l’Europe, d’un traité modifiant la Convention européenne.

Ces négociations, conduites au sein d’un groupe réunissant les 47 États membres du Conseil de l’Europe et un représentant de l’Union européenne (Groupe « 47+1 », relevant du Comité directeur des droits de l’homme [CDDH]) se sont tenues entre 2010 et 2013 et ont abouti, le 5 avril 2013, à un projet d’accord d’adhésion.

Le coup d’arrêt porté par l’avis 2/13

Le 18 décembre 2014, la CJUE a rendu un avis aux termes duquel elle considère que le projet d’adhésion est incompatible avec le droit de l’Union, notamment pour les raisons suivantes :

• Le projet porte atteinte aux caractéristiques spécifiques et à l’autonomie du droit de l’Union en n’assurant pas de coordination entre l’article 53 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 53 de la Charte des droits fondamentaux, qui autorisent tous deux des standards nationaux de protection des droits fondamentaux plus élevés que ceux qu’ils prévoient, et en ne prenant pas en compte le principe de la confiance mutuelle, qui exclut en principe qu’un État membre vérifie le respect des droits fondamentaux par un autre État membre.

• Le protocole n° 16 à la Convention européenne (qui permet aux juridictions suprêmes d’adresser des demandes d’avis consultatif) pourrait amener les juridictions nationales à interroger la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) plutôt que la CJUE, même quand leurs questions sont en relation avec le droit de l’Union.

• Le projet n’exclut pas la possibilité pour deux États membres de l’Union de porter devant la CEDH un différend relatif au droit de l’Union en violation de l’article 344 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

• Le projet habiliterait la CEDH, qui est un organe externe à l’Union, à contrôler la conformité aux droits fondamentaux de l’ensemble de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), y compris les actes et comportements échappant à la compétence de la CJUE en vertu des traités.

Ces motifs d’incompatibilité n’étaient, pour la plupart d’entre eux, pas absolument évidents et ont été abondamment commentés et critiqués par la doctrine.

Pour autant, aucune perspective d’adhésion n’est envisageable sans réponse à cet avis.

Une adhésion nécessaire ?

Outre le fait que l’adhésion constitue une...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 3 avril 2023

Sélection par Cédric Hélaine, docteur en droit, chargé d’enseignement à l’Université d’Aix-Marseille et Laurent Dargent, rédacteur en chef.

 

Procédure civile

RPVA et accès à un tribunal

Il résulte de la combinaison des articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 6 et 7 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et 1210-4 du code de procédure civile que le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et se prête à des limitations qui ne sauraient cependant restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt « Henrioud c. France » du 5 novembre 2015 (n° 21444/11), a retenu qu’au vu des conséquences entraînées par l’irrecevabilité du pourvoi provoqué du père, tenant essentiellement à l’irrecevabilité du pourvoi principal due à une négligence du procureur qui avait un rôle central et particulier dans la procédure de retour immédiat des enfants sur le fondement de la Convention de La Haye, le père s’était vu imposer une charge disproportionnée qui rompait le juste équilibre entre, d’une part, le souci légitime d’assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d’autre part, le droit d’accès au juge. En effet, le requérant n’avait pu voir examiner par la Cour de cassation l’argument principal soulevé, à savoir qu’il n’existait aucun élément susceptible de constituer une exception au retour immédiat des enfants au sens de l’article 13 a) de la Convention de La Haye, alors que la procédure de retour d’enfants est susceptible d’avoir des conséquences très graves et délicates pour les personnes concernées.
Une cour d’appel ne pouvait donc pas faire prévaloir, dans la procédure de retour immédiat engagée sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, le principe de l’obligation, pour le ministère public, qui avait un rôle central et particulier en la matière, de remettre sa déclaration d’appel par voie électronique, ce qui a eu pour effet de rendre irrecevables les prétentions tendant au retour des enfants, formées par l’appelant incident. En procédant ainsi, la cour d’appel a fait preuve d’un formalisme excessif violant ainsi les dispositions précédemment évoquées. (Civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 22-21.863, FS-B)

Compétence du juge aux affaires familiales

Il résulte de l’article 76, alinéa 2 du code de procédure civile qu’une cour d’appel, saisie d’une demande d’indemnité d’occupation fondée juridiquement sur l’occupation sans droit ni titre d’un immeuble appartenant à l’un des concubins et non sur la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des concubins ne peut pas relever son incompétence puisque la demande ne relève pas de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative et n’échappe pas à la connaissance de la juridiction française.
Les intérêts...

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La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause pendant les vacances de printemps.

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Condamnation du formalisme excessif : la Cour de cassation dans les pas de la CEDH

1. L’attendu de principe rapporté au chapô est celui d’un arrêt, publié, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 5 avril 2023 et non celui d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ses termes sont pourtant inspirés par – pour ne pas dire calqués sur – une décision récente de la Cour européenne, à savoir celle du 9 juin 2022 (devenue définitive le 9 sept. suivant), à savoir l’arrêt Lucas c/ France (CEDH 9 juin 2022, n° 15567/2, Dalloz actualité, 16 juin 2022, obs. C. Bléry ; ibid. 13 juill. 2022, J. Jourdan-Marques ; Lexbase hebdo privé n° 327, 8 juill. 2022, obs. M. Dochy ; Gaz. Pal. 26 juill. 2022, p. 34, obs. S. Amrani-Mekki).

Le 5 avril 2023, la Cour de cassation reprend la condamnation du formalisme excessif induit par une application stricte des règles relatives à la communication par voie électronique, l’arrêt s’inscrivant tout autant dans la lignée de l’arrêt Henrioud c/ France (CEDH 5 nov. 2015, n° 21444/11, D. 2016. 1245 image, note G. Bolard image ; Procédures 2016. Comm. 15, obs. N. Fricero) d’ailleurs mentionné par la première chambre civile dans son arrêt. Il atteste de la difficulté à trouver une ligne de partage entre l’excès de formalisme, condamnable, et le formalisme, qui se veut une protection des justiciables ; il témoigne du risque d’insécurité qui résulte de la mise en balance d’intérêts antagonistes – ici le droit substantiel et la procédure civile.

2. Un couple a trois enfants, tous encore mineurs. Alors que la famille s’est installée à l’Île Maurice en décembre 2014, la mère – partie avec les enfants en France fin 2019, s’oppose à leur retour à l’Île Maurice.

Début 2020, le père saisit l’autorité centrale de l’Île Maurice en vue d’obtenir le retour immédiat des enfants, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

À l’été 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d’Amiens saisit, à cette fin, le juge aux affaires familiales. Le père intervient volontairement à l’instance.

Par ordonnance de référé du 10 juillet 2020, le juge aux affaires familiales constate que le non-retour des enfants à l’Île Maurice est illicite ; pour autant, il rejette la demande de retour, au motif qu’il existait un risque grave que celui-ci ne les expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne les place dans une situation intolérable.

Le ministère public interjette appel de cette ordonnance : la déclaration d’appel est effectuée sur papier, faute qu’il soit parvenu à la transmettre par voie électronique. De son côté, le père forme un appel incident.

La cour d’appel déclare la déclaration d’appel irrecevable et, par voie de conséquence, n’examine pas l’appel incident du père. Selon la cour d’Amiens, la déclaration d’appel papier est irrecevable car l’échec de la transmission par voie électronique est dû, non pas à une cause étrangère autorisant le retour au papier, mais à une « erreur du ministère public sur le type d’adresse mel accepté par le RPVA ».

Le père se pourvoit en cassation par un moyen divisé en deux branches : la première invoque une violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, l’arrêt constituant une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.

La première chambre civile, d’abord, réfute les critiques de la mère quant à la recevabilité du pourvoi : le père a bien intérêt à se pourvoir et son moyen est de pur droit ; ensuite, casse l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens et renvoie les parties devant la cour d’appel de Rouen.

Vu l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, les articles 6 et 7 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et l’article 1210-4 du code de procédure civile :

13. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
14. En application des deuxièmes, les autorités centrales instituées par la convention doivent coopérer entre elles et promouvoir une collaboration entre les autorités compétentes dans leurs Etats respectifs, pour assurer le retour immédiat des enfants. En particulier, elles doivent prendre toutes les mesures appropriées pour introduire ou favoriser l’ouverture d’une procédure judiciaire ou administrative, afin d’obtenir le retour immédiat de l’enfant.
15. Selon le troisième, l’autorité centrale désignée dans le cadre des instruments internationaux et européens relatifs au déplacement illicite international d’enfants transmet au procureur de la République près le tribunal judiciaire territorialement compétent la demande de retour dont elle est saisie. Lorsque la demande concerne un enfant déplacé ou retenu en France, le procureur de la République peut, notamment, saisir le juge compétent pour qu’il ordonne les mesures provisoires prévues par la loi ou introduire une procédure judiciaire afin d’obtenir le retour de l’enfant.
16. Le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et se prête à des limitations qui ne sauraient cependant restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même
17. Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Henrioud c/ France du 5 novembre 2015 (n° 21444/11), a retenu qu’au vu des conséquences entraînées par l’irrecevabilité du pourvoi provoqué du père, tenant essentiellement à l’irrecevabilité du pourvoi principal due à une négligence du procureur qui avait un rôle central et particulier dans la procédure de retour immédiat des enfants sur le fondement de la Convention de La Haye, le père s’était vu imposer une charge disproportionnée qui rompait le juste équilibre entre, d’une part, le souci légitime d’assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d’autre part, le droit d’accès au juge. En effet, le requérant n’avait pu voir examiner par la Cour de cassation l’argument principal soulevé, à savoir qu’il n’existait aucun élément susceptible de constituer une exception au retour immédiat des enfants au sens de l’article 13 a) de la Convention de La Haye, alors que la procédure de retour d’enfants est susceptible d’avoir des conséquences très graves et délicates pour les personnes concernées.
18. Pour déclarer irrecevable l’appel du ministère public formé contre l’ordonnance de référé du 31 juillet 2020, l’arrêt, après avoir énoncé qu’il résulte des dispositions de l’article 2...

Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 10 avril 2023

Arbitrage

Contrôle de la sentence: examen des fin de non-recevoir opposées à la demande d’exequatur

L’article 1525, alinéa 1er du code de procédure civile, selon lequel la décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d’exequatur d’une sentence arbitrale rendue à l’étranger est susceptible d’appel, ne concerne que le seul contrôle de la sentence qu’il limite afin d’écarter toute appréciation du bien ou du mal jugé de l’arbitre, sans faire obstacle à l’examen des fins de non-recevoir opposées à la demande d’exequatur. (Civ. 1re, 13 avr. 2023, n° 21-50.053, F-B)

Contrôle du respect de la mission de l’arbitre: portée

Il n’appartient pas à une cour d’appel, saisie du grief de non-respect de la mission de l’arbitre au titre de l’article 1520-3° du code de procédure civile, de contrôler la conformité de la procédure suivie aux règles de procédure applicables. (Civ. 1re, 13 avr. 2023, n° 21-21.148, F-B)

Filiation

Avis consultatif concernant l’adoption d’un enfant majeur

Les procédures judiciaires relatives à l’adoption d’un enfant majeur peuvent être considérées comme affectant la vie privée du parent biologique au sens de l’article 8 de la Convention. Ce parent doit se voir offrir la possibilité d’être entendu et ses arguments doivent être pris en compte aux fins de la décision dans la mesure où ils sont pertinents. Eu égard, toutefois, à l’ample marge d’appréciation dont l’État dispose dans l’encadrement de la procédure d’adoption d’un adulte, le respect de l’article 8 n’exige pas que le parent biologique se voit accorder la qualité de partie ni le droit de former un recours contre la décision ayant autorisé l’adoption.
Si la juridiction dont émane la demande détermine que l’on ne saurait prétendre, même de manière défendable, que le droit revendiqué par la mère biologique est reconnu en droit interne, il s’ensuivra que l’article 6 de la Convention n’est pas applicable à l’égard de cette dernière dans le contexte de la procédure d’adoption d’un adulte. (CEDH, avis du 13 avr. 2023, sur le statut et les droits procéduraux d’un parent biologique dans la procédure d’adoption d’un adulte)

Procédure civile

Appel : point de départ du délai pour conclure ou former appel incident et aide juridictionnelle

Il résulte de l’article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que le point de départ d’un délai de recours est reporté, au profit de celui qui demande le bénéfice de l’aide juridictionnelle avant l’expiration de ce délai, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d’admission, à la date, si elle est plus tardive, du jour de la désignation d’un auxiliaire de justice en vue d’assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l’exercice de ce recours. Le point de départ des délais impartis pour conclure ou former appel incident est reporté de manière identique au profit des parties à une instance d’appel sollicitant le bénéfice de l’aide juridictionnelle au cours des délais mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile. Ces règles, qui ne prévoient pas, au profit de l’appelant, un report du point de départ du délai pour remettre ses conclusions au greffe, en application de l’article 908 du code de procédure civile, poursuivent néanmoins un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en l’occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles ne placent pas non plus l’appelant dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire dès lors qu’il bénéficie, lorsqu’il forme sa demande d’aide juridictionnelle avant de faire appel, du même report du point de départ de son délai de recours que celui dont bénéficient les intimés pour conclure ou former appel incident lorsqu’ils sollicitent le bénéfice de l’aide juridictionnelle. C’est donc sans méconnaître le droit d’accès au juge d’appel ni le principe d’égalité des armes que la cour d’appel a prononcé la caducité de la déclaration d’appel faute pour l’appelant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle d’avoir notifié ses conclusions aux intimés dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel quand bien même le bénéfice de l’aide juridictionnelle, sollicité avant de relever appel, avait été accordé à l’appelant postérieurement. (Civ. 2e, 13 avr. 2023, n° 21-23.163, F-B)

Pouvoir de la cour d’appel pour statuer sur déféré contre une ordonnance d’un président de chambre, statue sur l’irrecevabilité de l’appel

Lorsque l’affaire est fixée à bref délai, l’étendue des pouvoirs juridictionnels du président de chambre étant délimitée par l’article 905-2 du code de procédure civile, celui-ci ne peut, dès lors, statuer sur l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de qualité de l’appelant. Il résulte de l’article 916 du code de procédure civile que saisie par le déféré formé contre l’ordonnance du président de chambre, la cour d’appel ne statue que dans le champ de compétence d’attribution de ce dernier. Doit, dès lors, être cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui, saisie par le déféré contre une ordonnance d’un président de chambre, statue sur l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de qualité de l’appelant. (Civ. 2e, 13 avr. 2023, n° 21-12.852, FS-B)

Déclaration d’appel par voie électronique: sanction d’un formalisme excessif

Il résulte de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit d’accès au juge, qu’un justiciable, fût-il représenté ou assisté par un avocat, ne saurait être tenu pour responsable du non-respect des formalités de procédure imputable à la juridiction. Dès lors, le délai d’appel ne peut pas courir contre la partie qui a reçu une notification du jugement effectué par le greffe comprenant des mentions erronées sur l’identité des parties. Par conséquent, méconnaît l’article 6, § 1er, de la Convention précitée, une cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable une déclaration d’appel, retient qu’une erreur dans l’identité des parties n’a pas pour effet de rendre irrégulière la notification du jugement de première instance opérée par le greffe d’un conseil de prud’hommes, ces mentions ne figurant pas au nombre de celles prévues par les articles 680 du code de procédure civile et R. 1454 du code du travail. (Civ. 2e, 13 avr. 2023, n° 21-21.242, F-B)

Chose jugée et obligation de concentration des moyens : modalités d’application à la partie civile lorsqu’elle dispose, devant le juge pénal, de la faculté prévue à l’article 470-1 du code de procédure pénale

En application du principe selon lequel (Cass., ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672 P), il incombe au demandeur à l’action de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci, lorsque la partie civile sollicite du juge...

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[Editorial] Audiences filmées : la Cour de cassation ouvre grand la porte de ses audiences

Pour la première fois, la Cour de cassation retransmet sur son site internet et ses réseaux sociaux le déroulement en intégralité de certaines de ses audiences.

Il faut rappeler que la loi, pour préserver la sérénité des débats, le droit à la vie privée et la sécurité des personnes concernées, pose un principe de prohibition d’enregistrement ou de diffusion des audiences devant les juridictions.

Une première exception existe depuis la loi « Badinter » du 11 juillet 1985 qui autorise la conservation des enregistrements audiovisuels lorsqu’ils présentent un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice. Ont été captés, entre autres, les procès de Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon, mais aussi le procès AZF, ou encore, plus récemment, celui des attentats du 13 novembre 2015.

Depuis la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, il est également possible de retransmettre des audiences pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique. La Cour de cassation bénéficie d’un dispositif propre permettant une diffusion le jour même de l’enregistrement à l’initiative du premier président.

C’est ce dispositif que j’ai souhaité mettre en œuvre rapidement. J’ai privilégié, dans un premier temps, les formations solennelles de la Cour de...

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Compétence internationale : extension des règles de compétence interne

Depuis une vingtaine d’années, le contentieux relatif à la compétence concerne essentiellement la mise en œuvre des règlements de l’Union européenne. L’arrêt rendu par la première chambre civile le 13 avril 2023 a le mérite de rappeler que le droit international privé commun, applicable hors du champ des règlements européens mais aussi des conventions internationales, conserve son importance.

En l’espèce, une société de droit israélien et une société française conclurent, en 2016, un accord de distribution exclusive dans l’Union et en Suisse. La société française assigna ensuite la première devant un tribunal de commerce en France, en invoquant des manquements contractuels et une rupture abusive.

La compétence de ce tribunal fut toutefois contestée, ce qui rendit...

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Du sens et de la portée de la mention manuscrite

Il faut espérer que les arrêts portant sur le contentieux de la mention manuscrite et son recopiage servile d’une formule légale soient appelés à disparaître progressivement avec l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 même si d’autres problèmes apparaîtront avec le nouvel article 2297 du code civil (v. L. Bougerol, Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 2) : formation et étendue du cautionnement, Dalloz actualité, 19 sept. 2021). Mais, en attendant que la source commence à se tarir, de nombreuses décisions continuent d’être rendues par la première chambre civile ou par la chambre commerciale de la Cour de cassation à ce sujet pour les cautionnements antérieurs au 1er janvier 2022 (v. par ex. Com. 25 janv. 2023, n° 21-17.589, Dalloz actualité, 1er févr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 172 image ; RTD civ. 2023. 143, obs. C. Gijsbers image ; 6 juill. 2022, n° 20-17.355, Dalloz actualité, 13 juill. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 1308 image ; ibid. 1724, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers image ; RTD civ. 2022. 676, obs. C. Gijsbers image). La tendance principale reste, à l’heure actuelle au moins, centrée autour d’une certaine clémence dans l’appréhension des formules légales tant que le sens et la portée de la mention manuscrite peuvent être compris malgré les erreurs de plume. En somme, la Cour de cassation refuse une lecture trop rigide des textes et n’accorde pas des conséquences incohérentes avec des erreurs légères. L’arrêt rendu le 5 avril 2023 peut alors jouer figure d’exception quant à la lecture étonnamment exigeante qu’il propose d’une mention manuscrite comportant une erreur qui pouvait paraître assez mineure au premier regard. Nous allons voir que le doute était permis sur les conséquences d’une telle coquille dans la rédaction de ladite mention.

À l’origine du pourvoi, on retrouve un établissement bancaire qui consent le 12 décembre 2011 à une société un prêt nécessaire à l’acquisition d’un fonds de commerce. Une personne physique se rend caution solidaire de la société débitrice du prêt. Faute de recevoir paiement, la banque assigne la caution afin de régler les échéances impayées. Le garant estime que son engagement est nul puisque la mention manuscrite comporte une coquille l’ayant conduit à en méprendre la portée. Quelque temps plus tard, l’établissement bancaire cède sa créance à un fonds commun de titrisation. La cour d’appel saisie du litige...

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Bail : les héritiers d’un associé ne sont pas des tiers

« La plupart des règles relatives au contrat de vente s’appliquent au contrat de louage ; et cela devait être, puisque celui-ci ne diffère de celui-là qu’en ce qu’il ne transmet qu’une jouissance ou un usage à temps, au lieu d’une propriété » (rapport du tribun Mouricault, in P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du code civil, t. XIV, 1827, p. 321).

Ainsi, à l’image du vendeur tenu de garantir l’acquéreur contre les troubles causés à sa possession paisible du bien, le bailleur est tenu de garantir le preneur de ceux causés à sa jouissance. Les régimes de ces garanties sont similaires : à l’égard des tiers, le bailleur n’est tenu que des troubles de droit (C. civ., art. 1726), non des troubles de fait (C. civ., art. 1725). Encore faut-il déterminer qui sont les véritables tiers. En effet, si un trouble de fait est commis par une personne ne pouvant être qualifiée de « tiers », alors le bailleur est tenu de garantir son preneur (v. A. Djigo, Voies de faits commises par des tiers et garantie du bailleur, Loyers et copr. 2001. Étude 5).

Qu’en est-il alors lorsque les voies de fait sont commises par les ayants droit d’un associé de la société bailleresse ? Sont-ils des tiers excluant, de ce fait, toute garantie de la société pour trouble de fait ? Telle était la question soulevée en l’espèce.

Deux sociétés ont conclu un bail commercial portant sur un local et un parking. Un an plus tard, l’accès au parking a été cadenassé par les ayants droit de l’un des associés de la société bailleresse. Le preneur a alors assigné cette dernière en référé afin d’obtenir la cessation de son trouble. Le juge des référés a ordonné d’une part aux ayants droit de rétablir l’accès au parking et d’autre part, une expertise tendant à évaluer le préjudice subi par le preneur.

À la suite du dépôt du rapport évaluant son préjudice, le preneur a assigné la société bailleresse en réparation sur le fondement de la garantie contre les troubles de jouissance.

La cour d’appel a débouté le preneur de sa demande au motif, d’une part, que les ayants droit avaient bloqué physiquement l’accès au parking sans exercer de voie de droit et, d’autre part, que les ayants droit sont des...

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De l’exclusion de l’obligation d’information précontractuelle en matière d’aval

Après un arrêt fort intéressant sur l’interruption de la prescription rendu en janvier dernier (Com. 25 janv. 2023, n° 21-16.275, Dalloz actualité, 3 févr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 172 image ; RTD civ. 2023. 144, obs. C. Gijsbers image), la Cour de cassation continue de préciser le régime juridique de l’aval. On sait, en effet, que cette technique constitue une variété cambiaire de cautionnement très appréciée du milieu bancaire (M. Mignot, J. Lasserre Capdeville, M. Storck, N. Eréséo et J.-P. Kovar, Droit bancaire, Dalloz, coll. « Précis », 3e éd., 2021, p. 1132, n° 2344). L’arrêt de la chambre commerciale du 5 avril 2023 permet d’interroger une question connexe liée à la théorie générale même du contrat à travers l’obligation précontractuelle d’information de l’article 1112-1 du code civil. Faut-il appliquer cette disposition au profit de l’avaliste qui rechercherait la responsabilité de la banque, bénéficiaire du billet à ordre garanti, pour manquement au devoir d’information précontractuelle ? La décision commentée permet de répondre à cette interrogation par la négative en renforçant l’autonomie de l’aval une fois de plus. Rappelons brièvement les faits ayant donné lieu au pourvoi. Un établissement bancaire consent le 20 juillet 2017 à une société un crédit de trésorerie de 70 000 € matérialisé par l’établissement d’un billet à ordre sur lequel le dirigeant de la société débitrice a porté son aval. Cette dernière devient défaillante de sorte que la banque assigne l’avaliste en paiement. Celui-ci argue que le créancier était tenu d’une obligation précontractuelle d’information au titre de l’article 1112-1 du code civil. Les juges du fond ordonnent la levée de la garantie bancaire pour le prêt de 70.000 euros correspondant au billet à ordre impayé et annulent l’aval consenti. La banque se pourvoit en cassation en estimant que l’aval est régi exclusivement par les règles propres du droit du change.

La cassation pour violation de la loi opérée par l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 avril 2023 implique de revenir sur la motivation employée et sur sa conséquence sur l’absence d’application de l’article 1112-1 du code civil dans le fonctionnement de l’aval.

Une motivation connue

Le double visa des articles L. 511-21 et L. 512-4 du code de commerce permet à la chambre commerciale de la Cour de cassation de rappeler sa...

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Recevabilité d’un nouveau moyen de contestation de créance en cause d’appel

En matière de procédures collectives, après l’étape clé de la déclaration des créances, vient celle de la vérification du passif qui comporte nombre de chausse-trappes procédurales pour les différentes parties à ces instances !

Un premier piège est réservé au créancier dont la créance serait contestée. Dans ce cas, le mandataire judiciaire doit l’en informer et le créancier a alors trente jours pour y répondre. Sauf exception, le défaut de réponse à cette contestation, dans le délai indiqué, va interdire toute contestation ultérieure par le créancier de la proposition du mandataire (C. com., art. L. 622-27 et L. 624-3, al. 2).

Passé ce premier temps, le mandataire judiciaire va ensuite établir la liste des créances déclarées accompagnée de ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi devant une autre juridiction (C. com., art. L. 624-1, al. 1er). C’est à ce stade que survient un deuxième piège procédural réservé, cette fois-ci, au débiteur, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014, et qui est, en quelque sorte, le pendant de l’article L. 622-27 précité (F. Macorig-Venier, Les créanciers antérieurs hors comités après l’ordonnance du 12 mars 2014 : un vent de simplification en faveur de la reconnaissance de leur droit de créance, BJE mai 2014, n° 111c5, p. 185).

L’article L. 624-1 du code de commerce prévoit, en effet, que les observations du débiteur doivent être faites dans un délai de trente jours à compter de la date à laquelle il a été mis en mesure, par le mandataire judiciaire, de formuler ses observations (C. com., art. R. 624-1). Or, il faut bien remarquer que, comme le créancier qui ne répondrait pas à la contestation du mandataire judiciaire, le débiteur, ne formulant pas d’observation dans le délai de trente jours, ne pourra plus, par la suite, émettre de contestation sur la proposition du mandataire judiciaire (comp. sous l’empire du régime antérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014, Com. 2 nov. 2016, n° 14-29.292 F-B, LEDEN déc. 2016, n° 110e9, p. 2, note L. Camensuli-Feuillard ; JCP 2017. 91, spéc. n° 7, note P. Pétel).

Cette dernière disposition est au cœur de l’arrêt ici rapporté à ceci près que la discussion ne portait pas sur le respect ou non du délai de trente jours imparti au débiteur pour formuler sa contestation, mais sur l’objet de cette dernière.

Plus précisément, la Cour de cassation avait à répondre à la question de savoir si, bien qu’ayant formulé des observations, un débiteur pourrait soulever en cause d’appel un autre moyen de contestation que celui contenu au sein de la contestation initiale.

L’affaire

En l’espèce, une société a été mise en redressement judiciaire et, dans le...

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Nécessité d’indemniser la perte de rémunération liée aux titres-restaurant

Le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime (Civ. 2e, 28 oct. 1954, JCP 1955. II. 8765, note Savatier) impose de déterminer avec exactitude les préjudices subis par cette dernière. Cela est particulièrement délicat en matière de dommage corporel, un dommage unique étant source d’une multitude de préjudices (S. Rouxel, Recherche sur la distinction du dommage et du préjudice en droit privé français, Thèse Grenoble II, 1994). La nomenclature Dintilhac, bien qu’elle n’ait pas de valeur normative formelle (M. Robineau, Le statut normatif de la nomenclature Dintilhac, JCP 2010. 612), est un guide utile. Un contentieux régulier porte néanmoins, tant sur l’articulation entre les différents postes de préjudices, que sur leur contenu précis. L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 30 mars 2023 en est une nouvelle illustration.

En l’espèce, la victime d’un accident de la circulation a été assignée par l’assureur de l’autre véhicule impliqué en raison d’un désaccord sur l’indemnisation. La cour d’appel a, d’abord, évalué sa perte de gains professionnels sans tenir compte, ni d’une éventuelle perte de revenus consécutive à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, ni de la perte de la contribution de l’employeur à l’acquisition de titres-restaurant. Elle n’a, ensuite, pas pris en compte la perte de droits à la retraite au titre de l’incidence professionnelle. Elle a, enfin, considéré que le préjudice sexuel permanent de la victime ne devait pas donner lieu à une indemnisation distincte, dès lors que sa réparation avait déjà eu lieu au titre du Déficit fonctionnel permanent (DFP). Ces différents points sont contestés par la victime dans son pourvoi.

Défaut de base légale concernant le refus d’indemnisation de la perte de revenus et de la perte de droits à la retraite consécutives à la rupture conventionnelle du contrat de travail

La Cour de cassation considère que les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard du principe de réparation intégrale, d’une part, en ne vérifiant pas « si la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [F], intervenue après son reclassement au sein de l’entreprise dans un poste adapté à ses séquelles, était, ou non, en lien avec son accident » (pt 11) et, d’autre part, en ne recherchant pas « si M. [F], qui avait sollicité l’indemnisation de la perte de ses droits à la retraite pour la période postérieure à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, justifiait, ou non, d’un tel préjudice en lien avec ses séquelles » (pt 14).

Il est évident que la cour d’appel aurait dû davantage motiver sa décision pour refuser...

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Chronique CEDH : la divulgation de la situation fiscale des contribuables débiteurs freinée par le principe de minimisation des données

Jean-Paul Costa

Au moment de commencer la rédaction de cette 14e chronique d’actualité de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, est arrivée la triste nouvelle du décès de Jean-Paul Costa qui y a siégé pendant treize ans et qui, quarante ans après son illustre compatriote René Cassin, l’a présidée de 2007 à 2011. Aussi, les premières lignes seront-elles malheureusement destinées à rendre un modeste mais nécessaire hommage au grand homme qui, avec quelques autres juges européens toujours disponibles pour mettre leurs éminentes fonctions en relation avec la société civile et l’Université, a aidé une génération de juristes dédaigneusement moqués à détourner le qualificatif péjoratif « droit-de-l’hommiste » en motif de fierté revendiquée. D’autres dresseront ailleurs et de manière plus détaillée le bilan de son activité de Président qui a accompagné ou promu plusieurs réformes destinées à améliorer le fonctionnement de la Cour notamment par la création d’un panel consultatif d’experts chargé de faire respecter par les États un certain nombre d’exigences de crédibilité éthique et technique des candidats aux fonctions de juge qu’ils proposent à l’élection par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Ici, on s’en tiendra à souligner l’importance de deux événements remarquables survenus après la fin de son mandat. Le premier est la publication en 2013 aux éditions Dalloz d’un puissant témoignage de son expérience unique sous l’intitulé « la Cour européenne des droits de l’homme. Des juges pour la liberté ». Le lecteur y trouvera, d’urgence, toutes les explications du prestige et du rayonnement de la Cour européenne des droits de l’homme au-delà même des frontières du Conseil de l’Europe et toutes les raisons de croire que, en dépit des objurgations de certains opposants déterminés, son avenir est plus clair que sombre. Le second est la soutenance à Toulouse en 2017 de ses travaux en vue l’obtention du grade de Docteur en droit. Quel magnifique encouragement pour tous les doctorants, obligés de rendre aux Écoles doctorales des comptes implacables permettant de s’assurer, parfois au mépris du droit au respect de leur vie privée, qu’ils auront bien soutenu leur thèse avant l’âge de vingt-cinq ans : un ancien Président de la Cour européenne des droits de l’homme, parvenu au sommet de la plus prestigieuse des carrières dont on puisse rêver quand on s’inscrit dans une Faculté de Droit, a consenti, après avoir atteint l’âge de soixante-dix ans, les efforts nécessaires pour obtenir brillamment ce dont son engagement précipité dans la vie active l’avait privé : le grade de Docteur en droit !

La divulgation de la situation fiscale des contribuables débiteurs freinée par le principe de minimisation des données

Un des deux arrêts de grande chambre rendus au cours de la période mars-avril 2023, l’arrêt L.B. c/ Hongrie du 9 mars 2023 (n° 36345/16, Dalloz actualité, 28 mars 2023, obs. N. Allix), est d’autant plus significatifs que, rendu au titre de la procédure de renvoi organisée par l’article 43 de la Convention, il renverse la solution qui avait été adoptée par un arrêt de chambre du 12 janvier 2021.

Cette importante affaire se rapporte à la publication obligatoire, sur le site librement consultable de l’Administration fiscale hongroise, des données personnelles comprenant notamment le nom et l’adresse du domicile des contribuables défaillants. Cette mise au pilori électronique destinée à renforcer la discipline fiscale n’ayant pas eu l’heur de plaire à un mauvais payeur, la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie pour en apprécier la compatibilité avec les exigences de l’article 8 de la Convention qui consacre, comme chacun le sait, le droit au respect de la vie privée mais aussi le droit au respect du domicile. Une chambre de sept juges avait estimé en 2021 que la publication sur un portail internet consacré aux questions fiscales garantissait la diffusion des informations d’une manière raisonnablement calculée pour n’atteindre que ceux pour lesquels elles présentaient un intérêt particulier et ménageait par conséquent un juste équilibre entre l’intérêt du contribuable au respect de sa vie privée et l’intérêt de la collectivité dans son ensemble à la perception de recettes publiques. La grande chambre a certes concédé que les États contractants jouissent d’une ample marge d’appréciation pour déterminer, aux fins notamment d’assurer le bon fonctionnement de la perception de l’impôt dans son ensemble, la nécessité d’établir un régime de divulgation de données à caractère personnel concernant les contribuables qui ne s’acquittent pas de leurs obligations de paiement. Cependant, elle a aussitôt précisé que la latitude dont jouissent les États en ce domaine n’est pas pour autant illimitée et qu’il lui revenait d’examiner si les autorités nationales avaient agi en l’espèce dans les limites de leur marge d’appréciation dans le choix des moyens propres à atteindre les buts légitimes poursuivis. Cet exercice l’a plongée au cœur des modalités de vérification du test de nécessité dans une société démocratique d’une mesure par ailleurs prévue par la loi et destinée à atteindre un des motifs légitimes énumérés par le § 2 de l’article 8 .On sait que ce test, longtemps confondu avec un contrôle de proportionnalité au sens strict comprend aussi celui de la pertinence et de la suffisance des motifs comme l’a récemment donné à voir l’important arrêt de grande chambre Vavricka et autres c/ République tchèque du 8 avril 2021 (n° 47621/13, D. 2021. 1176, entretien M.-L. Moquet-Anger image ; ibid. 1602, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire image ; ibid. 2022. 808, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; AJ fam. 2021. 309, obs. M. Saulier image ; RTD civ. 2021. 364, obs. J.-P. Marguénaud image) relatif à la vaccination obligatoire des enfants. Or, en l’espèce, la grande chambre, dissociant nettement les deux éléments qui auraient pu avoir tendance à se confondre, a pu estimer qu’il y avait eu violation de l’article 8 parce que les motifs, quoique pertinents, n’étaient pas suffisants.

Il convient de souligner que le reproche est directement adressé au législateur hongrois qui ne paraît pas avoir examiné dans quelle mesure la publication systématique sur un site auquel tout le monde a accès de toutes les données en question, en particulier de l’adresse du domicile du contribuable débiteur, était nécessaire à la réalisation de l’objectif initialement poursuivi par la collecte des données à caractère personnel pertinentes, à savoir l’intérêt du bien-être économique du pays. Cette insuffisance des motifs témoignant d’un indifférence aux retombées concrètes frappant indistinctement tous les contribuables indélicats abandonnés au risque de republication de leurs données personnelles par n’importe quel internaute plus ou moins bien intentionné, a été raccordée au principe de la minimisation des données qui, avec les principes de limitation des finalités, d’exactitude des données et de limite de la conservation, gouverne la jurisprudence de la Cour pour lui permettre d’assurer la protection des données personnelles face à des innovations technologiques et politiques toujours plus inquiétantes.

Le contentieux russe postérieur au 16 septembre 2022

L’autre arrêt de grande chambre de cette série bimensuelle, l’arrêt Géorgie c/ Russie (II) du 28 avril (n° 38263/08) est un arrêt qui, sur le fondement de l’article 41 de la Convention accorde, de manière sans doute purement symbolique pour longtemps, une satisfaction équitable de près de 130 000 000 d’euros à la Géorgie en raison de violations des droits l’homme massives imputables à la Russie commises en 2008 en Ossétie du Sud. Cet arrêt a donné à la Cour l’occasion de préciser d’une part que, en vertu de l’article 58 de la Convention elle avait toujours compétence pour connaître des demandes de satisfaction équitable malgré la cessation de la qualité de membre du Conseil de l’Europe de la Fédération de Russie et, d’autre part, que son refus de coopération à la procédure ne constituait pas un obstacle à leur examen. Ce qui vaut, en bout de course pour les demandes de satisfaction équitable vaut aussi, comme on le sait, pour toutes les violations des obligations conventionnelles perpétrées par la Russie avant la date de sa sortie le 16 septembre 2022. Plusieurs arrêts en ont encore témoigné et en témoigneront probablement encore pendant quelques années. Leur particularisme transitoire invitera à les examiner dans une rubrique distincte.

Au cours de la période mars-avril 2023, on en relève qui sont liés à des conflits internationaux auxquels la Russie est mêlée depuis déjà quelques temps et d’autres qui se rapportent à des questions de fond indépendante du contexte belliqueux. Dans le premier groupe figure l’arrêt Mamasakhlisi c/ Russie et Géorgie du 7 mars (n° 29999/04) qui, dans une affaire relative à la détention de personnes vulnérables par les autorités de fait abkhazes avant la guerre de 2008, constate des violations seulement par la Russie des articles 3 prohibant les traitements inhumains et dégradants ; 5 garantissant le droit à la liberté et à la sûreté et 6, § 1, consacrant le droit à un procès équitable. Le second groupe mérite une attention particulière parce qu’il peut aider à se faire une idée sur la question de savoir si la situation transitoire ne va pas servir pour mettre en place à l’encontre d’un État qui ne risque plus de claquer la porte des solutions progressistes revêtues de l’autorité de la chose interprétée que la Cour aurait hésité à formuler directement à l’égard d’un État toujours membre du Conseil de l’Europe. Deux arrêts ne permettent sans doute pas de vérifier cette hypothèse mais ils retiennent en tout cas des solutions résolument protectrices des droits de l’homme sur des sujets particulièrement sensibles. Il s’agit de l’arrêt Ossewaarde c/ Russie du 7 mars (n° 27227/17) qui a jugé contraire à l’article 9 pris isolément et à l’article 9 combiné avec l’article 14 de nouvelles restrictions légales interdisant sous peine d’amende d’organiser à son domicile des journées d’études de la Bible sans en informer les autorités et de l’arrêt Kogan c/ Russie du 7 mars (n° 54003/20) rendu dans une affaire de sanction d’une militante des droits de l’homme par révocation de son permis de séjour qui a conclu à des violations de l’article 8...

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Conformité à la Constitution du régime de responsabilité des parents du fait de leurs enfants

Expressément prévue dès 1804 parmi les régimes de responsabilité du fait d’autrui (C. civ., art. 1384, al. 4, devenu art. 1242, al. 4), la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs, si elle n’a pas connu d’évolution textuelle majeure (le terme « autorité parentale » a seulement remplacé le « droit de garde » en 2002), a vu ses conditions de mise en œuvre progressivement modifiées par la jurisprudence dans l’objectif de faciliter l’indemnisation des victimes. Une telle évolution s’inscrit, plus largement, dans un mouvement d’objectivation de la responsabilité civile, favorisé par le développement du recours à l’assurance. La responsabilité des parents étant généralement couverte par un contrat d’assurance (une assurance de responsabilité civile étant automatiquement incluse dans l’assurance habitation), il s’agit en réalité avant tout de trouver un débiteur d’indemnisation, dont l’assurance pourra être mobilisée. « L’article 1242, alinéa 4, devient un texte de politique juridique, et non de responsabilité au véritable sens du terme : les parents répondent du fait de leur enfant, car il est jugé souhaitable (à tort ou à raison) qu’il en soit ainsi, et non pas en application d’un mécanisme juridique rigoureux… » (Rép. civ., v° Responsabilité du fait d’autrui, par J. Julien, n° 86).

Ceci explique pourquoi la jurisprudence a abandonné, depuis le célèbre arrêt Samda (Civ. 2e, 19 févr. 1997, n° 93-14.646, Société d’assurance moderne des agriculteurs c/ MACIF, D. 1997. 119 image ; RTD civ. 1997. 648, obs. J. Hauser image ; ibid. 670, obs. P. Jourdain image), la conception matérielle de la garde, optant pour une conception juridique. La cohabitation visée par l’article 1242, alinéa 4 – selon lesquels les parents ne sont tenus que des dommages causés « par leurs enfants mineurs habitant avec eux » – « résulte [désormais] de la résidence habituelle de l’enfant au domicile des parents ou de l’un d’eux » (Civ. 2e, 20 janv. 2000, n° 98-14.479, Schott (Mme) c/ Parisot, D. 2000. 469 image, obs. D. Mazeaud image ; RTD civ. 2000. 340, obs. P. Jourdain image). La responsabilité des parents du fait de leurs enfants n’est plus, en effet, fondée sur l’existence d’une faute présumée d’éducation ou de surveillance, leur absence de faute n’ayant d’ailleurs plus aucun effet exonératoire (Civ. 2e, 19 févr. 1997, n° 94-21.111, Bertrand c/ Domingues, D. 1997. 265 image, note P. Jourdain image ; ibid. 279, chron. C. Radé image ; ibid. 290, obs. D. Mazeaud image ; ibid. 1998. 49, obs. C.-J. Berr image ; RDSS 1997. 660, note A. Dorsner-Dolivet image ; RTD civ. 1997. 648, obs. J. Hauser image ; ibid. 668, obs. P. Jourdain image).

Il s’en suit qu’en cas de séparation des parents, seul celui s’étant vu confier la garde de l’enfant est responsable de plein droit des dommages causés par ce dernier, et ce même quand l’enfant est pourtant physiquement présent chez l’autre parent au moment du fait dommageable (Crim. 29 avr. 2014, n° 13-84.207, Dalloz actualité, 14 mai 2014, obs. A. Cayol ; D. 2014. 1620 image, note L. Perdrix image ; ibid. 2015. 124, obs. P. Brun et O. Gout image ; AJ fam. 2014. 370, obs. A. Zelcevic-Duhamel image ; RTD civ. 2014. 639, obs. J. Hauser image ; Civ. 2e, 21 déc. 2006, n° 05-17.540 ; déjà, arrêt Samda, préc.). C’est cette interprétation jurisprudentielle de l’article 1242, alinéa 4, du code civil qui a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité, sur laquelle le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 21 avril 2023.

Les requérants reprochaient à cette disposition, telle qu’interprétée par la Cour de cassation, d’instituer une différence de traitement injustifiée, d’une part, entre les parents qui exercent pourtant conjointement l’autorité parentale et, d’autre part, entre les victimes qui n’ont pas la possibilité de rechercher la responsabilité de plein droit de l’autre parent (consid. 2). En outre, cette disposition serait contraire à l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de...

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Convention de Lugano : notion d’acte introductif d’instance

La Convention de Lugano II du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale prévoit, par son article 34, qu’une décision rendue dans un État lié par la Convention « n’est pas reconnue si :
1. la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État requis ;
2. l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été notifié ou signifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire ;
3. elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l’État requis ;
4. elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État lié par la présente Convention ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État requis ».

L’arrêt de la Cour de justice du 30 mars 2023 porte sur l’interprétation, au sens de l’article 34, § 2, de la notion d’acte introductif d’instance, dont la délimitation a déjà donné lieu à l’intervention de la jurisprudence à différentes reprises à propos de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

Il a ainsi été...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 8 mai 2023

Autorité parentale

Portée de la délégation de l’autorité parentale, au profit du président du conseil départemental, de l’exercice de l’autorité parentale sur un enfant, confié au service de l’aide sociale à l’enfance, sur le droit aux prestations familiales de la personne physique à qui est reconnue la qualité d’allocataire

Il résulte de la combinaison des articles L. 513-1, R. 513-1 (dans sa rédaction issue du décret n° 2007-550 du 13 avril 2007), et L. 521-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale et 377 du code civil que la délégation, au profit du président du conseil départemental, de l’exercice de l’autorité parentale sur un enfant, confié au service de l’aide sociale à l’enfance, est, par elle-même, sans incidence sur le droit aux prestations familiales de la personne physique à qui est reconnue la qualité d’allocataire.
C’est, dès lors, à bon droit, que la cour d’appel retient que la délégation de l’autorité parentale au profit du président du conseil départemental n’avait pas fait perdre à la mère des enfants la qualité d’allocataire, de sorte que la part des allocations familiales dues à celle-ci pour les enfants devait être versée au service de l’aide sociale à l’enfance, auquel ils avaient été confiés dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative,...

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Projet de réforme de la justice économique : mise en place d’une double expérimentation

Annoncé l’été dernier par la Première ministre Élisabeth Borne, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 vient d’être enregistré au Sénat après engagement de la procédure accélérée. Ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement de la consultation menée par les états généraux de la justice (oct. 2021-avr. 2022) auprès des citoyens et des acteurs du monde judiciaire. A l’issue de cette consultation, plusieurs propositions de réformes sectorielles – dont certaines en matière de justice économique – ont été formulées dans le rapport du comité des états généraux de la justice présidé par Jean-Marc Sauvé (K. Lemercier et F. Mercier, Rapport du comité des États généraux de la justice : propositions pour une réforme de la justice économique, Dalloz actualité, 6 sept. 2022). Certaines de ces propositions ont été écartées du projet de loi, il en est notamment ainsi de la proposition d’une chambre des sanctions échevinée ; d’autres ont été retenues, c’est le cas pour l’expérimentation d’un Tribunal des activités économiques (TAE).

Dispositions relatives aux expérimentations

Expérimenter avant de réformer n’est pas nouveau ; il en avait été ainsi dans la précédente loi de programmation pour les cours criminelles départementales. Cette modalité est cette fois proposée pour la justice commerciale dans l’objectif de rendre l’organisation juridictionnelle des compétences plus lisible pour le justiciable.

Expérimentation d’un TAE (art. 6 du projet de loi)

Il s’agirait d’abord de conférer à certains tribunaux de commerce – renommés TAE – une compétence élargie en matière de droit des entreprises en difficulté....

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Conditions du dépassement des pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire en matière de vérification des créances

À la suite du prononcé de la liquidation judiciaire d’une société débitrice le 30 mai 2017, une société créancière déclare au passif de la procédure collective de la débitrice une créance de 8 423,34 € résultant d’une ordonnance de référé condamnant cette dernière à lui payer notamment une provision au titre du solde du prix de travaux qu’elle avait réalisés à son profit sur un véhicule à livrer.

Le juge-commissaire ayant admis la créance, la société créancière soutient, en instance d’appel, que la créance fait l’objet d’une contestation sérieuse résultant de malfaçons et d’inexécutions rendant impossible l’usage du véhicule.

La Cour d’appel de Grenoble renvoie les parties à mieux se pourvoir, en invitant la société débitrice à saisir la juridiction du fond compétente pour connaître de sa demande indemnitaire dans le délai d’un mois à compter de la réception de l’avis délivré à cette fin. La société créancière forme un pourvoi fondé sur deux moyens, qui conduisent la haute juridiction à préciser les conditions d’admission des créances au passif de la procédure collective du débiteur.

La Cour de cassation rejette le premier moyen en retenant qu’il résulte des motifs de l’arrêt d’appel que la contestation, fondée sur l’exécution défectueuse de la prestation et ne constituant pas une demande indemnitaire visant à opérer compensation, avait une incidence directe sur le principe et le montant de la créance déclarée, de sorte que la cour d’appel avait déduit à bon droit que la contestation ne relevait pas des pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire, et qu’il y avait lieu d’inviter la société débitrice à saisir la juridiction compétente de la contestation et de surseoir à statuer sur l’admission de la créance.

Le second moyen entraîne cependant une cassation partielle au visa des articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce, les juges du fond ayant retenu que la contestation relative à l’exécution défectueuse du contrat ne relevait pas des pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire, alors que la société débitrice ne faisait valoir aucune contestation contre les condamnations prononcées par l’ordonnance du premier président au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile, ni au sujet des frais d’huissier de justice réclamés.

L’arrêt examiné, rendu en formation de section, reprend une solution déjà rendue sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014, tout en apportant sa pierre au travail de délimitation des pouvoirs du juge-commissaire en matière de contestation de créances.

Confirmation de la solution retenue sous le droit antérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014

Dans le cadre de la vérification du passif du débiteur placé en procédure collective, les créanciers doivent déclarer leurs créances auprès du mandataire judiciaire, lequel formulera des propositions d’admission ou de rejet, qu’il transmettra au juge-commissaire (C. com., art. L. 622-24 et R. 624-1 s.). La question des pouvoirs du juge-commissaire se pose en présence d’une contestation de la créance. Si la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, le juge-commissaire a seul qualité pour trancher la contestation. Mais si elle porte sur le fond, le juge-commissaire dispose de trois options : au vu des propositions du mandataire judiciaire, il peut décider de l’admission de la créance, de son rejet, ou constater soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence (C. com., art. L. 624-2). C’est donc à ce dernier qu’échoit l’importante mission de déterminer le passif définitif du débiteur. Or, la délimitation des pouvoirs du juge-commissaire en présence d’une contestation de la créance soulève un contentieux important.

Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014, la Cour de cassation retenait que le juge-commissaire devait rechercher si les contestations soulevées étaient sérieuses, et susceptibles d’exercer une influence sur l’existence ou le montant de la créance, auquel cas il n’avait pas le pouvoir de statuer sur la demande d’admission de la créance sans surseoir à statuer et renvoyer l’examen de la contestation devant le juge du fond (v. par ex., Com. 2 nov. 2016, n° 15-10.317, RDBF mars 2017....

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L’assureur n’a pas à prendre l’initiative de communiquer au notaire l’existence de contrats d’assurance-vie

Si l’assurance-vie échappe à la succession, elle ne se dérobe évidemment pas du contentieux successoral. L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 13 avril 2023 en donne un exemple dans l’hypothèse de l’action en responsabilité, exercée par un héritier ayant subi un redressement fiscal, tant contre le notaire que contre l’assureur.

Les faits étaient simples. Une succession avait été ouverte et confiée à un notaire, lequel avait certes pris attache avec l’assureur-vie, mais n’avait pas formellement interrogé ce dernier sur l’existence de contrats d’assurance-vie souscrits par le de cujus. Or, il existait de tels contrats : l’assureur avait ainsi contacté les bénéficiaires pour les en informer. Néanmoins, l’un des bénéficiaires ignorait l’existence de tels contrats à son profit : il semble ressortir des faits que l’intéressé, qui était d’ailleurs placé sous curatelle, n’avait pas ouvert les courriers adressés par l’assureur.

Ledit majeur protégé n’avait donc pas déclaré le bénéfice de ces assurances-vie dans le délai légal de six mois, déclaration pourtant requise par l’article 292 A de l’annexe 2 du code général des impôts. Estimant n’avoir pas été informé de cette obligation déclarative, le majeur protégé, assisté de son curateur, a actionné le notaire en responsabilité, ce dernier ayant appelé en garantie l’assureur-vie. En appel, outre la responsabilité du notaire, les magistrats ont retenu que l’assureur devait garantir les condamnations à hauteur de 50 %. Le notaire a formé un pourvoi en cassation.

La cassation a finalement été prononcée, mais pas dans le sens attendu par le notaire : la Cour de cassation a en effet refusé de retenir la faute de l’assureur et a cassé l’arrêt d’appel pour ce qui concernait l’appel en garantie ; en revanche, la responsabilité du notaire a été confirmée. L’idée est simple : l’assureur n’est pas tenu de porter à la connaissance du...

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Le sort de la vente conclue par un mandataire animé d’une intention frauduleuse

« C’est une habitude bien française que de confier un mandat aux gens et de leur contester le droit d’en user ». Si la citation du Michel Audiard est plus politique que juridique, elle peut refléter la tentation de certains mandants de se délier des engagements pris par leur mandataire. Le droit français est sévère à cet égard, admettant, à travers la théorie de l’apparence, que le mandant soit lié au-delà de ce qu’il avait accepté.

Par un arrêt du 29 mars 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation était appelée à se prononcer sur deux questions classiques : les éléments permettant de caractériser la conclusion d’un contrat de vente et le sort d’un contrat conclu par le mandataire en dépassement de ses pouvoirs. Les faits de l’espèce étaient toutefois singuliers. Le propriétaire d’une Lamborghini avait donné mandat à une société de vendre son véhicule au prix de 160 000 €. La société était par la suite placée en procédure de « faillite » en Suisse, son dirigeant étant, en outre, mis en examen des chefs d’abus de confiance aggravés et d’escroquerie commis notamment à l’encontre de son mandat et d’un homme qui prétendait avoir acquis le véhicule auprès du mandataire : il avait, semble-t-il, pour habitude d’encaisser le prix de vente, de ne pas procéder à la livraison, de ne pas restituer le véhicule au propriétaire initial et, le cas échéant, de vendre le véhicule une nouvelle fois. Ne dérogeant pas à cette bonne pratique il s’était, après le terme du mandat qui lui avait été donné, engagé à vendre le bien litigieux, avait perçu un montant de 175 000 € à ce titre et n’ayant jamais livré le bien. La société ayant été placée en procédure collective, tant le mandant que le prétendu acquéreur revendiquaient la voiture.

C’est dans ce cadre que le propriétaire initial avait assigné le prétendu acquéreur et la société en inexistence de la vente alléguée. Par un arrêt du 25 novembre 2021, la cour d’appel de Paris avait accueilli cette demande. Tout en soulignant que le mandat...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » des semaines des 17 et 24 avril et du 1[SUP]er[/SUP] mai 2023

Adoption

Liste des pays dans lesquels les organismes autorisés pour l’adoption peuvent être habilités

L’arrêté de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères fixe la liste des Etats pour lesquels les organismes autorisés à servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs résidant habituellement à l’étranger pouvant solliciter une habilitation par la ministre pour exercer leur activité : Brésil, Bulgarie, Burkina Faso, Chine, Colombie, Côte d’Ivoire, Equateur, Inde, Sénégal, Slovaquie, Thaïlande, Togo, Vietnam. (Arr. du 28 avr. 2023 portant liste des pays dans lesquels les organismes autorisés pour l’adoption peuvent être habilités)

Procédure civile

Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 et projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire

Procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires : notion de « décision exigeant du débiteur le paiement de la créance »

L’article 7, § 2, du règlement (UE) n° 655/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’une décision judiciaire qui condamne un débiteur au paiement d’une astreinte en cas de violation future d’un ordre de cessation et qui ne fixe donc pas définitivement le montant de cette astreinte ne constitue pas une décision exigeant dudit débiteur le paiement de la créance, au sens de cette disposition, de sorte que le créancier qui demande la délivrance d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires n’est pas dispensé de l’obligation de fournir les éléments de preuve suffisants pour convaincre la juridiction saisie de la demande de délivrance de cette ordonnance qu’il sera probablement fait droit à sa demande au fond contre le débiteur. (CJUE 20...

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La disparition progressive de l’acquiescement légal

par Nicolas Hoffschir, maître de conférences à l'Université d'Orléansle 11 mai 2023

Civ. 2e, 23 mars 2023, F-B, n° 21-20.289

Chacun sait que l’article 410 du code de procédure civile comporte deux dispositions qu’il convient de manier avec habileté : la première prévoit que l’acquiescement peut être implicite (al. 1er) et la seconde que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hormis dans les cas où la loi l’interdit (al. 2). La lecture dissociée de ces deux dispositions peut conduire à avancer qu’il existe deux modes d’acquiescement distincts : l’un fondé sur la volonté de son auteur et l’autre sur une simple prévision de la loi qui attache la valeur d’un acquiescement à certains faits d’exécution. Le mécanisme de l’acquiescement légal ne prête pas le flanc à la critique tant qu’il s’applique à des hypothèses dans lesquelles il est probable de penser que l’exécution par une partie d’un jugement non exécutoire traduit réellement sa volonté d’y acquiescer ; il a alors le mérite de couper court à toute discussion sur la preuve de cette volonté. Il est incontestable que, pendant un temps, les différentes chambres de la Cour de cassation ont été séduites par ces vertus et ont attaché de manière systématique à l’exécution d’un jugement non exécutoire la valeur d’un acquiescement sans qu’il y ait lieu de s’attacher à déterminer si son auteur avait ou non l’intention d’acquiescer au jugement (Civ. 2e, 5 oct. 1988, n° 87-14.100 P ; 14 oct. 1981, n° 80-15.227 P) ; quelques arrêts récents rendus par la chambre sociale continuent d’ailleurs de prôner cette manière de voir les choses (Soc. 6 janv. 2021, n° 19-17.756, inédit ; 21 janv. 2014, n° 12-18.427 P, Dalloz actualité, 7 févr. 2014, obs. M. Kebir). C’est là une forme de consécration du mécanisme de l’acquiescement légal. Mais le mécanisme perd toute sa légitimité s’il est mis en œuvre dans des hypothèses où il est peu probable que l’exécution du jugement non exécutoire traduise une quelconque volonté. C’est la multiplication de ces hypothèses qui explique le déclin du mécanisme de l’acquiescement légal. L’arrêt commenté en fournit une nouvelle illustration.

Un juge de l’expropriation avait fixé l’indemnité de dépossession due par une société à une certaine somme et l’avait condamnée au paiement des dépens d’une certaine somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Même si la société a interjeté appel de cette décision, l’exercice de ce recours n’emportait aucune suspension de l’exécution de la décision (C. expr., art. R. 311-25). La cour d’appel a néanmoins cru bon de...

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Clauses attributives de juridiction asymétriques

Les clauses d’élection de for asymétriques sont celles « qui attribuent compétence aux juridictions d’un État tout en laissant à l’une des parties la possibilité d’opter pour les tribunaux d’un ou de plusieurs États » (J.-B. Racine, Les clauses d’élection de for asymétriques, in Mélanges en l’honneur du Professeur Bertrand Ancel, LGDJ, 2018, p. 1323). La Cour de cassation a défini le régime de ces clauses. Dans un premier temps, elle a approuvé les juges du fond d’avoir retenu qu’une telle clause revêtait un caractère potestatif à l’égard de la banque, de sorte qu’elle était contraire à l’objet et à la finalité de la prorogation de compétence ouverte par l’article 23 du Règlement Bruxelles I n° 44/2001 du 22 déc. 2000 (Civ. 1re, 26 sept. 2012, n° 11-26.022, D. 2012. 2876 image, note D. Martel image ; ibid. 2013. 1503, obs. F. Jault-Seseke image ; ibid. 2293, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; Rev. crit. DIP 2013. 256, note D. Bureau image ; RTD com. 2013. 383, obs. P. Delebecque image ; RTD eur. 2013. 292-24, obs. C. Lonchamp et C. Reydellet image). Abandonnant le recours à la notion de potestativité, elle a, dans un second temps, énoncé, en application du même texte, qu’il y a lieu de rechercher si la clause litigieuse répond à l’impératif de prévisibilité auquel doivent satisfaire les clauses d’élection de for (Civ. 1re, 7 oct. 2015, n° 14-16.898, D. 2015. 2620 image, note F. Jault-Seseke image ; ibid. 2526, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra image ; ibid. 2016. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; ibid. 2025, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; AJCA 2015. 522, obs. L. Constantin image ; RTD civ. 2015. 844, obs. L. Usunier image ; ibid. 2016. 98, obs. H. Barbier image ; v. égal., Civ. 1re, 3 oct. 2018, n° 17-21.309, D. 2018. 1974 image ; ibid. 2019. 1016, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; ibid. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux image ; Rev. crit. DIP 2018. 867, et la note image).

Cependant, on a pu s’interroger sur le fondement de cette jurisprudence.

La validité de la clause doit-elle être appréciée au regard des règles du droit français, des principes du droit de l’Union ou encore de la loi du droit de l’État dont la juridiction est désignée (F. Jault-Seseke, note sous Civ. 1re, 7 oct. 2015, D. 2015. 2620 image) ?

L’entrée en vigueur du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 déc. 2012 a modifié les termes du débat, en apportant au régime général des clauses attributives de compétence une précision qui ne...

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Sur la concentration des moyens et des demandes indemnitaires devant le juge pénal en cas de relaxe

L’autorité de chose jugée est parmi les thèmes les plus complexes du droit judiciaire français. Il faut dire que la notion est obscurcie depuis qu’elle est devenue, avec la jurisprudence Cesareo, le véhicule du fameux devoir de concentration des moyens à la première instance utile. L’affaire tranchée le 14 avril 2023 donne l’occasion à la Cour de cassation d’y revenir en formation d’assemblée plénière et d’apporter d’importantes clarifications, en particulier lorsque le juge pénal est primitivement conduit à statuer sur intérêts civils.

Retraçons le fil de l’affaire, entreprise facilitée par le communiqué associé à l’arrêt. Un sapeur-pompier est au volant de son véhicule de secours routier. Il est percuté par un automobiliste et décède des suites de l’accident. Ses proches se constituent partie civile et demandent réparation civile de leur préjudice.

En première instance, un tribunal correctionnel juge le prévenu coupable d’homicide involontaire et accorde une indemnisation aux parties civiles.

Sur appel, une cour relaxe le prévenu et rejette la demande indemnitaire des parties civiles après avoir constaté que celles-ci ne réclamaient pas le bénéfice de l’article 470-1 du code de procédure pénale, aux termes duquel le juge pénal, qui relaxe un prévenu auquel est reprochée une infraction non intentionnelle, demeure compétent pour se prononcer sur intérêts civils, à la demande de la partie civile.

Ensuite de la relaxe et du débouté, les parties civiles saisissent le juge civil de leurs demandes indemnitaires, lequel déclare leur action irrecevable sur le fondement de l’autorité de chose jugée. Il appartenait, selon lui, aux parties civiles d’invoquer l’article 470-1 du code de procédure pénale devant le juge pénal afin d’obtenir la réparation escomptée. Faute de l’avoir fait, et d’avoir ainsi satisfait au devoir de concentration des moyens à la première instance utile, les parties civiles sont irrecevables à formuler de nouveau les mêmes demandes indemnitaires devant le juge civil, fût-ce au prix d’une modification du fondement juridique de la demande.

Un premier pourvoi est formé, qui conduit à une cassation sèche, au visa de l’article 1351, devenu 1355, du code civil, ensemble l’article 470-1 du code de procédure pénale :

« Le principe de la concentration des moyens ne s’étend pas à la simple faculté que la partie civile tire de l’article 470-1 du code de procédure pénale de présenter au juge pénal une demande visant à obtenir, selon les règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits ayant fondé la poursuite ; (…) dès lors, la circonstance que la partie n’ait pas usé de cette faculté ne rend pas irrecevables comme méconnaissant l’autorité de la chose jugée les demandes de réparation des mêmes dommages présentées par elle devant le juge civil » (Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-15.738).

L’arrêt est inédit et rendu en formation restreinte, deux circonstances liées qui signent son caractère classique et peu novateur à l’estime de la deuxième chambre civile. De fait, cette solution était déjà acquise en jurisprudence (Civ. 2e, 15 nov. 2018, n° 17-18.656, D. 2018. 2243 image ; ibid. 2019. 555, obs. N. Fricero image ; 6 déc. 2018, n° 17-27.086). La doctrine ne s’en est d’ailleurs pas émue.

La cour d’appel de renvoi se rebelle et s’oppose à la doctrine exprimée par l’arrêt de cassation, ce qui conduit l’assemblée plénière à statuer sur second pourvoi à la jonction des procédures civile et pénale.

Au fond, elle reprend la solution précédemment adoptée par la deuxième chambre civile, en la clarifiant par l’exposé d’une alternative d’apparence simple :

lorsque la partie sollicite du juge pénal qu’il se prononce selon les règles du droit civil, elle doit présenter l’ensemble des moyens qu’elle estime de nature à fonder ses prétentions, de sorte qu’elle ne peut postérieurement saisir le juge civil des mêmes demandes, fussent-elles fondées sur d’autres moyens (concentration des moyens) ; en revanche, lorsque la partie civile n’a pas usé de la faculté qui lui est ouverte par l’article 470-1 du code de procédure pénale, elle ne peut être privée de la possibilité de présenter ses demandes indemnitaires devant le juge civil (aucune concentration des demandes).

La solution appelle quelques observations sur la forme puis sur le fond.

Forme de la solution

L’arrêt rapporté est intéressant sous l’angle rédactionnel.

Tout d’abord, cet arrêt rendu sur second pourvoi permet d’apprécier l’enrichissement de la motivation réalisé, à solution quasiment identique : la deuxième chambre civile avait statué par un paragraphe expéditif en 2019 ; l’assemblée plénière statue en sept paragraphes plus étoffés en 2023. C’est le signe que la Cour de cassation prend la mesure de la rébellion, non seulement sous l’angle de la formation de jugement, mais aussi sous celui de la motivation de sa décision. La motivation initialement adoptée n’a manifestement pas convaincu la cour d’appel de renvoi et l’autorité juridictionnelle de la Cour de cassation n’y a pas suffi. Dès lors, il est temps de faire œuvre rhétorique pour emporter la conviction de la nouvelle cour...

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Imputabilité totale des prestations versées par les tiers payeurs sur l’indemnisation versée par le FGTI

Le principe de réparation intégrale (Civ. 2e, 28 oct. 1954, JCP 1955. II. 8765, note Savatier) suppose de réparer le plus exactement possible les préjudices découlant du dommage corporel subi par la victime. La Cour de cassation affirme qu’il ne doit subsister, après indemnisation, ni perte ni profit pour la victime (par ex., encore récemment, Civ. 2e, 15 déc. 2022, n° 21-16.712). Le principe indemnitaire conduit à déduire de l’indemnisation de la victime les sommes qu’elle aurait préalablement reçues de tiers payeurs afin d’éviter toute forme d’enrichissement. Toutefois, les règles applicables en la matière diffèrent selon que le payeur est le responsable ou son assureur, d’une part, ou un fonds d’indemnisation, d’autre part. C’est ce que rappelle clairement l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 30 mars 2023 (n° 21-22.288).

En l’espèce, la victime d’une agression par arme à feu saisit une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (la CIVI) d’une demande d’indemnisation de son préjudice. Cette dernière est réduite de moitié par la CIVI en raison d’une faute contributive de la victime. La cour d’appel impute sur l’indemnisation allouée à la victime au titre des postes de perte de revenus actuels (PGPA) et de perte de revenus futurs (PGPF) la moitié des sommes versées par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) en indemnisation desdits postes de préjudice (pt 5). Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) soutient, dans son pourvoi, que les juges du fond ont violé l’article 706-9 du code de procédure pénale, car « les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale […] s’imputent, en totalité, sur la somme à allouer à la victime calculée en tenant...

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Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 : un projet de loi-cadre attendu

L’ampleur des spoliations antisémites

Pendant la Seconde Guerre, la spoliation des biens culturels appartenant à des personnes juives a été organisée de façon systématique et massive par le régime nazi, soutenu par le gouvernement de Vichy. On dénombre en France environ 100 000 objets d’art ou de patrimoine confisqués pendant cette période – nombre sans doute sous-estimé, car il n’est fondé que sur les réclamations formulées par les familles.

Le sujet de la réparation des spoliations s’est imposé dans l’immédiat après-guerre : le gouvernement mit alors en place un service de récupération artistique qui fut responsable de la restitution d’environ 45 000 biens en 1950. Cependant, ce pan de l’histoire est ensuite tombé dans l’oubli jusque dans les années 1990. La question de la restitution a alors été réactivée par la conférence de Washington sur les œuvres d’art volées par les nazis, organisée en 1998, à laquelle quarante-quatre États ont participé.

Les années 1990 correspondent également en France à la reconnaissance par l’État de sa responsabilité dans les persécutions de la Seconde Guerre mondiale et dans leurs réparations, comme le symbolise le discours du Vélodrome d’Hiver prononcé en 1995. Sur le plan de la restitution des biens spoliés, la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites pendant l’Occupation (CIVS) a été créée en 1999. À la même période, des recherches de provenance commencèrent à être effectuées par des musées et, plus récemment, par des bibliothèques (v. not., H. Bernard, Patrimoine spolié en France pendant la Seconde Guerre mondiale : le long chemin de la réparation, AJ pénal 2020. 118 image).

Des restitutions difficiles

Les œuvres et objets spoliés ont maintenant plusieurs statuts. Ils peuvent faire partie de collections privées ou appartenir à des musées ou institutions publiques. Ils peuvent également avoir le statut spécifique d’objets « Musées nationaux récupération » (« MNR ») : cette collection, constituée d’environ 2 000 objets qui ont été rapatriés à la Libération, mais n’ont pas été réclamés, est confiée à la garde des musées nationaux en attente de la restitution des pièces.

Or, les œuvres conservées dans les musées ou bibliothèques publiques françaises, exception faite des œuvres MNR qui ne sont pas intégrées à leurs collections, sont soumises au principe d’inaliénabilité du domaine public (CGPPP, art. L. 3111-1...

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Des effets de la subrogation personnelle à la date du paiement

Peu d’arrêts publiés au Bulletin sont rendus chaque année à propos de la subrogation personnelle. On peut se rappeler, ces derniers mois, de plusieurs décisions qui peuvent toutefois intéresser des intersections entre subrogation et cautionnement (Civ. 1re, 20 avr. 2022, n° 20-23.617 FS-B, Dalloz actualité, 19 mai 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 1724, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers image ; RDI 2022. 458, obs. J. Bruttin image ; 9 mars 2022, n° 19-19.392 F-P+B, Dalloz actualité, 15 mars 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 1986, chron. X. Serrier, V. Le Gall, A. Feydeau-Thieffry, L. Duval, E. Buat-Ménard, V. Champ et S. Robin-Raschel image ; RTD civ. 2022. 388, obs. H. Barbier image ; ibid. 696, obs. P. Théry image) puisque le tiers solvens qu’est la caution peut être investi d’un recours subrogatoire quand il paie la dette d’autrui en vertu du contrat de cautionnement l’unissant au créancier du débiteur principal. C’est ce qu’étudie de manière fort précise l’arrêt rendu par la première chambre civile le 13 avril 2023 sur fond de procédures civiles d’exécution et de nécessité d’un titre exécutoire.

Rappelons-en brièvement les faits pour comprendre l’enjeu de la question ayant donné lieu au pourvoi. Un établissement bancaire consent à des époux un prêt garanti par le cautionnement solidaire d’une société de caution professionnelle. L’un des deux débiteurs est placé en liquidation judiciaire. La banque déclare à la procédure sa créance, prononce la déchéance du terme et assigne l’épouse in bonis en paiement du solde du prêt. Un jugement réputé contradictoire du 20 février 2003 signifié le 28 mars 2003 a accueilli sa demande. La caution professionnelle désintéresse la banque pour un montant de 153 536,82 €, selon quittance subrogatoire du 26 novembre 2002 pour un premier paiement partiel. Le reliquat est payé le 15 juillet 2003.

La caution subrogée engage donc une procédure de saisie des rémunérations de l’épouse débitrice en se prévalant de la quittance et du jugement du 20 février 2003. La débitrice saisit un tribunal d’instance en mainlevée de la saisie et en restitution des sommes prélevées en invoquant l’absence de titre exécutoire. En cause d’appel, les juges du fond rejettent la demande en mainlevée de la...

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Des pouvoirs du juge du référé précontractuel en matière de commande publique

Le droit de la commande publique connaît des liens importants avec le juge judiciaire dit du référé précontractuel, notamment concernant la recevabilité de la candidature de l’attributaire. La chambre commerciale n’est saisie que d’un nombre de pourvois relatifs à cette question assez faible même si l’on peut se souvenir utilement d’une décision rendue l’été dernier sur cette thématique (Com. 22 juin 2022, n° 19-25.434 FS-B, Dalloz actualité, 1er juill. 2022, obs. C. Hélaine).

C’est pour cette raison que l’arrêt rendu le 13 avril 2023 saura utilement nous intéresser et ce d’autant plus qu’il est promis aux honneurs d’une publication au Bulletin. Il permet de revenir sur l’office du juge du référé précontractuel sur fond d’égalité de traitement des candidats à la commande publique.

Rappelons ses faits brièvement puisqu’ils sont assez classiques. Une société aéroportuaire des Caraïbes procède à un appel à concurrence pour attribuer un marché à bon de commandes qui porte sur la réalisation des travaux de signalisation sur les chaussées d’un aéroport.

Une société candidate apprend que ses offres pour les deux lots du marché n’ont pas été retenues. Elle assigne la société aéroportuaire devant le président du Tribunal judiciaire de Fort-de-France sur le fondement de l’article 2 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009. Elle sollicite l’annulation de la décision de rejet de son offre et que lui soit enjoint de reprendre la procédure au stade de l’analyse des différentes candidatures.

En première instance, le juge estime infondées ses demandes en relevant que s’agissant d’une erreur manifeste d’appréciation, la demanderesse ne démontre pas quels sont les éléments chiffrés avancés par le groupe...

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Droit de l’homme et rôle procédural des parents biologiques du majeur adopté

Les faits à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à un avis de la Cour européenne des droits de l’homme du 13 avril dernier illustrent, s’il en était besoin, la diversité quasi infinie des situations familiales susceptibles de se présenter. Une femme, finlandaise, ayant trois enfants, se trouva dans une situation de grande précarité. Bien qu’elle ait entretenu des relations parentales normales avec ses enfants, elle demanda alors à sa sœur de devenir tutrice supplétive d’un des enfants. La tante de l’enfant, celui-ci alors âgé de trois ans, l’accueillit donc chez elle et l’enfant y demeura jusqu’à ses vingt-trois ans, moment auquel il emménagea seul. La mère biologique et légale de l’enfant continua toutefois de participer à l’éducation et à la vie quotidienne de ce dernier qui entretenait également des relations étroites avec ses frères et sœurs biologiques. La seule source de réelle tension semblait alors être la volonté partagée par l’enfant et sa tante que cette dernière procède à une adoption plénière, rompant de ce fait le lien de filiation avec la mère biologique.

C’est dans ce contexte que la tante de l’enfant saisit un tribunal de district afin d’obtenir l’autorisation d’adopter son neveu, alors majeur, ce qui supposait en l’espèce qu’il soit démontré qu’elle l’avait élevé alors qu’il était encore mineur ou qu’une relation comparable existant entre une mère et son enfant ait existé entre eux d’une quelconque autre manière. La mère, qui fut entendue par le tribunal, fit valoir que les conditions de l’adoption n’étaient pas réunies puisqu’elle avait continué à jouer son rôle de mère et affirma que le projet d’adoption n’était motivé que par des considérations successorales et fiscales. Sans entrer dans le détail de la motivation du jugement de première instance, ce dernier admit l’adoption.

La difficulté à l’origine de la question ultérieurement soumise à la Cour européenne se présenta lorsque la mère biologique voulut faire appel de cette décision : la cour d’appel rejeta le recours sans examen au fond, estimant « qu’il...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil» de la semaine du 15 mai 2023

Sélection par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d’enseignement à l’Université d’Aix-Marseille, Nicolas Hoffschir, Maître de conférences à l’Université d’Orléans, et Laurent Dargent, Rédacteur en chef

 

Arbitrage

Fraude à l’arbitrage : refus d’exequatur

Une cour d’appel, qui a relevé qu’une société, agissant par l’intermédiaire de sa filiale demeurant sous son entier contrôle nonobstant des modifications apparentes et trompeuses de son actionnariat dans les mois ayant précédé l’action, avait introduit devant une juridiction albanaise une instance ayant le même objet que celle déjà engagée devant un tribunal arbitral, dans le but d’obtenir indirectement ce qu’elle avait échoué à obtenir devant celui-ci, a pu retenir l’existence d’une fraude à l’arbitrage et en a exactement déduit, abstraction faite du motif erroné, mais surabondant, tenant au refus de procéder au contrôle incident de la sentence dont le caractère inconciliable avec le jugement était invoqué, que l’exequatur du jugement devait être refusé. (Civ. 1re, 17 mai 2023, n° 21-18.406, FS-B)

Refus d’exequatur pour contrariété à l’ordre public international : office du juge

Il résulte de la combinaison des articles 1520, 5°, et 1525, alinéa 4, du code de procédure civile que l’exequatur n’est refusé sur le fondement du premier que lorsque la solution donnée au litige, et non le raisonnement suivi par les arbitres, heurte concrètement et de manière caractérisée l’ordre public international.
Pour dire que la sentence méconnaît l’ordre public international français, l’arrêt retient qu’elle se réfère au droit californien choisi par les parties, sans mettre en œuvre les dispositions impératives de l’article L. 420-2-1 du code de commerce, qui prohibent, dans les collectivités d’outre-mer, les accords ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, en quoi la validation par la sentence de la rupture du contrat, et la condamnation d’une des parties à verser une certaine somme au titre des frais d’arbitrage et d’avocats, violait de manière caractérisée l’ordre public international, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. (Civ. 1re, 17 mai 2023, n° 21-24.406, FS-B)

Nationalité

Action de déclaratoire de nationalité française : portée du certificat de naissance délivré par le directeur de l’OFPRA

Il résulte de l’article 1371, alinéa 1er, du code civil, que, devant le juge civil saisi d’une action de déclaratoire de nationalité française, le certificat de naissance délivré par le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) conformément à l’article L. 721-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, ne fait foi que jusqu’à preuve contraire des événements que celui-ci n’avait pas personnellement accomplis ou constatés. (Civ. 1re, 17 mai 2023, n° 22-10.670, FS-B)

Action de déclaratoire de nationalité française : condition de résidence à l’étranger de l’un des ascendants

Une cour d’appel, qui constate qu’un ascendant du demandeur à une action déclaratoire de la nationalité française avait résidé en France pendant plusieurs années, en déduit exactement, abstraction faite du motif erroné mais surabondant tiré de la naissance du père du demandeur après la date de l’accession à l’indépendance de l’Algérie, que la condition de résidence à l’étranger de l’un des ascendants dont il tiendrait la nationalité française pendant la période de cinquante ans prévue par l’article 30-3 du code civil n’était pas remplie, de sorte qu’il était recevable à rapporter la preuve de sa nationalité française par filiation. (Civ. 1re, 17 mai 2023, n° 21-50.068, FS-B)

Prescription

Délai d’action en remboursement d’un trop-perçu de prestations de vieillesse et d’invalidité provoqué par la fraude ou la fausse déclaration

Il résulte de la combinaison de l’article 2224 du code civil et de l’article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 que l’action en remboursement d’un trop-perçu de prestations de vieillesse et d’invalidité provoqué par la fraude ou la fausse déclaration ne relève pas de la prescription abrégée de l’article L. 355-3 du code de la sécurité sociale et que, revêtant le caractère d’une action personnelle ou mobilière au sens de l’article 2224 du code civil, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d’une fausse déclaration. Ce délai d’action n’a pas d’incidence sur la période de l’indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l’article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues. Il s’en déduit qu’en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d’un indu de prestations de vieillesse ou d’invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l’indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l’action. (Cass., ass. plén., 17 mai 2023, n° 20-20.559, B+R)

Procédure civile

Appel et indivisibilité à l’égard de plusieurs parties : office du juge

Aux termes de l’article 553 du code de procédure civile, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance ; l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance. Dès lors, par application de l’article 125 du code de procédure civile, il incombe à une cour d’appel, eu égard au lien d’indivisibilité unissant les parties à l’instance relative à la procédure de saisie immobilière, de relever d’office l’irrecevabilité de l’appel lorsque les créanciers inscrits n’ont pas été intimés. (Civ. 2e, 17 mai 2023, n° 21-14.906, F-B)

Appel et procédure à jour fixe : modalités de saisine de la cour d’appel et procès équitable

Il résulte de l’article 922 du code de procédure civile que dans la procédure d’appel à jour fixe, la cour d’appel est saisie par la remise d’une copie de l’assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l’audience, faute de quoi la déclaration d’appel est caduque. Ce texte, interprété à la lumière de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ayant pour...

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Procédure à bref délai : l’examen de la qualité à l’épreuve du costume présidentiel

Sur appel d’une ordonnance du juge-commissaire fixé selon la procédure à bref délai et alors qu’il était reproché à la société appelante un défaut de qualité, la Cour d’appel de Colmar, sur déféré de l’ordonnance du président de la chambre saisie, déclare irrecevable l’appel. Le moyen du pourvoi avançait que « dans les hypothèses de fixation à bref délai, l’étendue des pouvoirs juridictionnels du président de chambre est déterminée par les premiers alinéas de l’article 905-2 du code de procédure civile qui ne lui permettent pas de relever l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de qualité de l’appelant ». La deuxième chambre civile, en formation de section, casse et annule l’arrêt, seulement en ce qu’il déclare irrecevable l’appel, et renvoie les parties devant la Cour d’appel de Metz selon la motivation suivante :

« Vu les articles 905-2 et 916 du code de procédure civile :
6. Lorsque l’affaire est fixée à bref délai, l’étendue des pouvoirs juridictionnels du président de chambre étant délimitée par le premier de ces textes, celui-ci ne peut, dès lors, statuer sur l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de qualité de l’appelant.
7. Il résulte du second de ces textes que, saisie par le déféré formé contre l’ordonnance du président de chambre, la cour d’appel ne statue que dans le champ de compétence d’attribution de ce dernier.
8. Pour déclarer irrecevable l’appel relevé par la société OFPI, l’arrêt retient que, dès lors qu’elle est saisie dans une procédure de « circuit court » ne supposant pas l’intervention du conseiller de la mise en état, de la question de la recevabilité de l’appel de la société OFPI, il appartient bien à la cour d’appel de trancher cette question, fût-ce sur saisine en déféré.
9. En statuant ainsi, alors que saisie par le déféré contre une ordonnance d’un président de chambre, la cour d’appel, qui, statuant dans le champ de compétence d’attribution de ce dernier, ne pouvait pas statuer sur l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de qualité de l’appelant, a violé les textes susvisés ».

Dans la peau du président

On ne sait pas grand-chose de la situation factuelle et procédurale à la lecture de cet arrêt de cassation dont la concision n’aide pas. Mais est-elle si intéressante que cela pour livrer les enseignements de cet arrêt de Section ? Aucunement s’agissant du champ de compétence de la cour d’appel statuant sur déféré, bien plus, on le verra, s’agissant de la problématique de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de l’appelant.

C’est en tous cas ce point 7 qui dégage la solution la plus simple à aborder : par application de l’article 916 du code de procédure civile, « saisie par le déféré formé contre l’ordonnance du président de chambre, la cour d’appel ne statue que dans le champ de compétence d’attribution de ce dernier ».

C’est une question d’effet dévolutif. L’effet dévolutif sur déféré n’est pas chose nouvelle, il a été maintes fois consacré (Civ. 2e, 13 mai 2015, n° 14-13.801, Dalloz actualité, 1er juin 2015, obs. M. Kebir ; D. 2015. 1423 image, note C. Bléry et L. Raschel image ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle image ; ibid. 2016. 449, obs. N. Fricero image ; 31 janv. 2019, n° 17-22.765, Dalloz actualité, 22 févr. 2019, obs. R. Laffly ; D. 2019. 848, chron. N. Touati, C. Bohnert, E. de Leiris et N. Palle image ; 4 mars 2021, n° 19-15.695, Dalloz actualité, 29 mars 2021, obs. R. Laffly). La Cour de cassation le rappelait encore récemment par arrêt publié au bulletin : « la cour d’appel, saisie sur déféré, ne peut statuer que dans le champ de compétence d’attribution du conseiller de la mise en état et ne peut connaître de prétentions ou d’incidents qui ne lui ont pas été soumis » (Civ. 2e, 9 juin 2022, n° 21-10.724, AJ fam. 2022. 353, obs. F. Eudier image).

Si l’exclu de la mise en état qu’est le conseiller de la mise en état faute de mise en état a focalisé l’attention du législateur à l’article 916, son dernier alinéa est tout entier consacré au président de la chambre saisie et au magistrat désigné : « Les ordonnances du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, statuant sur la caducité ou l’irrecevabilité en application des articles 905-1 et 905-2, peuvent également être déférées à la cour dans les conditions des alinéas précédents ». Que ce soit donc sur déféré d’une ordonnance du conseiller de la mise en état ou du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné, la Cour, en formation collégiale, ne statuera que dans ce même champ de...

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Les blocages parlementaires limitent le nombre de nouvelles lois

Ces dernières années, les chiffres annuels de suivi de l’activité normative montraient une surchauffe du nombre de nouvelles normes. La crise sanitaire avait aggravé cette inflation normative. L’année 2021 avait même battu des records (Dalloz actualité, 19 avr. 2022, obs. P. Januel). Les chiffres 2022 qui viennent d’être mis en ligne par le secrétariat général du gouvernement montrent un refroidissement de cette activité.

En 2022, seules 43 lois ont été promulguées, contre 67 en 2021. Seuls 18 projets de lois d’initiative gouvernementale ont été adoptés, contre 31 en 2021. Jamais en 20 ans, ce chiffre n’avait été aussi bas. Le nombre de propositions de loi...

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Vers une déjudiciarisation de la saisie des rémunérations confiée aux commissaires de justice

Le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, enregistré le 3 mai 2023 à la présidence du Sénat, contient un article 17 qui réforme profondément les procédures de saisie et de cession des rémunérations en prévoyant la déjudiciarisation et le transfert de leur gestion administrative du greffe du juge de l’exécution (JEX) à un commissaire de justice qui prendra les fonctions de commissaire de justice répartiteur.

Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2025 et s’appliqueront aux procédures en cours à cette date, que la saisie ait ou non déjà fait l’objet d’une autorisation par le JEX (projet de loi, art. 17, VII). Un arrêté sera également nécessaire pour fixer la tarification des actes nouveaux, laquelle est déjà envisagée dans l’étude d’impact sur le projet de loi du 2 mai 2023 (p. 334).

Mise en œuvre de la saisie des rémunérations par les commissaires de justice

Actuellement, la saisie des rémunérations est régie par les articles L. 3252-1 à L. 3252-13 et R. 3252-1 à R. 3252-44 du code du travail et les articles L. 212-1 à L. 212-3 du code des procédures civiles d’exécution. Elle est la seule mesure d’exécution forcée mobilière qui fait l’objet d’une intervention préalable du JEX et d’une mise en œuvre par les services de greffe des...

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[PODCAST] L’Europe à la barre : principaux enjeux actuels en matière de droit européen de la famille

Il est notamment question de reconnaissance mutuelle des décisions en matière de divorce et de séparation de corps dans l’Union européenne, de protection transfrontalière des adultes vulnérables, de reconnaissance de la parentalité entre les États membres et de l’accompagnement par un avocat des mineurs présentés devant un juge.

Invités :

Élodie Mulon, Présidente du comité droit de la famille et des successions du CCBE Katell Drouet-Bassou, Présidente sortante du comité Isabelle Rein-Lescastereyres, Experte au sein du comité

Animé par :

Hélène Biais, Directrice des Affaires Publiques de la DBF

Prise de son :

T3 Podcast Studio à Vienne

Montage et réalisation :

Laurent Montant, Directeur du Studio Media Lefebvre Dalloz

Ecouter le podcast

Règlement Bruxelles I [I]bis[/I] : notion de « grands risques » en matière d’assurance

Le règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale définit, par ses articles 10 et suivants, des règles de compétence propres à la matière des assurances.

Contextes technique et factuel

L’article 15 prévoit la possibilité d’y déroger par des conventions « 1) postérieures à la naissance du différend ; 2) qui permettent au preneur d’assurance, à l’assuré ou au bénéficiaire de saisir d’autres juridictions que celles indiquées à la présente section ; 3) qui, passées entre un preneur d’assurance et un assureur ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même État membre, ont pour effet, alors même que le fait dommageable se produirait à l’étranger, d’attribuer compétence aux juridictions de cet État membre, sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions ; 4) conclues par un preneur d’assurance n’ayant pas son domicile dans un État membre, sauf s’il s’agit d’une assurance obligatoire ou qui porte sur un immeuble situé dans un État membre ; ou 5) qui concernent un contrat d’assurance en tant que celui-ci couvre un ou plusieurs des risques énumérés à l’article 16 ».

Dans l’affaire jugée par la Cour de justice le 27 avril 2023, cet article 15, point 5, était précisément au centre des débats. Il est donc utile de rappeler que l’article 16 énonce quant à lui que « les risques visés à l’article 15,...

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Déclaration d’appel et conclusions notifiées au ministère public : quelle sanction en cas d’erreur sur le destinataire ?

Le 11 mai 2023, la deuxième chambre de la Cour de cassation a rendu un avis, destiné à publication, relativement à la régularité d’une déclaration d’appel désignant le procureur de la République comme intimé et de conclusions à lui adressées, ceci en matière de contentieux de la nationalité.

C’est un conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Paris qui a adressé une demande d’avis à la Cour de cassation, reçue le 27 février 2023. La demande est passée par le filtre des conditions de recevabilité strictes, celles des articles L. 441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, de sorte que la question de droit est nouvelle, présente une difficulté sérieuse et est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Elle concerne une instance opposant le procureur général près la Cour d’appel de Paris à un justiciable en matière de contentieux de la nationalité ; plus précisément, il s’agissait d’une action déclaratoire de nationalité française. Le justiciable, débouté en première instance, a interjeté appel étant précisé que sa déclaration d’appel désignait le procureur de la République et non le procureur général, puis que ses conclusions ont été notifiés à ce même procureur de la République.

Si le contentieux de la nationalité est régi par les articles 29 et suivants du code civil, c’est le code de procédure civile qui détermine la procédure à suivre, « notamment la communication au ministère de la Justice des assignations, conclusions et voies de recours », ainsi qu’en dispose l’article 29-2 du code civil. Or, l’alinéa 2 de l’article 972-1 du code de procédure civile, issu du décret n° 2018-1219 du 24 décembre 2018 (C. Bléry, Cru 2018 : un petit Noël du procédurier, Dalloz actualité, 8 janv. 2019), énonce que « les actes de la procédure devant la cour d’appel destinés au ministère public sont notifiés au procureur général près la cour d’appel devant laquelle l’appel est formé »… alors que « pour ne pas être trop sévère, il aurait été utile de préciser que les actes visés sont ceux postérieurs à l’acte d’appel… » (Dalloz actualité, 8 janv. 2019, obs. C. Bléry).

Quid dès lors de la déclaration d’appel et des conclusions visant le procureur du tribunal au lieu de celui de la cour d’appel ?

Trois questions ont été formulées par le CME afin de « faire le tour » de la difficulté :
« 1) Dans le contentieux de la nationalité, la déclaration d’appel peut-elle désigner, en qualité d’intimé, le procureur de la République près le tribunal judiciaire, partie en première instance, sur le fondement de l’article 547 du code de procédure civile ou doit-elle obligatoirement viser le procureur général près la cour d’appel en vertu de l’article L. 122-3 du code de l’organisation judiciaire ?
2) Dans l’hypothèse où la déclaration d’appel doit désigner en qualité d’intimé, le procureur général près la cour d’appel, quelle est la sanction applicable à la déclaration d’appel désignant le procureur de la République près le tribunal judiciaire ?
S’agit-il d’une fin de non-recevoir, sanctionnée par l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, en application des articles 122 et suivants du code de procédure civile ?
Ou s’agit-il d’un cas de nullité de fond de la déclaration d’appel en application des articles 117 et suivants du code de procédure civile ?
Ou s’agit-il d’un cas de nullité de forme de la déclaration d’appel en application des articles 112 et suivants du code de procédure civile ?
3) Dans l’hypothèse où la déclaration d’appel doit désigner, en qualité d’intimé, le procureur général près la cour d’appel, la déclaration d’appel doit-elle être jugée caduque en application de l’article 911 du code de procédure civile si les conclusions ont été notifiées au procureur de la République près le tribunal judiciaire ? ».
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu son avis, dans les termes rapportés au chapô, après avoir longuement motivé chaque réponse.

Première question

La deuxième chambre civile considère que l’article 972-1 doit être respecté à la lettre et qu’il ne faut pas se tromper de « récipiendaire » : le texte désigne le procureur général et pas le procureur de la République comme devant recevoir les actes destinés au ministère public.

Pour justifier cette solution rigoureuse, la Cour de cassation rappelle la teneur des articles 1042 du code de procédure civile, L. 122-2 et L. 122-3 du code de l’organisation judiciaire. L’article 1042 du code de procédure civile dispose : « toute action qui a pour objet principal de faire déclarer qu’une personne a ou n’a pas la qualité de Français, est exercée par le ministère public ou contre lui sans préjudice du droit qui appartient à tout intéressé d’intervenir à l’instance ». Les articles L. 122-2 et L. 122-3 prévoient la répartition des «...

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Compétence élargie du juge aux affaires familiales en matière de concubinage

Fruit processuel de la tendance moderne de simplification du droit, le présent arrêt donne un aperçu assez clair de l’étendue de la compétence du juge de la famille. Il fera l’objet d’une publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation et d’une diffusion via les Lettres des chambres.

En l’espèce, deux personnes ont vécu en concubinage jusqu’en 2013, année au cours de laquelle l’un d’eux saisit le juge aux affaires familiales en vue de procéder à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux du couple. Reconventionnellement, la concubine sollicita la condamnation de son ancien compagnon au paiement d’une indemnité en raison de l’occupation d’un immeuble lui appartenant.

Par arrêt du 7 juillet 2020, la cour d’appel de Riom releva d’office son incompétence à propos de la demande d’indemnité d’occupation et renvoya la demanderesse à mieux se pourvoir.

Sur pourvoi, deux griefs furent adressés aux juges du fond : avoir relevé d’office l’incompétence de la cour d’appel et avoir déclaré le juge aux affaires familiales incompétent pour statuer sur la demande d’indemnité d’occupation. La première chambre civile de la Cour de cassation fait siens les deux reproches et, sur la seule question de l’incompétence du juge aux affaires familiales (JAF), prononce la cassation de l’arrêt d’appel au double visa des articles 76, alinéa 2, du code de procédure civile et L. 213-3, 2°, du code de l’organisation judiciaire (sur cet arrêt, S. Ben Hadj Yahia, Dr. fam. n° 6, juin 2023. Comm. 86).

S’agissant du premier de ces textes, la Cour de cassation rappelle en attendu de principe que la cour d’appel ne peut relever d’office son incompétence que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française (§ 5). Or, le motif du relevé d’office n’était pas la compétence d’une juridiction étrangère, administrative ou pénale mais le seul constat que la demande d’indemnités d’occupation est fondée sur l’occupation sans droit ni titre de son immeuble et non sur la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des parties (§ 6). La violation de l’article 76 du code de procédure civile est donc manifeste : les juges du fond ne pouvaient relever d’office l’incompétence de la cour d’appel (§ 7).

Quant à l’article L....

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Pas d’indemnisation de la perte de valeur d’un immeuble après un assassinat

Si le code civil de 1804, présenté par Ripert comme le « code des propriétaires » (T. Revet, Le Code civil et le régime des biens : questions pour un bicentenaire, Dr. et patr. mars 2004. 21), avait principalement en vue la réparation des dommages matériels (C. Quézel-Ambrunaz, Le droit du dommage corporel, LGDJ, n° 49, 2022, p. 55), la sacralisation de la personne humaine à la suite de la Seconde guerre mondiale a progressivement conduit à consacrer la primauté de la réparation du dommage corporel (J. Carbonnier, Droit civil, t. 2, PUF, 2004, n° 1126).

Le statut particulier du corps humain imposerait une plus grande protection face au dommage corporel que face aux autres atteintes, le droit à réparation du dommage corporel se rapprochant même selon certains d’un droit fondamental (B. Girard, Responsabilité civile extracontractuelle et droits fondamentaux, LGDJ, 2015). Une hiérarchisation des préjudices est ainsi défendue depuis plusieurs années par la doctrine en droit de la responsabilité civile.

Tel était déjà le cas dans la théorie de la garantie développée par Boris Starck, invitant à distinguer entre les atteintes à l’intégrité corporelle, d’une part, et les atteintes à un intérêt purement patrimonial ou moral, d’autre part ; et préconisant la reconnaissance d’un véritable « droit à l’intégrité corporelle » (B. Starck, Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, éd. Rodstein, 1947).

La volonté de faciliter l’indemnisation des victimes de dommages corporels a ainsi conduit à assouplir les règles de responsabilité civile (pensons par ex. à la découverte du principe général de responsabilité du fait des choses afin de faire face à la multiplication d’accidents liés à l’industrialisation, puis au développement de la circulation routière), mais aussi à une collectivisation du risque...

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Un nouveau décret pour le registre unique des sûretés mobilières

L’apparition d’un registre unique des sûretés réelles mobilières reste l’une des figures majeures de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021. Mais, on le sait bien, toute nouveauté aussi importante implique d’attendre son décret d’application. L’attente n’a été que d’une assez courte durée puisque le décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021 (Dalloz actualité, 7 janv. 2022, obs. F. Kieffer) est venu en préciser les principales lignes directrices : opérations concernées, formalisme des inscriptions auprès du greffier du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire, contestations possibles, consultation du portail national, etc. Quelques mois après l’entrée en vigueur de la majeure partie du dispositif du registre unique des sûretés mobilières fixée au 1er janvier 2023, c’est un second décret n°2023-369 du 11 mai 2023 qui est désormais publié depuis le 16 mai dernier au Journal officiel. On pourra remarquer, à titre préliminaire, le soin particulier qui est apporté autour de ce dispositif qui n’aura finalement pas connu le même sort que le registre relatif au gage automobile avant l’ordonnance du 15 septembre 2021 (et c’est heureux, bien évidemment). Ces deux décrets, pris à quelques mois d’intervalle, permettent de rendre le dispositif imaginé par l’ordonnance pleinement opératoire, même s’il faut toutefois noter que c’est le décret du 29 décembre 2021 qui fera figure de texte principal, celui pris le 11 mai 2023 ne venant qu’adapter certaines subtilités bien précises afin d’en maximiser l’efficacité.

Nouvelles inscriptions concernant certaines opérations connexes

En premier lieu, c’est l’article R. 521-2 du code de commerce qui est modifié. Rappelons que cet article égrène les différentes publicités du registre unique des sûretés mobilières et opérations connexes. Dans sa rédaction issue du décret de décembre 2021, il s’arrêtait à un 16°. Désormais, il faut compter avec deux publicités supplémentaires, à savoir...

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Règlement Bruxelles II [I]bis[/I] : compétence en cas de déménagement

L’article 8 du règlement Bruxelles II bis n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale dispose que « les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie » et que ce principe « s’applique sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12 ».

L’article 9, intitulé « Maintien de la compétence de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant », ajoute, par son premier paragraphe, que « lorsqu’un enfant déménage...

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Plateformes de données de santé : enjeux d’éthique, un avis du CCNE et du CNPEN à ne pas manquer

L’avis « Plateformes de données de santé : enjeux d’éthique » publié le 9 mai 2023 est le fruit d’une auto-saisine du CCNE et du CNPEN. Il permet, d’une part, de tracer un lien net entre la collecte des données de santé et leur centralisation dans des plateformes de données de santé (PDS) et, d’autre part, de décrire l’écosystème à l’œuvre. Les auteurs de l’avis traitent de manière exhaustive des enjeux relatifs aux PDS en mettant en lumière des « tensions éthiques » qui résident, pour la plupart, dans l’architecture et le fonctionnement des PDS. Ils présentent par ailleurs une liste de vingt-et-une recommandations concernant notamment la qualité, le partage, l’anonymisation des données et l’impact environnemental des PDS.

Auto-saisine des deux comités

L’avis n’est pas le résultat d’une commande mais d’une auto-saisine des deux comités qui reconnaissent la nécessité de produire une telle étude face à la multiplication des plateformes de données de santé. L’éclairage éthique est conduit à l’aune des principes d’éthique traditionnellement mobilisés par le CCNE et ceux plus récemment introduits par le CNPEN.

Multiplication des plateformes de données de santé

Les comités relèvent que la collecte de données de santé par des opérateurs publics ou privés est toujours plus volumineuse. Le rassemblement de ces données dans des infrastructures de partage soulève des enjeux techniques (par exemple de stockage, de sécurité, d’anonymisation, de pseudonymisation, de standardisation) mais également juridiques (statut de ces données, régime de propriété à adopter, consentement, etc.).

L’auto-saisine des comités cherche à offrir un éclairage quant aux choix stratégiques opérés pour créer les PDS. C’est la nécessité même de leur création, leur financement, leur architecture technique ou encore leurs modèles de gouvernance qui sont analysés.

Variété des principes éthiques mobilisés

Les travaux débutent logiquement par une présentation des principes éthiques. L’avis revient sur les différences entre l’éthique à appliquer aux sciences du vivant, la bioéthique (représentée par le CCNE) et l’éthique du numérique, cyberéthique (représentée par le CNPEN). Toutefois, les barrières ne sont pas si étanches et si les deux types d’éthiques sont guidés par des principes différents, ils peuvent aussi être communs, l’avis faisant le choix d’analyser tous les principes éthiques (qu’ils soient « bio » ou « cyber ») applicables aux PDS.

Il liste les principes retenus, ainsi que leurs définitions ou applications aux PDS. Du côté des principes d’éthique biomédicale, les auteurs ont constitué la liste suivante :

principe d’autonomie : obligation de respecter les capacités de décision et le consentement des personnes autonomes ; principe de bienfaisance : obligation de procurer des bénéfices et de mesurer les bénéfices par rapport aux risques ; principe de non-malfaisance : obligation d’éviter de nuire ; principe de justice : obligation d’équité, non-discrimination, juste distribution des bénéfices et des risques ; principe d’explicabilité : présent dans la pratique médicale en lien avec le consentement éclairé.

Les principes d’éthique du numérique sont détaillés en miroir :

principe d’autonomie : préserver la capacité humaine d’agir sur les outils et les données ; principe de bienfaisance : si le patient est au cœur de l’éthique biomédicale, tous les systèmes numériques ne sont pas conçus pour le bien de leurs utilisateurs...

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Couple de femmes : l’adoption de l’enfant par la conjointe dans un contexte de séparation

La séparation du couple parental

En l’espèce, un enfant naît le 19 janvier 2016 au sein d’un couple de femmes mariées. Seule la filiation de celle qui a accouché peut être établie. Une procédure d’adoption de l’enfant est engagée par la conjointe le 28 avril 2016 après que la mère a consenti, le 18 février 2016, à l’adoption plénière par acte notarié. Les femmes se séparent alors que la procédure est en cours : une requête en divorce est introduite le 17 octobre 2016 et deux jours après, la mère adresse à la juridiction un courrier dans lequel elle rétracte son consentement à l’adoption. Celle qui est encore sa conjointe retire, le 17 janvier 2017, sa demande en adoption, et son désistement de l’instance est constaté le 5 octobre 2018. Néanmoins, elle forme par la suite une nouvelle demande d’adoption plénière tandis que la procédure de divorce se poursuit en appel. La Cour d’appel de Bordeaux prononce, le 6 avril 2021, l’adoption de l’enfant par la femme qui n’a pas accouché en considérant que le consentement, n’ayant pas été rétracté dans les temps, reste valide et qu’au jour du dépôt de la requête en adoption en cause d’appel, le couple était toujours uni par les liens du mariage. La mère forme alors un pourvoi en cassation et soulève deux points. D’une part, elle fait valoir que l’adoption plénière de l’enfant par la conjointe nécessite le consentement à l’adoption de la mère. Selon elle, l’acte notarié du 18 février 2016 a été anéanti par la rétractation du consentement qu’elle a adressé au tribunal, suivie du retrait de la demande en adoption par sa conjointe. Aussi, son consentement devrait être à nouveau recueilli pour que la requête en adoption prospère. D’autre part, elle fait valoir que les conditions légales de l’adoption n’étaient pas remplies au moment où le juge a statué, dans la mesure où elles n’étaient plus mariées à cette date.

La Cour de cassation est ainsi invitée à se prononcer sur la portée du consentement donné à l’adoption par un parent et sur la date d’appréciation des conditions de l’adoption de l’enfant par le conjoint, notamment en cas d’appel du jugement prononçant le divorce. Elle valide, d’abord, le raisonnement de la cour d’appel à propos des effets du consentement, requis d’un parent, pour que le juge autorise l’adoption plénière intrafamiliale d’un enfant : le consentement donné peut être rétracté pendant deux mois mais, passé ce délai, le consentement ne comporte ensuite aucune limite temporelle ni ne se rattache à une instance particulière. Elle vient ensuite substituer un motif de pur droit à celui de la cour d’appel qui, pour faire droit à la demande, avait retenu la date du dépôt de la requête, alors qu’il convient de se placer à la date à laquelle le juge se prononce : la première chambre civile souligne que l’appel dans la procédure de divorce étant pendant au moment où la Cour d’appel de Bordeaux statue à propos de l’adoption, les deux femmes sont donc encore unies par les liens du mariage et les conditions légales de l’adoption de l’enfant de la conjointe remplies. Le pourvoi est par conséquent rejeté.

Le consentement à l’adoption

En l’espèce, la mère a essayé de rétracter son consentement, mais son courrier au tribunal a été envoyé au-delà du délai de deux mois prévu par l’article 348-3 du code civil. Pour la Cour de cassation, le consentement produit ses effets, pleins et...

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Loi applicable à la prescription de l’action du tiers subrogé dans les droits d’une personne lésée contre l’auteur d’un dommage

C’est en traitant d’une question en apparence technique que l’arrêt rendu le 17 mai 2023 permet à la Cour de justice de l’Union européenne de rappeler les objectifs guidant l’application du règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles. L’occasion d’avoir à l’esprit, comme le soulignait Kurt Lewin, qu’il n’y a rien de plus pratique qu’une bonne théorie.

En l’espèce, en août 2010, alors qu’elle se baignait et plongeait au large d’une plage située au Portugal, une personne de nationalité française a été percutée par l’hélice d’un bateau immatriculé au Portugal, subissant ainsi de graves lésions corporelles nécessitant des soins hospitaliers et plusieurs opérations chirurgicales au Portugal et en France.

Dans le cadre de la demande d’indemnisation introduite par la victime contre le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) devant le Tribunal de grande instance de Lyon, les parties sont convenues de fixer à un certain montant l’indemnité due au titre de la réparation du préjudice, accord homologué le 20 mars 2014, avant que le dernier paiement ne soit effectué par le FGTI le 7 avril de cette même année. Fin novembre 2016, le FGTI a attrait la compagnie d’assurances du prétendu responsable de l’accident devant les juridictions portugaises afin d’obtenir le remboursement de la somme versée à la victime.

En première instance, le tribunal maritime de Lisbonne a rejeté l’action intentée par le FGTI, estimant que celle-ci était prescrite au regard de l’expiration du délai triennal prévu par le droit portugais applicable. En cause d’appel, le FGTI faisait valoir, à titre principal, qu’en application de l’article 19 du règlement (CE) n° 864/2007 dit « Rome II », le délai de prescription devait être déterminé en application du droit français qui, en cas de subrogation, prévoit un délai décennal à compter de la décision...

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Appel dématérialisé : sans l’avis électronique de réception, ce n’est pas bon

Un arrêt, destiné à publication, rendu par la deuxième chambre civile le 17 mai 2023, vient rappeler une règle désormais classique, à savoir que si « Avec l’avis électronique de réception, tout est bon », en son absence, l’avocat doit s’inquiéter… ce qu’il aurait dû faire ici.

Appel par voie électronique d’un jugement prud’homal

Le jugement d’un conseil de prud’hommes fait l’objet d’un appel, le 9 mars 2021. Cet appel est déclaré irrecevable comme tardif : la cour d’appel juge qu’une déclaration d’appel contre un jugement notifié le 5 février 2021, qui avait été transmise par voie électronique le 23 février 2021, n’avait pas « donné lieu à l’ouverture d’une instance d’appel », aux motifs que cette déclaration « n’a pas fait l’objet d’un accusé de réception par la cour », ou encore que cette déclaration n’avait « pas été “reçue” par la cour, comme le montre l’absence d’accusé de réception et l’absence d’enregistrement dans le registre général de la cour ». C’est la déclaration d’appel du 9 mars 2021, tardive mais « reçue », qui donne lieu à l’instance d’appel.

Le perdant se pourvoit en cassation, par un moyen divisé en sept branches : les cinq dernières exposant des « griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation » (C. pr. civ., art. 1014). La première branche reproche une violation de son « obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, en l’espèce, cet avis de réception » et la seconde, une violation des « articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail, ensemble les articles 931 et 748-3 du code de procédure civile ».

Le pourvoi affirme en effet que le conseil de l’appelant avait produit, en pièce jointe d’une note en délibéré, « l’avis de réception reçu à la suite de l’envoi, le 23 février 2021, de la déclaration d’appel » (première branche) et que l’appel avait bien été formé dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement « dès lors que la déclaration du 23 février 2021 avait été envoyée électroniquement avant l’expiration du délai d’appel ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle d’abord in extenso la teneur de l’article 748-3, dans son dernier état, c’est-à-dire modifié par le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019, et répond aux deux branches :

d’une part, le message, adressé au greffe de la cour d’appel par l’avocat, « dont il n’établit pas la réception par la cour d’appel », n’est pas « un avis électronique attestant de cette réception conformément aux exigences de l’article 748-3 du code de procédure civile » ; d’autre part, la déclaration d’appel n’ayant pas eu de suite (elle « n’avait fait l’objet ni d’un accusé de réception par la cour d’appel ni d’un enregistrement dans son registre général et n’avait donc pas donné lieu à une instance d’appel »), l’appel était bien irrecevable.

Application de l’article 748-3 du code de procédure civile

L’arrêt est assez court – ce qui n’est pas un reproche à l’heure où les arrêts s’allongent pour abriter une motivation « enrichie » – mais clair : l’article 748-3 (al. 1er) exige un avis électronique de réception « adressé par le destinataire » – ici, le greffe de la cour d’appel – et seul l’avis de réception remplit l’office que lui assigne l’article 748-3, à l’exclusion d’un « avis » d’envoi, que se procure à lui-même l’expéditeur, ici, l’avocat de l’appelant.

L’avis de réception est un précieux sésame, voire un talisman, qui protège les avocats lorsqu’ils ont effectué correctement les actes de la procédure dématérialisée. En fait, l’avis de réception, « équivalent fonctionnel », est généré automatiquement et – en principe – immédiatement (Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, 2021, n° 59 ; L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel,...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 22 mai 2023

Sélection par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d’enseignement à l’Université d’Aix-Marseille, et Laurent Dargent, Rédacteur en chef

 

Aide juridictionnelle

Convention d’honoraires et renonciation expresse à l’aide juridictionnelle : portée en cas d’aide juridictionnelle accordée postérieurement

En présence d’une convention d’honoraires conclu entre l’avocat et son client, la clause par laquelle ce dernier renonce expressément au bénéfice de l’aide juridictionnelle est sans effet lorsque l’aide juridictionnelle est accordée postérieurement à ladite convention. Par conséquent, en l’absence de renonciation rétroactive du client au bénéfice de l’aide juridictionnelle ou de décision de retrait de celle-ci, son conseil ne peut pas lui réclamer une quelconque rémunération au titre des diligences accomplies après la demande d’aide juridictionnelle, peu important que son client ne l’ait pas informé de cette demande. (Civ. 2e, 25 mai 2023, n° 21-21.523, F-B)

Avocats

Élection des membres du CNB : modalités du recours

Il résulte des articles 16 et 33 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1258 du 26 septembre 2022 que le recours formé par tout avocat à l’encontre de l’élection des membres du CNB est formé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d’appel de Paris ou remis contre récépissé à son greffier en chef.
Pour déclarer irrecevable le recours d’un avocat, une cour d’appel ne peut donc pas retenir qu’ayant été formé par lettre recommandée envoyée au greffier en chef et non au secrétariat-greffe, ce recours n’a pas été adressé au destinataire prévu au premier de ces textes. La lettre ayant été réceptionnée par le greffe de la cour d’appel de Paris, la cour a donc violé les textes susvisés. (Civ. 1re, 25 mai 2023, n° 22-10.954, FS-B)

Experts judiciaires

Liste d’expert et rubrique « traduction » : condition de domiciliation dans le ressort de la cour d’appel (non)

Une personne physique ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d’ experts, dans une rubrique autre que la traduction, que si elle exerce son activité professionnelle principale dans le ressort de cette cour ou, lorsqu’elle n’exerce plus d’activité professionnelle, elle y a sa résidence (Décr. n° 2004-1463 du 23 déc. 2004, art. 2, 8°). Il en résulte qu’aucune condition de domiciliation dans le ressort de la cour d’appel n’est exigée pour l’inscription dans la rubrique "traduction". Dès lors, l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel ne peuvent opposer l’absence de domiciliation dans le ressort de la cour d’appel du requérant pour rejeter sa demande d’inscription en "traduction en langue arabe", seule sa demande d’inscription dans la rubrique "interprétariat en langue arabe" devant être rejetée comme ne respectant pas la condition de domiciliation. (Civ. 2e, 25 mai 2023, n° 22-60.190, F-B)

Liste d’experts et activité incompatible avec l’indépendance nécessaire à l’exercice de missions judiciaires d’expertise : salariat d’une société de contrôle technique dans le domaine de la construction (non)

Une personne physique ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d’experts dressée par une cour d’appel que si elle n’exerce aucune activité incompatible avec l’indépendance nécessaire à l’exercice de missions judiciaires d’expertise (Décr. 2004-1463 du 23 déc. 2004, art. 2, 6°). Le fait d’être salarié d’une société de contrôle technique dans le domaine de la construction ne constitue pas, en soi, l’exercice d’une activité incompatible avec l’indépendance nécessaire à l’exercice de missions judiciaires d’expertise dans les spécialités considérées. (Civ. 2e, 25 mai 2023, n° 22-60.184, F-B)

Personnes

Programme de soins psychiatriques sans consentement et information du patient

Il résulte de l’article L. 3211-3, alinéa 3, du code de la santé publique que, si toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement, quelle que soit la forme de sa prise en charge, est, dans la mesure où son état le permet, informée par le psychiatre du projet visant à maintenir les soins ou à définir...

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L’excès de pouvoir qui entache une mesure d’administration judiciaire n’ouvre pas toujours un recours

Une mesure d’administration judiciaire peut-elle toujours faire l’objet d’un recours lorsqu’elle est entachée d’un excès de pouvoir ?

Si la question se pose, c’est que plusieurs arrêts avaient été lus comme augurant que, désormais, toute mesure d’administration judiciaire pourrait faire l’objet d’un recours dès lors qu’elle était entachée d’un excès de pouvoir.

Nul n’ignore qu’il est traditionnellement jugé que les mesures d’administration judiciaire ne sont susceptibles d’aucun recours, serait-ce pour excès de pouvoir (Civ. 2e, 20 avr. 2017, n° 15-13.075, inédit ; 23 févr. 2017, n° 16-10.474, inédit ; v. égal., Com. 7 nov. 2018, n° 17-16.176 P, D. 2018. 2180 image ; Civ. 2e, 1er févr. 2018, n° 17-14.730 P ; Civ. 1re, 20 déc. 2017, n° 16-24.762, inédit ; Soc. 21 sept. 2017, nos 16-18.251, 16-18.254, 16-18.256, 16-18.259, 16-18.260, 16-18.262 et 16-18.263, inédit). Cela tient à la circonstance qu’une mesure d’administration judiciaire « n’a pas de caractère juridictionnel et n’a pas d’incidence sur le lien juridique d’instance » (Soc. 30 nov. 2010, n° 09-67.130, inédit ; Civ. 2e, 23 nov. 2006, n° 05-16.135, inédit ; Civ. 1re, 16 nov. 2004, n° 02-14.528 P, D. 2005. 339 image ; ibid. 332, obs. P. Julien et N. Fricero image ; AJDI 2005. 152 image).

La difficulté est que certaines décisions, même traditionnellement qualifiées de mesures d’administration judiciaire, peuvent avoir une incidence, au moins indirectement, sur le lien juridique d’instance ou, plus généralement, sur les droits et obligations des parties. C’est ce qui explique vraisemblablement que la Cour de cassation ait pu décider que « la décision de radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel […]...

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La banque, la caution professionnelle et les emprunteurs : un dangereux triangle indemnitaire

Les actions en responsabilité consécutives à l’octroi d’un prêt inadapté aux capacités financières d’un emprunteur peuvent fuser tous azimuts quand divers acteurs sont intéressés, à savoir la banque prêteuse de deniers elle-même, mais également la caution professionnelle qui a accepté de garantir un tel endettement.

L’arrêt rendu le 5 avril 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation donne une illustration particulièrement délicate de la question en traitant de l’action en responsabilité dirigée contre une telle caution. Rappelons brièvement les faits qui ont donné lieu au pourvoi.

Un établissement bancaire consent le 16 avril 2007 à deux personnes physiques un prêt immobilier de 330 450 €. Le prêt est garanti par une caution professionnelle. Les emprunteurs deviennent, par la suite, défaillants, de sorte que la caution désintéresse la banque puis les assigne au stade de la contribution à la dette en remboursement des sommes avancées à l’établissement bancaire.

Les emprunteurs rétorquent en formant une demande reconventionnelle en dommages-intérêts, arguant que l’engagement était disproportionné. La caution professionnelle a alors appelé le prêteur de deniers en garantie. La cour d’appel refuse de faire droit à la demande des emprunteurs en considérant que la caution n’avait commis aucune faute de nature à générer une créance de dommages-intérêts à leur profit.

Ces derniers sont condamnés à verser à la caution une somme de 331 886,88 € par conséquent. La Cour d’appel de Lyon avait considéré, de plus, qu’aucune demande n’était formulée contre le prêteur de deniers. Nos emprunteurs se pourvoient en cassation en formulant divers...

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Programme de soins psychiatriques sans consentement et information du patient

L’actualité des aspects juridiques des soins psychiatriques sans consentement tend à se faire un peu plus rare ces temps-ci. Il faut dire que les derniers mois ont été chargés, notamment avec deux questions prioritaires de constitutionnalité qui n’ont pas abouti à l’abrogation du système imaginé début 2022 pour l’isolement et la contention dans ce domaine précis (Cons. const. 31 mars 2023, n° 2023-1040/1041 QPC, Dalloz actualité, 6 avr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 762 image, note L. Bodet et V. Tellier-Cayrol image). Le seul arrêt publié au Bulletin rendu par la Cour de cassation, pour l’heure en 2023, était une décision rappelant, de manière fort classique au demeurant, l’impossibilité pour le magistrat de porter une appréciation médicale sur les données dont il dispose pour prendre une décision de maintien ou de mainlevée de la mesure (Civ. 1re, 8 févr. 2023, n° 22-10.852 F-B, Dalloz actualité, 17 févr. 2023, obs. C. Hélaine). Voici que la première chambre civile de la Cour de cassation a pu rendre une décision également publiée mais portant sur une question nettement plus délicate, à savoir celle de l’information du patient de la décision d’admission prise par le directeur d’établissement ou par le représentant de l’État dans le département ainsi que chacune des décisions de maintien et des raisons qui les motivent quand le patient fait l’objet d’un programme de soins et non d’une hospitalisation complète. Il existe, en effet, d’une part un certain flottement dans les textes du code de la santé publique ayant conduit au pourvoi mais également, d’autre part, une grande disparité de pratiques des établissements de santé à ce sujet.

Rappelons brièvement les faits à l’origine de l’affaire. Le 25 décembre 2020, une personne est admise en urgence en soins psychiatriques sans consentement. D’abord placé sous la forme d’une hospitalisation complète, le patient se voit ensuite délivrer un programme de soins dès le 8 mars suivant sur décision du directeur de l’établissement concerné. Le 26 novembre 2021, l’intéressé sollicite la mainlevée de la mesure. Le premier président de la cour d’appel rejette la demande de mainlevée en...

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Le jeune enfant est bien une personne comme les autres face à une expertise médicale justifiant qu’il soit mis fin à sa vie

par Daniel Vigneau, Professeur agrégé, Université de Pau et des Pays de l'Adour, Conseiller scientifique honoraire du DP Santé, bioéthique, biotechnologiesle 31 mai 2023

CE, ord., 24 avr. 2023, n° 469669

On se souviendra d’une ordonnance du 12 janvier 2023 par laquelle le Conseil d’État, statuant comme juge d’appel des référés, avait suspendu pour deux mois, dans l’attente des conclusions d’une nouvelle expertise, une décision médicale mettant en œuvre, pour obstination déraisonnable et malgré l’opposition des parents, la fin de vie de leur fille âgée de moins de deux ans, tout en rejetant la requête des parents tendant au renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’application aux enfants du dispositif législatif régissant l’arrêt des traitements de fin de vie (Dalloz actualité, 10 févr. 2023, obs. D. Vigneau).

Il aura fallu, dans cette affaire, un peu plus de deux mois pour que cette expertise médicale débouche sur une nouvelle ordonnance du Conseil d’État du 24 avril 2023. Pour le Conseil d’État, dans cette affaire, il n’y avait plus rien d’autre à juger. Les motifs sérieux invoqués à l’origine par les parents de la fillette à l’encontre de la décision médicale d’arrêt des thérapeutiques actives et de la décision du juge administratif des référés qui avait rejeté leur requête avaient en effet été écartés par la haute juridiction administrative, tant en ce qui concerne la demande de renvoi d’une QPC au Conseil...

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Les projets de loi Justice passent le cap du Sénat

Le dépôt d’un projet de loi est toujours le résultat d’un long processus de négociations entre le ministre, ses directions, ses syndicats, ses partenaires et les autres ministères. Dès lors, l’enjeu pour tout ministre est que le débat parlementaire ne vienne pas chambouler ce bel équilibre. Sur le projet de loi simple, Éric Dupond-Moretti a réussi l’exercice. Sa feuille de route était facilitée par une trajectoire budgétaire favorable et les créations de postes annoncées. Les rapporteures Agnès Canayer et Dominique Vérien ont également adopté une attitude constructive.

Un consensus sur le budget et le civil

Dans son discours introductif, le ministre Éric Dupond-Moretti insistait : avec ces deux projets de loi, il s’agissait de « tourner la page des mauvaises habitudes qui gangrènent notre justice depuis plus de 30 ans ». Avec un objectif : « diviser par deux l’ensemble des délais de justice d’ici 2027 ». Le Sénat a toutefois voulu augmenter les postes de greffiers et préciser les effectifs de SPIP, contre l’avis du gouvernement. L’autre opposition portait sur le tribunal des activités économiques : le Sénat a élargi sa compétence aux procédures amiables et collectives et aux baux commerciaux.

Par ailleurs, les sénateurs ont adopté un amendement prévoyant la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise, sous condition de diplôme et de formation, en excluant les matières pénales et fiscales. Le gouvernement a soutenu la disposition tout en indiquant qu’elle serait à retravailler. La socialiste Marie-Pierre de la Gontrie a été la seule voix discordante.

Deux amendements des rapporteurs, travaillés avec le CNB, portent sur la discipline des avocats, pour créer une procédure disciplinaire simplifiée, et élargir le recrutement des membres des juridictions disciplinaires.

Des changements sur la procédure pénale

Sur le texte simple, les débats ont surtout porté sur la procédure pénale. Le gouvernement a fait accepter aux sénateurs son habilitation à légiférer par ordonnances pour réécrire le code de procédure pénale. Toutefois, contre l’avis du ministre, les sénateurs ont restreint la possibilité de recourir à la captation à distance aux seules infractions punies de dix ans d’emprisonnement (et non cinq). La possibilité de faire une perquisition de nuit en matière criminelle a été élargie aux instructions.

Comme annoncé par Dalloz actualité, le gouvernement est revenu sur le délai de trois ans pour les enquêtes préliminaires : le point de départ du délai sera la perquisition ou l’audition et une prolongation supplémentaire de deux ans sera possible, à condition d’ouvrir plus largement le contradictoire. Le Sénat a également adopté la possibilité pour le Procureur de proposer une nouvelle peine, en cas de refus d’homologation d’une première CRPC. L’amendement sur l’élargissement des permis de communiqué des avocats a été intégré. Le JLD sera compétent pour les demandes de modification du contrôle judiciaire après une ordonnance de renvoi.

À l’initiative de Jean-Pierre Sueur, le Sénat a codifié la récente jurisprudence de la Cour de cassation en matière de double incrimination pour les crimes contre l’humanité (Dalloz actualité, 26 mai 2023, obs. N. Coutrot-Cieslinski). Le pôle des cold cases (Dalloz actualité, 28 janv. 2022, obs. A. Coste) de Nanterre sera compétent pour les crimes commis à l’étranger sur des ressortissants français à l’étranger, mais également sur toute infraction connexe à un crime relavant de sa compétence. Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a souhaité limiter la destruction des scellés.

En droit pénitentiaire, une procédure d’alternative aux poursuites disciplinaires sera mise en place.

Une opposition sur le statut des magistrats

Les rapports entre le ministre et les sénateurs ont été plus conflictuels sur le second projet de loi : le statut des magistrats relève des lois organiques. Or, pour ce type de texte, le rôle du Sénat est renforcé : en cas de rejet d’un projet organique par le Sénat, une majorité absolue des députés est nécessaire à son adoption. Or, les sénateurs ont multiplié les points de clivage avec le gouvernement.

À l’initiative des deux rapporteures, la commission des Lois a introduit des durées minimales d’affectation de trois ans et limité la place des magistrats dans les nouveaux jurys professionnels. Les sénateurs ont également revu l’échelle des sanctions, en l’alignant partiellement sur celle applicable aux magistrats administratifs. Autant de points sur lesquels le gouvernement a voulu revenir en séance, en vain.

La question de la syndicalisation des magistrats était un autre point de clivage : le président du groupe LR Bruno Retailleau avait annoncé vouloir limiter les possibilités de syndicalisation. Le Sénat n’est finalement pas allé aussi loin (Dalloz actualité, 7 juin 2023, obs. P. Januel). Toutefois, les sénateurs ont souhaité remplacer le recueil des obligations déontologie par une charte de déontologie des magistrats. Par un amendement du centriste Philippe Bonnecarrère, ils ont également rappelé que la liberté syndicale s’exerce « dans le respect du principe d’impartialité qui s’impose aux membres du corps judiciaire ». S’il était favorable à la charte, le ministre était opposé à ce second ajout : il souhaite attendre l’avis du CSM, qu’il a récemment saisi sur la question de la liberté d’expression des magistrats. Avis qu’il est « gourmand d’avoir » et qui est indispensable avant de légiférer.

Sur la discipline, l’amendement sur la faute par négligence a finalement été retiré. Par ailleurs, le Sénat a adopté un amendement pour favoriser l’accès à la magistrature pour les docteurs en droit.

Les deux projets de loi seront définitivement adoptés mardi par le Sénat. Les débats à l’Assemblée débutent dès le 21 juin par l’étude en commission.

Affaire [I]PIP[/I], ou la souplesse des conditions de la responsabilité civile

L’affaire PIP est une affaire de santé publique mondiale, ayant donné lieu à un procès hors norme : des milliers de plaignantes, des centaines d’avocats, et un parc des expositions de Marseille transformé en palais de justice pour l’occasion. Initiée en 2010, elle pourrait trouver un point final avec l’arrêt que vient de rendre la première chambre civile de la Cour de cassation.

Le rappel des faits sera bref. L’entreprise PIP fabriquait et commercialisait des implants mammaires. Elle avait confié à la société TÜV Rheinland (TRLP), un organisme de certification allemand, la mission de contrôler et d’approuver le système de qualité du dispositif médical. Cette dernière a rendu plusieurs décisions d’approbation entre 1997 et 2007, et a délivré un certificat d’examen CE, en 2004 puis en 2009. Pour ce faire, la société TÜV Rheinland a fait réaliser des audits qu’elle a confiés à TÜV Rheinland France (TRF), en application d’un contrat cadre passé en 1999.

C’est en 2010 que le scandale éclate. À la suite d’une inspection, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d’un gel de silicone non conforme et exposant à des risques inflammatoires, mais également qu’il existait un risque de rupture précoce des implants. À titre préventif, les porteuses ont été appelées à faire retirer les prothèses. Dans le monde, elles seraient plus de 400 000, dont 30 000 en France, selon les chiffres de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

La société PIP a été placée en liquidation judiciaire et ses dirigeants ont été déclarés coupables des délits de tromperie aggravée et d’escroquerie et condamnés. De son côté, l’assureur de la société PIP a assigné celle-ci en annulation des contrats d’assurance et plusieurs sociétés ayant distribué des implants à l’étranger sont intervenues à l’instance pour soutenir que l’assureur devait sa garantie, et ont assigné en intervention forcée les sociétés TRLP et TRF. D’autres distributeurs ainsi que des personnes physiques porteuses d’implants sont intervenus à l’instance.

Le 10 octobre 2018, la première chambre civile a cassé et annulé la solution de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui avait exclu la responsabilité des sociétés TRLP et TRF (Civ. 1re, 10 oct. 2018, nos 16-19.430, 17-14.401, 15-26.093, 15-28.891, 15-26.115 et 15-26.388, Dalloz actualité, 24 oct. 2018, obs. F. Mélin ; D. 2019. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux image ; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. F. Rocheteau image). Statuant ainsi sur renvoi après cassation, la cour d’appel de Paris a, cette fois, retenu la responsabilité solidaire des deux sociétés, en ce qu’elles auraient chacune commis une faute ayant causé différents préjudices.

Les sociétés TRLP et TRF ont formé un nouveau pourvoi en cassation. Pour résumer, l’argumentation des demandeurs porte sur trois points. D’abord, ils contestent la faute qui leur est reprochée. Ensuite, ils contestent l’existence d’un lien de causalité entre leur prétendue faute et les préjudices subis par des victimes résidant ou établies hors de l’Union européenne. Enfin, les demandeurs contestent la réparation de différents préjudices : le préjudice d’anxiété, le préjudice d’atteinte portée au droit fondamental à la santé et le préjudice immatériel de perte d’image qu’aurait subi une société ayant distribué les prothèses PIP à l’étranger. Relevons par ailleurs qu’un pourvoi incident éventuel a été formé par plus de mille victimes personnes physiques, et qu’un autre a été formé par des sociétés ayant distribué les prothèses à l’étranger. Ces dernières reprochent à la cour d’appel d’avoir limité la réparation du préjudice immatériel de perte d’image à la somme de 10 000 €.

Le 25 mai 2023, la première chambre civile confirme la responsabilité des sociétés TRLP et TRF, mais casse la solution de la Cour d’appel de Paris en ce qu’elle a limité la réparation du préjudice des sociétés distributrices à 10 000 €. Ce dernier aspect sera, ici, laissé de côté afin de concentrer l’analyse sur les conditions de la responsabilité civile.

Si l’affaire PIP, en tant que scandale mondial, a inévitablement soulevé des questions de droit international privé (sur cet aspect, v. F. Mélin, Affaire des prothèses PIP : questions de droit international privé, Dalloz actualité, 24 oct. 2018), elle illustre également, d’un point de vue de droit interne, toute la souplesse de l’article 1240 du code civil à travers l’appréciation de ses trois conditions : la faute, le lien de causalité et le dommage.

La polymorphie de la faute – La faute civile peut être définie, de façon très générale, comme une « défaillance quelconque » (Rép. civ., v° Responsabilité du fait personnel, par P. Brun, Dalloz, n° 15). Il est difficile d’être plus précis, en raison de la polymorphie de la notion de faute et de la variété des fautes. La faute civile peut être intentionnelle ou non intentionnelle, être une faute de commission ou une faute d’abstention (pour une tentative de « typologie » des fautes, v. P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, 4e éd., LexisNexis, nos 310 s.), et elle peut être appréciée avec plus ou moins de sévérité en fonction du contexte, comme, par exemple, en matière sportive (sur le particularisme de la faute en matière sportive, v. P. Brun, préc., n° 324). L’arrêt illustre cette diversité de la faute civile à travers les deux fautes qui sont reprochées respectivement à la société TRLP et à la société TRF.

Pour la première, la Cour relève qu’un organisme de certification est tenu, en présence d’indices suggérant qu’un dispositif médical est susceptible d’être non conforme aux exigences découlant de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993, de prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’acquitter de ses obligations, en procédant notamment à des visites inopinées. Or, les juges du fond ont relevé plusieurs éléments attestant qu’à partir du 1er septembre 2006, différents indices...

Toujours pas d’exportation de gamètes vers l’étranger pour une procréation [I]post mortem[/I], sauf circonstances particulières

Le contentieux en la matière est devenu récurrent. Il ne date pas de la réforme opérée par la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021. Déjà sous l’empire du droit antérieur, le Conseil d’État avait eu à en connaître.

Il avait jugé en principe, dans le respect de la loi, que le refus d’une demande d’exportation vers l’étranger de gamètes stockés en France en vue d’une procréation post mortem ne constituait pas une atteinte à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CE 13 juin 2018, n° 421333, AJDA 2018. 2278 image ; D. 2019. 725, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; 4 déc. 2018, n° 425446, D. 2019. 725, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; AJ fam. 2019. 64, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; pour un rejet du recours devant la CEDH contre l’arrêt du 4 déc. 2018, v. CEDH, déc., 12 nov. 2019, n° 23038/19, Petithory Lanzmann c/ France, D. 2020. 324 image, note A.-B. Caire image ; ibid. 735, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; ibid. 843, obs. RÉGINE image ; AJ fam. 2020. 70, obs. M. Saulier image ; CE 28 déc. 2021, n° 456966).

La même solution avait été appliquée, malgré des différences de situations, en matière de transfert embryonnaire post mortem (CE 24 janv. 2020, n° 437328, D. 2021. 657, obs. P. Hilt image ; AJ fam. 2020. 88, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2020. 355, obs. A.-M. Leroyer image). Mais le Conseil d’État avait introduit une sorte d’exception aux interdits législatifs fondée sur des circonstances particulières pour admettre qu’un refus d’exportation pouvait constituer dans de telles circonstances une atteinte manifestement excessive au droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l’article 8 de la Convention précitée.

Il avait admis cette exception à propos d’un refus d’exporter vers l’Espagne les gamètes d’un mari décédé, stockés en France, en vue d’inséminer son épouse, d’origine espagnole et retournée vivre en Espagne (CE 31 mai 2016, n° 396848, Dalloz actualité, 2 juin 2016, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon avec les concl. image ; AJDA 2016. 1092 image ; ibid. 1398 image, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet image ; D. 2016. 1470, obs. M.-C. de Montecler image ; ibid. 1472, note H. Fulchiron image ; ibid. 1477, note B. Haftel image ; ibid. 2017. 729, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 781, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; ibid. 935, obs. RÉGINE image ; ibid. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2016. 439, obs. C. Siffrein-Blanc image ; ibid. 360, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RFDA 2016. 740, concl. A. Bretonneau image ; ibid. 754, note P. Delvolvé image ; RTD civ. 2016. 578, obs. P. Deumier image ; ibid. 600, obs. J. Hauser image ; ibid. 802, obs. J.-P. Marguénaud image ; ibid. 834, obs. J. Hauser image ; RTD eur. 2017. 319, obs. D. Ritleng image). Il n’en a pas fallu davantage pour donner un appel d’air au contentieux.

Celui-ci se poursuit sous l’empire de la loi du 2 août 2021, d’autant que cette loi, en assouplissant les conditions de conservation des gamètes et d’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP), notamment en faveur des couples de femmes et des femmes seules, a dopé les revendications en la matière. Le Conseil d’État adopte néanmoins la même analyse à propos des demandes d’autorisation d’exportation de gamètes en application des nouvelles dispositions législatives, en continuant de distinguer selon qu’il existe ou non des circonstances particulières (v. à propos de demandes d’exportation d’ovocytes vers l’étranger, refusées en l’absence de circonstances particulières justifiant l’exportation, CE 27 oct. 2022, n° 467726 et n° 467727, Dalloz actualité, 21 nov. 2012, obs. D. Vigneau ; D. 2023. 807, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; ibid. 855, obs....

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La mainlevée du commandement de payer valant saisie ne prive pas celui-ci de son effet interruptif de prescription

Au cours d’une procédure de saisie immobilière, la mainlevée de la saisie et la radiation de l’inscription du commandement de payer consécutive empêchent-elles un juge de statuer sur la caducité du commandement ? C’est à cette question qu’a répondu la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 17 mai 2023.

Un créancier procède à la saisie d’un immeuble de son débiteur plus de deux ans après que le délai de prescription de deux ans, issu de l’article L. 218-2 du code de la consommation, avait commencé à courir. Il fallait alors déterminer si un acte avait pu interrompre ce délai.

Avant qu’expirent ces deux années, le créancier avait effectivement entamé une autre procédure de saisie immobilière et avait fait procéder à la publication du commandement de payer valant saisie au fichier immobilier. Mais, pressentant sans doute que ce premier commandement pourrait lui jouer des tours, il en avait donné la mainlevée et avait fait procéder à la radiation de l’inscription au fichier immobilier. La question était alors de déterminer si ce commandement de payer valant saisie, malgré la mainlevée et la radiation consécutive, avait conservé un effet interruptif de prescription.

Saisi de la difficulté, le juge de l’exécution a prononcé la caducité du commandement du payer litigieux. C’était là couper court à toutes les discussions. Car la caducité qui atteint une mesure d’exécution forcée la prive rétroactivement de tous ses effets (Civ. 2e, 12 janv. 2023, n° 21-15.376, inédit, AJDI 2023. 216 image ; v. égal. en matière de saisie immobilière, Civ. 2e, 1er juill. 2021, n° 19-17.833, inédit ; Com. 6 mars 2019, n° 17-20.643, inédit ; Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-15.650, inédit ; Civ. 3e, 31 mars 2016, n° 14-25.604 P, Dalloz actualité, 15 avr. 2016, obs. N. Le Rudulier ; D. 2016. 782 image ; ibid. 2017. 1388, obs. A. Leborgne image ; AJDI 2016. 856 image, obs. F. de La Vaissière image ; RTD civ. 2016. 347, obs. H. Barbier image ; Civ. 2e, 19 févr. 2015, n° 13-28.445 P, Dalloz actualité, 13 mars 2015, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2015. 495 image ; ibid. 1339, obs. A. Leborgne image ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle image ; AJDI 2015. 457 image, obs. F. de La Vaissière image), si bien que l’effet interruptif de prescription attaché à la délivrance du commandement de payer devait être regardé comme non avenu (v. déjà, Civ. 2e, 19 févr. 2015, n° 13-28.445 P, préc. ; 4 sept. 2014, n° 13-11.887 P, Dalloz actualité, 17 sept. 2014, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2014. 1828 image ; ibid. 2015. 1339, obs....

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Même après mainlevée la mesure conservatoire interrompt la prescription

La mainlevée d’une mesure conservatoire, ordonnée par le juge de l’exécution, a-t-elle pour effet de rendre non avenu l’effet interruptif du délai de prescription ou de forclusion attachée à la mesure ? C’est à cette question épineuse qu’a répondu la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt rendu commenté rendu le 17 mai 2023.

La décision

Les faits étaient assez classiques. Sur le fondement de plusieurs décisions de justice, une société a fait pratiquer un nantissement provisoire de parts sociales détenues par un débiteur dans son capital social, mesure conservatoire dont la mainlevée a été ordonnée par un juge. Lorsque, quelques temps plus tard, la société a fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente, le débiteur a soulevé une contestation et fait valoir que la prescription était acquise. Le créancier a, de son côté, soutenu que le nantissement provisoire de parts sociales avait interrompu le délai de prescription. Il fallait donc déterminer si la mainlevée ordonnée par le juge avait privé la mesure conservatoire de tout effet interruptif du délai de prescription. La cour d’appel a fait droit à l’argumentation du créancier en soulignant notamment que, malgré la décision de mainlevée, la mesure conservatoire n’en avait pas moins produit son effet interruptif jusqu’à cette date. Le débiteur a formé un pourvoi en cassation pour notamment faire valoir que « le défaut de réunion des conditions de fond requises pour la prise de la mesure conservatoire litigieuse justifiant le prononcé de sa mainlevée impliquait nécessairement soit sa caducité, soit sa nullité et la privait ainsi rétroactivement de son effet interruptif de prescription ». La Cour de cassation a cependant rejeté le pourvoi aux termes des motifs suscités.

Explications

L’article 2244 du code civil prévoit que le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée. Mais la procédure peut ne pas être menée jusqu’à son terme et il peut être donné mainlevée de la mesure. La décision qui ordonne la mainlevée emporte ainsi suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d’indisponibilité dès sa notification (C. pr. exéc., art. R. 121-18). Mais, lorsqu’est pratiquée une mesure conservatoire ou une mesure d’exécution forcée, cette décision de mainlevée ne dit rien de ses causes. Comme cela a été justement souligné par plusieurs auteurs : « il est important de souligner que la mainlevée désigne un résultat qui peut avoir d’autres causes que la rétractation de l’autorisation du juge : par exemple, la nullité de l’ordonnance, ou sa caducité si le créancier n’a pas accompli dans les délais impartis les diligences nécessaires pour obtenir un titre exécutoire » (R. Perrot et P. Théry, Procédures civiles d’exécution, 3e éd., Dalloz 2013, n° 1141 ; v. égal., D. Lebeau, La mainlevée, Dr. et pr. 2004. 249, spéc. n° 8). En somme, la notion de mainlevée est, pour ainsi dire, neutre. Si elle peut résulter de la disparition rétroactive de l’acte de saisie, cela n’est pas obligatoire. Il est dès lors possible d’affirmer que, par elle-même, la décision de mainlevée ne doit pas conduire à regarder comme non avenu l’effet interruptif du délai de prescription ou de forclusion attaché à la mesure d’exécution forcée ou à la mesure conservatoire (D. Lebeau, préc., n° 34). Pour déterminer si l’effet interruptif du délai de prescription ou de forclusion demeure, il n’est pas suffisant d’analyser la décision de mainlevée. Il faut également rechercher si celle-ci ne résulte pas d’une disparition rétroactive de l’acte de saisie.

On sait que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable. Elle doit néanmoins justifier de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement et que, dans quelques hypothèses, le créancier peut pratiquer une mesure conservatoire sans être tenu de solliciter une autorisation du juge (C. pr. exéc., art. L. 511-1 et L. 511-2). Mais, dans tous les cas, le juge de l’exécution peut être saisi afin de donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions pour pratiquer...

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Bruxelles I : portée de la prise de connaissance par une partie à un jugement étranger de la décision déclarant exécutoire ce jugement en l’absence de signification de cette dernière

L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 25 mai 2023 confirme que la seule prise de connaissance d’une décision d’exequatur ne permet pas de pallier l’absence de signification de cette décision.

En l’espèce, un litige se déroulant en Italie a donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel de Milan jugeant qu’une chanson constituait une contrefaçon d’une autre œuvre musicale. Sur ce fondement, l’arrêt a condamné les sociétés et deux individus à réparer les préjudices moraux et patrimoniaux subis par une autre société et deux individus, tout en leur interdisant toute utilisation et exploitation de cette chanson. La condamnation a par ailleurs été confirmée par un arrêt de la Cour de cassation italienne le 11 mai 2012.

Ces arrêts ont par la suite été déclarés exécutoires en France, en vertu de deux jugements du Tribunal de grande instance de Paris, rendus le 10 novembre 2015 et le 21 mars 2016, puis respectivement signifiés à la SACEM le 13 novembre 2015 et le 12 avril 2016.

C’est dans ces conditions que, par la suite, les parties ayant succombé devant les juges italiens ainsi que la SACEM ont été assignées, par les parties victorieuses, devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins d’obtenir la modification de la documentation relative à la chanson contrefaite et la répartition à leur profit des droits produits par son exploitation. L’une des personnes jugée contrefactrice par les juridictions italiennes a toutefois soulevé une fin de non-recevoir tirée de l’absence de signification des décisions déclarant exécutoires en France les arrêts des juridictions italiens.

Dans un arrêt rendu le 10 décembre 2021, les magistrats de la Cour d’appel de Paris ont rejeté une telle fin de non-recevoir aux motifs que les décisions qui déclaraient exécutoires les arrêts italiens avaient été portées à la connaissance de la partie contrefactrice dans le cadre de la...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 29 mai 2023

Sélection par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d’enseignement à l’Université d’Aix-Marseille, et Laurent Dargent, Rédacteur en chef

Famille

Divorce : modalités de versement en capital de la prestation compensatoire et office du juge

Selon l’article 275, alinéa 1er, du code civil, lorsque le débiteur de la prestation compensatoire n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. Il appartient au juge qui fait application de ce texte de fixer le montant des versements périodiques. (Civ.1re, 1er juin 2023, n° 21-22.951, F-B)

Patrimonial

Indivision de la nue-propriété : pas d’indemnité d’occupation de l’indivisaire occupant en l’absence d’indivision en jouissance

Selon l’article 815-9 du code civil, l’indemnité due au titre de l’occupation d’un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l’indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère. Aux termes de l’article 582 du même code, l’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit. Il résulte de ces textes qu’en cas d’indivision portant sur la nue-propriété, l’indivisaire occupant n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation à cette indivision, en l’absence d’indivision en jouissance. (Civ. 1re, 1er juin...

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Produit défectueux mis en circulation après le 25 juillet 1985 mais avant le 19 mai 1998 : retour vers le futur

On aurait pu penser que, presque quarante ans après la directive européenne du 25 juillet 1985 (Dir. 85/374/CEE du Conseil du 25 juill. 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux), les questions d’application dans le temps de la législation relative aux produits défectueux s’étaient taries. Et pourtant, en 2023, la Cour de cassation se prononce encore sur le droit applicable lorsqu’un produit défectueux a été mis en circulation après l’expiration du délai de transposition de la directive mais avant l’entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998.

En l’espèce, en juin 1991, la société Renault véhicules industriels, aux droits de laquelle vient la société Renault Trucks, a vendu un autocar à la société Marcot. En janvier 1999, la société Renault véhicules industriels a apporté sa branche d’activité « autocars et autobus » à la société Irisbus, devenue Iveco France. Quelques mois plus tard, l’autocar, vendu en 1991 par la société Renault véhicules industriels et acquis par la société Marcot, subit un accident, lequel a pour conséquences le décès du chauffeur et des blessures aux passagers.

En juin 2005, la société Marcot, ainsi que son assureur de responsabilité et son assureur des dommages au véhicule, assignent en responsabilité les sociétés Iveco France et Renault Trucks, lesquelles vont appeler en garantie leurs assureurs. Les ayants droit du chauffeur décédé, ainsi que la CPAM des Vosges sont intervenus à l’instance. À l’appui de sa demande, la société Marcot invoque le fait que l’accident a été causé par la rupture d’un élément de roue de l’autocar. C’est donc une défectuosité du produit qui serait à l’origine du dommage. Nous nous concentrerons ici sur les aspects de l’arrêt ayant trait à la responsabilité du fait des produits défectueux et laisserons de côté les arguments des demandeurs relatifs aux dommages ne relevant pas du champ d’application de la directive de 1985.

La chambre commerciale s’était déjà prononcée sur cette affaire, le 18 mai 2016 (Com. 18 mai 2016, n° 14-16.234 P, Dalloz actualité, 6 juin 2016, obs. X. Delpech ; D. 2016. 1134 image). La Haute juridiction avait alors cassé la solution rendue par la Cour d’appel de Reims le 4 février 2014, au motif que les juges du fond avaient déclaré l’action prescrite, sans rechercher si le droit interne dont ils avaient fait application ne devait pas être interprété à la lumière de la directive européenne du 25 juillet 1985. Statuant sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Metz a déclaré irrecevables les demandes de la société Marcot.

Pour statuer ainsi, les juges du fond ont doublement interprété les règles de droit interne à la lumière de la directive du 25 juillet 1985. D’abord, ils ont considéré que les préjudices moral, financier, commercial et d’image étaient réparables sur le fondement de l’article 1147 du code civil alors applicable à la cause, interprété à la lumière de la directive. Ensuite, ils ont relevé que le point de départ du délai de prescription de dix ans devait être fixé à la date de mise en circulation du bus litigieux, interprétant l’article L. 110-4 du code de commerce – dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile – à la lumière de la directive européenne. Les juges en avaient alors conclu que l’action était prescrite.

La première chambre civile est cette fois saisie par un pourvoi principal formé par la société Marcot et un pourvoi incident, formé par son assureur de responsabilité civile.

Deux arguments principaux sont avancés devant la Haute juridiction et tendent à contester l’interprétation du droit interne qu’a réalisé la cour d’appel. En effet, la difficulté dans cette affaire tient au fait que le produit défectueux, en l’occurrence l’autocar, a été mis en circulation en 1990, soit après l’expiration du délai de transposition de la directive européenne de 1985, qui était fixé au 30 juillet 1988 (P. le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats. Régimes d’indemnisation, Dalloz Action, 2021-2022, n° 6311.11), mais avant l’entrée en vigueur de la loi de 1998 qui a transposé la directive en droit interne.

Les juges du fond ont alors choisi d’interpréter les règles de droit interne à la lumière de la directive, à la fois pour se prononcer sur le dommage réparable et sur le délai de prescription. Or, premièrement, selon les demandeurs au pourvoi, le préjudice moral, financier, commercial et d’image ne découle pas d’une atteinte à la personne ou à un bien autre que le...

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Formalisme et appel à jour fixe : n’en jetez plus !

L’appel à jour fixe est complexe et rigoureux. C’est pourquoi on peut se réjouir de ce dernier-né jurisprudentiel qui refuse d’y ajouter une nouvelle dose de formalisme. Cet arrêt rendu en formation de section et promis à publication au Bulletin met un terme immédiat à ce qui pouvait apparaître comme une nouvelle dérive formaliste de certaines juridictions du fond.

L’affaire est des plus classiques. Des débiteurs relèvent appel d’un jugement d’orientation en matière de saisie immobilière. Pour reprendre une formule doctrinale inspirée, il s’agit alors d’un « jour fixe imposé », suivant l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution (C. Laporte, La procédure à jour fixe dans tous ses états, Procédures 2014. Étude 8). Les débiteurs appelants requièrent donc du premier président l’autorisation d’assigner le créancier à jour fixe. L’autorisation obtenue, ils assignent l’intimé au jour fixé. Puis, ils remettent avant la date fixée pour l’audience la copie de la seule assignation au greffe de la cour d’appel. Sur quoi, un incident s’élève : la cour d’appel estime qu’il leur appartenait de remettre également la requête aux fins d’être autorisés d’assigner à jour fixe, l’ordonnance du premier président ainsi que la déclaration d’appel. Pour cette raison, elle déclare l’appel irrecevable.

L’appelant se pourvoit en cassation et va droit au but : selon lui, « la cour est valablement saisie par la remise par voie électronique au greffe de la seule assignation » (§ 3). La problématique en découlant est verbalisée par la Cour de cassation : « La question posée par le moyen est celle de savoir si l’article 922 du code de procédure civile, interprété à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, impose ou non, pour que la cour d’appel soit saisie, que soient jointes à la copie de l’assignation les copies de la requête, de l’ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d’appel » (§ 6).

La solution est nette : « L’article 922 du code de procédure civile n’impose pas que soient jointes à la copie de l’assignation remise au greffe, les pièces, destinées à l’information de l’intimé, mentionnées à l’article 920 du code de procédure civile » (§ 9). Pour aboutir à cette solution, la Cour de cassation assène un argument élémentaire : les pièces mentionnées par ledit article 920, en particulier la requête aux fins d’autorisation d’assigner à jour fixe et l’autorisation présidentielle consécutive, sont déjà versées au dossier de la cour (§ 7) ; de sorte qu’il n’est nul besoin de les exiger à nouveau en vue de sa saisine : « Toute autre interprétation constituerait une entrave disproportionnée à l’accès au juge en méconnaissance de l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (§ 10). La Cour de cassation prend encore soin de dissocier les textes et leur fonction, en rappelant que l’article 922 du code de procédure civile a « pour seul objet d’énoncer les formalités nécessaires à la saisine de la cour d’appel, celle-ci, devant être saisie par la remise d’une copie de l’assignation » (§ 8). Il est ainsi distancié de l’article 920 du même code, dont l’objet est autre.

Obiter dictum, la Cour de cassation ajoute que l’absence de remise au greffe de la seule assignation conformément audit article 922 est sanctionnée par la caducité de la déclaration d’appel, et non par l’irrecevabilité de l’appel (§ 12). Cassation avec renvoi est prononcée sur ces motifs.

La solution livrée...

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Responsabilité du commissaire de justice et caractère exécutoire du titre fondement de la saisie

par Nicolas Hoffschir, maître de conférences à l'Université d'Orléansle 6 juin 2023

Civ. 1re, 17 mai 2023, F-B, n° 21-23.773

Le commissaire de justice peut-il voir sa responsabilité engagée lorsqu’il entreprend de pratiquer une saisie sur le fondement d’une décision de justice qui n’est pas encore exécutoire ? Ainsi posée, la question appelle une réponse qui ne peut être qu’affirmative. Il n’est pourtant pas toujours évident de déterminer si un jugement est bel et bien exécutoire ; l’arrêt commenté en témoigne.

L’histoire était assez banale : un commissaire de justice s’est vu donné mandat pour pratiquer une saisie-attribution. Le débiteur a cependant assigné les créanciers saisissants en contestation de la saisie et le commissaire de justice en responsabilité et indemnisation en faisant valoir que la saisie avait été pratiquée alors que le jugement qui fondait les poursuites n’était pas encore exécutoire. Le juge de l’exécution a annulé les saisies. Mais la cour d’appel n’a cependant pas fait droit à la demande d’indemnisation formée par le débiteur à l’encontre du commissaire de justice en relevant que ce dernier avait fait procéder à la signification du jugement avant de pratiquer la saisie et qu’il n’est pas juge de la régularité des significations.

La première chambre civile de la Cour de cassation n’a cependant pas partagé cette manière de voir les choses. Après avoir souligné qu’il résulte de l’article 1240 du code civil et L. 122-2 du code des procédures civiles d’exécution qu’il incombe à...

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La CEDH valide la possibilité de contestation de reconnaissance d’un enfant issu d’une assistance AMP avec tiers donneur

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estime que les juridictions françaises n’ont pas excédé leur marge d’appréciation en jugeant, dans un arrêt du 8 juin 2023, que l’intérêt supérieur de l’enfant ne se trouvait pas dans le maintien d’une reconnaissance d’un enfant issu d’une AMP avec tiers donneur qui ne reposait ni sur un lien biologique ni sur un lien identitaire ou familial. Elle conclut à l’absence de violation de l’article 8 garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant.

C’est l’épilogue d’une affaire dont il convient de rappeler les circonstances. Un couple français, marié le 8 septembre 2012, avait bénéficié en Espagne d’un double don de sperme et d’ovocytes dont il ne pouvait à l’époque bénéficier en France (outre qu’ils n’étaient plus en âge de procréer). Le 1er novembre 2012, le mari avait donné en Espagne son consentement à une fécondation in vitro. Le 12 mai 2013, un transfert d’embryon a été effectué, donnant naissance à un enfant six mois plus tard, le 10 novembre 2013. Or, la communauté de vie avait cessé entre les époux depuis le 29 mars 2013 et le 3 mai 2013, quelques jours avant le transfert d’embryon, les époux avaient présenté une requête en divorce par consentement mutuel, laquelle a abouti à un jugement de divorce prononcé le 11 juin 2013, homologuant une convention du 30 avril 2013 portant règlement des effets du divorce (c’était avant le divorce sans juge). Pourtant, le 12 novembre 2013, l’ex-mari a reconnu l’enfant (probablement parce que l’enfant, bien que conçu pendant le mariage, avait été déclaré à l’état civil sans indication du nom du mari et que la présomption de paternité se trouvait écartée ; l’article 315 du code civil permet alors au mari de reconnaître l’enfant). Puis, se ravisant, l’ex-mari introduit deux ans plus tard, le 20 janvier 2015, une action en contestation de paternité.

Annulation de la reconnaissance de paternité par les juridictions françaises

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence ayant annulé la reconnaissance de paternité, sur le fondement de l’article 311-20 (anc.) du code civil (abrogé par la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021, mais dont les termes sont repris aujourd’hui par l’art. 342-10 du même code), la mère et l’administrateur ad hoc désigné à l’enfant se sont pourvus en cassation, soutenant en particulier dans l’un des moyens, que les juges auraient dû rechercher concrètement si la mise en œuvre des dispositions de l’article 311-20 du code civil (dont on aurait pu se demander s’il était applicable en l’espèce, puisque les conditions de mise en œuvre de l’AMP au sens du droit français n’avaient pas été respectées) ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant, au regard d’un juste équilibre à ménager entre les intérêts en présence. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, estimant que la cour d’appel a bien procédé au contrôle de proportionnalité qui lui était demandé, mais qu’elle avait pu considérer in concreto que l’intérêt supérieur de l’enfant résidait avant tout dans l’accès à ses origines, que la destruction du lien de filiation avec le mari n’excluait pas pour l’avenir l’établissement d’un nouveau lien de filiation, et que l’annulation de la reconnaissance ne portait donc pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant (Civ. 1re, 14 oct. 2020, nos 19-18.791 et 19-12.373, Dalloz actualité, 28 oct. 2020, obs. L. Gareil-Sutter ; D. 2020. 2065 image ; ibid. 2021. 657, obs. P. Hilt image ; ibid. 923, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2020. 670, obs. M. Saulier image ; ibid. 546, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2021. 112, obs. A.-M. Leroyer image ; DP Santé, Bulletin n° 319/320, nov.-déc. 2020, p. 1 ; Dr. fam. 2021. Comm. 3, note C. Siffrein-Blanc ; LEFP déc. 2020, n° 113e9, p. 1, obs. A. Batteur ; RJPF 2020-12/17, obs. J. Garrigue et A. Gouëzel).

Recours devant la Cour européenne des droits de l’homme

La mère et l’enfant (désormais majeure) ont saisi la CEDH d’une requête en invoquant la violation de l’article 8 de la Convention. Elles ont soutenu que « le juge interne a fait une application automatique de l’article 311-120, alinéa 3, du code civil » sans rechercher si, concrètement, cela portait une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 5 juin 2023

Sélection par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d’enseignement à l’Université d’Aix-Marseille, et Laurent Dargent, Rédacteur en chef

 

Contrats

Vente à réméré : prescription de l’action tendant à faire juger qu’une partie a valablement exercé une faculté de rachat

L’exercice du droit de réméré constitue l’accomplissement, par le vendeur qui en bénéficie, d’une condition résolutoire replaçant les parties dans le même état où elles se trouvaient avant la vente sans opérer une nouvelle mutation. Il en résulte que le vendeur ne retrouve la propriété de son bien, qui a été transférée à l’acquéreur par la vente avec faculté de rachat, que par l’effet de l’exercice régulier de son droit personnel de rachat qui entraîne la résolution de la vente. Viole les articles 2224 et 1659 du code civil la cour d’appel qui pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande des vendeurs tendant à voir constater qu’ils ont régulièrement usé de leur faculté de rachat et qu’en conséquence ils sont propriétaires, retient que les vendeurs sont redevenus propriétaires dès la notification de leur choix d’user de leur faculté de rachat et que leur action n’a d’autre objet qu’une revendication immobilière par nature imprescriptible, alors que l’action des vendeurs, en ce qu’elle était fondée sur l’exercice régulier de la faculté contractuelle de rachat prévue à l’acte de vente, était une action personnelle soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil. (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 22-17.992, FS-B)

Contrat d’entreprise: exécution d’une sous-traitance annulée et évaluation de la créance de restitution du sous-traitant

Il résulte des articles 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 que, dans le cas où le sous-traité annulé a été exécuté, la créance de restitution du sous-traitant correspond au coût réel des travaux réalisés, à l’exclusion de ceux qu’il a effectués pour reprendre les malfaçons dont il est l’auteur. Viole ces textes la cour d’appel qui pour évaluer la valeur réelle de la prestation d’une société, retient que le sous-traitant est en droit d’obtenir la restitution de toutes les sommes réellement déboursées, comprenant le coût réel des travaux réalisés initialement et celui des travaux réalisés en reprise des malfaçons affectant les premiers, tenant ainsi compte de la valeur des travaux réalisés par le sous-traitant pour reprendre ceux qu’il avait mal exécutés. (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 22-13.330, FS-B)

Construction à forfait d’un ouvrage : paiement du prix des travaux supplémentaires et portée de la procédure contractuelle de clôture des comptes

En application de l’article 1793 du code civil, lorsqu’un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un ouvrage, il ne peut réclamer le paiement de travaux supplémentaires que si ces travaux ont été préalablement autorisés par écrit et leur prix préalablement convenu avec le maître de l’ouvrage ou si celui-ci les a acceptés de manière expresse et non équivoque, une fois réalisés. La procédure contractuelle de clôture des comptes mise en place par les parties ne peut prévaloir sur la qualification donnée au contrat. Il en résulte que, dans un marché à forfait, le silence gardé par le maître de l’ouvrage à réception du mémoire définitif de l’entreprise ou le non-respect par celui-ci de la procédure de clôture des comptes ne vaut pas acceptation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires dont celle-ci réclame le paiement. Viole ce texte la cour d’appel qui pour condamner le maître d’ouvrage à payer à l’entrepreneur, les sommes qu’il réclamait, retient que les parties se sont soumises, conformément au marché, à la procédure d’établissement du décompte définitif telle que définie par la norme NF P 03-001 et qu’à défaut de toute réponse du maître de l’ouvrage dans le délai de trente jours dont il disposait pour accepter ou refuser les observations de l’entreprise, celui-ci est réputé avoir accepté le solde du prix des travaux chiffré par cette dernière, alors qu’elle avait constaté que les parties étaient convenues d’un prix forfaitaire et que l’entrepreneur réclamait, au-delà de ce prix, le paiement de travaux supplémentaires. (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 22-10.393, FS-B)

Filiation

Accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs : constitutionnalité sous réserve

Sous la réserve, la première phrase du 6 ° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, est déclarée conforme à la Constitution.
Sur la garantie des droits
L’article L. 2143-6 du code de la santé publique, créé par la loi du 2 août 2021, prévoit désormais qu’une personne majeure née à la suite d’un don de gamètes ou d’embryons réalisé avant une date fixée par décret au 1er septembre 2022 peut saisir la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur d’une demande d’accès à ces informations.
Les dispositions de cet article prévoient que, dans ce cas, la commission contacte le tiers donneur afin de solliciter et de recueillir son consentement à la communication de ses données non identifiantes et de son identité ainsi qu’à la transmission de ces informations à l’Agence de la biomédecine.
Si ces dispositions permettent ainsi à la personne issue du don d’obtenir communication des données non identifiantes et de l’identité du tiers donneur, cette communication est subordonnée au consentement de ce dernier. Dès lors, elles ne remettent pas en cause la préservation de l’anonymat qui pouvait légitimement être attendue par le tiers donneur ayant effectué un don sous le régime antérieur à la loi du 2 août 2021.
Sur le droit au respect de la vie privée
En premier lieu, les dispositions contestées se bornent à prévoir que le tiers donneur peut être contacté par la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur en vue de recueillir son consentement à la communication de ces informations. Elles n’ont pas pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles est donné le consentement et ne sauraient avoir pour effet, en cas de refus, de soumettre le tiers donneur à des demandes répétées émanant d’une même personne.
En second lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer le respect de la vie privée du donneur, tout en ménageant, dans la mesure du possible et par des mesures appropriées, l’accès de la personne issue du don à la connaissance de ses origines personnelles. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur l’équilibre ainsi défini entre les intérêts du tiers donneur et ceux de la personne née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.
Sous la réserve de ce qu’en cas de refus, le tiers donneur ne devra pas subir de demandes répétées de la personne, le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit donc être écarté.
(Cons. const., 9 juin 2023, n° 2023-1052 QPC)

Interdiction de la filiation entre l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation et le tiers donneur : constitutionnalité (oui)

Le premier alinéa de l’article 342-9 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, et qui prévoit qu’aucun lien de filiation ne peut être établi entre le tiers donneur et l’enfant issu de son don, est conforme à la Constitution.
En premier lieu, le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit, pour le tiers donneur, à l’établissement, selon...

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Saisie immobilière : créanciers inscrits non intimés, fin de non-recevoir et ordre public

À la faveur d’un arrêt prononcé le 17 mai 2023, la Cour de cassation apporte de très intéressantes précisions sur le régime des fins de non-recevoir dans le contexte d’une procédure de saisie immobilière.

En l’espèce, une banque fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à une société et l’assigne, ainsi que les créanciers inscrits, devant le juge de l’exécution compétent. Dans un premier jugement d’orientation, ledit juge constate que les conditions – visées aux articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution – sont remplies et ordonne la réouverture des débats de façon à ce que la banque créancière produise un décompte actualisé de sa créance. S’ensuit un second jugement dans lequel la vente forcée de l’immeuble litigieux est ordonnée. La société débitrice interjette appel contre ces deux jugements. Déboutée, elle forme alors un pourvoi en cassation. Après avoir respecté le principe du contradictoire et avisé les parties (C. pr. civ., art. 1015), les hauts conseillers décident de casser l’arrêt attaqué – au visa des articles 125 et 553 du code de procédure civile – en relevant d’office un moyen de pur droit ; faisant en cela usage de la possibilité qui leur est offerte par l’article 620, alinéa 2, du code de procédure civile.

L’attention se focalise sur la circonstance que, contrairement au créancier poursuivant, les créanciers inscrits n’avaient pas été intimés. Or, ainsi que le rappelle la Cour de...

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Revirement de jurisprudence concernant le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité contre l’avocat

Parmi les arrêts dont il faudra se souvenir pour le millésime 2023, celui rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 juin que nous commentons aujourd’hui aura assurément une place de choix. Publié à la fois au Bulletin mais également aux sélectives Lettres de chambre, il aurait presque pu être promis aux honneurs du rapport annuel, mais la Cour de cassation ne lui a pas octroyé une telle publicité maximale. Il n’en est pas moins l’un des arrêts les plus importants de l’année tant son retentissement sur de nombreuses situations pratiques sera certain. L’arrêt traite, en effet, de la responsabilité de l’avocat et surtout du point de départ de la prescription applicable à cette action. Tout avocat sait à quel point la prescription extinctive peut jouer des tours même pour celui qui pense savoir la manier. La question de son point de départ reste, bien souvent, le nerf de la guerre. Depuis début 2022, on ne recense pas moins de trente décisions publiées au Bulletin dans lesquelles les différentes chambres de la Cour fixent des points de départ divers afin de donner à l’article 2224 du code civil tout son sens. Mais cette fois-ci, l’originalité de la décision est de s’intéresser à l’article 2225, lequel précise que l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission. Nous l’aurons compris, la principale innovation de l’arrêt du 14 juin 2023 est d’approfondir ce que l’on entend par la fin de la mission de l’avocat. Le terrain n’était pas vierge puisque des décisions avaient déjà pu explorer la question.

Rappelons brièvement les faits ayant donné lieu au pourvoi. À l’issue du prononcé d’un divorce, un jugement du 26 janvier 2012 statue sur le partage du régime matrimonial ayant existé entre les époux. Le 26 mars 2012, appel est interjeté de ce jugement. Mais voici que le magistrat chargé de la mise en état constate que la déclaration d’appel est caduque depuis le 26 juin 2012. Les raisons nous importent peu en l’état. Le 16 octobre 2017, l’ancien époux n’ayant pas pu faire valoir ses droits en appel, en raison de la caducité, assigne en responsabilité son avocat qui estime, quant à lui, l’action prescrite car diligentée plus de cinq ans après la décision de caducité. À hauteur d’appel de cette procédure en responsabilité, les juges du fond retiennent que la mission de l’avocat a pris fin à la date de l’ordonnance de caducité. Le client déçu se pourvoit en cassation, estimant que son action n’était pas prescrite. Dans un spectaculaire revirement de jurisprudence et grâce à un moyen relevé d’office, la première chambre civile rend cet arrêt du 14 juin 2023 précisant que « le délai de prescription de l’action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l’exécution de sa mission, court à compter de l’expiration du délai de...

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Écrits diffamatoires produits en justice : seule la loi sur la presse fonde une réparation

Le 6 avril 2018, la Société Générale fit pratiquer, en vertu d’un acte de prêt notarié en date du 11 juin 2007, une saisie-attribution sur le compte bancaire de deux époux. Ces derniers contestèrent la saisie devant un juge de l’exécution. Celui-ci les débouta et les condamna en outre à verser à la banque une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. La Cour d’appel d’Orléans confirma ce jugement. Dans leur pourvoi, les époux invoquaient, sur le fondement de l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme, le défaut d’impartialité de la cour d’appel, laquelle aurait statué en des termes de nature à faire peser un doute légitime sur l’existence d’un parti pris contre eux.

Accueillant le moyen, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel, estimant que la présentation faite par la cour d’appel des prétentions respectives des parties était bien de nature à faire peser un doute sur son impartialité. Et sur un moyen relevé d’office, elle tranche également la question – inédite – de savoir si une partie appelante peut être condamnée à des dommages-intérêts sur les fondements des articles 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil à raison du contenu de ses écritures produites devant la cour d’appel.

L’existence d’un doute légitime sur l’impartialité de la cour d’appel

Sur le moyen tiré du défaut d’impartialité de la cour d’appel, la Cour de cassation ancre son raisonnement dans la jurisprudence européenne qui opère une subtile distinction entre impartialité subjective (résultant de ce que le juge pense en son for intérieur) et objective (résultant des garanties offertes dans le cadre de la procédure pour exclure tout doute légitime).

Ce faisant, elle relève que, dans les motifs de l’arrêt d’appel, les thèses des parties sont analysées selon des méthodes différentes (celle de la banque étant présentée avec neutralité, et celle des débiteurs étant « ponctuée d’expressions révélant une appréciation subjective de leur cause et traduisant des jugements de valeur »). Elle en déduit qu’une telle présentation est « de nature à faire peser un doute légitime sur...

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Obligations de la banque en matière de prêt : quelques précisions

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 15 juin 2023

Civ. 1re, 7 juin 2023, F-B, n° 22-15.552

Le contentieux autour des devoirs de l’établissement bancaire qui octroie un crédit à une personne physique est abondant ces temps-ci (v. à ce titre par ex., Com. 5 avr. 2023, n° 21-21.184 F-B, Dalloz actualité, 1er juin 2023, obs. C. Hélaine). La première chambre civile, tout comme la chambre commerciale, publie un flot assez régulier de décisions promises aux honneurs du Bulletin. C’est le cas de l’arrêt commenté aujourd’hui, qui a été rendu le 7 juin 2023 et qui concerne un croisement intéressant entre le droit bancaire et le droit des obligations.

L’affaire ayant donné lieu au pourvoi est assez classique. Le 16 juillet 2014, des époux contractent un crédit renouvelable puis le 5 septembre suivant un prêt personnel remboursable en 84 mensualités dans l’optique de financer les études de leurs enfants. Les emprunteurs deviennent défaillants. Le 3 juin 2019, le créancier assigne ses débiteurs devant un tribunal d’instance aux fins de paiement de diverses sommes en remboursement de ces prêts. Les emprunteurs ont formé une demande reconventionnelle de condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde. Ils reprochent également un défaut d’information précontractuelle et donc une déchéance au droit aux intérêts de leur créancier. En cause d’appel, l’établissement bancaire est condamné à régler aux emprunteurs une somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts en raison de la réparation du préjudice de perte de chance subi par les deux emprunteurs. Les juges du fond retiennent toutefois que la banque avait pu satisfaire à son obligation d’information précontractuelle dans la mesure où une clause stipulait que les débiteurs reconnaissaient que la fiche d’informations...

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Des pouvoirs du juge des contentieux de la protection en matière de surendettement

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 14 juin 2023

Civ. 2e, 8 juin 2023, F-B, n° 20-21.625

Comme le note un auteur, l’ordonnance du 14 mars 2016 a conduit le code de la consommation à proposer une présentation formellement plus axée sur le volet procédural des dispositions concernant le surendettement des particuliers dans le code de la consommation (J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2021, p. 425, n° 334). Cette tendance désormais bien ancrée dans notre droit positif implique que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation soit saisie de questions procédurales parfois délicates à ce propos. L’arrêt rendu le 8 juin 2023 s’inscrit dans cette tendance en ce qu’il permet de rappeler que le juge des contentieux de la protection dispose de pouvoirs inégaux en fonction du stade de la procédure suivie par le particulier en difficulté. Les faits ayant donné lieu au pourvoi sont assez rapides à rappeler. Une commission de surendettement des particuliers déclare recevable la demande d’une personne physique tendant au traitement de sa situation financière. Le service des impôts, en sa qualité de créancier, forme un recours contre cette décision de recevabilité. Le juge saisi constate l’état d’endettement et la bonne foi de la personne physique ainsi que l’existence d’une situation irrémédiablement compromise. Il prononce le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Le comptable du service des impôts des entreprises de la localité concernée se pourvoit en...

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À défaut de droit de jouissance, pas d’indemnité d’occupation

par Mélanie Jaoul, Maître de conférences, Université de Montpellierle 13 juin 2023

Civ. 1re, 1er juin 2023, F-B, n° 21-14.924

Un couple marié en séparation de biens a fixé son domicile conjugal dans un appartement dont ils avaient la nue-propriété, l’usufruit étant détenu par la mère du mari. Malheureusement, le couple décide de se séparer. Le 12 mai 2014, le juge aux affaires familiales rend une ordonnance de non- conciliation dans laquelle il attribue la jouissance à titre onéreux du domicile conjugal à Monsieur. Le 26 mai 2016, le divorce est prononcé puis, le 10 avril 2018, Madame assigne son ex-conjoint en liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux. En cause d’appel (Nîmes, 17 févr. 2021, n° 19/04788), les juges du fond condamnent Monsieur à verser une indemnité d’occupation pour la jouissance privative du domicile conjugal à compter du 12 mai 2014. La cour d’appel estime que la seule privation de jouissance subie par le coindivisaire génère un droit à indemnité. Elle ajoute, en outre, que le démembrement de propriété entre les époux nus-propriétaires et l’usufruitière est indifférent dès lors que Monsieur occupe effectivement le bien indivis qui constituait le domicile conjugal occupé par les époux malgré ledit démembrement de propriété. Elle considère alors que le démembrement de propriété est sans incidence sur la privation de jouissance subie par l’épouse. L’ex-époux forme alors un pourvoi en cassation considérant que les juges du fond...

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Infections nosocomiales : de la bonne articulation entre la solidarité nationale et la responsabilité des établissements de santé

En matière d’accidents médicaux, la loi du 4 mars 2002 (Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) a mis en place un système de solidarité nationale, destiné à faciliter l’indemnisation des dommages résultant d’un accident médical, d’une infection iatrogène ou d’une infection nosocomiale. Par ce dernier terme, il faut comprendre toute infection qui serait survenue au cours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente ni en incubation au moment de sa prise en charge, qu’elle soit endogène ou exogène (CE 10 oct. 2011, Centre hospitalier d’Angers, n° 328500, Lebon image ; AJDA 2011. 1926 image ; ibid. 2536 image, note C. Lantero image ; ibid. 2012. 1665, étude H. Belrhali image ; D. 2012. 47, obs. P. Brun et O. Gout image). Pour les dommages les plus graves résultant d’une telle infection, l’article L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique prévoit les conditions dans lesquelles l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) assure la réparation. Ce dernier est un établissement public à caractère administratif de l’État, placé sous la tutelle du ministère de la Santé. Il est financé, pour une large part, par des fonds publics (v. Rép. resp. puiss. publ., v° Hôpitaux : régimes de responsabilité et de solidarité, par C. Grossholz, Dalloz, n° 263). Ainsi, lorsque l’Office assure la réparation d’un dommage, la réparation pèse, in fine, sur le contribuable. Il s’agit donc d’une indemnisation au titre de la solidarité nationale. À côté de ce régime d’indemnisation, il existe également un régime spécifique de responsabilité des établissements de soins. Le 14 juin 2023, la première chambre civile est venue rappeler comment concilier ces deux régimes.

Contexte de l’affaire et décision

En l’espèce, en 2012, une patiente a subi deux opérations chirurgicales au sein d’une clinique. Par la suite, elle a développé une infection et a subi deux reprises chirurgicales, avant de décéder d’une embolie pulmonaire. Sa famille a alors assigné en responsabilité et indemnisation la clinique ainsi que les médecins ayant réalisé les interventions.

Les médecins ont été condamnés in solidum à réparer les préjudices subis à hauteur de 80 % au titre de négligences dans la prise en charge. S’agissant des 20 % restant, c’est la responsabilité de la clinique qui a été recherchée. La Cour d’appel de Nîmes a rejeté les demandes formées contre cette dernière, au motif que la réparation incombait à l’ONIAM. Les juges du fond ont ainsi considéré que, pour les 20 % restants, il convenait de faire application du régime d’indemnisation spécifique des dommages les plus graves découlant d’infections nosocomiales, dont la réparation incombe à l’ONIAM.

La famille de la victime a formé un pourvoi en cassation, composé de deux moyens, dont seul le second est reproduit. Les demandeurs y reprochent aux juges du fond d’avoir rejeté leur demande qui tendait à ordonner à la clinique de mettre en cause l’ONIAM. Selon eux, dès lors qu’un dommage est indemnisable sur le fondement du régime d’indemnisation des dommages les plus graves résultant d’infections nosocomiales, l’ONIAM est appelé en la cause s’il ne l’a pas été initialement et il appartient alors au juge d’ordonner sa mise en cause. En ne le faisant pas, la cour d’appel aurait violé l’article L. 1142-21, I, alinéa 1er, du code de la santé publique et l’article 332 du code de procédure civile.

La solution de la Cour d’appel de Nîmes est cassée et annulée par la première chambre civile le 14 juin 2023. La Haute juridiction rappelle, à cette occasion, comment concilier la responsabilité des établissements de santé et l’indemnisation par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale.

Spécificité de la responsabilité des établissements de santé en matière nosocomiale

Sur un premier moyen relevé d’office, la Haute juridiction rappelle d’abord l’article L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique, qui dispose que les établissements, services et organismes dans lesquels des actes médicaux sont réalisés engagent leur responsabilité en cas de dommage résultant d’une infection nosocomiale, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. Cet article instaure un régime spécifique de responsabilité en matière nosocomiale : les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes médicaux sont responsables et ne peuvent se libérer qu’en invoquant une cause étrangère (déjà en ce sens, Civ. 1re, 8 févr. 2017, n° 15-19.716, Dalloz actualité, 1er mars 2017, obs. N. Kilgus ; D. 2017. 406 image ; ibid. 2224, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon image ; RTD civ. 2017. 412, obs. P. Jourdain image, en présence d’une victime indirecte). Autrement dit, si en vertu de l’alinéa 1er du même article, le professionnel de santé, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes médicaux ne répondent en principe que de leur faute, il n’en va pas de même en matière d’infections nosocomiales. L’établissement de santé dans lequel l’infection est contractée est responsable de plein droit et ne peut compter que sur la cause étrangère pour se libérer. L’article L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique, que rappelle la première chambre civile, pose ainsi un régime de responsabilité spécifique en matière d’infections nosocomiales, qu’il faut articuler avec le régime d’indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Articulation des articles L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique

L’article L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique, instauré par la loi n° 2022-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale, dispose qu’ouvrent droit à réparation par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d’infections nosocomiales correspondant à un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieure à 25 %, ainsi que les décès provoqués par ces infections. Ainsi, lorsqu’une infection nosocomiale entraîne un dommage d’une certaine gravité, l’ONIAM indemnise en lieu et place de l’établissement de santé dans lequel l’infection a été contractée. Dans ce cas, la réparation n’est pas subordonnée à la condition d’absence d’engagement de la responsabilité du prestataire de soins, contrairement à la réparation sur le fondement de l’article L. 1142-1-II du code de la santé publique. L’ONIAM ne peut donc pas s’exonérer en invoquant la responsabilité du prestataire de soins (en ce sens, v. C. Grossholz, préc., n° 288). Par principe, en application de l’article L. 1142-17, alinéa 1er, du code de la santé publique, l’ONIAM supporte alors la charge définitive de la réparation. Mais, par exception, l’Office dispose d’une action subrogatoire contre le professionnel ou l’établissement de santé en cas de faute établie (en ce sens, Civ. 1re, 28 sept. 2016, n° 15-16.117, D. 2016. 2437, obs. I. Gallmeister image, note M. Bacache image ; ibid. 2187, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon image ; ibid. 2017. 24, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image ; RTD civ. 2016. 875, obs. P. Jourdain image). Un exemple de faute est mentionné par l’article L. 1142-17, alinéa 7, du code de la santé publique : un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales.

En bref, en cas de dommage résultant d’une infection nosocomiale, deux régimes coexistent. D’abord un régime de responsabilité, qui fait peser une responsabilité de plein droit sur l’établissement, le service ou l’organisme dans lequel l’infection est contractée. Ensuite, un régime d’indemnisation, qui veut que l’ONIAM indemnise en lieu et place du responsable si le dommage répond aux critères posés à l’article L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique. Après avoir indemnisé, l’ONIAM conserve un recours contre le professionnel ou l’établissement si une faute est établie. Afin d’articuler ces deux régimes, un critère déterminant est nécessaire, qui est rappelé par la première chambre civile : la finalité de l’acte ou de l’intervention en cause.

Nécessité d’un acte à finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice

La Cour de cassation mentionne l’article L. 1142-3-1 du code de la santé publique, qui précise que le régime d’indemnisation au titre de la solidarité nationale n’est pas applicable aux demandes d’indemnisation pour des dommages imputables à des actes « dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice ». Autrement dit, pour que l’ONIAM indemnise, encore faut-il que l’acte litigieux ait une finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice. Au critère de gravité du dommage mentionné plus haut, s’ajoute le critère de la finalité de l’acte en cause. D’où la nécessité, pour les juges du fond, de se prononcer sur la finalité de l’acte ou de l’intervention. Autrement, l’un des critères d’application du régime d’indemnisation par la solidarité nationale n’est pas vérifié et la Cour de cassation n’est pas en mesure de contrôler l’applicabilité du régime d’indemnisation ou de responsabilité. La Cour d’appel de Nîmes ne s’étant pas prononcée sur la finalité de l’intervention qui avait entraîné l’infection, puis le décès, sa solution est censurée. Afin de garantir la bonne articulation du régime d’indemnisation au titre de la solidarité nationale et de la responsabilité des établissements de soins, il est donc nécessaire de se prononcer sur la réunion des conditions d’application de ces régimes.

Mise en cause de l’ONIAM

La première chambre civile casse également la solution de la cour d’appel en réponse au second moyen invoqué par les demandeurs. Les juges du fond, après avoir considéré que la réparation du dommage relevait de la compétence de l’ONIAM, avaient estimé qu’il revenait ensuite aux victimes de former leurs demandes auprès de celui-ci. La Haute juridiction, de son côté, rappelle l’article L. 1142-21, alinéa 1er, du code de la santé publique, qui précise que lorsque la juridiction compétente estime que les dommages subis sont indemnisables au titre de la solidarité nationale, l’ONIAM est appelé en la cause et devient défendeur à la procédure. Nul besoin pour les victimes de former, dans un second temps, leurs demandes auprès de celui-ci. Une telle solution s’entend : l’objectif de la loi du 4 mars 2002 est en effet d’améliorer les droits des patients et de faciliter l’indemnisation de leurs dommages. Contraindre une victime à se tourner ensuite vers l’ONIAM après qu’une juridiction a estimé que son dommage était indemnisable au titre de la solidarité nationale irait à l’encontre de cet impératif.

Le régime de responsabilité des établissements de soins et le régime d’indemnisation par l’ONIAM obéissent ainsi à des logiques différentes : pour le premier, on considère que celui qui a causé un dommage doit répondre des conséquences de ses actes ; pour le second, on considère qu’une victime ne doit pas être laissée sans réparation et qu’à ce titre la réparation incombe à un tiers, par solidarité. À logiques différentes, champs d’application différents et règles différentes. C’est, finalement, ce que rappelle la première chambre civile dans cet arrêt du 14 juin 2023.

Inopposabilité de la modification du contrat d’assurance de groupe en l’absence de remise de notice d’information

Décision doublement intéressante rendue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 25 mai 2023. Avant que de se pencher une fois encore sur l’exigence de remise de la notice d’information soulevée par le pourvoi principal, la Cour eut à trancher une question procédurale soulevée par le pourvoi incident et mettant en jeu la recevabilité des demandes formulées en appel. Anecdotique au regard de l’affaire, ce débat procédural ne l’est pas intrinsèquement dans un environnement jurisprudentiel marqué, y compris récemment, par d’interminables discussions et de lourds enjeux pour les avocats : il ne peut être occulté.

La déclaration d’appel peut ne pas mentionner la demande d’infirmation des chefs de jugement expressément critiqués

Le premier point, propre à la procédure, mérite donc de retenir l’attention des praticiens – même peu intéressés par l’assurance collective – exposés dans des conditions difficilement tolérables au pointillisme procédural, souvent à l’initiative des magistrats, mais parfois également à celle de leurs confrères. La recevabilité de l’appel formé à l’encontre de la décision du tribunal de grande instance avait été contestée au prétexte que, dans la déclaration d’appel, l’appelant s’était borné à inscrire le dispositif du jugement critiqué sans formuler ses prétentions en cas de reformation : les intimés, tatillons, en déduisaient que la cour d’appel n’était saisie d’aucune demande et que, partant, l’appel était irrecevable. Le grief n’avait pas prospéré : la cour avait retenu que, par la seule mention des chefs du jugement critiqué, l’appelant demandait « implicitement mais nécessairement » qu’il soit fait droit aux demandes initiales (Agen, 4 janv. 2021, n° 18/00291). Le pourvoi incident critiquait la recevabilité ; il est heureusement rejeté par la Cour de cassation : ni l’article 901, 4°, ni l’article 562 du code de procédure civile n’exigent que la déclaration d’appel mentionne, s’agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu’il en est demandé l’infirmation. De meilleurs spécialistes de la procédure apprécieront la portée de la décision. Cela n’empêche pas d’accueillir cette dernière avec soulagement, et d’observer que, outre sa conformité aux textes, elle s’inscrit dans un courant qui tend à alléger une rigueur procédurale à l’utilité sociale contestable. Après le feuilleton des « dire », « juger » et « constater » qui paraît trouver une fin heureuse (Civ. 2e, 13 avr. 2023, n° 21-21.463), après qu’a été ouverte la régularisation de la déclaration d’appel, nulle ou privée d’effet dévolutif (Cass., avis, 20 déc. 2017, n° 17-70.034, D. 2018. 18 image ; ibid. 692, obs. N. Fricero image ; ibid. 757, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle image ; AJ fam. 2018. 142, obs. M. Jean image ; Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon image ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry image ; ibid. 458, obs. N. Cayrol image ; 29 sept. 2022, n° 21-10.334) en dépit d’une contrainte procédurale et technique improbable (Soc. 13 janv. 2022, n° 20-17.516, Dalloz actualité, 20 janv. 2022, obs. R. Laffly ; D. 2022. 325 image, note M. Barba image ; ibid. 625, obs. N. Fricero image ; ibid. 2023. 523, obs. M. Douchy-Oudot image ; AJ fam. 2022. 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra image ; Rev. prat. rec. 2022. 9, chron. D. Cholet, O. Cousin, M. Draillard, E. Jullien, F. Kieffer, O. Salati et C. Simon image) et quoique demeure, de manière à peine atténuée (Civ. 2e, 3 mars 2022, n° 20-20.017, Dalloz actualité, 12 mars 2022, obs. C. Lhermitte ; D. 2022. 515 image ; AJ fam. 2022. 176, obs. D. D’Ambra image ; Rev. prat. rec. 2022. 8, chron. E. Jullien et R. Laher image), l’enjeu du « infirmer » dans les conclusions d’appel (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, Dalloz actualité, 1er oct. 2020, obs. C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020. 2046 image, note M. Barba image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; ibid. 1353, obs. A. Leborgne image ; AJ fam. 2020. 536, obs. V. Avena-Robardet image ; D. avocats 2020. 448 et les obs. image ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. I. Faivre, A.-I. Gregori, R. Laher et A. Provansal image ; RTD civ. 2021. 479, obs. N. Cayrol image), il est heureux que ne soient pas ajoutées de nouvelles exigences dont l’accomplissement ne présente aucun intérêt particulier pour l’intimé, ni même pour les magistrats.

Conditions d’opposabilité à l’adhérent de la modification du contrat d’assurance de groupe

Passé cet incident de...

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La CEDH n’exclut pas que le droit à la vie puisse être mobilisé contre une banque

Le droit à la vie est souvent cité comme le droit fondamental par excellence. Il est sans doute le plus connu des droits, bien que ses ramifications ne soient pas toujours pleinement prises en compte. Un récent arrêt de la Cour européenne rendu contre la Grèce confirme l’existence d’un contentieux non encore apparent en la matière, appliquant – silencieusement – ce droit à la relation liant une banque à ses clients.

L’impossibilité d’accéder au compte bancaire

Les requérants étaient les parents d’un enfant gravement malade. Face au coût important des traitements administrés en Grèce puis au Royaume-Uni, une collecte de fonds fut organisée par des médias. Un compte-épargne joint fut ouvert au nom des requérants et de leur fils. Le solde du compte atteignait près de 300 000 € après quelques mois. Les parents effectuaient aussi des versements sur ce compte et ils prélevaient de l’argent pour payer les soins lorsqu’ils en avaient besoin.

Le 13 juin 2000, la banque bloqua le compte estimant que la situation était contraire à la loi de 1931 relative aux collectes de dons : elle n’autorisait de telles collectes qu’à travers des associations. L’Union des banques grecques avait, en effet, reçu un courrier du ministre rappelant que pour ouvrir un compte pour...

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Règlement Bruxelles I : du nouveau à propos de l’obligation de concentration des demandes au sein d’une instance

En répondant à une question préjudicielle posée par la chambre sociale de la Cour de cassation (Soc. 8 sept. 2021, n° 19-20.538 FS-B, D. 2021. 1633 image ; ibid. 2022. 915, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; RTD eur. 2022. 207, obs. A. Jeauneau image) concernant l’interprétation des articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, dit « Bruxelles I », l’arrêt rendu le 8 juin 2023 par la Cour de justice de l’Union européenne devrait autant nourrir les débats sur l’autorité de la chose jugée que sur les effets des jugements rendus au sein de l’Union européenne.

Nœud du problème

En l’espèce, un salarié a été recruté le 25 août 1998 par la BNP Paribas, en vertu d’un contrat de droit anglais, afin qu’il travaille au sein de la succursale de la banque, située à Londres. Le 2 avril 2009, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée, de droit français, prévoyant le détachement du salarié à Singapour avant d’être, une nouvelle fois, affecté à la succursale de Londres en vertu d’un avenant daté du 16 août 2010.

C’est au cours de son détachement à Singapour que le salarié aurait commis une faute grave, justifiant son licenciement par une lettre du 30 septembre 2013. L’intéressé a donc saisi un juge anglais d’une action en contestation de licenciement abusif et en indemnisation, tout en formulant une réserve tendant à présenter par ailleurs des demandes de paiement en lien avec la rupture de son contrat de travail. Un jugement a été rendu le 26 septembre 2014, qui a déclaré l’action bien fondée et renvoyé à une audience ultérieure les points relatifs aux mesures de réparation. Parallèlement, la banque versait une certaine somme à son ancien salarié, à titre d’indemnité compensatoire.

Le 27 novembre 2014, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris afin d’obtenir que son ancien employeur soit condamné à lui verser diverses sommes, et plus précisément des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement ainsi que des bonus et des primes prévus par son contrat de travail. Par un jugement du 17 mai 2016, ces demandes ont été déclarées irrecevables en raison de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement britannique.

Ce jugement a toutefois été infirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu le 22 mai 2019. Aux termes de cet arrêt, les magistrats ont estimé que l’autorité de la chose jugée ne s’opposait pas aux demandes présentées en France par le salarié dans la mesure où les demandes pécuniaires formées devant le tribunal anglais n’étaient pas les mêmes et n’avaient pas la même cause que celles présentées en France, permettant ainsi la condamnation de l’ancien employeur au paiement de diverses sommes en application du droit français et du contrat de travail.

Cet arrêt a été frappé d’un pourvoi en cassation par la BNP Paribas,...

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Baux commerciaux et crise sanitaire : une interprétation dévoyée de la protection offerte par l’ordonnance du 25 mars 2020

Interpréter, c’est choisir. L’interprétation n’est pas qu’un acte de connaissance, une découverte des divers sens qu’un texte peut revêtir. C’est également un acte de volonté, un choix entre ces possibilités.

Dans l’arrêt sous étude du 15 juin 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a clairement pris une nouvelle fois le parti des bailleurs contre celui des preneurs, dans ce qui apparaît comme un épisode inédit de la saga « Baux commerciaux et crise sanitaire » (sur cette saga, v. not., M. Mekki, JCP N 2022, n° 36.1216).

Aux termes d’une décision sévère, plus politique que juridique, la Cour de cassation privilégie une interprétation contra legem des dispositions de faveur que l’ordonnance du 25 mars 2020 avait instituées, vidant en partie de son contenu la protection exceptionnelle offerte aux commerçants défaillants au cours de la période protégée.

Dans les faits, une cessionnaire de fonds de commerce preneuse à bail commercial avait connu, avant la crise sanitaire, des difficultés pour honorer le paiement des loyers. La bailleresse l’avait alors assignée en référé. Par ordonnance rendue le 17 décembre 2019, la locataire avait été autorisée judiciairement à s’acquitter d’un arriéré locatif en vingt-quatre mensualités à compter du 15 du mois suivant sa signification réalisée le 9 janvier 2020.

L’ordonnance avait aussi suspendu les effets de la clause résolutoire insérée au bail et prévu qu’à défaut de paiement à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, d’une seule des mensualités, cette clause serait acquise huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure, l’expulsion de l’occupante pouvant alors être poursuivie. Cet aménagement était fondé sur les pouvoirs reconnus au juge par les articles L. 145-41 du code de commerce et 1244-1 à 1244-3 anciens du code civil (devenus art. 1345-5 à la faveur de l’ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016).

La suite est malheureusement connue. La crise sanitaire s’étant déclenchée en début d’année 2020, une série de mesures gouvernementales fut prise pour interdire l’accès au public de certains établissements afin de lutter contre la propagation du virus covid-19. La locataire a été contrainte de cesser son activité à compter du 14 mars 2020 et n’a pas été en mesure de s’acquitter des échéances des mois d’avril et mai 2020.

Par lettre recommandée du 3 septembre 2020, la bailleresse a mis la locataire en demeure de payer trois mensualités de l’échéancier fixé et deux termes de loyer échus...

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Pas de notification requise du débiteur lors du renouvellement de l’inscription

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 22 juin 2023

Civ. 2e, 8 juin 2023, F-B, n° 21-18.695

Les questions d’inscription provisoire concernant les sûretés réelles telles que les nantissements sur fonds de commerce peuvent poser des difficultés assez âpres en pratique. On remarquera donc utilement un arrêt rendu le 8 juin 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui pourra aiguiller utilement la pratique sur la notification du débiteur quand l’inscription est renouvelée.

Les faits à l’origine du pourvoi débutent le 18 juillet 2013 par une inscription provisoire de nantissement sur fonds de commerce par un syndicat de copropriétaires, et ce en exécution d’une ordonnance rendue par le juge de l’exécution. L’inscription est régulièrement dénoncée au débiteur. Par jugement du 5 novembre 2015, la société propriétaire du fonds est placée en sauvegarde avec désignation d’un mandataire judiciaire et d’un administrateur judiciaire. Par bordereau déposé le 13 juillet 2016, le syndicat créancier a renouvelé son inscription provisoire. L’administrateur judiciaire et la société débitrice propriétaire du fonds saisissent le juge de l’exécution en mainlevée du nantissement en estimant que le renouvellement de l’inscription n’a pas été notifié. Un jugement du 29 mai 2017 arrête et homologue le plan de sauvegarde, désigne le mandataire judiciaire comme commissaire chargé de veiller à son exécution et met fin à la mission de...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 12 juin 2023

Aide juridique

Revalorisation de la rétribution des officiers publics ou ministériels

Un décret du 12 juin 2023 modifie les dispositions en matière d’aide juridique. Il vise en premier lieu à revaloriser la rétribution au titre de l’aide juridictionnelle des officiers publics ou ministériels (commissaires de justice, notaires, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et greffiers de tribunaux de commerce). Il vise également à tirer les conséquences des modifications apportées à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique d’une part par l’article 36 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels et d’autre part par l’article 50 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire qui a étendu l’application des dispositions relatives à l’accès au droit à la Nouvelle-Calédonie. Enfin, ce décret opère quelques ajustements et actualisations de certaines dispositions relatives à l’aide juridictionnelle et en particulier celle relatives au barème de rétribution des avocats au titre de l’aide juridictionnelle, y compris en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. (Décr. n° 2023-457 du 12 juin 2023 portant diverses dispositions en matière d’aide juridique)

Contrats

Bénéfice de la subrogation : prêteur qui verse les fonds entre les mains du vendeur pour paiement du prix (non)

Il résulte de l’article 1346-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, que c’est seulement lorsque le créancier a reçu son paiement d’une tierce personne qu’il peut conventionnellement subroger celle-ci dans ses droits, actions et accessoires contre le débiteur. En outre, selon l’article 2367 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie. Il en résulte que lorsque le prêteur se borne à verser au vendeur du bien financé les fonds empruntés par son client, il n’est pas l’auteur du paiement et le client devient, dès ce versement, propriétaire du matériel vendu, de sorte que le prêteur ne peut prétendre être subrogé dans les droits du vendeur et ne peut, dès lors, se prévaloir d’une clause de réserve de propriété stipulée au contrat de vente. (Com. 14 juin 2023, n° 21-24.815, F-B)

Experts judiciaires

Réforme des conditions d’inscription et de réinscription des expert judiciaires

Un décret du 16 juin réforme, s’agissant des experts judiciaires inscrits sur les listes d’experts judiciaires dressés par les cours d’appel judiciaires et la Cour de cassation, leurs conditions d’inscription et de réinscription, simplifie le fonctionnement des assemblées générales des magistrats du siège de la cour d’appel et complète leur régime disciplinaire. (Décr. n° 2023-468 du 16 juin 2023 relatif à l’expertise devant les juridictions administratives et judiciaires)

Inscription et réinscriptions des experts judiciaires: précisions

Pour l’application de l’article 2, 8°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires, la condition relative à l’exercice de l’activité professionnelle principale dans le ressort de la cour d’appel peut être remplie lorsque le candidat à l’inscription sur la liste des experts exerce cette activité selon les modalités du télétravail dans le ressort de cette cour d’appel. (Civ. 2e, 15 juin 2023, n° 23-60.009, F-B) La décision de refus d’inscription d’un expert sur la liste dressée par une cour d’appel doit être motivée. Le procès-verbal d’assemblée générale rejetant la demande d’inscription d’un candidat, en ce qu’il se réfère à un motif formulé sous la forme d’un code, sans autre indication, ne comporte...

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Garantie autonome et recours du donneur d’ordre : pas de nécessité d’un remboursement préalable après paiement

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 21 juin 2023

Com. 14 juin 2023, F-B, n° 21-23.864

Les arrêts rendus par la Cour de cassation au sujet du droit applicable aux garanties autonomes ne sont pas nombreux à être publiés au Bulletin. Sûreté très appréciée du monde des affaires, la garantie à première demande n’en reste pas moins subtile et demande parfois à la pratique une certaine interprétation des règles la régissant. L’arrêt rendu le 14 juin 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation permet d’approfondir la question du recours du donneur d’ordre contre le bénéficiaire afin de faire juger que celui-ci a perçu indûment le montant de la garantie. Ceci suppose une situation assez courante, par exemple dans laquelle une société-mère est le garant autonome d’une de ses filiales. Rappelons donc les faits pour comprendre comment le problème s’est posé.

À l’origine de l’affaire ayant donné au lieu au pourvoi, on retrouve deux sociétés ayant conclu un contrat de location-gérance d’un fonds de commerce d’hôtel-restaurant-bar. Le 10 avril 2007, une garantie à première demande est consentie à la société propriétaire de l’hôtel par la société mère du preneur en cas de défaillance du règlement des sommes dues au titre de la location-gérance. Le preneur ne renouvelle pas le contrat et le propriétaire de l’hôtel constate une non-remise en état des lieux, mais également une certaine perte de valeur du fonds de commerce exploité. Elle assigne donc la société mère en exécution de la garantie. Un arrêt du 26 septembre 2017 a condamné la société garante à payer au propriétaire la somme de 611 187,40 €. Le 25 janvier 2017, la société donneuse d’ordre décide d’assigner son cocontractant en demandant remboursement des sommes versées en...

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Mise en œuvre et conventionalité de l’article 932 du code de procédure civile

La procédure d’appel sans représentation obligatoire passe régulièrement au crible des exigences du droit au procès équitable. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a déjà montré qu’elle n’était pas insensible au sort du justiciable non représenté et, plus généralement, au sort du justiciable dont l’appel relève de la procédure sans représentation obligatoire. Son indulgence n’est néanmoins pas sans limites, ainsi que l’atteste le présent arrêt.

En l’espèce, deux justiciables relèvent appel d’ordonnances de taxe rendues par un bâtonnier les ayant condamnés à verser certaines sommes à un avocat. Leur déclaration d’appel est adressée au greffier en chef du tribunal d’instance. Celui-ci procède néanmoins à sa transmission spontanée par voie administrative au premier président de la cour d’appel compétent, étant précisé que les deux greffes – du tribunal et de la cour – sont domiciliés à la même adresse postale.

L’intimé soulève l’irrecevabilité de l’appel, tirée de l’article 932 du code de procédure civile, pertinent en procédure sans représentation obligatoire, laquelle est applicable à l’appel des ordonnances de taxe du bâtonnier, lequel appel relève de la compétence du premier président de la cour d’appel (ou de son délégataire) sur le fondement de l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

Aux termes dudit article 932, « l’appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour ». Le premier président rend une ordonnance prononçant l’irrecevabilité de l’appel.

Les appelants forment un pourvoi, faisant grief à l’ordonnance attaquée de déclarer leur appel irrecevable. Filandreux en la forme, le moyen est simple au fond : est invoquée la prohibition du formalisme excessif ; est réclamée une forme d’indulgence dans l’application de l’article 932 du code de procédure civile, voire la neutralisation pure et simple de ce dernier sur le fondement du droit au procès équitable. Les requérants ne manquent pas de rappeler que la procédure sans représentation obligatoire est applicable à l’appel des ordonnances de taxe du bâtonnier et qu’ils n’étaient concrètement ni représentés ni assistés pour régulariser leur recours. Après avoir souligné que les greffes de la cour et du tribunal se trouvent à la même adresse postale, ils ajoutent que, dans l’absolu, la déclaration d’appel est bien parvenue au premier président de la cour d’appel dans le délai d’appel, fût-ce sur une initiative du greffe de la juridiction de première instance ayant initialement reçu leur déclaration d’appel. Or n’est-ce pas ce qui importe au premier chef ?

Nenni, répond la deuxième chambre civile.

Elle indique, tout d’abord, qu’en application dudit article 932 « est irrecevable la déclaration d’appel faite au greffe de la juridiction ayant rendu la décision » (§ 4). C’est d’emblée un peu curieux en ce que le tribunal d’instance n’a pas rendu la décision querellée, mais on comprend l’idée.

La deuxième chambre civile procède, ensuite, au contrôle de conventionnalité sollicité par les requérants, au regard de l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble la prohibition du formalisme excessif ; ce qui lui donne l’occasion d’expliciter les raisons à l’origine de la charge procédurale en question et de sa sanction.

Trois motifs conduisent la Cour de cassation à juger que la charge procédurale imposée par l’article 932 n’est pas excessive et ne méconnaît donc pas les exigences du droit au procès équitable.

Premièrement, « la formalité, qui est énoncée clairement, peut être accomplie par une partie même non représentée par un avocat, qui doit faire toute diligence pour la défense de ses intérêts et se conformer aux exigences du texte. Elle n’a donc pas pour effet de priver les appelants de l’exercice de leur recours » (§ 6).

Deuxièmement, « cette exigence, dont la finalité est de...

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Exigibilité de la créance du vendeur et point de départ de prescription

Les arrêts sur le point de départ de la prescription de l’article 2224 du code civil continuent d’être au cœur de l’actualité de la Cour de cassation (v. réc., Com. 29 mars 2023, n° 21-23.104 F-B, Dalloz actualité, 7 avr. 2023, obs. C. Hélaine ; sur l’art. 2225 du code civil, v. Civ. 1re, 14 juin 2023, FS-B, n° 22-17.520, à paraître au Dalloz actualité ; D. 2023. 1180 image). Le nombre de décisions rendues sur la question publiées au Bulletin est extrêmement important, ce qui signe – s’il fallait le rappeler – le retentissement pratique des interprétations de ce point de départ dit « glissant ». En résulte une jurisprudence parfois difficile d’approche et source d’une certaine incertitude dans la détermination du point de départ de la prescription quinquennale de droit commun. La chambre commerciale a rendu le 14 juin 2023 une décision venant ajouter une nouvelle partie à cette grande fresque jurisprudentielle dans le contentieux de la vente commerciale qui implique une prescription également quinquennale régie par l’article L. 110-4 du code de commerce. L’affaire concernée a pour trame de fond le droit des transports de marchandises.

À l’origine du pourvoi, on retrouve une société ayant vendu à une autre 22,5 tonnes de harengs surgelés. La société venderesse confie l’acheminement des marchandises à un commissionnaire de transport qui confie à son tour le transport de la Pologne vers la France à une société lituanienne. La marchandise est remise par erreur à une autre société que l’acquéreur des harengs surgelés le 24 avril 2023. Le 19 avril, la société acquéreuse refuse de payer la facture émise par le vendeur faute d’avoir réceptionné les produits promis. Le commissionnaire de transport indemnise la société venderesse et assigne...

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Panorama rapide de l’actualité « Santé » des semaines du 12 juin et du 19 juin 2023

par Karima Haroun, rédactrice spécialisée, Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, Éditions Législativesle 27 juin 2023

Retrouvez toute l’actualité du droit de la santé, dans le Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, Éditions Législatives

Responsabilité et sanctions

Pluralité de dommages et prise en charge par la solidarité nationale

Il incombe au juge administratif, dans le cas où il est demandé à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de réparer au titre de la solidarité nationale plusieurs dommages résultant d’un même accident médical, d’une même affection iatrogène ou d’une même infection nosocomiale, de procéder à une appréciation globale des conditions, d’une part, d’anormalité et, d’autre part, de gravité de l’ensemble de ces dommages. (CE 26 juin 2023, n° 465640 B)

Contamination transfusionnelle et recours subrogatoire

Lorsqu’il n’est pas possible de déterminer, entre deux établissements de transfusion sanguine identifiés comme ayant fourni des produits sanguins à la victime, lequel a fourni ceux qui ont été à l’origine de la contamination, l’EFS peut appeler l’un ou l’autre des assureurs de ces établissements, ou les deux solidairement, à le garantir de l’ensemble...

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Précisions en matière de déclaration acquisitive de nationalité effectuée sur le fondement de l’article 21-12 du code civil

Dans deux arrêts du 7 juin 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation traite de la faculté offerte à l’enfant mineur, adopté ou non, d’effectuer une déclaration acquisitive de nationalité.

Selon les termes de l’article 21 du code civil, si « l’adoption simple n’exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité de l’adopté », le législateur lui ouvre toutefois, en vertu de l’article 21-12, une faculté d’acquisition de la nationalité française par déclaration. Une même faculté est également offerte, sous certaines conditions, au mineur qui, sans avoir fait l’objet d’une adoption, a été recueilli en France.

Appréciation stricte de la condition de formation française de l’enfant recueilli et élevé en France

Dans une première affaire (n° 22-50.004), un enfant né en 2000 à Madagascar a été adopté en 2009 par une femme de nationalité malgache en vertu d’une déclaration effectuée auprès de l’officier d’état civil de la ville de naissance de l’enfant. Cette déclaration a ensuite été déclarée exécutoire en France, aux termes d’une ordonnance du 18 septembre 2014. En parallèle, à la suite de son mariage en 2006 avec un Français, l’adoptante a acquis la nationalité française selon une déclaration souscrite en 2011 et enregistrée en 2012.

De son côté, sur le fondement de l’article 21-12 du code civil, l’enfant adopté a souscrit en 2018 une déclaration de nationalité française, dont l’enregistrement lui a été refusé quelques mois plus tard.

C’est dans ce contexte que, par un arrêt rendu le 24 janvier 2022, la Cour d’appel de Rennes a ordonné l’enregistrement de la déclaration de nationalité de l’adopté en estimant que l’article 21-12, alinéa 3, 2°, n’imposait pas que l’enfant ait été recueilli par un organisme public autre que le service de l’aide sociale à l’enfance, mais seulement qu’il ait été recueilli en France, de sorte que la condition posée par ce même texte, visant à s’assurer que l’enfant a reçu, pendant une durée suffisante fixée à cinq ans, une formation dispensée par des organismes français de nature à s’assurer de l’intégration par l’enfant de la langue et des valeurs attachées à l’acquisition de la nationalité française, était satisfaite.

Le pourvoi formé par le procureur général près la Cour d’appel de Rennes est victorieux. Pour la Cour de cassation, « en statuant ainsi, alors que la souscription d’une déclaration de nationalité en application de l’article 21-12, alinéa 3, 2°, requiert que l’enfant ait été recueilli en France et élevé par un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’État, la cour d’appel a violé le texte » précité.

L’arrêt rappelle ainsi opportunément les conditions requises...

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Compétence du juge-commissaire pour désigner un technicien chargé de poursuivre la réalisation de l’inventaire à l’étranger

On sait que le tribunal qui a ouvert une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, est compétent pour tout ce qui concerne ces procédures, ainsi que pour les actions visant à infliger une sanction patrimoniale ou professionnelle au chef d’entreprise.

L’article R. 662-3 du code de commerce, qui pose ce bloc de compétence au profit du tribunal de la procédure collective, prévoit une exception concernant les actions en responsabilité civile menées contre les mandataires de justice. Par ailleurs, il réserve la compétence du juge-commissaire, qui connaît du quotidien des difficultés de la procédure ouverte. Il s’agit là d’une question interne de répartition des compétences entre le tribunal de la procédure collective et son juge-commissaire qui pose régulièrement difficulté. En témoigne le présent arrêt rendu le 24 mai 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation.

Est ici posée la question du juge compétent pour désigner un technicien, chargé de poursuivre à l’étranger la réalisation de l’inventaire des biens du débiteur confiée à un huissier de justice. La difficulté provient de l’imprécision des textes sur cette question. La Cour de cassation retient la compétence du juge-commissaire, ce qui constitue une solution inédite dont il faut mesurer la portée (III).

L’imprécision des textes sur le règlement des difficultés de réalisation de l’inventaire

Dès le début d’une procédure collective, un inventaire du patrimoine du débiteur doit être réalisé. En sauvegarde et depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008, c’est le débiteur qui est chargé de son établissement, à moins qu’il n’ait demandé au tribunal de désigner un officier public ou un courtier de marchandises assermenté pour y procéder (C. com., art. L. 622-6-1). Cette confiance du législateur n’est cependant pas illimitée puisque, si le débiteur n’engage pas les opérations d’inventaire dans les 8 jours du jugement d’ouverture ou s’il ne les réalise pas dans le délai fixé par le tribunal, le juge-commissaire pourra désigner un notaire, un commissaire de justice ou un courtier de marchandises assermenté. Dans les procédures de redressement judiciaire comme dans les procédures de liquidation judiciaire, l’un de ces professionnels est obligatoirement désigné par le tribunal pour réaliser l’inventaire et la prisée de ces biens (C. com., art. L. 631-9, al. 3 et L. 641-1, II, al. 7 ; sur la liquidation judiciaire simplifiée, v. C. com., art. L. 641-2, al. 2).

Des difficultés peuvent cependant résulter de...

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La possession n’exclut pas l’exigence de demander la délivrance du legs

Une femme décède le 3 juillet 2010 en laissant pour lui succéder deux fils : Monsieur [Y] [H] et Monsieur [M] [H]. Moins d’un mois plus tôt, le 4 juin 2010, la défunte avait fait un testament authentique par lequel elle avait institué Madame [D] légataire à titre particulier des biens et droits immobiliers de deux biens dont elle était propriétaire. Avant le décès de la testatrice, Madame D avait été mise en possession du bien légué et lorsqu’intervient le décès, la légataire se maintient dans les lieux. S’élève alors un conflit opposant les héritiers à la légataire. Les héritiers réservataires contestent le droit de la légataire alléguant que celle-ci n’avait jamais fait de demande de délivrance de son legs. Ce faisant, ils soulèvent que prescrite, la légataire ne saurait avoir de droits sur les biens objets du legs. Ainsi, ils requièrent en sus que Madame [D] soit condamnée à une indemnité d’occupation à compter de la date du décès pour le bien qu’elle occupe et réfutent son droit aux loyers qu’elle réclamait sur le second bien. A l’inverse, la légataire invoque qu’elle avait été mise en possession dudit bien du vivant de la testatrice et qu’à ce titre, elle n’était pas tenue à faire une demande de délivrance pour bénéficier de la pleine jouissance du bien. La cour d’appel (Rennes, 1er juin 2021, n° 19/03151) déboute les héritiers de toutes leurs prétentions. Les juges du fond écartent la demande de reconnaissance de la prestation estimant que le légataire mis en possession du bien légué par le testateur avant son décès et qui se maintient en possession après le décès n’est pas tenu de faire une demande de délivrance pour bénéficier de la pleine jouissance du bien. Les héritiers forment alors un pourvoi afin de demander à la Cour de cassation de se prononcer sur la prescription de la demande de délivrance du legs et ses conséquences.

Deux moyens étaient alors soumis à l’appréciation de la Cour de cassation. La première chambre civile répondant au premier moyen considère, au visa de l’article 1014 du code civil, que si le légataire particulier devient, dès l’ouverture de la succession, propriétaire de la chose léguée, il est néanmoins tenu, pour faire reconnaître son droit, de demander la délivrance du legs, peu important qu’il...

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Affrètements successifs : pas de droit de rétention sur les marchandises d’un tiers sans connexité

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 30 juin 2023

Com. 14 juin 2023, FS-B, n° 20-19.948

Les arrêts promis aux honneurs d’une publication au Bulletin portant sur le droit de rétention ne sont pas forcément très nombreux ces temps-ci. L’arrêt rendu le 14 juin 2023 par la chambre commerciale a la particularité de croiser cette thématique avec celle du droit des transports et du droit international privé, rendant son commentaire intéressant tant sous l’angle du droit des obligations que du droit des sûretés.

Les faits sont très complexes en raison de plusieurs affrètements successifs, nous tenterons de les simplifier en laissant à dessein la dénomination des parties pour éviter de se perdre dans le dédale des contrats successifs. À l’origine de l’affaire, on retrouve une charte-partie du 31 août 2016 prévoyant qu’une société Aramis frète à temps un navire (le « Nikator ») à une seconde société Tranvast Shipping Co Limited, laquelle l’a sous-frété suivant une seconde charte-partie du 5 septembre 2016 à la société Traxys France afin de transporter de la bauxite depuis la Chine jusqu’en France. Ce transport a fait l’objet d’un connaissement émis le 9 septembre 2016 dans lequel la société Aramis est transporteur et la société Traxys France destinataire. Un contentieux se noue entre la société Aramis et la société Tranvast concernant le paiement du fret et le coût des soutes de sorte que le président du tribunal de commerce de Dunkerque autorise la pratique d’une saisie conservatoire de la cargaison arrivée en France et sa consignation dans les mains d’un séquestre. Le 14 décembre 2016, la société Traxys demande la mainlevée des saisies pratiquées en soutenant avoir réglé le sous-fret entre les mains du fréteur au voyage, affréteur à temps. Le même jour, la société Aramis a sollicité en référé l’autorisation de vendre les marchandises en paiement de ses créances de sorte que les deux instances ont été jointes. L’affaire a donné lieu à un premier circuit judiciaire complet. Par arrêt du 27 avril 2017, il est ordonné la mainlevée des saisies. La chambre...

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 SYMBOLE GRIS

Ordre des avocats de Carpentras


16, impasse Ste Anne

84200 Carpentras

Tél : 04.90.67.13.60

Fax : 04.90.67.12.66

 

 

 

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