Action en partage d’un immeuble : compétence internationale
En droit international privé, il est acquis, depuis l’arrêt Scheffel du 30 octobre 1962, que « la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne » (sur cette décision, B. Ancel et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5e éd., Dalloz, p. 319), du moins lorsqu’est applicable le droit international privé commun, sous réserve donc des conventions internationales et des règlements européens. Ce principe a été précisé par un arrêt de la première chambre civile du 3 décembre 1985 (n° 84-11.209), qui a retenu que la compétence juridictionnelle internationale des tribunaux français « se détermine par l’extension des règles de compétence interne, sous réserve d’adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales ».
Cette dernière formule est reprise par l’arrêt de la même première chambre du 4 mars 2020, qui s’inscrit ainsi dans la ligne de la jurisprudence classique, dans une affaire dans laquelle aucun règlement européen n’était applicable.
Son intérêt est toutefois important car il prend position sur la mise en œuvre de ce principe dans le domaine de l’action en partage d’un bien immobilier situé en France, en permettant à la Cour de cassation de se prononcer pour la première fois à ce sujet.
Une action en partage d’une indivision avait été formée devant un juge français par un créancier, alors que les époux indivisaires résidaient en Algérie.
Rappelons, à ce sujet, que l’article 815-17 du code civil dispose que « les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu’il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l’actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis (al. 1). Les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles (al. 2). Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coindivisaires peuvent arrêter le cours de l’action en partage en acquittant l’obligation au nom et en l’acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis (al. 3) ».
La difficulté était de déterminer le juge compétent dans ce cadre.
On sait qu’en droit interne, l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire énonce que le juge aux affaires familiales connaît, notamment, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux.
Il s’agissait donc de déterminer la portée du principe d’extension des règles de compétence interne à un tel litige. Plus précisément, il s’agissait de déterminer s’il y avait ou non lieu de faire application de l’article 1070 du code de procédure civile, qui fixe, en matière interne, les chefs de compétence territoriale du juge aux affaires familiales : « le juge aux affaires familiales territorialement compétent est : le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ; si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d’exercice en commun de l’autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ; dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n’a pas pris l’initiative de la procédure. En cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des parties, celui du lieu où réside l’une ou l’autre. Toutefois, lorsque le litige porte seulement sur la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant, la contribution aux charges du mariage ou la prestation compensatoire, le juge compétent peut être celui du lieu où réside l’époux créancier ou le parent qui assume à titre principal la charge des enfants, même majeurs. La compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée ».
Cet article 1070 compte parmi les règles de compétence interne qui sont étendues aux litiges internationaux (Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Vareilles-Sommières, Droit international privé, 10e éd., Dalloz, 2013, n° 706), même s’il est vrai que la possibilité de son application est désormais extrêmement réduite depuis l’entrée en vigueur du règlement Bruxelles II bis du 27 novembre 2003 en matière matrimoniale et de responsabilité parentale (pour une illustration, Civ. 1re, 12 janv. 2011, n° 09-71.540, D. 2011. 248 ; AJ fam. 2011. 151, obs. A. Boiché ; Rev. crit. DIP 2011. 438, note E. Gallant ; RTD eur. 2012. 524, obs. A. Panet et C. Corso ).
Néanmoins, son application peut-elle se justifier dans le cadre spécifique d’une action en partage d’un immeuble situé en France ?
L’arrêt du 4 mars 2020 répond négativement à cette question, en énonçant, avec un souci pédagogique évident, le principe suivant : « s’agissant d’une action en partage d’un bien immobilier situé en France, exercée sur le fondement de l’article 815-17, alinéa 3, du code civil, l’extension à l’ordre international des critères de compétence territoriale du juge aux affaires familiales, fondés sur la résidence de la famille ou de l’un des parents ou époux, n’était pas adaptée aux nécessités particulières des relations internationales, qui justifiaient, tant pour des considérations pratiques de proximité qu’en vertu du principe d’effectivité, de retenir que le critère de compétence territoriale devait être celui du lieu de situation de ce bien ».
Cette position n’est pas surprenante.
Par un arrêt du 20 avril 2017 (Civ. 1re, 20 avr. 2017, n° 16-16.983, Dalloz actualité, 2 mai 2017, obs. F. Mélin ; D. 2017. 921 ; ibid. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; AJDI 2017. 453 ), la première chambre civile a énoncé qu’en application des articles 22 et 25 du règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000, « le juge espagnol est seul compétent pour connaître d’un litige relatif à la propriété et au partage, entre des résidents français, d’une indivision portant sur un immeuble situé en Espagne ». Si ce principe a été posé dans un contexte différent, lié à la séparation d’un couple, et en application du règlement Bruxelles I qui n’était pas applicable dans l’affaire jugée le 4 mars 2020, il n’en demeure pas moins que la problématique générale est identique dans les deux cas : quel est le rattachement à retenir en matière de partage d’une indivision immobilière ?
Il n’est donc pas surprenant que la solution soit la même dans les deux cas, avec une compétence donnée au juge du lieu de situation de l’immeuble concerné. Cela l’est d’autant moins que le régime juridique des immeubles en droit international est traditionnellement conditionné par le rattachement physique des biens considérés au territoire de l’État où ils sont situés (B. Audit et L. d’Avout, Droit international privé, LGDJ, 2018, nos 223 s.), dès lors que c’est au lieu de situation qu’une éventuelle décision devra être exécutée et pourra être effective.