Appel incident du chef d’un débouté de demande de condamnation [I]in solidum[/I] : portée
Dans le cadre d’un projet de réhabilitation d’un ancien corps de ferme, un maître de l’ouvrage conclut un contrat d’architecte. Diverses entreprises interviennent pour effectuer les travaux.
Les travaux, réceptionnés, présentant des désordres, les maîtres de l’ouvrage agissent alors en responsabilité contre l’architecte, qui fera l’objet d’une liquidation, son assureur, et les divers entrepreneurs et leurs assureurs respectifs.
L’un des entrepreneurs condamnés fait appel du jugement, en limitant son appel à certaines parties, et à certains chefs de condamnation.
Les maîtres de l’ouvrage, qui n’ont pas fait le plein de leurs demandes, se portent appelant incident notamment du chef du préjudice de jouissance que le tribunal a rejeté.
Pour écarter cette demande, la cour d’appel retient que les maîtres de l’ouvrage « n’ayant pas formé d’appel provoqué pour intimer les autres parties contre lesquelles ils avaient présenté leur demande en première instance, la disposition du jugement qui les en a déboutés est définitive », ajoutant que « la cour n’en est donc pas saisie ».
L’arrêt est cassé, au visa de l’article 553 du code de procédure civile.
Pour la Cour de cassation, le rejet de la demande en condamnation in solidum contre plusieurs défendeurs ne crée aucune indivisibilité entre eux, de sorte que les maîtres de l’ouvrage, appelants incidents, n’avaient pas à se porter appelants provoqués contre les parties non intimées à l’encontre desquelles il était conclu du chef du préjudice de jouissance en première instance.
Irrecevabilité, cour non saisie, chef définitif… gare aux mélanges
Pour bien comprendre l’arrêt, il convient déjà de faire un peu de ménage.
Tout d’abord, la cour d’appel était bien saisie d’une irrecevabilité de l’appel incident, mais par l’appelant principal, non par son assureur, intimé, ce dernier demandant la confirmation de ce chef et subsidiairement la garantie de son assuré à ce titre.
Alors que la cour d’appel devait se prononcer sur une irrecevabilité, elle « constate que les dispositions du jugement ayant […] débouté [les maîtres de l’ouvrage] de leur demande au titre du préjudice de jouissance sont devenues définitives en l’absence d’appel provoqué contre les autres parties à l’instance ».
D’irrecevabilité, il n’en est pas question, la fin de non-recevoir étant remplacée par un « constat ».
Première erreur, qui n’est toutefois pas l’objet du pourvoi.
Il y a certainement défaut de réponse à conclusions, même s’il est vrai que pour les parties en défense à l’appel incident, cela ne change pas grand-chose.
Mais à l’heure où la chasse est ouverte pour traquer, dans le dispositif des conclusions, la présence de moyens (Civ. 2e, 9 janv. 2020, n° 18-18.773 NP, D. 2021. 543, obs. N. Fricero[RECUEIL/CHRON/2021/0677]) et l’absence de prétentions (Civ. 2e, 26 juin 2014, n° 13-20.393 P, Dalloz actualité, 22 juill. 2014, obs. M. Kebir ; Civ. 3e, 2 juill. 2014, n° 13-13.738 P, Dalloz actualité, 18 juill. 2014, obs. M. Kebir ; D. 2014. 1505 ; v. aussi « l’interprétation nouvelle » du 17 sept. 2020 imposant un formalisme jugé non excessif, Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626 P, Dalloz actualité, 1er oct. 2020, note C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020. 2046 , note M. Barba ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; ibid. 1353, obs. A. Leborgne ; AJ fam. 2020. 536, obs. V. Avena-Robardet ; D. avocats 2020. 448 et les obs. ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. I. Faivre, A.-I. Gregori, R. Laher et A. Provansal ; RTD civ. 2021. 479, obs. N. Cayrol ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. Faivre, Gregori, Laher et Provansa ; Gaz. Pal. 27 oct. 2020, p. 9, note P. Gerbay ; ibid. 8 déc. 2020, p. 41, note Ansault ; ibid. 26 janv. 2021, p. 79, note Hoffschir ; ibid. 26 janv. 2021, p. 82, note Lauvergnat ; Defrénois 2021, n° 3, p. 13, note Mazure), les avocats sont en droit d’avoir la même exigence à l’égard d’un jugement, surtout lorsqu’il émane d’une juridiction d’appel.
Or il ne suffisait pas aux juges d’appel de « constater » que des dispositions...