Appel incident : l’audacieuse décision de la deuxième chambre civile

Il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la procédure sera sauvée !

Ce n’est pas forcément une Révolution, mais lorsque s’avancent la formation de section et l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, c’est que la solution, d’importance et nouvelle, ne s’imposait pas d’elle-même. Le 28 mars 2019, une partie relève appel d’un jugement du tribunal de commerce en limitant son appel aux chefs de la décision qui lui faisaient grief. Plusieurs parties sont intimées, dont une société d’assurance et une banque. La première, après réception des conclusions de l’appelant, dépose ses conclusions de rapport à justice sur les mérites de l’appel et attend la notification des conclusions de la seconde, qui formait appel incident à son encontre, pour former à son tour appel incident en demandant la réformation du jugement et le rejet des demandes présentées à son encontre par la banque. L’irrecevabilité des conclusions de l’assureur est soulevée par la banque, fin de non-recevoir suivie par la cour d’appel de Versailles qui estime que la société d’assurances n’a pas respecté son délai de trois mois prévu par l’article 909 du code de procédure civile pour former appel incident. Au visa des articles 910 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, la deuxième chambre civile casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt en dégageant la solution suivante : « Il résulte du premier de ces textes, interprété à la lumière du second, qu’est recevable dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions portant appel incident l’appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé en réponse à l’appel incident de ce dernier qui modifie l’étendue de la dévolution résultant de l’appel principal et tend à aggraver la situation de ce dernier ».

Ménage à trois

Pour comprendre la problématique posée, il faut rappeler les échanges entre les trois protagonistes survenus au rythme des délais légaux de trois mois des articles 908 et suivants du code de procédure civile. Après avoir interjeté appel le 28 mars 2019, l’appelant notifie ses conclusions le 27 mai 2019 et un assureur, l’une des sociétés intimées sur l’acte d’appel, dépose ses conclusions le 26 août 2019 en s’en rapportant au mérite de l’appel principal tout en se réservant la possibilité de conclure de nouveau et former appel incident en fonction des conclusions des co-intimés. Le 27 août, soit le lendemain, une banque intimée notifie à son tour ses conclusions en réponse en formant notamment appel incident contre l’assureur afin d’obtenir une somme supplémentaire à celle à laquelle ce dernier avait été condamné à lui verser. Le 25 novembre 2019, l’assureur forme appel incident aux fins d’infirmation du jugement qui l’avait condamné et demande le rejet des demandes de la banque.

A priori exempt de reproche, le raisonnement de la cour de Versailles était le suivant : l’assureur disposait, par application de l’article 909, d’un délai de trois mois, à compter de la notification des conclusions de l’appelant, « tant pour remettre ses conclusions au greffe que pour relever appel incident à l’encontre de la banque également intimée, des dispositions du jugement l’ayant condamné à payer à cette dernière la somme de 229 827,15 €, les dispositions de l’article 910 du code de procédure civile permettant uniquement à l’assureur de...

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