Assurance emprunteur : des évolutions favorables aux consommateurs

Après un parcours semé d’embûches, la loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur a définitivement été adoptée et vient d’être publiée au Journal officiel du 1er mars. Plus juste, plus simple et plus transparent : comment atteindre ces objectifs ? Tout d’abord, en permettant à l’emprunteur de résilier à tout moment son contrat d’assurance emprunteur sans frais ni pénalités. Ensuite, en renforçant les obligations de transparence et de motivation à l’égard des organismes prêteurs à peine de sanctions administratives. Et enfin, en faisant évoluer les règles existantes sur le droit à l’oubli et en supprimant, sous conditions, le questionnaire de santé.

Cette loi concerne uniquement les prêts immobiliers des particuliers.

Un droit de résiliation infra-annuel

Pour rappel, à l’heure actuelle, l’emprunteur dispose de trois possibilités, qui se superposent, pour substituer et/ou résilier son contrat d’assurance emprunteur :

la loi « Lagarde » (L. n° 2010-737, 1er juill. 2010) qui autorise jusqu’à la signature de l’offre de prêt la possibilité de substituer à l’offre d’assurance faite par la banque une offre d’un assureur concurrent ;
  la loi « Hamon » (L. n° 2014-344, 17 mars 2014) qui permet à l’assuré de résilier son contrat dans les douze mois suivant la signature de l’offre de prêt ;
  l’amendement « Bourquin » (L. n° 2017-203, 21 févr. 2017) qui étend le droit de résiliation au-delà de la première année et permet donc de résilier le contrat à chaque échéance annuelle.

Malgré ces différentes interventions du législateur, l’effectivité du droit de résiliation est demeurée très limitée et réservée à un public particulièrement initié et relevait en pratique d’un véritable parcours du combattant. Résultat, la place respective des banques et des nouveaux acteurs a peu évolué : près de 88 % du marché est détenu par les acteurs bancaires contre 12 % pour les acteurs alternatifs alors même que leur positionnement tarifaire peut être plus attractif, notamment sur certains segments de population.

La loi nouvelle entend donc simplifier les choses en créant un droit de résiliation infra-annuel (RIA) pour les contrats d’assurance emprunteur pour les crédits immobiliers. Il s’agit, autrement dit, d’autoriser la résiliation de l’assurance emprunteur à tout moment à compter de la signature de l’offre de prêt (C. assur., art. L. 113-12-2 et C. mut., art. L. 221-10 mod. par L. n° 2022-270, 28 févr. 2022, art. 1er). Ainsi, à compter du 1er juin 2022 pour les nouveaux contrats et du 1er septembre 2022 pour les contrats en cours (L. n° 2022-270, art. 8), l’emprunteur n’aura plus à se soucier d’une quelconque échéance, il pourra demander la résiliation de son contrat d’assurance à tout moment.

Les modalités de notification de la demande de résiliation sont d’ailleurs modifiées. L’exigence d’une lettre recommandée ou d’un envoi recommandé électronique est supprimée. L’assuré aura dorénavant le choix entre les modalités prévues à l’article L. 113-14 du code des assurances (par lettre ou tout autre support durable ; par déclaration faite au siège social ou chez le représentant de l’assureur ; par acte extrajudiciaire ; lorsque l’assureur propose la conclusion de contrat par un mode de communication à distance, par le même mode de communication ; par tout autre moyen prévu par le contrat).

De nouvelles obligations pour le prêteur et l’assureur

Pour assurer l’effectivité du nouveau droit de résiliation infra-annuelle, les articles 2 et 3 de la loi prévoient un renforcement de l’obligation de motiver les décisions de refus de substitution d’assurance emprunteur et une obligation de transparence sur le droit de RIA à peine de sanctions administratives. Ces dispositions ont la même date d’entrée en vigueur que la RIA.

Renforcement de l’obligation de motiver les décisions de refus de substitution d’assurance emprunteur

L’article L. 313-30 du code de la consommation prévoit que le prêteur ne peut refuser en garantie un autre contrat d’assurance dès lors que ce contrat présente un niveau de garantie équivalent au contrat d’assurance qu’il propose. Selon la nouvelle rédaction de cet article, toute décision de refus devra être explicite et comporter l’intégralité des motifs de refus. Elle devra préciser, le cas échéant, les informations et garanties manquantes.

Remarque : cette précision sur la motivation du refus découle du constat que certains établissements bancaires font preuve de manœuvres dilatoires ou opposent des refus sommaires empêchant de rendre effectif le droit de résiliation ou de substitution.

Le prêteur devra notifier à l’emprunteur sa décision d’acceptation ou de refus dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la réception d’un autre contrat d’assurance (C. consom., art. L. 313-31 mod. par L. n° 2022-270, art. 2).

Remarque : on estime à 30 % le nombre de demandes de substitution de contrat qui obtiennent une réponse hors délai.

L’acceptation par le prêteur ne peut donner lieu à aucun frais ni aucune modification des conditions d’octroi du crédit (C. consom., art. L. 313-32 mod. par L. n° 2022-270, art. 2), y compris son mode d’amortissement (C. consom., art. L. 313-32 mod. par L. n° 2022-270, art. 6).

Remarque : cette dernière disposition sur le mode d’amortissement a été introduite par amendement dont l’exposé sommaire explique qu’elle vise à renforcer l’effectivité de cette loi « en empêchant toute modification du crédit à l’occasion d’un changement d’assurance emprunteur et notamment son amortissement. En effet, certains grands établissements prêteurs proposent actuellement des assurances à prix dégressif combinées à un amortissement progressif du crédit. Lorsque l’emprunteur demande à changer d’assurance, ces établissements incluent systématiquement dans l’avenant une modification de l’amortissement du prêt. L’emprunteur est alors privé des économies qu’il envisageait sur son changement d’assurance et l’établissement prêteur lui impose à cette occasion un remboursement plus rapide que prévu ».

Obligation d’information annuelle sur le droit de RIA à peine de sanctions administratives

Selon un nouvel article L. 113-15-3 du code des assurances, l’assureur devra informer chaque année l’assuré, sur support papier ou sur tout autre support durable :

du droit de résiliation infra-annuel de l’assurance emprunteur ;
  des modalités de résiliation du contrat et des différents délais de notification et d’information qu’il doit respecter.

Les manquements à cette obligation sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.

Ces manquements sont constatés et sanctionnés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et peuvent également être recherchés et constatés par les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Mais c’est la DGCCRF qui est compétente pour prononcer l’amende administrative (C. assur., art. L. 113-15-3, II).

Remarque : des dispositions similaires sont prévues au code de la mutualité (C. mut., art. L. 221-10-4).

Enfin, l’article L. 313-8 du code de la consommation est complété pour que, dans la notice annexée au contrat de prêt, figure également l’information sur la possibilité pour l’emprunteur de résilier son contrat d’assurance à tout moment à compter de la signature de l’offre de prêt (C. consom., art. L. 313-8 mod. par L. n° 2022-270, art. 3, II, 1°). Les sanctions à l’égard du prêteur qui visent les manquements aux obligations prévues par cet article L. 313-8 mais aussi ceux des articles L. 313-30 à L. 313-32 sont traitées dans un paragraphe distinct.

Obligation d’information sur le coût de l’assurance sur une durée de huit ans

L’article L. 313-8 du code de la consommation intègre une recommandation du comité consultatif du secteur financier (CCSF) (v. Assurance emprunteur : les nouvelles recommandations du CCSF) qui oblige les établissements prêteurs à afficher le coût de l’assurance emprunteur sur une durée de huit ans, laquelle correspond à la durée moyenne de remboursement d’un crédit (L. n° 2022-270, art. 4).

Obligation de produire un avenant dans les dix jours

Selon l’article L. 313-31 du code de la consommation, lorsque le prêteur accepte la résiliation du contrat d’assurance, il doit modifier le contrat de crédit par avenant (pour mentionner notamment le nouveau TAEG). Cet article est modifié pour y introduire une condition de délai : l’avenant devra être produit « dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution ».

Sanctions administratives pour le prêteur

Deux paragraphes sur les « sanctions administratives » sont ajoutés à la section portant sur le crédit immobilier du code de la consommation. L’un à la sous-section sur l’information précontractuelle de l’emprunteur (C. consom., art. L. 341-26-1) et l’autre à la sous-section sur la formation du contrat de crédit et du contrat principal (C. consom., art. L. 341-44-1).

Ces deux articles prévoient des amendes administratives, à hauteur de 3 000 € pour les personnes physiques et 15 000 € pour les personnes morales, pour les prêteurs qui ne respecteraient pas leurs obligations que ce soit en matière d’information précontractuelle de l’emprunteur ou de formation du contrat de crédit.

Remarque : l’article L. 341-39 du code de la consommation, qui sanctionnait le prêteur d’une amende de 3 000 € sera en conséquence abrogé.

Réduction du délai du droit à l’oubli

Depuis plusieurs années, la convention AERAS (s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) agit pour une prise en compte plus rapide des avancées thérapeutiques et une meilleure appréciation par les assureurs des situations de consolidation ou de stabilisation d’affections majeures. Un protocole signé le 24 mars 2015 a élargi le champ de la convention AERAS et fait du droit à l’oubli « la règle pour les cancers guéris ». Depuis, le droit à l’oubli a été consacré par la loi de modernisation de notre système de santé qui fixe des objectifs à atteindre par les parties à la convention (L. n° 2016-41, 26 janv. 2016, art. 190 ; CSP, art. L. 1141-5).

Ce droit à l’oubli qui se traduit par l’absence d’obligation de déclarer à l’assureur une pathologie cancéreuse s’appliquait, jusqu’à présent, en distinguant l’âge auquel le cancer a été diagnostiqué :

avant 21 ans, le droit à l’oubli s’applique cinq ans à compter de la fin du protocole thérapeutique ;
  après 21 ans, il s’applique dix ans à compter de la fin du protocole thérapeutique.

Dorénavant, il n’y aura plus de distinction selon l’âge auquel le cancer a été diagnostiqué, le droit à l’oubli est fixé à cinq ans pour tous les cancers et est étendu à une maladie chronique, l’hépatite C (CSP, art. L. 1141-5, al. 4, mod. par L. n° 2022-270, art. 9, I).

Aucune précision n’étant apportée quant à l’entrée en vigueur de ces dispositions, elles sont d’application immédiate, soit le lendemain de la publication de la loi, le 2 mars.

Il est en outre prévu que les signataires de la convention AERAS engagent, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, une négociation sur une possible extension du droit à l’oubli pour des pathologies autres que cancéreuses, notamment les pathologies chroniques comme le diabète, un accès élargi à la grille de référence (qui interdit ou encadre, selon les pathologies, les surprimes et les exclusions de garanties du contrat) pour plus de pathologies non cancéreuses et une hausse du plafond d’emprunt (le chiffre de 500 000 € a été évoqué contre 320 000 € actuellement) pour accéder à l’ensemble du dispositif AERAS (L. n° 2022-270, art. 9, II et III).

Si cette négociation ne devait pas aboutir, le texte prévoit que les conditions d’accès à la convention AERAS seront fixées par décret, au plus tard le 31 juillet 2022, et ce à un niveau au moins aussi favorable pour les candidats à l’assurance que celles en vigueur aujourd’hui (L. n° 2022-270, art. 9, V).

Remarque : un air de déjà-vu… La loi n° 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli prévoyait en son article 7 qu’une négociation entre les signataires de la convention AERAS s’engagerait au plus tard 6 mois après la promulgation de la loi sur l’opportunité d’étendre à l’ensemble des pathologies cancéreuses le droit à l’oubli cinq ans après la fin du traitement. Ce même article précisait qu’en cas de carence des signataires de la convention, l’âge et les délais pourront être fixés par décret en Conseil d’État. L’article ne fixait certes pas de délai, mais aucune mesure n’a été prise par décret. Gageons que cette fois les négociations aboutiront dans le délai imparti ou, qu’à défaut, le décret sera réellement pris.

Enfin, la commission de suivi et de propositions AERAS devra adresser un rapport d’avancement au gouvernement et au Parlement au plus tard neuf mois après la promulgation de la présente loi (L. n° 2022-270, art. 9, IV).

Remarque : pourquoi prévoir un délai de remise de ce rapport plus long que celui fixé pour la publication éventuelle d’un décret imposant ses conditions en cas d’échec des négociations ? De plus, cette obligation vient en cumul, nous semble-t-il, de celles déjà prévues dans le cadre de la stratégie décennale (2021-2030) de lutte contre le cancer (Décr. n° 2021-119, 4 févr. 2021) qui visent à étendre le bénéfice du droit à l’oubli à tous les patients dont la situation le justifie. Ce texte prévoit que des travaux seront poursuivis à cet effet (analyse des modèles de guérison et négociation avec les acteurs) et qu’il sera demandé à la Commission de suivi et de propositions AERAS un état des lieux de la mise en œuvre du droit à l’oubli en lien avec les associations. Il y était même prévu de demander à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), un état des lieux de la mise en œuvre du droit à l’oubli.

Suppression du questionnaire médical

La loi comporte une avancée significative qui a d’ailleurs surpris les acteurs du marché : elle supprime, à partir du 1er juin 2022, la transmission à l’assureur de toute information relative à l’état de santé de l’assuré ou d’un examen de santé pour les prêts dont la part assurée par personne est inférieure à 200 000 € et dont l’échéance arrive avant le soixantième anniversaire de l’assuré. Il est précisé que le plafond s’applique « par assuré » (soit 400 000 € pour un couple) et sur « l’encours cumulé des contrats de crédit » (C. assur., art. L. 113-2-1 créé par L. n° 2022-270, art. 10, I).

Remarque : la précision sur l’encours cumulé a pour objectif de prévenir une utilisation abusive du dispositif conduisant à ce qu’un même assuré multiplie les contrats d’assurance emprunteur pour des montants en deçà du plafond de 200 000 €. Le délai d’entrée en vigueur de ces dispositions doit permettre de laisser le temps aux professionnels de s’adapter au nouveau dispositif notamment pour la révision des offres, la modification de la documentation contractuelle, l’adaptation des outils informatiques, la formation des réseaux. Mais ce délai de trois mois sera-t-il suffisant ?

Un décret pourra fixer un plafond plus favorable pour le montant et l’âge (L. n° 2022-270, art. 10, II).

Remarque : la suppression du questionnaire médical représente une véritable avancée pour les personnes malades qui ne subiront ni surprimes, ni exclusions, ni même refus d’assurance. Autre conséquence non négligeable pour l’avenir : la probable réduction du contentieux très fourni en matière de fausses déclarations sur l’état de santé des assurés.

Le CCSF « évaluateur » du dispositif

Pour s’assurer que l’ensemble de ces mesures ne provoque pas d’effets de bord, notamment de hausse tarifaire pour les assurés, en particulier pour les profils présentant un niveau de risques plus élevé, le comité consultatif du secteur financier est chargé d’évaluer le nouveau dispositif dans un délai de deux ans (L. n° 2022-270, art. 11).

Il devra remettre un rapport mesurant les conséquences tant pour les assureurs que pour les assurés de la mise en œuvre de la résiliation du contrat d’assurance à tout moment et de la suppression du questionnaire de santé. Dans le détail, ce rapport évaluera :

l’impact de la présente loi sur le processus de mutualisation des risques et sur la segmentation des tarifs en fonction des profils de risque, sur l’évolution des tarifs proposés, sur le type et le niveau des garanties proposées aux emprunteurs dans les contrats d’assurance et sur leur évolution depuis six ans ainsi que sur les capacités d’accès à l’emprunt immobilier des emprunteurs selon leur profil de risque ;
  la mise en œuvre de la mesure supprimant le questionnaire médical, notamment en termes d’égalité de traitement entre les emprunteurs, et proposera les ajustements éventuels des conditions relatives à l’âge et à la quotité des prêts ainsi que les conditions d’application de la suppression du questionnaire médical aux prêts professionnels.

Remarque : ce rapport sera très attendu car la question de la mutualisation et donc de la tarification demeure au cœur de la réussite de cette réforme.

Actualités du Dictionnaire Permanent Assurances, 1er mars 2022

  

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