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Au confluent de la procédure civile et de l’hospitalisation sans consentement : [I]bis repetita[/I]

Décidément, la distinction entre l’exception de procédure et la défense au fond continue de passionner la Cour de cassation dans le contentieux de l’hospitalisation sans consentement. La solution étudiée ici reste toutefois sensiblement similaire à une décision rendue en décembre 2019 (Civ. 1re, 19 déc. 2019, n° 19-22.946, Dalloz actualité, 27 janv. 2020, obs. C. Hélaine). Mais la différence notable avec cet arrêt consiste dans le contenu de cette défense au fond. Cette fois-ci, il s’agit de la transmission défectueuse des documents au greffe de la cour d’appel qui était en jeu. À titre incident, rappelons également que le pourvoi dirigé contre le directeur de l’établissement est rejeté. Ce dernier reste simplement avisé de la procédure. C’est une solution bien connue qui n’appelle que peu de précisions. Le directeur de l’établissement a un rôle de contrôle et d’initiative dans la prolongation éventuelle de la mesure d’hospitalisation sans consentement. L’intérêt de la décision étudiée est ailleurs, précisément sur la confluence entre droit des personnes et procédure civile. En l’espèce, une personne est admise en soins psychiatriques sans consentement sur la demande de sa fille sur le fondement de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. L’intéressée fuit l’établissement quelques jours plus tard. La directrice de ce dernier sollicite la prolongation de la mesure. Le juge de la liberté et des détentions (JLD) refuse : il n’y avait pas assez d’éléments factuels plaidant pour sa continuité. La lecture de l’arrêt d’appel permet de comprendre la motivation du JLD : « qu’il ne peut être établi que sont réunies les deux conditions du consentement impossible et surtout de la constatation médicale actualisée d’un état mental imposant des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante, justifiant une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du code de la santé publique ». Le Procureur de la République interjette appel de l’ordonnance refusant le maintien de l’hospitalisation. L’avocat de l’intéressée soulève une irrégularité de la procédure – une absence de transmission au greffe de la cour d’appel d’une pièce importante, le certificat médical. La cour d’appel refuse de se pencher sur la question, la prétention n’ayant pas été soulevée in limine litis. Ce faisant, elle analysait ce moyen comme une exception de procédure. Le premier président de la cour d’appel prolonge alors la mesure d’hospitalisation sans consentement. L’intéressée se pourvoit alors en cassation. Devant la Cour de cassation, c’est sur le moment où a été soulevé le moyen que le travail de l’avocat de la personne hospitalisée se concentre. Mais la Haute juridiction ne l’entend pas de cette oreille. En relevant d’office le moyen sur le fondement de l’article 1015 du code de procédure civile, la Cour de cassation continue à mener son œuvre de précision de la distinction entre défense au fond et exception de procédure. Elle précise donc que le moyen tenant à l’absence de transmission au greffe de la cour d’appel de cet avis médical n’est pas une exception de procédure invocable in limine litis mais bien une défense au fond qui peut être présentée en tout état de cause. La cassation pour violation de la loi intervient pour confirmer l’importance d’une telle solution.

La défense au fond et l’exception de procédure présentent des similitudes, certes, mais leur distinction est fondamentale en procédure civile (S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, 34e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 283, n° 363). On connaît que trop bien l’intérêt de bien les séparer dans le régime juridique de chaque qualification : la défense au fond est invocable « en tout état de cause » et l’exception de procédure l’est seulement in limine litis, soit avant toute défense au fond. À l’instar du moyen tiré de la nullité du certificat médical (Civ. 1re, 19 déc. 2019, n° 19-22.946, préc.), l’absence de transmission de l’avis du médecin au greffe de la cour d’appel interpelle sur l’hésitation dans la qualification du moyen la relevant. Si le résultat balance du côté de la défense au fond, c’est à notre sens pour deux raisons majeures. D’une part, une raison procédurale. L’absence de transmission de cette pièce intéresse le fond du dossier et non seulement une question de procédure. L’avis médical permet d’éclairer sur la poursuite de la mesure que le premier président peut ou non prononcer. En l’espèce, l’avis était indispensable puisque le JLD avait refusé le prolongement de la mesure alors que le premier président l’ordonnait in fine. Ainsi, on retrouve bien ce qui constitue le point commun de toutes les défenses au fond : attaquer de front la prétention adverse (v. Rép. pr. civ., v° Défenses, exceptions, fins de non-recevoir, par I. Pétel-Teyssié, n° 10). Distinguer les deux notions reste toutefois très délicat. La porosité entre les concepts invite à une prudence importante en la matière. D’autre part, la Cour de cassation tend à mieux délimiter la temporalité des moyens dans cette procédure particulière et assez rapide étant donnée la privation de liberté qu’elle emporte sans le consentement de la personne. Cette chronologie reste bien dessinée à l’aide de cette distinction procédurale puisque la défense au fond peut être invoquée à toute étape du procès ; ce qui la distingue singulièrement de l’exception de procédure. On reconnaît alors l’utilité d’avoir soulevé d’office le moyen car les parties n’invoquaient pas cette distinction en se concentrant sur une argumentation – peut-être non vaine – portant sur le moment de la présentation du moyen valablement in limine litis pour l’avocat de l’intéressée.

Bien évidemment, la solution rappelle des souvenirs sur la solution de décembre 2019. En préférant la qualification de défense au fond à celle d’exception de procédure, la Haute juridiction facilite encore plus la défense de l’intéressée. En résulte une grande souplesse dans les qualifications juridiques. Cette souplesse peut être contestée. Mais ici, la procédure civile a pour rôle de rétablir le juste curseur entre les droits de l’intéressé et la protection de l’ordre public (sur ce point, v. M. Primevert, Le contrôle du juge sur les soins psychiatriques sans consentement, JCP 2013. 625). Solution conforme à l’esprit de la réforme des mesures d’hospitalisation, il faudra toutefois probablement éviter encore de détricoter la notion d’exception de procédure. La confirmation de la décision du 19 décembre 2019 invite à se demander qu’est-ce qui constitue réellement une telle exception au profit de la défense au fond ; toute puissante dans ce contentieux très particulier.

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