Audience de règlement amiable et césure du procès : entre conviction et déception
L’annonce avait été faite le 5 janvier 2023. Dans la présentation à la presse de son plan d’action issu des Etats généraux de la justice, le ministre de la Justice, M. Dupond-Moretti avait affirmé vouloir lancer une véritable politique de l’amiable marquée notamment par la création de deux nouveaux modes de résolution amiable des litiges. C’est chose faite. Le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 inscrit dans le code de procédure civile l’audience de règlement amiable (ARA ; C. pr. civ., nouv. art. 774-1 s.) et la césure du procès (CP ; C. pr. civ., nouv. art. 807-1 s). La question s’est alors posée de la pertinence d’instaurer de nouveaux modes judiciaires de règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire (Nouveaux MARD : réaction mitigée de l’USM, Gaz. Pal. 29 août 2023, p. 4). En effet, à côté du très général article 21 du code de procédure civile qui énonce qu’« il entre dans la mission du juge de concilier les parties » et des articles 127 et 127-1 du même code qui confèrent, à tout juge, des pouvoirs d’incitation et d’injonction en matière de conciliation et de médiation, on trouve d’autres textes plus spécifiques. C’est le cas de l’article 750-1 du code de procédure civile qui, après avoir été mis en sommeil pendant huit mois, est à nouveau applicable pour les litiges inférieurs à 5 000 € ainsi que pour les litiges et les conflits de voisinage (G. Maugain, L’extraordinaire histoire de l’article 750-1 du code de procédure civile : le rétablissement, Dalloz actualité, 23 mai 2023). Pour toutes les autres hypothèses, les articles 820 et suivants du code de procédure civile permettent au justiciable d’adresser, au greffe du tribunal judiciaire, une requête aux fins de tentative préalable de conciliation. Mais compte tenu des avantages d’une solution consensuelle (obtenue plus rapidement, confidentiellement, mieux acceptée et plus facilement exécutée) et d’un intérêt de la pratique jugé encore trop faible, l’apparition de nouveaux modes facultatifs de résolution amiable ne peut être que saluée. L’idée est qu’en démultipliant l’offre, les parties, leurs avocats, les juges s’en saisissent plus volontiers, non pour réguler les flux, mais pour parvenir à des décisions de qualité. Il se pourrait que l’audience de règlement amiable, plus aboutie, remplisse cet office. Pour la césure de procès, telle qu’elle est consacrée dans le décret, cela semble plus incertain.
L’audience de règlement amiable
L’audience de règlement amiable (ARA) s’inspire de la Conférence de règlement amiable en matière civile (CRA) existant au Québec. Il s’agit de permettre aux parties, à tout moment de la procédure et pour des droits dont elles ont la libre disposition, de se retrouver devant un juge pour régler amiablement tout ou partie de leur litige. L’ARA telle qu’issue du décret du 29 juillet 2023 comporte de véritables points forts qui emportent la conviction malgré quelques doutes.
La conviction
Intégrée dans les dispositions communes à toutes les procédures se déroulant devant le tribunal judiciaire, l’ARA est un véritable instrument aux mains du juge « horloger du règlement du litige, [à] qu’il revient d’user de l’ensemble des possibilités que lui offrent les modes alternatifs aux règlements des litiges » (G. Bolard, De la déception à l’espoir : la conciliation, in Mélanges P. Hébraud, Toulouse, 1981, spéc. p. 121).
Cela se voit, premièrement, dans le déclenchement de l’ARA. C’est au juge, que ce soit le président de l’audience d’orientation, le juge de la mise en état, le juge du fond ou le juge des référés, que reviendra cette...