Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 : un projet de loi-cadre attendu

L’ampleur des spoliations antisémites

Pendant la Seconde Guerre, la spoliation des biens culturels appartenant à des personnes juives a été organisée de façon systématique et massive par le régime nazi, soutenu par le gouvernement de Vichy. On dénombre en France environ 100 000 objets d’art ou de patrimoine confisqués pendant cette période – nombre sans doute sous-estimé, car il n’est fondé que sur les réclamations formulées par les familles.

Le sujet de la réparation des spoliations s’est imposé dans l’immédiat après-guerre : le gouvernement mit alors en place un service de récupération artistique qui fut responsable de la restitution d’environ 45 000 biens en 1950. Cependant, ce pan de l’histoire est ensuite tombé dans l’oubli jusque dans les années 1990. La question de la restitution a alors été réactivée par la conférence de Washington sur les œuvres d’art volées par les nazis, organisée en 1998, à laquelle quarante-quatre États ont participé.

Les années 1990 correspondent également en France à la reconnaissance par l’État de sa responsabilité dans les persécutions de la Seconde Guerre mondiale et dans leurs réparations, comme le symbolise le discours du Vélodrome d’Hiver prononcé en 1995. Sur le plan de la restitution des biens spoliés, la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites pendant l’Occupation (CIVS) a été créée en 1999. À la même période, des recherches de provenance commencèrent à être effectuées par des musées et, plus récemment, par des bibliothèques (v. not., H. Bernard, Patrimoine spolié en France pendant la Seconde Guerre mondiale : le long chemin de la réparation, AJ pénal 2020. 118 image).

Des restitutions difficiles

Les œuvres et objets spoliés ont maintenant plusieurs statuts. Ils peuvent faire partie de collections privées ou appartenir à des musées ou institutions publiques. Ils peuvent également avoir le statut spécifique d’objets « Musées nationaux récupération » (« MNR ») : cette collection, constituée d’environ 2 000 objets qui ont été rapatriés à la Libération, mais n’ont pas été réclamés, est confiée à la garde des musées nationaux en attente de la restitution des pièces.

Or, les œuvres conservées dans les musées ou bibliothèques publiques françaises, exception faite des œuvres MNR qui ne sont pas intégrées à leurs collections, sont soumises au principe d’inaliénabilité du domaine public (CGPPP, art. L. 3111-1...

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