Droit de préemption subsidiaire : seul le prix hors commission est dû
Par cette décision de censure, la Haute juridiction affirme que le locataire d’un local d’habitation n’a pas, dans le cadre de l’exercice de son droit de préemption subsidiaire, à supporter le paiement de la commission de l’agent immobilier mandaté par le propriétaire-bailleur pour vendre son bien.
Deux droits de préemption
On rappellera, à toutes fins utiles, qu’en application de l’article 15-II, alinéas 1er à 3 et 6, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le preneur à bail d’habitation à qui il est délivré un congé pour vendre, bénéficie d’un droit de préemption sur le bien vendu (aux termes de ce texte, le congé vaut offre de vente au profit du locataire pendant les deux premiers mois du délai de préavis).
En cas de refus de préempter, le texte précise qu’à l’issue du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation sur le local.
Cette déchéance connaît toutefois une exception lorsque, en définitive, le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur. En pareille hypothèse prévue aux alinéas 4 à 6 de l’article 15-II précité, en effet, le preneur bénéficie de ce qu’il est convenu d’appeler un « droit de préemption subsidiaire », au régime très proche du droit de préemption principal. Des dispositions spécifiques sont toutefois prévues afin que le locataire qui, possiblement, a déménagé, reçoive l’offre et celle-ci, qui peut être notifiée par le notaire, n’est valable pendant un mois à compter de sa réception (pour une étude d’ensemble du droit de préemption du locataire, v. Droit et pratique des baux d’habitation, Dalloz action 2022-2023, par N. Damas, H. des Lyons, P. Gareau, G. Marot et Y. Rouquet, nos 434.70 s.).
Au cas particulier, un bailleur avait délivré à son cocontractant un congé pour vendre la maison louée valant offre d’acquisition pour 400 000 €.
Faute pour le locataire d’accepter l’offre, celui-ci avait quitté les lieux à l’issue du délai de préavis.
Six mois plus tard, par l’entremise d’une agence immobilière, le bailleur signait une promesse de vente avec un tiers au prix de 380 000 €, dont 10 000 € de commission d’agence. Dans la foulée, le notaire avait notifié ce prix à l’ancien locataire, lequel avait accepté l’offre et conclu la vente.
L’affaire n’en est toutefois pas restée pas là, puisque l’ancien locataire, désormais propriétaire de la maison a intenté une action en justice en répétition des 10 000 € de commission, qu’il estime indus.
Il est débouté tant en première instance (TGI Senlis, 2 juill. 2019) qu’en appel (Amiens, 11 mai 2021, n° 19/05641, Dalloz jurisprudence ; Rev. loyers 2021. 291, obs. S. Brena).
La position des juges du fond repose sur le fait que l’agence immobilière a effectué « une réelle prestation de recherche d’acquéreurs qu’elle a ensuite présentés aux vendeurs afin que soit signé le compromis de vente » qui précisait que les acquéreurs auraient à leur charge la commission d’agence. Et la cour de conclure au caractère déterminant de l’intervention de l’agence immobilière et à la justification de la commission, puisque le locataire en se substituant aux acquéreurs, a accepté d’acquérir aux mêmes conditions, et en est redevable.
Sort de la commission
Cette solution est censurée par l’arrêt sous étude : le locataire qui exerce son droit de préemption...