Épilogue de l’affaire [I]Achmea[/I] : l’extinction des traités d’investissement intra-UE

Les relations entre l’Union européenne et l’arbitrage sont tumultueuses depuis de nombreuses années. La question de la compatibilité des traités d’investissement conclus entre États membres de l’Union européenne avec le droit de l’Union a d’ailleurs longtemps suscité la controverse jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans une décision Achmea du 6 mars 2018, déclare leur incompatibilité contre l’avis de l’avocat général M. Wathelet (Dalloz actualité, 27 sept. 2017, obs. T. Soudain).

L’épilogue de l’affaire Achmea

En l’affaire Achmea, la Cour était saisie d’un renvoi préjudiciel formé par la Cour fédérale de justice allemande, elle-même saisie d’un recours en annulation contre la sentence arbitrale rendue le 7 décembre 2012 par un tribunal de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) dans l’affaire Achmea c. Slovaquie (CJUE 6 mars 2018, aff. C-284/16, § 58, Dalloz actualité, 4 avr. 2018, obs. F. Melin ; AJDA 2018. 1026, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser image ; D. 2018. 2005 image, note Veronika Korom image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2448, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2018. 616, note E. Gaillard image ; RTD eur. 2018. 597, étude J. Cazala image ; ibid. 649, obs. Alan Hervé image ; ibid. 2019. 464, obs. L. Coutron image). Ce tribunal arbitral était quant à lui saisi sur le fondement du traité bilatéral d’investissement (TBI) conclu en 1991 par les Pays-Bas et la République fédérale tchèque et slovaque. Devant ce tribunal, la Commission européenne avait soutenu que le TBI était incompatible avec le droit de l’Union, dans l’espoir de convaincre le tribunal de son incompétence.

La Cour avait alors fondé son raisonnement sur le fait que l’existence d’une clause de règlement des différends extérieur au système juridictionnel de l’Union européenne était incompatible avec l’autonomie du système juridique de l’Union. D’après le juge de Luxembourg, « selon une jurisprudence [constante], l’autonomie du droit de l’Union, au regard tant du droit des États membres que du droit international, se justifie en raison des caractéristiques essentielles de l’Union et de son droit, relatives, notamment à la structure constitutionnelle de l’Union ainsi qu’à la nature même dudit droit ». En outre « le droit de l’Union se caractérise en effet par la circonstance d’être issu d’une source autonome, constituée par les traités, par sa primauté par rapport aux droits des États membres ainsi que par l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes » (pt 33). Dès lors, puisque l’ensemble des TBI intra-UE prévoit un dispositif similaire de règlement des différends, l’ensemble de ces accords est frappé d’incompatibilité avec le droit de l’Union européenne en ce qu’ils soustraient à la compétence du juge de l’Union des litiges pouvant avoir trait au droit européen. Par cette décision, la Cour s’était alors positionnée en gardienne de l’identité constitutionnelle de l’Union et avait adopté une conception absolue du principe d’autonomie de l’ordre juridique européen. Une telle décision lui a par ailleurs permis de conserver le monopole de l’interprétation du droit de l’Union.

La conséquence directe de la décision a résonné comme un glas parmi les auteurs et les acteurs du monde de l’arbitrage : tous les TBI conclus entre les États membres de l’Union européenne devant en effet désormais être supprimés de l’ordre juridique des États membres. La décision fut ainsi vivement critiquée tant sur le plan du...

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