Éric Dupond-Moretti veut accélérer une justice trop lente

1 000 sucres rapides pour booster la justice

En 2021, un divorce contentieux met en moyenne vingt-deux mois à être jugé, une procédure en droit du travail plus de quinze mois. Le mouvement social des avocats et la crise sanitaire ont encore aggravé ce problème de lenteur. Le ministère de la Justice veut réduire ces délais à six mois.

Pour y parvenir, Éric Dupond-Moretti a annoncé le recrutement de 1 000 contrats courts pour la justice civile : 500 contrats d’un an en appui des greffes et 500 contrats de trois ans (dont 330 juristes assistants et 170 renforts de greffe). Ces contrats, des « sucres ultrarapides » selon l’expression du ministre, budgétisés à 15 millions d’euros, viendront en plus du schéma d’emploi déjà prévu pour 2021.

Si le budget 2021 promet une hausse importante des crédits pour la justice judiciaire (+ 6 %), les créations d’emploi prévues sont en retrait par rapport à l’année dernière (+ 318 emplois en 2021 contre + 384 en 2020, avec moins de magistrats et greffiers recrutés qu’en 2020). Les durées de formation des magistrats (trente et un mois) et des greffiers (dix-huit mois), dont les écoles sont saturées, font que les recrutements pérennes ne sont pas des réponses rapides. Le ministère préfère donc recourir à des contrats courts. Avec la crainte, pour les syndicats, que les sucres rapides aient un goût d’aspartame et aboutissent à une précarisation de la justice.

Réformer la procédure civile

Mais les recrutements ne suffiront pas à réduire le problème. Le ministre a donc missionné un groupe de travail dirigé par Peimane Ghaleh Marzban, président du tribunal judiciaire de Bobigny, qui lui a remis hier 43 préconisations.

Pour réduire les stocks, le groupe ne recommande pas les procédures de juge unique ou sans audience, expérimentées pendant le confinement. Il privilégie plutôt le recours au juge rapporteur, qui permet la collégialité « tout en allégeant la charge collective ».

Autre point, les modes de règlement amiable. Si la médiation obligatoire connaît ses limites, le groupe souhaite favoriser la procédure participative. Dans certaines juridictions, les dossiers dans lesquels une mise en état conventionnelle est mise en œuvre seraient audiencés prioritairement. Le groupe souhaite également favoriser l’expertise amiable, qui pourrait être considérée à l’égal d’un rapport d’expertise judiciaire. L’audiencement des homologations d’accord serait accéléré et les conventions de procédure participative aux fins de mise en état pourraient être rétribuées au titre de l’aide juridictionnelle.

Sur la médiation, le rapport encourage la formation commune de magistrats et d’avocats sur le sujet et souhaite qu’un référent médiation soit nommé dans chaque juridiction.

Le rapport s’appuie aussi sur une expérimentation menée à Paris par la chambre de la propriété intellectuelle de « césure du procès civil ». Après avoir tranché les points de droit qu’il juge pertinents, le juge propose aux parties de se mettre d’accord sur le reste. Le groupe de travail souhaite aussi encourager la présentation en amont des pièces et des conclusions.

Pour le pénal : CRPC, dématérialisation, participation des avocats

En matière pénale, le groupe souhaite favoriser la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CPRC) (Dalloz actualité, 26 mars 2021, reportage A. Bloch). La CRPC serait possible même si le dossier a fait l’objet d’un renvoi par le tribunal, tant qu’il n’a pas été examiné au fond. Un renvoi en CRPC après une information judiciaire serait possible, même en l’absence d’accord de la partie civile, à condition qu’elle soit informée. Le groupe souhaite créer une CPRC au niveau de l’appel, dès lors que l’appel du condamné ne porte que sur la peine (et pas sur sa culpabilité).

Une piste souvent avancée pour résorber les stocks serait de faire participer les avocats à l’activité juridictionnelle. Mais compte tenu du statut de la magistrature, le groupe de travail propose plutôt la piste de l’intégration d’avocats comme « magistrats à titre temporaire ». Ces derniers sont en effet nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Ils pourraient toutefois accéder à plus de missions qu’aujourd’hui.

À noter : contrairement au code de procédure civile (qui est du domaine réglementaire), modifier le code de procédure pénale nécessite souvent de changer la loi. Alors qu’une loi sur les CRPC vient d’être votée, le projet de loi pour la confiance de l’institution judiciaire pourrait être amendé en ce sens.

  

 SYMBOLE GRIS