Exception inhérente à la dette et prescription en droit de la consommation

Voici un arrêt assurément important pour le droit du cautionnement tant le revirement de jurisprudence qu’il provoque est intéressant. On se rappelle que la première chambre civile de la Cour de cassation avait jugé en 2019 que « constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, la prescription biennale prévue par l’article L. 218-2 du code de la consommation » (Civ. 1re, 11 déc. 2019, n° 18-16.147, Dalloz actualité, 6 janv. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 523 image, note M. Nicolle image ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJ contrat 2020. 101, obs. D. Houtcieff image ; Rev. prat. rec. 2020. 14, obs. M. Aressy, M.-P. Mourre-Schreiber et Ulrik Schreiber image ; ibid. 15, chron. F. Rocheteau image ; RTD civ. 2020. 161, obs. C. Gijsbers image). Avant l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, l’article 2313 ancien du code civil ne permettait à la caution que d’invoquer les exceptions qui étaient inhérentes à la dette mais non celles purement personnelles au débiteur. La prescription tirée de l’article L. 218-2 du code de la consommation était, par conséquent, impossible à utiliser par la caution eu égard à ce texte, à la suite de la jurisprudence de 2019. La solution avait fait, à l’époque, couler beaucoup d’encre (v. par ex. les obs. de J.-D. Pellier, La prescription biennale du code de la consommation est une exception purement personnelle au débiteur principal, Dalloz actualité, art. préc.). L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, à la suite du projet proposé par l’Association Henri Capitant, est venue à travers le nouvel article 2298 du code civil condamner pour l’avenir cette décision de manière subtile (v. L. Bougerol, Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Épisode 2) : formation et étendue du cautionnement, Dalloz actualité, 19 sept. 2021). Désormais, peu importe la qualification de l’exception, l’article 2298 nouveau permet à la caution d’invoquer les exceptions inhérentes à la dette comme les exceptions personnelles. Mais rien ne permettait de garantir que la première chambre civile viendrait abandonner sa solution pour les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022, soit avant l’entrée en vigueur de la réforme du 15 septembre 2021. S’inspirant de ce qu’elle a pu réaliser par le passé en matière de rétractation du promettant dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente (Civ. 3e, 23 juin 2021, n° 20-17.554, D. 2021. 1574 image, note Léa Molina image ; ibid. 2251, chron. A.-L. Collomp, B. Djikpa, L. Jariel, A.-C. Schmitt et J.-F. Zedda image ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; AJDI 2022. 226 image, obs. F. Cohet image ; Rev. sociétés 2022. 141, étude G. Pillet image ; RTD civ. 2021. 630, obs. H. Barbier image ; ibid. 934, obs. P. Théry image ; 20 oct. 2021, n° 20-18.514, Dalloz actualité, 17 nov. 2021, obs. G. Tamwa Talla ; D. 2021. 1919 image ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image), la Cour de cassation livre le 20 avril 2022 un arrêt permettant d’aligner sa jurisprudence sur le droit nouveau afin d’éviter les différentes de traitement entre les cautions consécutives à l’application de la loi dans le temps : certaines subissant la jurisprudence ancienne, d’autres bénéficiant de l’ordonnance nouvelle.

À l’origine de l’arrêt se trouve une situation factuelle peu originale. Par acte sous seing privé en date du 22 novembre 2007, une société consent un prêt immobilier garanti par un cautionnement. La banque assigne les emprunteurs et la caution en paiement des sommes restant dues au titre du prêt. La cour d’appel de Lyon sursoit à statuer pour solliciter les observations des parties sur la prescription de la créance de la banque. Une fois lesdites observations recueillies, la cour d’appel a pu juger que la...

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