Fixation judiciaire des honoraires d’avocat : attention aux clauses abusives !
Le contentieux des clauses abusives continue d’occuper la jurisprudence en ce début d’automne (v. égal. CJUE 22 sept. 2022, aff. C-335/21, Dalloz actualité, 3 oct. 2022, obs. C. Hélaine). Il faut bien le rappeler : les avocats sont eux aussi concernés par la protection du consommateur contre les clauses abusives notamment dans les conventions d’honoraires qui permettent leur rémunération. Le déséquilibre significatif de l’article L. 212-1 du code de la consommation n’est jamais bien loin et avec lui la possibilité de réputer non écrites des stipulations contractuelles que l’avocat avait placées afin de s’arroger une prérogative unilatérale. L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 27 octobre 2022 en est une brillante illustration et sa publication au Bulletin démontre l’importance de ce croisement entre droit de la consommation et pratique de la fixation d’honoraires.
Voici une personne physique qui confie le 20 mars 2014 la défense de ses intérêts dans une procédure contre son époux à un avocat. Une convention d’honoraires est conclue entre le professionnel du droit et sa cliente prévoyant un forfait non remboursable de 3 500 € toutes taxes comprises dans le cas où la cliente déciderait de dessaisir son conseil et une clause d’indemnité de dédit prévoyant dans le même cas que l’honoraire restant à courir serait dû et plafonné à 3 000 € toutes taxes comprises. La cliente décide toutefois de mettre fin au mandat ad litem par courriel du 6 octobre 2015, situation confirmée par une lettre du 28 décembre 2015. Le 14 avril 2016, elle conteste les honoraires de son avocat afin d’obtenir le remboursement des honoraires déjà versés en saisissant le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris. Le premier président de la cour d’appel de Paris décide de réputer non écrites les deux clauses de dédit que nous avons citées précédemment en raison de leur contradiction et de l’absence de réciprocité d’une telle possibilité pour la cliente. L’avocat se pourvoit en cassation en reprochant à l’ordonnance d’avoir méconnu les pouvoirs appartenant au premier président statuant en matière de fixation judiciaire d’honoraires.
Le problème est intéressant. Le premier président statuant dans le contentieux de la contestation des honoraires d’avocat peut-il (ou même doit-il) se livrer à l’examen des clauses abusives quand aucune des parties n’a soulevé la difficulté ? Pour la deuxième chambre civile, la réponse est positive, sans nuance. Nous allons étudier pourquoi cette jurisprudence mérite l’attention en ce qu’elle confirme une ligne jurisprudentielle déjà élaborée et en ce qu’elle s’inscrit dans un contrôle juridictionnel toujours plus exigeant, même pour les conventions d’honoraires.
De l’application d’une ligne jurisprudentielle rigide en matière de clauses abusives
Dans le paragraphe 7 de son arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne de 2009 désormais très bien assise dans les différents droits internes (CJCE 4 juin 2009, Panon, aff. C-243/08, Pannon GSM Zrt (Sté) c/ Erzsébet Sustikné Gyorfi (Mme), D. 2009. 2312 , note G. Poissonnier ; ibid. 2010. 169, obs. N. Fricero ; ibid. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; Rev. prat. rec. 2020. 17, chron. A. Raynouard ; RTD civ. 2009. 684, obs. P. Remy-Corlay ; RTD com. 2009. 794, obs. D. Legeais ). On sait que c’est cet arrêt qui...