Isolement et contention en hospitalisation sous contrainte : publication du décret d’application

Après l’abrogation de plusieurs textes du code de la santé publique en juin 2020, le législateur a pu élaborer en décembre dernier une nouvelle mouture des dispositions autour de l’isolement et de la contention en matière de soins psychiatriques sans consentement (L. n° 2020-1576, 14 déc. 2020, de financement de la sécurité sociale pour 2021, Dalloz actualité, 12 janv. 2021, obs. C. Hélaine). Le décret d’application n’était pas encore sorti et de nombreux juges des libertés et de la détention (JLD) s’en inquiétaient notamment pour connaître les modalités pratiques des contrôles et des communications que les nouveaux textes imposent en matière d’hospitalisation sous contrainte. Le contexte reste trouble : nous avons commenté dans ces colonnes il y a quelques semaines la transmission par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité sur ces nouvelles dispositions (Civ. 1re, QPC, 1er avr. 2021, n° 21-40.001, Dalloz actualité, 15 avr. 2021, obs. C. Hélaine). Mais la transmission au Conseil constitutionnel ne devait pas empêcher pour autant la publication du décret sur ces dispositions importantes pour les établissements de santé. Si l’incertitude règne pour l’heure sur le devenir des nouveaux textes, il faut donc se réjouir de connaître les modalités pratiques de la réforme partielle entreprise. Ne restera plus qu’à attendre la publication prochaine des instructions de la Direction générale des offres de soins (DGOS) pour que les praticiens de santé puissent s’adapter à ces nouvelles exigences légales dans le cadre des soins qu’ils prodiguent en matière d’hospitalisation sans consentement. Les textes nécessitent, en effet, une parfaite communication entre les équipes médicales et de direction des établissements de santé et le greffe du JLD pour garantir l’équilibre d’une procédure que l’on sait complexe.

Deux séries d’observations seront faites à propos de ce décret publié le 2 mai 2021 notamment sur les modalités d’information du JLD et sur le déroulement de la procédure.

Modalités d’information du JLD

On se rappelle que la clé de voûte du mécanisme issu de l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 repose sur des conditions de seuils permettant de déclencher l’information du JLD dans le cadre de soins comprenant de l’isolement et de la contention. Auparavant, une incertitude régnait sur la durée de ces soins qui devaient être, certes, d’une durée limitée, mais sans plus de précision. C’est à partir de cette formule jugée ambiguë que le Conseil constitutionnel avait abrogé les dispositions relatives à l’isolement et à la contention.

Rappelons, à ce titre, brièvement que les seuils issus de la réforme de 2020 diffèrent selon la mesure envisagée aux alinéas 1 et 2 de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique :

en ce qui concerne l’isolement, la mesure peut être répétée jusqu’à atteindre quarante-huit heures au maximum quand l’état de santé du patient le nécessite ;
  en ce qui concerne la contention, la mesure ne peut intervenir que pour une durée plus courte, six heures renouvelable jusqu’à atteindre vingt-quatre heures.

Le décret n° 2021-537 vient donc ajouter au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique une section 4 comprenant une sous-section 1 sur les obligations d’information pesant sur les établissements de santé accueillant des patients hospitalisés sous contrainte. 

L’article R. 3211-31-I prévoit ainsi que l’information à destination du JLD se fait « par tout moyen permettant de dater sa réception ». La difficulté repose sur la masse de travail que cette information supplémentaire peut représenter pour les médecins et les établissements hospitaliers. Mais, en tout état de cause, il s’agit de la seule option viable pour pouvoir informer le JLD dans les meilleurs délais : qui de mieux placé que le médecin ayant choisi l’isolement et la contention pourrait faire ceci ? La souplesse du décret repose sur l’expression « par tout moyen » qui devrait éviter de trop surcharger les établissements concernés par les soins psychiatriques sans consentement. La seule limite consiste à simplement à pouvoir dater avec certitude l’information du JLD par le médecin.

Le décret d’application rappelle que l’information du JLD se fait à chaque renouvellement à titre exceptionnel de l’isolement ou de la contention dans « un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la fin de la mesure précédente ». La computation des renouvellements exceptionnels invite ainsi à éviter que le JLD soit informé que de la mesure initiale dépassant les seuils évoqués : un retour de l’information est exigé à chaque fois que ces renouvellements atteignent à nouveau les délais légaux. Ceci permet de garantir le contrôle éventuel du juge sur ces mesures particulières que ce soit dès leur renouvellement originel ou lors d’un renouvellement secondaire. Plus encore, l’information doit également être délivrée lorsqu’en quinze jours, l’un des paliers est atteint par des mesures d’isolement ou de contention de courte durée mais qui ont été prises en série. Le but reste ici de ne pas faire échapper l’information du JLD au sujet de mesures sérielles même si elles ne sont que de courtes durées.

Le contrôle juridictionnel n’étant qu’éventuel (L. Mauger-Vielpau, Soins psychiatriques sans consentement : une nouvelle loi déjà controversée sur la contention et l’isolement, Dr. fam., n° 3, mars 2021, comm. 45), il reste à voir comment le JLD est saisi de la mainlevée d’une mesure.

Procédure applicable devant le JLD

Le décret n° 2021-537 vient également ajouter au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique dans la section 4 une sous-section 2 sur la procédure judiciaire devant le JLD.

L’article R. 3211-32 du code de la santé publique prévoit diverses généralités bien connues mais toujours utiles à rappeler. À l’instar de la mesure d’hospitalisation sans consentement qui leur sert de support, les procédures judiciaires liées aux mesures d’isolement et de contention dépendent du code de procédure civile. D’apparence ultra spéciale, la procédure liée aux mesures d’hospitalisation sans consentement reste dépendante du droit commun de l’instance, sauf exceptions décrites dans le code de la santé publique. La compétence est celle du JLD du ressort dans lequel est situé l’établissement d’accueil du majeur hospitalisé sous contrainte.

En ce qui concerne l’accès au juge, le décret prévoit pour l’intéressé une possibilité de saisir le JLD par requête. Bien évidemment, les circonstances imposent de préciser comment la requête sera déposée puisque, par définition, le majeur est à l’isolement ou empêché de se déplacer par la contention. La requête est recueillie par le secrétariat d’accueil de l’établissement qui l’horodate avec éventuellement la signature du patient. Si tout écrit est impossible (notamment en raison de la contention ordonnée par le psychiatre), le décret permet au directeur de l’établissement de recueillir une déclaration verbale qui devra être consignée sous la forme d’un procès-verbal remplaçant la requête. L’entourage du majeur peut également demander à ce que le JLD soit saisi d’un contrôle de la mesure, comme nous l’avions déjà étudié dans le commentaire de la loi de 2020. Tout l’intérêt des informations au JLD décrites précédemment trouve un écho dans la possibilité qu’a le juge de se saisir d’office, par le biais de l’article R. 3211-37 du code de la santé publique, par application du troisième alinéa du II de l’article L. 3222-5-1 ou du dernier alinéa du I de l’article L. 3211-12.

L’article R. 3211-34 du code de la santé publique prévoit que la requête ou le procès-verbal de demande d’audition sont transmis au greffe du tribunal compétent dans un délai très court, dix heures avec la même possibilité de communication que dans le cadre des informations décrites précédemment, c’est-à-dire « par tout moyen permettant de dater sa réception ». On connaît l’importance de ces délais qui sont contrôlés de manière stricte par la Cour de cassation (Civ. 1re, 8 juill. 2020, n° 19-18.839, Dalloz actualité, 4 sept. 2020, obs. C. Hélaine ; D. 2020. 1465 image).

Le juge dispose alors d’un large panel d’éléments probatoires susceptibles de mieux comprendre la situation dans l’article R. 3211-38 du code de la santé publique : il peut, par exemple, désigner un autre médecin psychiatre pour solliciter son opinion sur la pertinence de la mesure d’isolement ou de contention. Les JLD le savent bien également : ils peuvent se déplacer sur place pour constater l’intérêt de la mesure afin de forger leur opinion. Le décret rappelle cette possibilité plus fréquente hier qu’aujourd’hui.

En ce qui concerne la décision et les voies de recours, on retrouve la rapidité qui est impulsée à toute l’hospitalisation sous contrainte. Le JLD doit rendre sa décision dans les vingt-quatre heures à compter de l’enregistrement de la requête au greffe. Si le JLD n’a pas pu statuer, l’article R. 3211-39 du code de la santé publique prévoit la fin de la mesure d’isolement ou de contention automatiquement ; ce qui incite d’autant plus à une certaine rapidité notamment quand les mesures sont justifiées par le danger que peut représenter le patient pour lui-même ou pour l’équipe médicale.

Quid de la tenue d’une audience ? L’article L. 3211-12-1, I, issu de la loi du 14 décembre 2020 dispense, par exception au principe, de la tenue d’une audience : il s’agit alors d’une procédure purement et simplement écrite. Le JLD peut toutefois décider de recourir à une procédure avec audience. On notera plusieurs dispositions du décret concernant l’audition effective du majeur hospitalisé avec la possibilité de recourir aux moyens de télécommunications (par exemple, une visioconférence) même si l’on sait que beaucoup d’établissements hospitaliers ne disposent pas de l’équipement nécessaire.

Non sans un certain parallélisme, le délai de vingt-quatre heures est également utilisé pour faire courir la possibilité d’interjeter appel. Le majeur tout comme le ministère public disposent de vingt-quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance. Mission dédiée au premier président de la cour d’appel compétente, l’examen de la voie de recours se fera également dans le délai très rapide de vingt-quatre heures à compter de sa saisine.

En somme, le décret d’application joue avec des durées d’une rapidité extrême puisque l’isolement et la contention sont désormais limités à des bornes temporelles très strictes. La réponse judiciaire doit alors être rapide et efficace. Si elle n’agit pas à temps, le décret prévoit la fin pure et simple de la mesure. L’équilibre fragile garanti par la loi de 2020 implique d’être particulièrement vigilant à la décision QPC qui sera rendue prochainement par le Conseil constitutionnel pour savoir le devenir de ces règles. Degré supplémentaire de privation de liberté, l’isolement ou la contention nécessitent une attention de tous les instants non seulement pour les médecins mais aussi pour le juge. Reste à savoir comment ces textes seront reçus par les principaux intéressés.

  

 SYMBOLE GRIS