L’office du juge de la contestation sérieuse de créance est limité à cette dernière !
À n’en pas douter, l’étape de la vérification et de l’admission des créances constitue l’un des contentieux les plus importants du droit des entreprises en difficulté. Ainsi la jurisprudence a-t-elle souvent l’occasion de se prononcer sur l’étendue des pouvoirs reconnus au juge-commissaire dans le cadre de ces procédures.
L’arrêt sous commentaire s’inscrit notamment dans ce mouvement jurisprudentiel.
Bref tour d’horizon des décisions du juge-commissaire
L’éventail des décisions susceptibles d’être rendues par le juge-commissaire en matière de vérification des créances est prévu à l’article L. 624-2 du code de commerce. En l’occurrence, la rédaction de ce texte issue de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 nous intéressera plus spécialement dans la mesure où cette version était applicable en l’espèce.
Le texte prévoyait qu’« au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence ».
Aux côtés de ce texte, la jurisprudence est venue quelque peu affiner le domaine des décisions susceptibles d’être prises par le juge-commissaire. Ainsi a-t-elle ajouté à l’hypothèse du constat d’une discussion relevant de la compétence stricto sensu d’une autre juridiction, celui d’une discussion traduisant un défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, ce qui sera, par la suite, repris par l’ordonnance du 12 mars 2014.
Cette dernière variété de décision du juge-commissaire est indéniablement la plus problématique. Du reste, la difficulté est d’abord sémantique : que devons-nous entendre par un « dépassement de l’office juridictionnel » ?
À ce propos, si le juge-commissaire va pouvoir statuer sur toutes les discussions intéressant les créances déclarées, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut notamment statuer s’il s’élève devant lui une contestation sérieuse qui porterait sur l’existence et le montant de la créance.
C’est dans ce dernier cas qu’il dépasserait son office juridictionnel, car théoriquement le juge-commissaire ne peut statuer qu’en tant que « juge de l’évidence », à la façon du juge des référés. Ainsi a-t-il été jugé que le juge-commissaire commettrait un excès de pouvoir s’il tranchait une contestation échappant à ses prérogatives et relevant du seul pouvoir juridictionnel du juge du fond (v. par ex., Com. 12 avr. 2005, n° 03-17.207).
En réalité, en présence d’une contestation sérieuse, le juge-commissaire doit surseoir à statuer sur l’admission de la créance et inviter les parties à saisir le juge « compétent » pour que soit tranchée la contestation sérieuse (Com. 28 janv. 2014, n° 12-35.048, Dalloz actualité, 12 févr. 2014, obs. A. Lienhard ; D. 2014. 368, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2014. 863, obs. A. Martin-Serf ; 8 avr. 2015, n° 14-11.230), peu important à cet égard que la partie invitée par le juge-commissaire à saisir la juridiction adéquate ne soit pas celle qui ait effectivement procédé à la saisine (Com. 2 mars 2022, n° 20-21.712, Dalloz actualité, 24 mars 2022, obs. B. Ferrari ; D. 2022. 460 ; ibid. 1675, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; RTD com. 2022. 377, obs. A. Martin-Serf ).
À ce stade, peut alors se poser la question de connaître l’office exact du juge de la contestation sérieuse : est-ce que ce dernier, après avoir tranché la contestation, peut se prononcer sur l’admission ou le rejet de la créance litigieuse ? C’est à cette interrogation que répond l’arrêt ici rapporté.
L’affaire
En l’espèce, une société civile immobilière a été mise en redressement judiciaire. Or, une banque, qui avait consenti à cette société une ouverture de crédit, a déclaré une créance ayant été contestée par la débitrice qui en invoquait la prescription.
Saisi de la contestation, le juge-commissaire a jugé cette contestation « sérieuse » en raison de la discussion sur la prescription de la créance et, par conséquent, a retenu qu’elle ne relevait pas de son pouvoir juridictionnel. Ce faisant, il a sursis à statuer sur l’admission de la créance et rappelé que sa décision ouvrait aux parties un délai d’un mois pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion.
Par la suite, le juge de la « contestation...